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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA POLOGNE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Pologne sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Igor Dzialuk, Sous-secrétaire d'État au Ministère de la justice, a notamment fait savoir que son ministère avait créé un organisme autonome chargé de contrôler le respect des principes des droits de l'homme dans les actions du Gouvernement. Les autorités polonaises sont bien déterminées à garantir l'application du principe de non-discrimination dans tous les domaines, et ont créé à cette fin la fonction de «Représentant plénipotentiaire du Gouvernement à l'égalité de traitement». Cette démarche témoigne de l'importance que les autorités attachent à la mise en œuvre de mesures correctives efficaces dans tous les domaines où la discrimination se fait sentir. M. Dzialuk a par ailleurs souligné qu'un programme de prévention de la violence domestique a été lancé en 2006 par la coordination de l'action des services concernés et l'adoption d'une approche multidisciplinaire de ce problème. M. Dzialuk a en outre fait savoir que son gouvernement avait lancé un vaste train de mesures en faveur de l'amélioration des conditions de détention, dont les résultats ont été reconnus au niveau européen.

La délégation polonaise était composée de nombreux représentants des Ministères de la justice, de l'intérieur, des affaires étrangères, du travail et de l'éducation nationale. Elle comptait en outre des représentants de l'Office du Procureur général, du Médiateur (Commissaire à la protection des droits civiques), du Médiateur des enfants et du Représentant plénipotentiaire du gouvernement à l'égalité de traitement. Elle a répondu aux questions du Comité portant en particulier sur l'accès des femmes aux procédures d'interruption volontaire de grossesse; aux enquêtes menées sur les transfèrements et la détention secrète de détenus de Guantánamo; sur les mesures de lutte contre les discriminations et la xénophobie; sur les programmes d'intégration de la communauté rom; sur l'administration de la justice.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 octobre prochain.


Le Comité procédera, cet après-midi et demain matin, à l'examen du quatrième rapport périodique de la Jordanie (CCPR/C/JOR/4).



Présentation du rapport

M. IGOR DZIALUK, Sous-secrétaire d'État au Ministère de la justice de la Pologne, a notamment fait savoir que son gouvernement avait procédé, en mars dernier, à la séparation effective des services du Procureur général du pouvoir exécutif; de même, le Ministère de la justice a créé un organisme autonome chargé de contrôler le respect des principes des droits de l'homme dans les actions du Gouvernement. Ce dernier est bien déterminé à garantir l'application du principe de non-discrimination dans tous les domaines, a assuré M. Dzialuk. C'est dans cet esprit qu'a été créée la fonction de «Représentant plénipotentiaire du Gouvernement à l'égalité de traitement», rattaché aux services du Premier ministre, c'est-à-dire au cœur de l'appareil décisionnel de l'État. Cette démarche témoigne de l'importance que les autorités polonaises attachent à la mise en œuvre de mesures correctives efficaces dans tous les domaines où la discrimination se fait sentir. Après deux ans d'activité, on peut dire que le Plénipotentiaire a apporté une réelle valeur ajoutée à l'action de l'État: d'abord, il a suscité une véritable prise de conscience de la situation de certains groupes soumis à des discriminations – enfants, pères célibataires et autres. Le Plénipotentiaire a également le mérite d'avoir assuré l'inclusion de mesures antidiscriminatoires dans l'action des administrations publiques, du secteur privé, des organisations non gouvernementales, des associations de parents et d'enseignants, notamment. Enfin et surtout, le Plénipotentiaire a rédigé un projet de loi relatif à l'intégration de certaines dispositions du droit communautaire relatives à l'égalité de traitement, un projet adopté en Conseil des Ministres le 31 août dernier.

S'agissant de la situation des minorités nationales et ethniques, M. Dzialuk a assuré que son gouvernement entendait assurer leur pleine intégration au sein de la société polonaise. Ainsi un programme d'intégration des Roms a été lancé en 2004, prévoyant près de 650 initiatives annuelles. Ce programme, organisé en partenariat avec des organisations non gouvernementales, a permis de sensibiliser la population au problème de la discrimination et des inégalités de traitement. D'autre part, les autorités ont pris des mesures pour assurer l'application du principe d'égalité entre les femmes et les hommes tant dans la vie professionnelle que dans la vie privée. C'est ainsi que les postes dans l'administration sont désormais pourvus par concours, le critère de sélection étant la compétence des candidats, indépendamment de leur sexe. Un certain nombre d'initiatives ont par ailleurs été lancées pour améliorer la situation des femmes sur le marché du travail. De l'avis du Gouvernement, toute initiative dans ce domaine, si modeste soit-elle, contribue à l'égalisation des chances des femmes. La Pologne a en outre fortement amélioré la protection des droits de l'enfant. Le Médiateur des enfants a vu ses fonctions renforcées et son mandat étendu. Le Médiateur est désormais habilité à interjeter appel devant la Cour constitutionnelle et de déposer des recours en cassation au nom de particuliers. Il organise de plus des campagnes de promotion des droits de l'enfant et gère une ligne téléphonique d'urgence.

Le Gouvernement accorde par ailleurs la priorité à la lutte contre la violence domestique. Un programme de prévention a été lancé en 2006, sur la base d'une loi adoptée l'année précédente, visant la coordination de l'action des services concernés et l'adoption d'une approche multidisciplinaire de ce problème. Un amendement législatif introduit en 2010 interdit explicitement l'application de châtiments corporels dans le cadre familial. La loi a jeté les bases de la mise en place de systèmes locaux de prévention de la violence domestique. Par ailleurs, le Ministère de la justice prend des mesures pour garantir les droits des victimes de délits. Cette tâche est réalisée en collaboration avec des institutions de la société civile. Seize centres d'assistance aux victimes ont été ouverts au niveau des provinces. La loi détermine en outre les conditions de l'octroi de dédommagements.

M. Dzialuk a enfin fait savoir que son gouvernement avait lancé un vaste train de mesures en faveur de l'amélioration des conditions de détention. Ces mesures ont été couronnées par l'octroi d'un prix européen récompensant les dispositions innovantes dans ce domaine. Elles s'accompagnent d'un durcissement des peines réservées aux auteurs d'actes pédophiles.

Le sixième rapport périodique de la Pologne (CCPR/C/POL/6) indique notamment que des mesures ont été prises pour faire en sorte que les femmes dont l'avortement est autorisé par la loi polonaise puissent mettre fin à leur grossesse sans difficulté. Le médecin peut faire valoir la clause d'objection de conscience pour refuser de pratiquer l'avortement dans les circonstances prévues par la Loi sur la planification de la famille. Dans ce cas, il est tenu d'indiquer à la femme s'il lui est possible de se faire avorter dans un autre service de santé. Il y a lieu de souligner cependant que la clause d'objection de conscience s'applique exclusivement à un médecin donné dans un cas déterminé et ne saurait en aucun cas être appliquée par tout l'établissement de santé conformément au principe de conscience collective approuvé par la direction de l'établissement dans des déclarations générales. Conformément à la législation polonaise, ladite clause ne peut pas être invoquée de manière informelle en raison de l'obligation de tenir des dossiers médicaux en bonne et due forme et d'aviser le supérieur, c'est-à-dire de l'obligation de suivre la procédure prévue par la loi. En cas de non-respect des dispositions pertinentes de la loi, un patient peut signaler son cas au Bureau des droits du patient du Ministère de la santé. L'obligation faite aux administrations centrale et locales d'assurer aux citoyens la liberté d'accès aux méthodes et moyens de procréation réfléchie découle des dispositions de la Loi sur la planification de la famille. L'éducation sexuelle – «Éducation pour la vie de famille» – figure dans les programmes scolaires.

Sur le marché du travail, la situation des femmes est légèrement moins favorable que celle des hommes, reconnaît le rapport polonais. Une mesure a été prise pour aider certaines femmes (celles qui n'ont pas travaillé après avoir donné naissance à un enfant et chômeuses – mères célibataires d'un enfant jusqu'à 18 ans) qui constituent un groupe spécial sur le marché du travail. Ces femmes ont la possibilité de recourir aux instruments d'appui au marché du travail pour retrouver un emploi. Le rapport indique également que les tribunaux se sont prononcés sur des demandes d'indemnisation pour discrimination sur le lieu de travail, en tant que catégorie distincte d'affaires depuis le 1er janvier 2002, et sur des demandes d'indemnisation pour harcèlement depuis le 1er janvier 2004. Le rapport attire par ailleurs l'attention sur les mesures prises pour appliquer le principe d'égalité de traitement en matière d'emploi.

Le rapport indique que la procédure nécessaire à une demande de ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte, qui vise à abolir la peine de mort, est achevée. Il détaille en outre la formation dispensée aux forces de l'ordre et aux fonctionnaires de justice dans le domaine des droits de l'homme, notamment la formation à l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le rapport rappelle par ailleurs que le Gouvernement polonais «nie vigoureusement les spéculations diffusées par les médias confirmant l'existence sur le territoire polonais de prisons secrètes qui seraient utilisées pour la détention d'étrangers soupçonnés de terrorisme. De telles prisons n'existent pas en Pologne et aucun prisonnier n'y est incarcéré en violation de la loi et des conventions internationales dont la Pologne est signataire». À l'heure actuelle, l'affaire de la prétendue détention et du transport illicite de prisonniers en Pologne fait l'objet d'une enquête du Parquet. Le rapport fournit également des informations sur les mesures prises par la Pologne dans la lute contre la traite des êtres humains.

Examen du rapport

Renseignements complémentaires

La délégation polonaise a fourni des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/POL/Q/6/; des réponses écrites figurent également au document CCPR/C/POL/Q/6/Add.1).

La délégation a notamment fait savoir que les tribunaux polonais appliquent de plus en plus souvent les dispositions de la Charte européenne des droits de l'homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les tribunaux reconnaissent en effet la validité des arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme aussi bien que celle des recommandations du Comité des droits de l'homme.

La délégation a aussi expliqué que la lutte contre le terrorisme est orientée par la définition du terrorisme et les dispositions générales du Code pénal. La lutte s'étend aux personnes soupçonnées d'aider des auteurs d'actes de cette nature.

La Pologne a pris des mesures de contrôle des conditions de détention des personnes placées en garde à vue, prévoyant notamment la pose de caméras dans les commissariats. Ces derniers sont aussi soumis aux inspections du Médiateur (Commissaire à la protection des droits civiques). Les plaintes contre des fonctionnaires de police au motif de délits commis par eux sur des détenus donnent lieu à des enquêtes par les autorités compétentes.

Le Gouvernement polonais a pris des mesures couronnées de succès pour lutter contre l'intolérance et la discrimination sexiste, notamment au niveau du contenu des enseignements scolaires: les manuels doivent adopter une démarche didactique à ce sujet. Tous les membres des forces de l'ordre reçoivent un enseignement aux droits de l'homme et sont sensibilisés au problème des attitudes xénophobes, des incitations à la haine raciale et de l'antisémitisme. Par ailleurs, la loi interdit désormais les inégalités de traitement entre hommes et femmes. Le Représentant plénipotentiaire pour l'égalité entre les sexes est aussi chargé de veiller au respect des droits des personnes dites «LGBT» (lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels). À ce propos, Varsovie a vu cette année l'organisation d'une Gay Pride, a souligné la délégation.

Les migrants, généralement originaires de pays voisins, viennent en Pologne pour des durées limitées à quelques mois, a-t-il été précisé, ce qui rend superflue l'organisation de programmes d'intégration à leur intention. Des programmes de soutien scolaire sont cependant mis en place pour les enfants de ces migrants. Des mesures ponctuelles aussi sont prises en faveur de réfugiés tchétchènes. À ce propos, la délégation a indiqué que le Gouvernement polonais a initié des procédures accélérées de traitement des demandes d'asile, tandis que des investissements ont été consentis pour améliorer les conditions de vie dans les centres d'hébergement des requérants, au profit notamment des enfants et des personnes handicapées.

La Pologne applique les directives européennes s'agissant de l'égalité salariale et l'encouragement de la participation des femmes au monde du travail. Ainsi, un congé maternité rétribué a-t-il été instauré en 2008, tandis que le congé paternité existe depuis cette année. Des projets d'autonomisation socioéconomique des femmes ont été lancés dans les régions. À ce titre, il faut mentionner l'organisation par la société civile du «Congrès des femmes polonaises», qui a rassemblé six mille femmes actives dans le monde du travail et de l'enseignement supérieur. Le Congrès a fait des recommandations pour une meilleure intégration des femmes, qui ont été présentées au Parlement. La loi prévoit désormais des mesures concrètes de protection des victimes de violence domestique, a-t-il aussi indiqué, passant en particulier par l'éloignement du fautif, voire son incarcération pour une période pouvant atteindre trois mois.

Il n'est pas possible de préciser le nombre d'avortements illégaux en Pologne, a affirmé la délégation, notant que l'on n'avait toutefois recensé, pendant la période sous examen, aucun décès lié à une interruption volontaire de grossesse. Les moyens contraceptifs ne sont pas remboursés par la sécurité sociale. La Pologne respecte les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme en matière d'avortement afin de remédier aux conséquences médicales potentiellement graves d'une application trop stricte de la loi.

Questions des membres du Comité

Un expert a observé que Convention européenne des droits de l'homme est l'instrument le plus fréquemment cité par la Pologne, en tant que mécanisme régional doté d'un tribunal permettant de régler concrètement les situations de violations. Les dispositions du Pacte sont moins souvent invoquées. Dans ces conditions, dans quelle mesure la jurisprudence du Comité des droits de l'homme est-elle utilisée par les tribunaux polonais, a voulu savoir l'expert. Une experte a demandé la raison de la non-ratification du deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, sur l'abolition de la peine de mort, que la Pologne a pourtant déjà signé.

Un autre expert a observé qu'il n'existe pas, dans le droit polonais, de définition du «terrorisme», mais plutôt des descriptions de comportements assimilables à des actes terroristes. Dans quelle mesure la législation antiterroriste est-elle appliquée ? Les personnes accusées de tels actes ont-elles réellement accès aux mêmes dispositifs d'aide juridique et ont-elles la possibilité d'exercer pleinement leurs droits ?

Un expert a mentionné le programme de lutte contre les actes de nature raciste et xénophobe, et a souhaité des précisions sur les moyens mis en œuvre pour mesurer ses résultats et son efficacité. Un expert a demandé des précisons quant aux types de comportements discriminatoires incriminés par le Code pénal, aux sanctions prévues et à la caractérisation des victimes, en particulier lorsque des groupes particuliers en sont la cible.

Des organisations non gouvernementales font état de la persistance d'une discrimination au motif de l'identité sexuelle, ce qui contredit le rapport soumis par la Pologne et appelle des explications de la part de la délégation.

Une experte a demandé à la délégation de préciser dans quelle mesure les femmes ont effectivement accès aux procédures d'interruption volontaire de grossesse pour des raisons médicales. Elle a observé que des informations font état d'un nombre très élevé d'avortements illégaux en Pologne, soit 150 000 chaque année. Une experte a voulu savoir dans quelle mesure les catholiques pratiquants déterminent l'opinion publique relative à l'avortement. Un expert a aussi relevé le prix élevé des contraceptifs, demandant d'autre part si les médecins polonais ont le droit d'opposer leur objection de conscience à la prescription de contraceptifs.

Un autre expert a observé que si la place des femmes en général dans la société polonaise n'est pas désastreuse, il semble que la parité ne soit pas acquise au sein des institutions politiques. L'État entend-il prendre des mesures pour favoriser activement cette participation? Plusieurs questions ont porté sur l'importante disparité qui demeure dans la représentation et les salaires des hommes et des femmes au sein de la fonction publique

Un expert a voulu savoir de quelle manière les autorités polonaises incriminent les personnes se livrant à la traite des êtres humains, en particulier d'enfants, et si elles protègent les victimes de la traite, en leur accordant des autorisations de séjour, par exemple.

Plusieurs questions ont porté sur la politique d'asile de la Pologne, concernant en particulier le traitement des personnes requérant l'asile, et surtout des mineurs non accompagnés, les conditions de regroupement familial, et l'application du principe du transfert vers le premier pays d'arrivée. D'autres questions du Comité ont porté sur le contenu et le succès des programmes lancés en faveur de l'intégration de la communauté rom et contre la discrimination qui la frappe; sur la méthodologie appliquée pour la lutte contre l'antisémitisme, en particulier quand il se manifeste par des profanations de cimetières.

Des experts ont observé qu'à côté du souhait de l'État d'établir la vérité au sujet de l'appartenance de certains citoyens aux services secrets de l'époque communiste, se pose avec une très grande acuité la question des répercussions de ce processus de purge sur la dignité et la liberté des individus concernés.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions du Comité, la délégation a fait savoir que rien n'empêche les tribunaux de faire appel à la jurisprudence du Comité des droits de l'homme, même si elle est, en effet, moins souvent invoquée que les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme. La Cour constitutionnelle s'est ainsi appuyée, dans une décision récente, sur l'article 25 du Pacte et sur des dispositions de ses Protocoles facultatifs pour déterminer sur l'octroi de droits de recours, témoignant du rôle du Pacte dans le système judiciaire. La meilleure solution serait que les juges en invoquent directement les dispositions, a reconnu la délégation, qui a estimé qu'une telle évolution était probable, compte tenu de la formation qui est actuellement prodiguée aux magistrats pour améliorer leur connaissance encore lacunaire des dispositions du Pacte.

La Pologne dispose bien d'une définition spécifique du terrorisme, introduite dans le Code pénal, mais qui n'a pas encore donné lieu à l'adoption d'une loi ou d'une réglementation spécifique sur le terrorisme. Aussi, les personnes soupçonnées de terrorisme sont-elles soumises aux procédures pénales habituelles. Répondant à des observations et questions de suivi des membres du Comité, la délégation a notamment précisé que les délits de nature terroriste sont définis de manière très générale comme constituant une menace contre les personnes pouvant avoir des incidences sur la stabilité économique ou politique du pays. Les peines prévues sont de cinq ans de réclusion au minimum, sans préjudice de sanctions plus sévères. Depuis leur entrée en vigueur en 2004, ces mesures n'ont jamais été appliquées, faute d'acte terroriste à incriminer, a tenu à préciser la délégation.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a précisé que, suite à des rumeurs concernant des détentions au secret, une commission parlementaire et les services du Procureur général ont réalisé des enquêtes qui n'ont pas confirmé la véracité des faits allégués. L'intégrité des justiciables est d'autre part garantie par la loi. Une enquête est actuellement diligentée par le Procureur général et la Cour d'appel de Varsovie – indépendants du pouvoir exécutif et autonomes – pour déterminer si la Pologne a servi de point de transit ou de destination pour des transfèrements extrajudiciaires de personnes soupçonnées d'actes de terrorisme, et si des actes de torture ont été perpétrés contre ces personnes. La procédure, soumise au secret d'État, très complexe, a permis de recueillir certains éléments de preuve. Des experts ayant par la suite observé que, compte tenu de la gravité potentielle des allégations concernant les transfèrements de détenus de Guantánamo, il serait bon que la Pologne accélère le rythme de l'enquête sur la question, la délégation a souligné qu'il n'était pas possible de prédire le terme ni les résultats de l'enquête sur les détentions secrètes en Pologne. Cependant, étant donné son importance, les autorités mettent tout en œuvre pour en assurer le déroulement rapide.

Sur les questions relatives au racisme et à la xénophobie, la délégation a précisé que le caractère raciste d'un délit constitue une circonstance aggravante. De même, les actes d'incitation à la haine sont-ils passibles de sanctions. La loi autorise des groupes de citoyens à se porter parties civiles pour dénoncer de tels actes. La délégation a indiqué que l'évaluation du programme officiel de lutte contre le racisme et la xénophobie est confiée à une équipe spéciale regroupant des fonctionnaires et des représentants d'organisations non gouvernementales. Les forces de police et les gardiens des cimetières collaborent à la surveillance des cimetières afin d'en assurer la sécurité, a également précisé la délégation.

Répondant à des questions sur la traite des personnes, la délégation a indiqué que le Code pénal incrimine désormais certaines formes d'adoption illégale à des fins lucratives. Une personne victime de la traite des êtres humains bénéficie des mesures de protection prévues par le Code pénal. La loi permet la légalisation du séjour de personnes victimes de crimes sur le territoire polonais. Pour ce faire, il appartient à une victime de contacter les autorités, sa collaboration aux enquêtes n'étant pas exigée et son anonymat étant préservé. Les victimes bénéficient aussi des dispositions d'un programme d'aide au retour.

Les premiers bénéficiaires des programmes d'aide aux réfugiés sont les Tchétchènes. Les mineurs requérants d'asile ou en situation irrégulière sont pris en charge au titre de la loi générale, indépendamment de leur statut au regard de la loi et avant même la prise de toute décision officielle à ce sujet. Le refus du statut de réfugié, selon les termes de la Convention de Genève, peut se justifier si le requérant a commis des crimes de guerre ou contre l'humanité. Le cas échéant, une autre forme de protection peut être envisagée. À défaut, il sera procédé à l'expulsion du requérant. Un certain nombre de centres d'accueil ont été aménagés et rénovés. Le fonctionnement des centres d'accueil et les conditions de vie des personnes qui y sont assignées sont contrôlés par le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés. Le regroupement familial est accordé aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié.

L'ombudsman, en tant qu'autorité indépendante, reçoit les plaintes portant sur le comportement de membres des forces de l'ordre. Il a admis la validité, en 2010, de vingt-deux dénonciations. Le procureur doit alors lancer une enquête s'il juge les preuves suffisantes. S'il estime que ce n'est pas le cas et décide de ne pas donner suite à la plainte, le plaignant peut recourir contre sa décision. La délégation a par ailleurs indiqué qu'il est très rare que des mineurs délinquants soient entendus par les services de police, la loi prévoyant un mécanisme d'audition distinct. Les autorités ont eu connaissance de quatre cas d'aveux extorqués à des jeunes délinquants par des policiers, autant de cas sur lesquels des enquêtes sont diligentées.

Le 1er août dernier a été adoptée une loi qui oblige désormais la police à arrêter une personne suspectée de violence domestique. Cette personne peut-être tenue de quitter le foyer sur seul ordre du procureur, indépendamment d'une procédure judiciaire.

L'application des dispositions de la loi autorisant les femmes de subir une interruption volontaire de grossesse dans certaines conditions est garantie par les autorités. Ces dernières informent les médecins des conditions d'exercice de l'objection de conscience. Le prix des contraceptifs n'est pas prohibitif, a indiqué la délégation. Cependant, les contraceptifs hormonaux ne sont disponibles que sur ordonnance. Plusieurs «pilules du lendemain» sont commercialisées en Pologne. Il s'agit de produits très onéreux. On compterait pas moins de 150 000 avortements illégaux en Pologne depuis l'adoption de la nouvelle loi, aucune statistique officielle n'existant à cet égard. La loi ne s'oppose pas à un avortement suite à un viol ou un inceste, ou si la vie de la mère est en danger.

On compte environ 13 000 citoyens polonais se considérant comme Roms sédentarisés. La loi ne permet pas de collecter des statistiques sur l'origine ethnique des itinérants. Un programme de scolarisation des enfants roms est organisé en vue d'une meilleure intégration et d'une modification de l'attitude de la population envers les Roms. En réponse à d'autres questions, la délégation a expliqué que les programmes d'assistance à la communauté rom sont financés par les autorités locales et par les fonds structurels européens.

La délégation a précisé que la loi protège les citoyens contre la discrimination et les menaces liées à l'identité sexuelle, des mesures de protection étant prévues en matière de travail et de logement, notamment. L'opinion publique est désormais plus sensible au respect des droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels, grâce notamment aux efforts du Représentant plénipotentiaire du Gouvernement pour l'égalité hommes-femmes. Répondant à d'autres questions, la délégation a précisé que la loi polonaise ne reconnaît pas les unions entre personnes du même sexe contractées dans des pays étrangers.

Répondant à une question sur l'abolition de la peine de mort, la délégation a indiqué que le Gouvernement avait entamé les modalités en vue de la ratification du deuxième Protocole facultatif au Pacte.

La Pologne a tenu compte des recommandations formulées en 2004 par le Comité en vue d'une réduction de la durée de la détention provisoire, a indiqué la délégation. Le nombre de personnes placées en détention provisoire a fortement diminué depuis cette date, la Pologne se situant aujourd'hui dans la moyenne européenne.

Les autorités ont également réussi à éliminer la surpopulation carcérale, grâce en particulier à une utilisation plus rationnelle de l'espace disponible et à des modalités alternatives d'exécution des peines, notamment grâce à la surveillance électronique et l'application de peines substitutives en vue de la réinsertion sociale des condamnés. En 2008, seules 29 plaintes de détenus concernant leurs conditions de détention ont été jugées recevables, sur mille déposées.

Répondant à des questions sur la liberté d'expression, la délégation a notamment indiqué qu'un projet de visant à réduire les peines infligées pour calomnie, a été rejeté par le Parlement. Il n'est pas certain qu'un nouveau projet soit adopté. La jurisprudence réglemente l'application de la loi actuelle. Ainsi, la diffusion d'informations par un journaliste autrefois qualifiée de calomnie peut désormais être assimilée à une fonction d'intérêt public.

S'agissant du système judiciaire, la délégation a souligné que les fonctions de juge et de procureur ne ressortissent pas de la même administration en Pologne, contrairement à la pratique française par exemple. La formation des uns et des autres est différenciée. Il a été précisé que le Gouvernement a publié une directive à l'intention des juges relative au mode de calcul des indemnités déterminé par les tribunaux européens. Cette démarche est d'une nature purement informative.

Conclusion

M. DZIALUK, Sous-secrétaire d'État au Ministère de la justice de la Pologne, a déclaré que son Gouvernement estime que le dialogue avec Comité enrichit les efforts qu'il consent en matière de droits de l'homme. M. Dzialuk a assuré les membres du Comité que son pays tiendrait dûment compte de ses recommandations. Il a ajouté que les lois polonaises ne sont pas systémiquement incompatibles avec les dispositions du Pacte et que la Pologne dispose des moyens juridiques de procéder aux amendements qui pourraient s'avérer nécessaires.


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CT10/017F