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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA JORDANIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le quatrième rapport périodique de la Jordanie sur la mise en œuvre, dans ce pays, des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport, M. Malek Twal, Secrétaire général du Ministère du développement politique, a notamment déclaré que la Jordanie s'enorgueillit de ses réalisations depuis qu'elle a entamé son processus de transformation démocratique en 1989. Le pays reste déterminé à accentuer son programme de réforme dans tous les domaines relatifs aux droits de l'homme tout en veillant à la promotion d'une culture des droits de l'homme dans les institutions de l'État et au sein de la population jordanienne dans son ensemble. La Jordanie a connu récemment des progrès importants en matière de droits de l'homme, a déclaré M. Twal, attirant notamment l'attention sur la nouvelle loi sur le statut personnel et civil. En outre, une loi temporaire régissant l'organisation des élections est en vigueur depuis le mois de mai dernier, aux termes de laquelle les scrutins pourront désormais faire l'objet d'une surveillance internationale.

La délégation de la Jordanie était également composée de représentants de la Mission permanente de la Jordanie à Genève, du Ministère de l'intérieur, de la Direction de la sécurité publique, du Ministère du développement social et de la Cour suprême. Elle a répondu aux questions et observations des membres du Comité s'agissant en particulier de la question de la polygamie, des progrès réalisés concernant les garanties dont peuvent jouir les personnes en détention, du respect par la Jordanie de la liberté de religion, des règles applicables à l'apostasie, de la situation concernant la violence domestique, des conditions de la détention préventive et administrative, du traitement des crimes d'honneur.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 octobre prochain.


Le Comité des droits de l'homme entamera cet après-midi, à 15 heures, l'examen du rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/5), qui se poursuivra demain matin. Le Comité devrait, demain après-midi vers 16 heures, se pencher sur ses méthodes de travail.


Présentation du rapport

M. MALEK TWAL, Secrétaire général du Ministère du développement politique de la Jordanie, a indiqué que son Ministère avait été créé en 2003 pour traduire dans les faits l'engagement du pays en faveur de la réforme politique et d'une révision en profondeur de toutes les lois qui régissent la vie politique en Jordanie. Le Ministère joue également un rôle central dans la diffusion d'une culture des droits de l'homme à tous les niveaux, aux côtés d'autres parties prenantes telles que les organisations de la société civile. La Jordanie s'enorgueillit de ses réalisations depuis qu'il a entamé son processus de transformation démocratique en 1989. Le pays reste déterminé à accentuer son programme de réforme dans tous les domaines relatifs aux droits de l'homme tout en veillant à la promotion d'une culture des droits de l'homme dans les institutions de l'État et au sein de la population jordanienne dans son ensemble. La Jordanie a connu récemment des progrès importants en matière de droits de l'homme, a indiqué M. Twal. La nouvelle loi sur le statut personnel et civil a été adoptée le mois dernier après une année complète de consultations avec la société civile. Une loi temporaire régissant l'organisation des élections est en vigueur depuis le mois de mai dernier, aux termes de laquelle les scrutins pourront désormais faire l'objet d'une surveillance internationale. De nombreuses organisations non gouvernementales spécialisées se sont déjà proposées pour cet exercice, s'est félicité M. Twal.

Le quatrième rapport périodique de la Jordanie (CCPR/C/JOR/4) indique les mesures prises afin de renforcer les normes relatives aux droits de l'homme et les diffuser au sein de la société. Pour ce faire, le Gouvernement a eu recours à des programmes de sensibilisation en général et à l'intégration de ces normes dans les programmes scolaires et universitaires du Royaume en particulier, mais également à l'adoption de nouvelles législations ou la modification de législations existantes, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. En outre, les actions menées par les organisations nationales de défense des droits de l'homme ont pris de l'ampleur au cours des dernières années, notamment l'organisation de nombreux forums et ateliers sur les normes internationales relatives aux droits de l'homme, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un grand nombre d'organisations de la société civile, d'associations et de partis politiques en Jordanie se sont également engagés à promouvoir et à consolider les principes relatifs aux droits de l'homme conformément aux normes internationales. En mai 2004, la Charte arabe des droits de l'homme, adoptée lors du Sommet de la Ligue arabe tenu à Tunis la même année, a été ratifiée par la Jordanie et est entrée en vigueur en 2008. En 2006, la Jordanie a également ratifié deux Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant, l'un, l'implication d'enfants dans les conflits armés et l'autre, la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. De même, le Royaume de Jordanie a fait partie des vingt premiers États à avoir ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2008.

Un Centre national des droits de l'homme a été ouvert en 2003. Il publie des rapports annuels sur la situation des droits de l'homme comprenant des recommandations pour la promotion et la protection de ces droits qui sont sérieusement prises en compte par le Gouvernement. L'une des nombreuses tâches du Centre consiste à recevoir les plaintes émanant des citoyens, à les traiter et à en assurer le suivi auprès des autorités compétentes. Le Centre s'est doté d'un groupe chargé des centres de redressement et de réinsertion en Jordanie qui a présenté au Gouvernement plusieurs rapports contenant des recommandations pour améliorer la situation des détenus en application desquelles ce dernier a présenté un plan global prévoyant la construction de nouveaux centres et l'amélioration de l'état sanitaire et psychologique des détenus en général. Enfin, à cet égard, le centre de redressement et de réinsertion d'Al-Jafr a été fermé dans le cadre de la politique de réforme à laquelle le Roi accorde une attention particulière. De nouveaux centres de redressement et de réinsertion conformes aux normes internationales ont ainsi été construits.

La Jordanie a également accompli des progrès dans la poursuite du processus démocratique, notamment en ce qui concerne les lois électorales, les lois relatives aux partis et au renforcement du rôle de la femme dans les domaines politique et parlementaire. Ainsi, un système de quotas de sièges réservés aux femmes a été instauré afin de garantir à celles-ci 5 % des sièges à la Chambre des députés et 20 % des sièges aux assemblées municipales, et ce, en sus des sièges qu'elles pourraient obtenir par le scrutin. Des modifications ont été apportées aux lois relatives à la peine de mort: le nombre des crimes passibles de la peine capitale a été réduit et son application est limitée aux crimes les plus graves. Aucune exécution n'a eu lieu sur le sol jordanien depuis avril 2007. Le Gouvernement jordanien a créé de nombreux services et institutions chargés de la défense des droits de l'homme au sein de plusieurs ministères, dont les Ministères des affaires étrangères, de l'intérieur et de la justice. En outre, la Direction de la sûreté publique a établi un service spécialisé dans le domaine des droits de l'homme qui reçoit les plaintes déposées contre toute infraction commise par les agents de la force publique. Un bureau du Médiateur des droits de l'homme (Al-mazaalem) a également été établi au sein de cette Direction pour traiter les plaintes des citoyens. En outre, un «Comité permanent des droits de l'homme» réunissant plusieurs ministères et autorités compétentes a été créé dans le but de promouvoir les droits de l'homme dans le Royaume, en droit et en fait, et de sensibiliser l'opinion publique à ce sujet. Enfin, un bureau du Médiateur chargé de recevoir directement les plaintes émanant des citoyens et d'en assurer le suivi auprès des autorités compétentes a été mis en place conformément à une loi distincte.


Examen du rapport

Renseignements complémentaires

La délégation a fourni des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/JOR/Q/4/; des réponses écrites figurent dans le document CCPR/C/JOR/Q/4/Add.1).

La délégation a notamment fait savoir que le Pacte a été invoqué dans plus de 160 jugements. Elle a aussi indiqué que le Centre national des droits de l'homme bénéficie d'un statut indépendant. Il est de notoriété publique que le Centre a publié des rapports parfois critiques, mais inestimables, au sujet de certaines mesures gouvernementales. Il s'agit d'une institution dynamique, qui œuvre à la diffusion des principes des droits de l'homme au niveau du pays.

S'agissant des mesures policières ou législatives adoptées dans le cadre de la lutte antiterroriste, la délégation a souligné qu'elles sont destinées à sauver des vies humaines et a assuré qu'elles ne constituent pas des violations des droits de l'homme. Les sanctions contre les auteurs de crimes terroristes sont celles prévues par le Code pénal. Les mesures d'identification de ces délits sont prévues par le Code de procédure pénale. Les juges sont chargés de la supervision de toutes les démarches à cet égard. Les juges et les fonctionnaires de police, qui reçoivent une formation aux droits de l'homme, doivent répondre de leurs actes attentatoires à la loi. Les mesures disciplinaires appliquées le cas échéant sont supervisées par un juge. Les délits terroristes sont du ressort de la Cour de sûreté de l'État, composée magistrats civils et militaires professionnels et dont les décisions sont attaquables devant la Cour suprême, une institution civile. La présomption d'innocence est au cœur du fonctionnement de la justice. Toute personne arrêtée doit être informée de ses droits et bénéficier des services d'un conseil juridique.

Des acquis importants sont à mettre au crédit de la Jordanie s'agissant de l'autonomisation des femmes et de leur participation à la vie politique. Douze femmes au minimum sont élues au Parlement. La Constitution prévoit l'égalité des droits entre les deux sexes, une exigence qui se reflète dans la nouvelle loi sur le statut personnel et civil. La loi constitue un progrès important à cet égard; elle répond à la volonté de promouvoir et d'améliorer les droits des femmes au regard du mariage, du divorce, de la garde des enfants par exemple. Ainsi, le plein consentement de la femme est requis pour la signature du contrat de mariage. La loi autorise la polygamie, qu'elle soumet cependant à des conditions restrictives en vue d'une transformation progressive des mentalités. Une femme est ainsi autorisée à lancer elle-même une procédure de divorce sans le consentement de son conjoint, et la liste des motifs pouvant être invoqués a été élargie. S'agissant du droit de garde, la loi dispose que l'intérêt primordial de l'enfant doit être respecté. La charia prévoit une obligation de médiation entre les parties en conflit; elle sera complétée dans le sens d'une meilleure prise en compte des intérêts de l'enfant.

Les femmes victimes de violence domestique ou autre peuvent trouver refuge et protection dans des foyers créés à l'initiative de la Reine. Huit cent six femmes ont bénéficié de cette protection en 2009. Des mesures sont prises pour mettre à jour la loi en vigueur, en vue d'assurer aux femmes une meilleure protection encore. La délégation a précisé que les crimes dits d'honneur, une manifestation traditionnelle regrettable, sont commis aussi bien par des chrétiens que des musulmans. Ils étaient régis par les dispositions générales du Code pénal, y compris sous l'angle des circonstances atténuantes. La révision de la loi a exclu ces crimes du bénéfice de la circonstance atténuante, moyennant le respect de certaines conditions.

Le Centre national des droits de l'homme, le Comité international de la Croix-Rouge et d'autres organisations de droits de l'homme sont autorisés à faire des visites inopinées dans les prisons et à avoir des entretiens en tête-à-tête avec les détenus, a déclaré la délégation. Le Royaume applique une politique très claire en matière d'interdiction de la torture, qui est érigée en infraction par le droit civil aussi bien que par la charia. Aux termes de la loi, personne ne saurait invoquer l'ordre d'un supérieur pour se justifier d'avoir commis un acte de torture. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est enseignée aux personnels chargés de l'application de la loi et de la justice. Le Code déontologique de la police précise que les agents s'acquittent de leurs fonctions dans le respect des principes des droits de l'homme consacrés par la loi jordanienne et par les instruments internationaux. La délégation a précisé que la Cour d'appel, qui est l'instance judiciaire supérieure en Jordanie, a cassé certaines procédures au motif que les aveux des accusés avaient été obtenus hors de la présence d'un avocat.

Questions des membres du Comité

Un expert s'est félicité de l'action de la Jordanie en matière de statut personnel et civil des femmes. Des difficultés demeurent cependant, a déclaré l'expert, qui a notamment fait part de sa difficulté à comprendre que des membres de l'élite jordanienne bénéficient, relativement à la polygamie, d'un statut différent de celui des autres citoyens. La réponse donnée dans le rapport, qui fait état de la faible proportion de mariages polygames, ne rend pas du tout justice à l'importance du respect de la dignité de la femme et, par extension, de la dignité humaine qui est mise en cause par la polygamie, a déclaré l'expert. Même si le Coran ne pose pas d'interdiction ouverte de cette pratique, il la soumet à une exigence d'équité impossible à réaliser concrètement, a aussi observé l'expert.

S'agissant du divorce, un expert a constaté que la loi «permet» à une femme de demander le divorce, à condition qu'elle soit «consciente» des conséquences de sa démarche: la loi devrait, tout simplement, accorder le droit de demander le divorce indifféremment aux femmes et aux hommes, a observé l'expert. Des éclaircissements ont été demandés sur l'application des lois relatives à la garde des enfants et au paiement des pensions alimentaires, sur le projet de loi régissant la lutte contre les violences domestiques et sur les conditions de transmission de la nationalité.

Un expert a rappelé qu'en 2006, le Comité des droits de l'enfant recommandait à la Jordanie de proroger le mandat du Centre national des droits de l'homme et d'instituer une collaboration officielle entre cette instance et les organes de l'État (police et justice notamment). L'expert a voulu savoir quelle suite avait été donnée à cette recommandation. Il a regretté que le Centre national des droits de l'homme n'ait pas apporté sa contribution indépendante à l'examen du rapport de la Jordanie. D'autres questions restent ouvertes s'agissant du financement de cette instance et du mode de nomination de ses membres. Un autre expert a demandé sous quelles conditions le Centre est habilité à recevoir des plaintes individuelles.

Malgré les démarches juridiques du Gouvernement, il semble que les tribunaux aient encore latitude pour accorder les circonstances atténuantes aux auteurs de «crimes d'honneur». Ceci pose la question de la hiérarchisation des crimes et délits, a-t-il été observé. Le Gouvernement envisage-t-il des mesures de sensibilisation à cet égard?

Un expert a rappelé que la torture est formellement interdite par le Pacte, un principe absolu qui ne souffre d'aucune exception. Il a voulu savoir si les auteurs de violations à ce principe sont poursuivis et si les organisations non gouvernementales sont habilitées à visiter les prisons jordaniennes pour y inspecter les conditions de détention.

D'autres questions ont porté sur le contrôle de la détention administrative, un expert faisant état de rapports d'organisations non gouvernementales selon lesquels six mille personnes sont actuellement détenues à ce titre. De quelles garanties disposent ces personnes? Il a en outre été relevé que des organisations non gouvernementales ont fait état, auprès du Comité, du non-respect du droit des personnes placées en détention administrative de recevoir des traitements médicaux et de consulter des avocats. Un autre expert a demandé des précisions sur la durée de la garde à vue.

Un expert a relevé que la prison pour dette est encore possible en Jordanie, en violation de l'article 11 du Pacte, instrument que le pays a pourtant ratifié sans réserve.

D'autres questions ont porté sur les compétences du Ministre de la justice et sur les stratégies du Ministère du développement politique en matière de renforcement des institutions démocratiques; sur l'indépendance du Médiateur des droits de l'homme et ses relations avec la société civile; sur le statut juridique, l'indépendance, le caractère permanent ou non de la Cour de sûreté de l'État; sur le contrôle de la constitutionnalité des lois.

Dans une deuxième série de questions, un expert a souligné que toutes les limitations de la liberté d'expression au motif de la lèse-majesté sont inadmissibles en vertu de l'article 19 du Pacte.

Un expert a constaté l'absence de toute mention dans le rapport de la Jordanie des mesures prises pour lutter contre les violences et la discrimination sexistes: qu'est-il fait pour éradiquer les stéréotypes sexistes? Les plaintes sont-elles traitées avec le sérieux nécessaire et les victimes sont-elles indemnisées?

Le rapport indique que 2,6 % de la population est chrétienne, 1 % appartenant à d'autres minorités. La loi réserve neuf sièges (sur 120) au Parlement. Trois sièges sont réservés aux Tcherkesses et aux Tchétchènes. Ces minorités reçoivent-elles un enseignement dans leur langue dans les écoles publiques?

Les experts du Comité ont aussi posé des questions sur les droits des apostats au regard de l'héritage, sur la mention de la religion dans les papiers d'identité à la lumière du respect de la vie privée, sur les conditions d'octroi des licences d'exploitation aux médias non électroniques, sur la place des femmes dans l'enseignement supérieur et dans les partis politiques, ainsi que sur les informations diffusées auprès du public s'agissant du Pacte et de ses dispositions.

Réponses de la délégation

Toute personne vivant sur le territoire jordanien a le droit de choisir et de pratiquer la religion de son choix, a assuré la délégation. Il appartient à l'État de protéger cette liberté de culte pour autant qu'elle ne porte pas atteinte à la morale ou à l'ordre public. Cette liberté est confirmée par le Coran, qui fonde la Constitution et les lois jordaniennes. S'agissant des baha'ís, la Jordanie est l'un des pays les plus avancés de la région: ces fidèles ont le droit de pratiquer librement leurs rites, au même titre que les chrétiens par exemple. La Constitution reconnaît toutes les religions monothéistes, a souligné la délégation, qui a toutefois précisé que la religion baha'íe, bien qu'elle de soit pas monothéiste, bénéficie pourtant de la même protection. La Jordanie, qui préconise la modération et le dialogue en toutes choses, y compris au sujet des affaires religieuses, est membre de l'Alliance des civilisations, qui regroupe des pays de toutes les régions et confessions. Le Code civil et la loi sur le statut personnel stipulent que tout ressortissant jordanien de plus de seize ans a le droit d'avoir sa propre carte d'identité, indépendamment de sa religion.

En réponse à une autre série de questions, la délégation a précisé que la Constitution de la Jordanie octroie des garanties pour la liberté de culte; ces garanties appliquées par l'État, a-t-elle assuré. L'apostasie n'est sanctionnée en aucune manière et la charia n'exclut pas la possibilité pour les apostats d'hériter.

Le droit d'association est garanti par la loi. Cependant, les populations du Proche Orient, et donc de la Jordanie, étant très émotionnelles, il n'est pas toujours possible d'autoriser sans réserve les rassemblements publics. On l'a vérifié pendant les événements de Gaza, où la population jordanienne aurait sans doute marché sur Israël si les autorités étaient restées passives, a fait valoir le chef de la délégation.

Par ailleurs, la loi sur les publications et les médias a été amendée: les délits liés aux médias sont désormais jugés par des cours civiles. Une institution de formation des journalistes a été créée. D'autres mesures en faveur des médias seront adoptées dans un avenir proche. La délégation a par la suite indiqué que la Jordanie connaissait une profusion de médias électroniques. Les sites Internet ne sont pas soumis à autorisation préalable.

Les organisations non gouvernementales et organisations de la société civile doivent déposer une demande formelle d'enregistrement auprès des autorités pour autant que leur but ne soit pas contraire à la loi. Sans réponse négative dans les soixante jours, on considère que l'autorisation est accordée. Une réponse négative peut faire l'objet d'un recours. Depuis 2008, une seule organisation non gouvernementale a été déboutée de sa demande: après recours, sa demande a finalement été acceptée, l'été dernier. Les organisations non gouvernementales peuvent recevoir librement des dons de ressortissants jordaniens. Le financement par des non-ressortissants ne doit pas entraîner de troubles de quelque nature que ce soit.

La Jordanie compte par ailleurs dix-huit partis politiques enregistrés. La seule condition en matière d'enregistrement d'un parti est qu'il réunisse au moins cinq cents membres à son congrès fondateur. Les partis sont partiellement financés par l'État, qui finance des programmes concrets de formation et de sensibilisation en faveur de la diversité politique et démocratique. Ces programmes sont cependant dispensés par des experts d'organisations non gouvernementales. Les prochaines élections parlementaires auront lieu au printemps prochain. Elles verront l'application d'un nouveau système de répartition des sièges, plus équitable, et seront, pour la première fois, surveillée par des observateurs internationaux, de l'Europe et des États-Unis. Il n'existe pas de quota de femmes au Parlement. La délégation a par la suite précisé, en réponse à une question, que l'âge minimal d'adhésion à un parti politique sera revu dans le cadre d'une réforme législative de grande ampleur.

La Jordanie considère qu'elle est très avancée en matière de droits des enfants. Le pays a ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant et a lancé de nombreux programmes de protection de l'enfance. Un comité est chargé de la rédaction d'une nouvelle loi sur l'enfance, tandis qu'un deuxième projet de loi a été élaboré en pleine conformité avec les dispositions de la Convention. Le législateur s'est penché sur le travail des mineurs, qui est interdit aux moins de seize ans. Les jeunes gens de moins de 18 ans n'ont pas le droit de réaliser des tâches dangereuses. La loi sur le travail dispose aussi des horaires des mineurs au travail et prévoit des sanctions contre les auteurs de violations de ces principes. La Jordanie a ouvert des abris ouverts aux enfants victimes d'abus, s'agissant notamment de l'exploitation d'enfants à des fins pornographiques. La délégation a annoncé que son Gouvernement, dans le cadre de l'élaboration de son plan stratégique décennal pour les droits de l'homme, entend accorder la priorité aux enfants.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Jordanie ne compte pas de minorités revendiquées.

Répondant aux questions sur la pratique de la polygamie en Jordanie, la délégation a déclaré que la société jordanienne est traversée de points de vue culturels et religieux dont le Gouvernement doit tenir compte dans ses efforts pour remédier aux difficultés qui persistent. Il impose actuellement des restrictions et mesures provisoires pour limiter le nombre des unions polygames. Le Gouvernement s'efforce en outre de mieux définir la «polygamie» dans la jurisprudence. Cette démarche passe par une interprétation active du Coran, afin de faire prendre conscience au mari de la mesure de ses responsabilités dans un mariage polygame. La délégation a expliqué par ailleurs que la question de l'héritage, telle que traitée par le Coran, est très complexe. La loi sur le statut personnel et civil, formulée de manière très précise et adoptée il y a quelques semaines seulement, a précisément pour ambition de donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dont le principe fondamental est celui de la garantie du respect des droits des femmes et de la légalité. Elle constitue un important progrès en ce qu'elle réglemente strictement l'éradication des répercussions négatives de la polygamie et qu'elle protège les épouses.

S'agissant du divorce, il a été observé que la femme dispose à cet égard de droits identiques à celui du mari. Le contrat de mariage peut stipuler des mesures de protection de leurs intérêts respectifs. Un homme qui demande le divorce au titre de la loi religieuse doit assumer les frais financiers de sa démarche, en termes d'indemnisation et de prestations aux enfants. Les femmes n'ont, par contre, pas d'obligation financière envers le mari dont elles ont obtenu le divorce.

L'âge du mariage est fixé à 18 ans, a-t-il été précisé. Un principe d'exception peut être invoqué: il appartiendra alors aux mineurs (de plus de quinze ans) concernés et à leur famille de donner leur consentement et à un juge son autorisation de contracter un mariage dérogeant à cette norme.

La délégation a décrit les différents mécanismes permettant de contrôler le respect des droits de l'homme par les agents de l'État, à commencer par le Centre national des droits de l'homme, organe dont les membres sont désignés et révoqués par le Roi, le Ministère de l'intérieur n'ayant aucune autorité en la matière. Le Centre est donc indépendant. Le Conseil d'administration est composé pour moitié de membres issus de la société civile. Son financement est assuré par une ligne budgétaire du Ministère du développement politique; il bénéficie aussi des financements de bailleurs de fonds internationaux. Ses importantes missions en matière d'observation d'élections sont financées par la communauté internationale. À ce titre, il est notamment chargé de la formation des observateurs nationaux (trois mille à ce jour). Le Centre envoie des rapports hebdomadaires au Gouvernement et à la Commission électorale nationale. La délégation a confirmé que le Centre est habilité à entendre des plaintes de citoyens, ou plutôt à les lire, puisque la majorité d'entre elles lui parviennent par courriel ou par télécopie.

Autre mécanisme de contrôle, le Médiateur des droits de l'homme a été créé en 2005 au sein de la Direction de la sûreté publique. Il s'agit d'une institution autonome, dotée de compétences similaires à celles d'un procureur. Le Médiateur a pour fonction d'assurer le suivi d'éventuelles violations des droits de l'homme et des agents de l'État. Le Médiateur a lancé, en 2009, plus de 300 initiatives conjointes avec la société civile: ateliers et séminaires de formation aux droits de l'homme, lancement d'une campagne de deux ans, destinée au grand public, en vue de sa sensibilisation aux droits de l'homme et aux droits fondamentaux.

La même année, le Médiateur a organisé 869 visites de prisons, certaines inopinées, afin de contrôler que les détenus ne sont victimes ni de mauvais traitements, ni de torture, ni de mesures coercitives. Le Médiateur a reçu près de 400 plaintes pour mauvaise traitements ou traitements dégradants. Dix ont donné lieu à des poursuites, six sanctions ayant été prononcées. Il existe donc des cas d'abus, comme dans d'autres pays: ces abus ne sont pas représentatifs du fonctionnement des institutions et les autorités ont à cœur de les punir, a assuré la délégation. Les centres de détention font par ailleurs l'objet de visites régulières du Centre national des droits de l'homme et du Comité international de la Croix-Rouge, qui soumettent des rapports et recommandations périodiques aux autorités. La délégation a indiqué enfin que le Procureur général est également doté de pouvoirs de contrôle et de correction des abus de droit dans les centres de détention.

La délégation a précisé encore que la Cour de sûreté de l'État est composée de juges civils et militaires nommés en fonction de leur compétence et qui exercent en toute indépendance. Ces magistrats reçoivent une formation permanente. Aucun d'entre eux n'a jamais été démis de ses fonctions avant son départ à la retraite ni n'a fait l'objet de représailles administratives pour ses prises de position. Les jugements de la Cour peuvent faire l'objet d'appel devant la juridiction civile suprême.

Le Conseil de la magistrature est chargé de la gestion de la carrière des magistrats. Le Code de procédure pénale a été amendé en 2009 dans le sens de l'interdiction de la mise en détention systématique lors d'une poursuite pénale: cette décision est désormais laissée à l'appréciation du magistrat instructeur. Toute arrestation doit être motivée par un mandat. Le soupçon d'obtention d'aveux par la torture dans les lieux de détention entraîne systématiquement l'ouverture d'une enquête.

La loi sur le terrorisme, promulguée à la fin 2006, a pour objet de prévenir la commission d'actes terroristes. Elle ne confère aucun pouvoir d'exception aux agents de la force publique. Elle n'a d'ailleurs jamais encore été appliquée à un cas concret. Les affaires en cours relèvent du seul droit pénal. Les services de renseignement jordaniens s'acquittent pour leur part de leur mission dans le respect de la loi, a assuré la délégation. Des organisations non gouvernementales sont chargées de leur prodiguer un enseignement aux droits de l'homme, s'agissant notamment du traitement des personnes détenues.
Les autorités ambitionnent de mettre en place la législation indispensable pour lutter contre la violence à l'égard des femmes. Des dispositions existent déjà à cet égard dans le Code de la famille et le Code pénal. Des études systématiques montrent que les dénonciations font l'objet d'enquêtes sérieuses. Des services de recours et de soutien ont été créés au niveau des provinces, y compris des centres d'accueil et des centres de médiation des conflits familiaux. Des ateliers ont été organisés pour améliorer les compétences des travailleurs sociaux et du personnel médical.

Répondant à des questions de suivi, la délégation a précisé que l'âge de la responsabilité pénale a récemment été porté de 7 ans à 12 ans, suite à une recommandation du Comité contre la torture.

La délégation a également précisé que certaines femmes peuvent être placées en détention administrative à titre de mesure de protection. Les avocats ont le droit de demander aux juges de réviser les conditions de détention administrative de leurs clients.

La délégation a aussi rappelé que, si l'État doit assumer la responsabilité de donner l'exemple du changement en matière de comportements sociaux, il demeure que la société jordanienne est encore très ancrée sur la famille, et sur la résolution des conflits dans ce contexte.

Le chef de la délégation a fait savoir que toutes les questions posées feraient l'objet d'un examen scrupuleux par le Gouvernement de la Jordanie. M. Twal a indiqué qu'il a été chargé par le Gouvernement de mettre en place un programme décennal complet en vue de la pleine réalisation des droits de l'homme en Jordanie d'ici vingt ans. Il a par ailleurs indiqué que son pays s'efforce désormais de rendre avec plus de ponctualité ses rapports aux organes de traités.


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CT10/018F