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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA HONGRIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné hier après-midi et ce matin le rapport périodique de la Hongrie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. Levente Székely, Chargé d'affaires à la Mission permanente de la Hongrie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a rappelé en préambule la catastrophe écologique qui vient de frapper son pays et qui explique la composition plus limitée de sa délégation, le Gouvernement étant mobilisé par des tâches urgentes. Il a notamment attiré l'attention du Comité sur la lutte contre la discrimination et le racisme, évoquant notamment la dissolution de la «Garde hongroise», ou Magyar Gárda. Cette organisation d'extrême droite a été dissoute en 2009, a fait valoir le représentant, qui a toutefois ajouté qu'elle s'est formée de nouveau sous un autre nom. Face à ce défi, le Gouvernement s'est donné les moyens législatifs de poursuivre toute personne ayant des menées relevant de la reconstitution de fait d'une organisation dissoute. Évoquant la situation des minorités, le représentant a fait part en particulier de la politique d'inclusion des Roms qui va dans le sens de l'intérêt même du pays dans son ensemble.

La délégation hongroise également était composée de plusieurs représentants du Ministère de l'administration publique et de la justice, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'économie et du développement national et du Ministère des affaires étrangères. Elle a répondu à de nombreuses questions sur la situation des Roms et autres minorités nationales, ainsi que sur les question concernant la détention préventive, la prévention et la répression des crimes de haine, l'interdiction du négationnisme historique nazi et communiste, la lutte contre le terrorisme.

Le rapport de la Hongrie était le dernier au programme de cette centième session du Comité. Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 octobre.


À sa prochaine séance publique, mercredi après-midi à 15 heures, le Comité reprendra l'examen de son projet d'observation générale sur l'article 19 du Pacte, relatif à la liberté d'opinion et d'expression.


Présentation du rapport

M. LEVENTE SZÉKELY, Chargé d'affaires à la Mission permanente de la Hongrie, a indiqué que la catastrophe écologique ayant frappé son pays avait empêché l'envoi d'une délégation complète à Genève. Nombre de fonctionnaires de haut niveau sont en effet mobilisés par ce drame de grande ampleur.
M. Székely a ensuite évoqué l'évolution de la situation politique à la suite des récentes élections, soulignant en particulier qu'il y a une majorité suffisante au Parlement pour amender la Constitution. Il a notamment fait valoir que le projet de nouvelle constitution vise à renforcer encore davantage la protection des droits de l'homme. Évoquant la question de la lutte contre la discrimination et le racisme, il a souligné les initiatives récentes du gouvernement, en évoquant en particulier le cas de la «Garde hongroise» (Magyar Gárda), organisation d'extrême droite dissoute en 2009 et qui s'est reformée sous l'appellation de «Nouvelle Garde hongroise» (Új Magyar Gárda). Le Gouvernement a aussitôt réagi en adoptant une législation lui permettant de poursuivre toute personne ayant des menées déclarées illégales par une décision de justice dans le cadre de la dissolution d'une organisation civile.

Le représentant hongrois a fait part de la «politique d'inclusion des Roms» qui va dans le sens de l'intérêt même du pays dans son ensemble, a-t-il souligné. Il a rappelé l'appartenance de son pays à l'Union européenne qu'elle présidera au premier semestre 2011. La préservation de la diversité de l'héritage européen commun ainsi que l'intégration des communautés roms devraient être les priorités de la présidence hongroise, a-t-il dit.

M. Székely a par ailleurs rappelé que son pays avait été élu l'an dernier au Conseil des droits de l'homme, dont il est un membre particulièrement actif. La situation en Hongrie sera étudiée en mai 2011 lors de la onzième session de l'Examen périodique universel du Conseil des droits de l'homme.

Le représentant a enfin rappelé le rôle joué par son pays comme acteur majeur du Forum des droits de l'homme de Budapest qui, a-t-il dit, est suivi avec un grand intérêt par les organisations internationales. En outre, l'an dernier, la Hongrie a annoncé son intention de mettre sur pied un centre pour la prévention internationale du génocide et des atrocités de masse. Son objectif principal est de mettre au point un mécanisme de prévention afin de réduire le fossé existant entre les signes avant-coureurs et les signes patents de situations susceptibles de mener à un génocide, a encore précisé M. Székely.

Le cinquième rapport périodique de la Hongrie (CCPR/C/HUN/5) précise que depuis la présentation du quatrième rapport, le Parlement a adopté en 2003 la loi sur l'égalité de traitement et la promotion de l'égalité des chances, qui interdit tout type de discrimination et vise à mettre en œuvre le principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique. Au lieu d'interdire la discrimination, la loi a introduit la règle de l'égalité de traitement. Cette loi spécifie cinq types différents de comportements qui peuvent être considérés comme des violations de la règle de l'égalité de traitement: la discrimination directe et indirecte, le harcèlement, la ségrégation et enfin la «victimisation» (pression pour dissuader une victime de discrimination de porter plainte). Une Autorité pour l'égalité de traitement a été créée et fonctionne depuis 2005. En 2007, l'Autorité pour l'égalité de traitement a reçu 756 plaintes, précise le rapport, la discrimination fondée sur l'appartenance ethnique demeurant la catégorie de cas la plus importante. On trouve également des allégations de discrimination en matière d'accès à l'emploi et aux biens et services. L'Autorité a constaté la violation du principe de l'égalité de traitement dans 29 cas et, dans 14 de ces cas, a infligé une amende à la partie ayant commis la violation. Concernant la torture et les mauvais traitements, selon les statistiques disponibles pour 2007, une action en justice a été engagée dans 139 cas au titre d'infractions qui auraient été commises contre des détenus (commises soit par d'autres détenus, soit par le personnel des prisons). Quatre-vingt-quatorze des actions de ce type, soit les deux tiers, ont donné lieu à une inculpation cette année-là.

Le Gouvernement a adopté en 1995 un décret sur les mesures spéciales en faveur de l'intégration des Rom. Plusieurs programmes ainsi qu'un «plan stratégique» ont suivi les années suivantes. Le rapport pointe du doigt le rôle parfois négatif joué par des médias en quête de sensationnel et qui contribuent à alimenter les préjugés racistes. Le Bureau du Commissaire parlementaire aux droits des minorités nationales et ethniques a ainsi a reçu de nombreuses plaintes alléguant que les médias avaient porté atteinte à la dignité de la communauté rom de Hongrie en véhiculant de fausses images des Rom et qu'ils étaient également capables d'inciter à la haine. S'agissant de la non-discrimination à l'égard des étrangers, l'ensemble du cadre juridique régissant la migration et l'asile a été refondu en 2006 et 2007, essentiellement pour l'harmoniser avec la législation communautaire. Les gardes frontière coopèrent systématiquement avec les organisations internationales, les organisations hongroises de défense des droits de l'homme et les organisations religieuses qui contribuent à améliorer les conditions de rétention et de vie des personnes retenues, et à faciliter l'application aux étrangers des garanties prévues par la loi. D'une manière générale, la Constitution et la loi sur les minorités stipulent que celles-ci ont le droit d'établir leurs propres administrations autonomes, organes élus représentant les intérêts d'une minorité nationale ou ethnique donnée aux niveaux local, régional ou national. En 2006, ce sont au total 2045 administrations autonomes des minorités qui ont été élues sur le plan local. Il n'existe pas actuellement en Hongrie d'université indépendante pour étudiants appartenant aux minorités du fait essentiellement de l'effectif et de la dispersion géographique des populations minoritaires. La formation à l'enseignement aux minorités nationales couvrant l'ensemble de l'enseignement public n'existe que dans le cas des langues allemande, slovaque et croate.

S'agissant des efforts menés en faveur de la parité entre hommes et femmes, le Gouvernement a créé le Conseil pour la représentation des femmes afin d'accélérer la promulgation de lois et l'exécution de programmes d'action visant à promouvoir l'égalité des chances pour les femmes et favoriser la participation des organisations non gouvernementales représentant les intérêts des femmes. Par ailleurs, le Ministère des affaires sociales et du travail a mis en chantier un Plan stratégique national pour l'égalité des sexes 2009-2020. Le Programme national pour les personnes handicapées se concentre sur les mesures à prendre pour faire évoluer dans le bon sens l'attitude de la société à l'égard des personnes handicapées, ces dernières ayant trop longtemps été des citoyens invisibles en Hongrie. Le Programme, lancé en 2006, insiste sur l'importance de l'éducation. Un Conseil national sur le handicap a en outre été créé.

Examen du rapport

Renseignements complémentaires

La délégation hongroise a fourni des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/HUN/Q/5); des réponses écrites figurent dans le document CCPR/C/HUN/Q/5/Add.1, disponible en anglais).

La délégation a en particulier souligné que plusieurs dizaines de plaintes étaient déposées tous les ans au sujet de crimes de haine et de violences extrémistes. Plus de 90% de ces plaintes sont classées sans suite. S'agissant de l'organisation illégale Garde hongroise (Magyar Gárda) qui est réapparue sous un nom similaire, la police compte parmi ses priorités la lutte contre ses menées.

La délégation assuré par ailleurs que son gouvernement était «très actif» pour promouvoir la communauté rom et favoriser son intégration. Un programme existe notamment pour l'incorporation de policiers roms ou pour la formation et l'embauche de membres de cette communauté dans les médias publics.

S'agissant de la violence contre les femmes, la délégation a souligné que ces actes dans le cadre domestique et familial ne faisaient pas l'objet de lois spécifiques. Toutefois, des lignes téléphoniques ont été mises en place afin de permettre aux victimes de se manifester et de pouvoir trouver refuge dans des centres d'accueil temporaire pour une durée allant de quelques jours jusqu'à deux mois au maximum, le temps de trouver une solution, y compris la mise à disposition d'un appartement pour une durée pouvant aller jusqu'à cinq ans.

La délégation a évoqué par ailleurs le problème posé par les «stérilisations d'urgence» qui, désormais, ne peuvent plus se faire sans le consentement de la personne intéressée. En ce qui concerne les préoccupations exprimées s'agissant de la sévérité des peines prévues par la législation antiterroriste, la délégation a souligné qu'il ne s'agissait pas d'un problème majeur dans le pays en dehors de quelques actes commis par de rares groupuscules antigouvernementaux.

Questions des membres du Comité

Des membres du Comité ont souligné le caractère inégal des réponses de la Hongrie aux questions écrites qui lui ont été adressée, et parfois l'absence totale de réponse, ce qui est tout à fait inhabituel et rend «très compliqué» le dialogue entre le Comité et l'État partie et sa préparation. Ainsi, un expert a relevé que la Hongrie n'avait pas fourni les statistiques demandées s'agissant des actes à caractère raciste. Il s'est demandé comment le pays pouvait respecter ses obligations internationales sans disposer de telles données, sous prétexte de respect de la vie privée, comme il a été répondu. Il a remarqué que les organisations non gouvernementales étaient en mesure, elles, de fournir de telles informations.

S'agissant du cadre général d'application du Pacte, une question a été posée sur la création d'une institution des droits de l'homme cohérente et unifiée, l'expert s'étonnant que la délégation hongroise ait pu affirmer que le système en vigueur sur son territoire était «plus ou moins conforme aux Principes de Paris».

Un expert a exprimé l'espoir que la politique d'intégration des Roms ne visait pas, au bout du compte, à homogénéiser la société. Un expert s'est aussi inquiété du programme d'éradication d'une centaine de «ghettos gitans» prévu par les autorités, souhaitant voir confirmé que toutes les garanties seront offertes aux Rom dans leur relocalisation et en concertation avec eux.

Sur la question des minorités, un membre du Comité a relevé qu'une période d'un siècle de présence sur le territoire hongrois a été fixée pour reconnaître le statut de minorité, et a exprimé l'espoir que la prochaine Constitution établirait des critères moins restrictifs à cet égard.

Il a regretté que les questions relatives au logement et au droit à la santé n'aient pas reçu de réponses. Il a enfin évoqué le problème posé par les stérilisations pratiquées sans information suffisante de la personne concernée, demandant si des sanctions avaient été prises, conformément aux recommandations de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) en 2006.

En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, une experte a demandé quelles étaient les peines encourues pour soutien à un groupe terroriste et quelles étaient les définitions qui s'appliquaient en la matière.

Plusieurs experts se sont inquiétés du nombre important de détentions provisoires, qui dépassait récemment 4500 et était susceptible d'augmenter, selon la délégation elle-même. Certains experts se sont aussi interrogés sur le régime de la garde à vue en Hongrie, s'agissant notamment de la possibilité d'avoir accès à un avocat. Une experte a attiré l'attention sur le fait qu'une personne mise en cause pouvait demander un enregistrement vidéo de son interrogatoire, mais à condition d'en payer les frais. Elle a souligné que si cela ne pause sans doute aucune difficulté pour certains criminels, les personnes sans ressources n'auraient probablement pas les moyens de payer. Elle a demandé la suppression de cette disposition.

Des membres du Comité ont en outre souhaité connaître les alternatives à l'incarcération qui sont prévues par la législation, compte tenu en particulier de la surpopulation carcérale. Une question a également été posée concernant l'indépendance de la justice, notamment pour ce qui est de la composition du Conseil national du judiciaire.

Un membre du Comité a évoqué la situation des demandeurs d'asile et les conditions déplorables dans lesquelles ceux-ci seraient détenus.

Un expert s'est étonné du flou entourant la définition des crimes du régime communiste, ceux-ci pouvant apparemment être classés dans la catégorie relevant de la négation de génocide, passible de poursuites. Il a fait part de sa perplexité sur la question de savoir si la législation résistera à l'examen de la Cour constitutionnelle, comme le problème s'est posé avec la loi sur l'incitation à la haine raciale. L'expert a dit ne pas saisir l'équivalence qui semble avoir été décrétée entre la répression du soulèvement de 1956 et la déportation et l'extermination des juifs et des Tsiganes pendant la guerre.

En fin de séance, la délégation a été priée de fournir par écrit, dans les 48 heures, des réponses aux questions du Comité sur les points restés en suspens. En particulier, une experte s'est inquiétée de l'impunité dont semblent jouir les membres de l'ex-«Garde hongroise», officiellement dissoute, et que les forces de l'ordre semblent fermer l'œil sur leurs activités, notamment contre les Roms. Un autre membre du Comité a demandé des précisions sur la représentation parlementaire des minorités.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions du Comité, la délégation a tenu à souligner que les réponses écrites fournies par la Hongrie avaient été formulées avant le changement de gouvernement.

S'agissant de la situation des Roms, qui constitue la principale minorité du pays, la délégation a déclaré que d'importantes ressources ont été accordées à cette communauté pour son développement culturel, et des enseignants ont été formés pour permettre aux enfants roms de recevoir une éducation dans leur langue. La délégation a néanmoins reconnu des insuffisances dans le suivi et l'organisation, précisant qu'il demeure d'importantes lacunes en matière de collecte des données ethniques. Elle a expliqué que ce sont les personnes des milieux défavorisés au sens large qui sont visées par les mesures d'aide; la Hongrie consacre d'importantes ressources dans le domaine du développement social mais ignore les retombées de son action, particulièrement en ce qui concerne les Roms. Un programme spécifique de sensibilisation de la police est en cours afin qu'elle se montre plus ouverte face à cette catégorie de citoyens; par ailleurs, la priorité a été donnée au recrutement de Roms dans les forces de l'ordre.

La délégation a assuré le Comité que des mesures avaient été mises en place afin de garantir que ne se reproduiront plus les dérives des traitements médicaux forcés, en particulier la stérilisation dont des femmes roms ont été victimes par le passé, a poursuivi la délégation. Elle a aussi fait valoir que le cahier des charges des médias prévoit en particulier la préservation des langues minoritaires. «Nous ne voulons pas assimiler les Roms, nous voulons les intégrer», a assuré la délégation.

Répondant à des questions complémentaires sur la promotion de la communauté rom, la délégation a notamment souligné que pour réussir, les mesures de relogement devaient s'accompagner de mesure d'aide pour trouver un travail. Elle a aussi reconnu que la relocalisation était parfois problématique avec le nouveau voisinage.

Sur la question plus générale de l'ensemble des treize minorités que compte la Hongrie, leurs droits devraient être mieux pris en compte dans la future Constitution, a déclaré la délégation. Elle a toutefois attiré l'attention sur la difficulté de parvenir à un consensus, les minorités n'étant pas nécessairement d'accord entre elles, des différends pouvant même exister au sein d'une même communauté, comme c'est le cas avec les Rom.

Répondant aux questions du Comité sur la déclaration de l'écrivain et Prix Nobel de la paix Imre Kertész à un hebdomadaire allemand, qui aurait dit «préférer vivre à Berlin qu'à Budapest en raison de l'antisémitisme qui règne en Hongrie», la délégation a souligné que l'écrivain s'est installé en Allemagne il y a longtemps et pour des raisons étrangères à la prétendue résurgence récente de l'antisémitisme. La Hongrie compte d'ailleurs l'une des communautés juives les plus florissantes d'Europe, a-t-elle affirmé.

S'agissant de la détention préventive, la délégation a reconnu le retard de son pays en matière de célérité de la justice, une durée de quatre années étant courante entre l'ouverture d'une enquête et son aboutissement devant un tribunal par un jugement. La délégation a reconnu que la Hongrie était un peu «à la traîne», non seulement par rapport aux critères internationaux mais aussi en vertu de sa propre législation. Quant à la surpopulation carcérale, elle n'est pas généralisée, certains centres de détention étant même loin d'être pleins.

Il a été précisé que le budget du bureau commun des quatre commissaires parlementaires ou médiateurs chargés de toutes questions relatives aux droits de la personne s'élève à 5,8 millions d'euros, pour un personnel total de 146 personnes. La délégation a reconnu un manque de ressources humaines, évoquant la situation difficile due à la crise économique. S'agissant du respect par la Hongrie des Principes de Paris, elle y seulement satisfait partiellement, a-t-il été reconnu, notamment du fait que plusieurs institutions publiques traitent des droits fondamentaux et non pas une organisation unique. Il n'y a toutefois pas de lacune en matière de respect de ces droits, du moins sur le plan constitutionnel. La délégation a reconnu des «chevauchements» dans les tâches des médiateurs, ce problème étant atténué par la collaboration établie entre eux. Ils ont pour tâche de sensibiliser l'opinion publique aux droits de l'homme. Les lacunes dans la réglementation hongroise concernent notamment la participation des ONG qui n'est pas systématique. Mais par exemple, celles-ci ont leur mot à dire dans la nomination des membres de l'organe indépendant chargé de recueillir les plaintes. Ces institutions, en outre, répondent uniquement devant le Parlement et ne sont pas soumises au gouvernement. La délégation a reconnu toutefois l'indépendance relative de l'Autorité pour l'égalité de traitement dont le président par exemple peut être démis à tout moment par le premier ministre. Toutefois, son indépendance financière est garantie par l'utilisation libre de son budget, une fois celui-ci voté par le Parlement sur proposition du gouvernement.

La délégation a indiqué que la négation de génocide quel qu'il soit était un délit passible de poursuites, la peine encourue pouvant atteindre 3 ans d'emprisonnement. La négation des crimes du régime communiste est aussi passible des tribunaux, comme le fait, par exemple, de qualifier de «contre-révolution» le soulèvement populaire de 1956, moment clé de l'histoire contemporaine du pays. Par ailleurs, s'agissant de l'utilisation des médias dans des campagnes pouvant être assimilées à des incitations à la haine, comme le problème s'est posé dans un passé récent et qui visait les Rom, la question est en débat dans le pays: le problème en effet est de concilier la liberté d'expression avec l'interdiction d'inciter à la haine. Répondant à des questions complémentaires, la délégation a souligné la gravité des crimes du communisme, tout en reconnaissant que la qualification de génocide était sujette à débat. La délégation a contesté que l'on puisse minimiser l'assassinat de dizaines de millions de personnes par un régime, simplement en raison du fait que celui-ci n'était pas nazi – citant en particulier la famine organisée en Ukraine dans les années trente par Staline. Elle a d'ailleurs noté que les autres pays anciennement communistes avaient des législations – ainsi qu'une sensibilité - similaires à celle de la Hongrie à cet égard.

S'agissant de l'égalité des sexes, la Hongrie a obtenu de bons résultats en matière d'éducation ou de santé, même si les femmes demeurent effectivement sous-représentées en politique. Le salaire moyen de la femme est à 84% de celui de l'homme, ce qui n'est pas si mal en comparaison d'autres pays européens, a noté la délégation. Et il y a désormais les femmes titulaires d'un diplôme universitaire sont désormais plus nombreuses que les hommes. S'agissant du viol conjugal, si celui-ci n'a certes pas d'existence légale spécifique, il est toutefois passible de poursuite en tant que violence sexuelle au sens large.

Répondant aux questions du Comité sur l'éducation des enfants roms, la délégation a fait valoir le changement de mentalité des enseignants qui accusent moins systématiquement les familles d'être responsables de l'échec de leurs enfants et ont pris conscience du rôle de l'école elle-même dans cet échec. Les résultats n'ont pas tardé à suivre et l'on constate que les élèves rom ont une meilleure confiance en eux et obtiennent de meilleurs résultats dans l'ensemble, a assuré la délégation. Les écoles sont incitées à promouvoir l'égalité de traitement, et des subventions leur sont accordées lorsqu'elles font preuve de volontarisme à cet égard. Quelque 1600 établissements participent ou ont commencé à participer aux programmes d'insertion pédagogique des élèves défavorisés ou en difficulté.

En matière de protection de l'enfance, la Hongrie garantit le droit de tous à grandir dans son environnement familial. Le système de protection de l'enfance comprend des mesures financières d'ordre général, des mesures spécialisées. L'éloignement d'un enfant de sa famille est par conséquent un recours ultime.

S'agissant des requérants d'asile et des migrants, la délégation a proposé par manque de temps de fournir des réponses écrites aux membres du Comité. Elle a aussi proposé de fournir les documents écrits relatifs à l'action de la Hongrie au Conseil des droits de l'homme.

Conclusion

M. Székely s'est engagé à ce que sa délégation fournisse des réponses écrites aussi détaillées que possible. Il a demandé qu'il soit tenu compte de la situation spécifique actuelle, en raison notamment de la formation récente du gouvernement. L'essentiel des réponses écrites adressées au Comité ayant été formulées par des responsables qui ne sont plus en fonction, il a demandé aux experts de faire preuve d'indulgence.

Cet examen est toutefois utile dans la mesure où il a permis de dresser un inventaire et d'envisager les mesures à prendre dans l'avenir, a conclu le chef de la délégation. Les recommandations du Comité sont particulièrement pertinentes dans la perspective de la rédaction en cours de la future constitution qui devrait respecter encore plus pleinement le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT10/022F