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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT D'EL SALVADOR

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique d'El Salvador sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport de son pays, M. David Ernesto Morales Cruz, Directeur général de la division des droits de l'homme du Ministère des relations extérieures d'El Salvador, a souligné que le Gouvernement actuel adoptait une position différente du précédent s'agissant tout particulièrement du dédommagement des victimes de violations des droits de l'homme commises lors de la guerre civile. Il a ajouté qu'en janvier 2010, le Président Mauricio Funes a demandé pardon pour les violations des droits de l'homme commises par le passé. La dignité, la transparence, la reddition de comptes et la défense des valeurs citoyennes sont au cœur des démarches lancées récemment en matière de prévention, de réduction de la violence et de réhabilitation. El Salvador reconnaît désormais les spécificités culturelles des minorités autochtones, a également fait valoir le représentant, précisant que les politiques publiques sont maintenant élaborées avec la participation des populations autochtones. M. Morales Cruz a assuré que la délégation avait à cœur de collaborer avec le Comité en vue d'un respect encore meilleur des droits de l'homme à El Salvador.

La délégation salvadorienne était également composée de plusieurs représentants du Ministère des relations extérieures, ainsi que de l'administration des centres de détention pénale, de même qu'une fonctionnaire de l'inspection générale de la police civile nationale. La délégation a répondu aux nombreux commentaires et questions des membres du Comité s'agissant notamment des questions d'impunité et d'indemnisation des victimes dans le contexte de la guerre civile qui a ravagé le pays dans les années 80; de l'interdiction totale des interruptions volontaires de grossesse, même en cas de viol; de l'éducation aux droits de l'homme; et du fonctionnement de la justice et les conditions de la détention préventive.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 octobre prochain.

Par ailleurs, au cours de la séance, le Président du groupe de travail sur les communications, M. Michael O'Flaherty, a fait état des travaux du groupe, qui a examiné vingt-huit communications, dont cinq ont été jugées irrecevables et dix bénéficient d'un préavis de constatation de violation d'une ou de plusieurs dispositions du Pacte.


Le Comité procédera, cet après-midi et mercredi matin, à l'examen du sixième rapport périodique de la Pologne (CCPR/C/POL/6).


Présentation du rapport

M. EUGENE ARONEANU ARENE GUERRA, Représentant permanent adjoint d'El Salvador auprès des Nations Unies à Genève, après avoir présenté les membres de la délégation, a assuré le Comité que son gouvernement était attaché au respect des droits de tous les citoyennes et citoyens et au principe du dédommagement des victimes d'anciennes violations, conformément aux engagements qu'il a pris au niveau international.

M. DAVID ERNESTO MORALES CRUZ, Directeur général de la division des droits de l'homme du Ministère des relations extérieures d'El Salvador, a déclaré que le pays avait adopté de nouvelles méthodes de travail garantissant un meilleur respect des droits de l'homme, grâce notamment à la mise en place d'un mécanisme d'évaluation des actions menées en vue de l'application des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en particulier.

M. Morales Cruz a déclaré que le dialogue avec le Comité permettrait notamment à sa délégation d'apporter des corrections au sixième rapport, qui avait été soumis par les anciennes autorités: le Gouvernement actuel adopte en effet une position différente s'agissant tout particulièrement du dédommagement des victimes de violations des droits de l'homme commises lors de la guerre civile. C'est pourquoi les nouvelles autorités, qui collaborent étroitement avec les mécanismes internationaux de droits de l'homme, qu'il s'agisse de l'Examen périodique universel ou des organes conventionnels, entendent adopter des mesures concrètes dans ce domaine, comme en témoigne la création de commissions chargées de faire la lumière sur le sort de personnes disparues et d'octroyer des réparations. En janvier 2010, le Président lui-même a demandé publiquement pardon pour les violations des droits de l'homme commises antérieurement. Certes le chemin à parcourir est encore long, mais les prémisses d'un règlement sont posées, a assuré M. Morales Cruz.

La dignité, la transparence, la reddition des comptes et la défense des valeurs citoyennes sont au cœur des démarches lancées récemment en matière de prévention, de réduction de la violence et de réhabilitation. Les pouvoirs locaux sont étroitement associés au processus de prévention, tandis que des efforts en vue du renforcement des compétences techniques des autorités centrales sont consentis. Au plan juridique, les autorités appliquent scrupuleusement les obligations contenues dans la Constitution nationale et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Au plan pratique, les forces de l'ordre ont connu des réformes importantes, notamment s'agissant du contrôle de leurs actions par l'inspectorat général. Plus généralement, les autorités se préoccupent de la question de l'intégration sociale dans la perspective des droits de l'homme et de la lutte contre la discrimination. Cette mission est confiée à un secrétariat rattaché directement à la présidence.

D'autre part, El Salvador reconnaît désormais les spécificités culturelles des minorités autochtones. Les politiques publiques sont désormais élaborées compte tenu de la participation des peuples autochtones. Le Gouvernement oriente en outre ses efforts contre la discrimination à l'encontre de l'orientation sexuelle des personnes. La loi interdit désormais cette forme de discrimination dans l'administration publique et prévoit des campagnes de lutte contre les stéréotypes. M. Morales Cruz a assuré le Comité que la délégation avait à cœur de collaborer avec lui afin de parvenir à un respect encore meilleur des droits de l'homme à El Salvador; le pays tiendra dûment compte de ses recommandations à cet égard.

Le sixième rapport périodique d'El Salvador (CCPR/C/SLV/6), couvrant la période 2002-2007, indique notamment que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences s'est rendue en El Salvador en février 2004 pour étudier différents aspects de la situation de la femme, la législation en vigueur et son application, ainsi que les mesures mises en place par le Gouvernement. L'institution salvadorienne spécialisée dans la condition de la femme est l'Institut salvadorien pour la promotion de la femme (ISDEMU): son mandat consiste à concevoir une politique nationale de promotion de la femme qui permette aux Salvadoriennes de se réaliser pleinement, à en superviser et à en garantir la mise en œuvre et à en évaluer les résultats. Cette politique s'articule actuellement autour de quatre grands axes: le développement social: éducation, santé, famille, moyens de communication, culture et sports; le développement économique: emploi et participation aux activités de production, travail rural, environnement et développement durable; la protection et la promotion des droits civils: violence à l'égard des femmes, législation et participation à la vie politique; et les institutions: budgets des institutions, système d'information et d'indicateurs de l'égalité hommes-femmes, renforcement des institutions. Grâce à ces efforts, 35 institutions gouvernementales et non gouvernementales au total s'efforcent désormais d'intégrer systématiquement la problématique hommes-femmes dans leurs plans, programmes et projets ainsi que dans leur propre fonctionnement. En outre, des mesures d'action positive ont été mises en œuvre pour favoriser la participation des femmes aux activités de production dans les communautés extrêmement pauvres; plus de 6000 familles ont bénéficié de ces mesures entre 2002 et 2007. Actuellement, l'ISDEMU a onze antennes dans les départements suivants: San Salvador (siège), Santa Ana, San Miguel, Sonsonate, La Paz, Chalatenango, La Unión, Morazán, Usulután, Cabañas et Ahuachapán; les victimes de violence dans la famille y sont prises en charge et il existe également un foyer d'accueil pour les victimes et leurs enfants.

Le rapport indique qu'un Comité national contre la traite des personnes est entré en fonction en 2006. Il bénéficie des conseils et de la coopération technique de l'Organisation internationale pour les migrations, de l'Organisation internationale du Travail (Programme international pour l'élimination du travail des enfants), du Fonds des Nations Unies pour l'enfance, de la Commission interaméricaine des femmes et d'autres organismes dont il estime l'aide nécessaire. Le Comité est notamment chargé des fonctions suivantes: élaborer le plan national de lutte contre la traite des personnes dans lequel seront définis les domaines prioritaires d'action pour la prévention de la traite des personnes dans le pays, la réadaptation et la prise en charge des victimes; coordonner les actions tendant à enquêter sur les infractions, à prévenir la traite et à prendre en charge les victimes, par l'intermédiaire d'institutions nationales et d'organismes internationaux; informer la population des actions visant à lutter contre ce fléau. En 2006, 46 affaires ont été enregistrées par le Comité; sur ce nombre, 25 ont fait l'objet d'une enquête et 21 ont été renvoyées pour jugement, dont 3 ont abouti à une condamnation. En 2007, 47 affaires ont été enregistrées, dont 30 ont fait l'objet d'une enquête et 17 ont été renvoyées pour jugement (une condamnation).

Pendant la période couverte par le rapport, des mutineries ont éclaté dans les différents établissements pénitentiaires du pays, ce qui a mis en évidence les problèmes du système pénitentiaire dont les causes sont diverses: en particulier le surpeuplement, l'entassement, la cohabitation de différentes catégories de prisonniers et l'insuffisance des ressources budgétaires. Ces facteurs sont à l'origine d'explosions de violence dans plusieurs établissements pénitentiaires, qui ont pris la forme non seulement de mutineries mais aussi de rixes entre détenus, d'agressions contre les surveillants, de tentatives d'évasion dont certaines ont abouti. Des mesures ont donc été adoptées pour tenter de prévenir ces situations: une formation portant sur les droits des détenus est dispensée aux personnels pénitentiaires, à qui on donne en outre des instructions leur permettant de respecter rigoureusement les lois, règlements et instruments internationaux relatifs au traitement des personnes privées de liberté dans toutes les actions et procédures pénitentiaires; toute l'information utile est exploitée pour prévenir les actes qui risquent de troubler l'ordre du système pénitentiaire; la sécurité physique est renforcée dans les centres pénitentiaires; ont été nommées aux postes de directeur d'établissement pénitentiaire des personnes ayant les compétences et l'expérience voulues dans le domaine de l'administration pénitentiaire; une réforme a été apportée à la loi pénitentiaire en vue de modifier la procédure disciplinaire applicable aux personnes privées de liberté et à réglementer les visites; les détenus appartenant à des «maras» ou «pandillas» sont maintenant séparés du reste de la population carcérale et les détenus difficiles sont placés dans des quartiers spéciaux.


Examen du rapport

El Salvador a fourni des réponses écrites (document CCPR/C/SLV/Q/6/Add.1) aux questions figurant dans une liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité.

Questions des membres du Comité

Plusieurs experts ont demandé des précisions concernant la formation spécialisée du personnel de justice aux dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et la place du Pacte au sein du système juridique salvadorien. En effet, le Pacte ayant une place inférieure à la Constitution nationale, la question se pose de l'applicabilité de ses dispositions et de la détermination de la conformité à cet égard des nouveaux textes de loi.

Un expert a souligné le très lourd bilan de la guerre civile qu'a connue El Salvador. Il ne saurait être fait table rase du passé. En particulier, il ne faut pas faire l'impasse sur la question de l'indemnisation des victimes et des obligations de l'État envers ces victimes, s'agissant en particulier de la justice de transition, de réparation et de prescription. L'État doit, dans ce contexte, promouvoir les notions de prééminence des droits de l'homme et d'obligation de rendre justice.

D'autres difficultés demeurent concernant la lutte contre l'impunité, s'agissant en particulier du délai de prescription pour les crimes commis pendant la guerre civile, qui semble s'appliquer de manière trop restrictive, ainsi qu'aux mesures prises pour purger les forces armées de personnes soupçonnées de violations des droits de l'homme, mesures qui semblent très laxistes. D'autre part, les conditions et délais d'octroi des indemnisations prévues mériteraient d'être précisés.

L'absence de suite donnée à l'assassinat de l'archevêque Oscar Romero, parmi d'autres, soulève le problème de la pertinence de la loi d'amnistie et des critères en fonction desquels elle est appliquée ou non. Un expert a par la suite rappelé le retentissement qu'a eu, en son temps, l'assassinat d'Oscar Romero, le 24 mars 1980, non seulement sur la société salvadorienne mais aussi sur l'opinion publique internationale en général. L'expert s'est étonné de ce qu'El Salvador ne soit pas en mesure de faire justice de la disparition brutale d'une telle personnalité.

L'approche «dangereuse» qu'a choisi d'adopter le Gouvernement pour aborder le passé du pays devrait être réexaminée, a estimé l'expert. Un autre expert a voulu savoir si El Salvador envisage, comme d'autres pays, de revoir son régime de prescription et d'amnistie couvrant certains faits.

Un autre expert a relevé que le Comité s'est déjà penché, par le passé, sur la nécessité de protéger la fonction et la personne du Procureur général, surtout dans son rôle de protecteur des droits de l'homme. Il ne s'agit pas uniquement d'assurer la protection policière du titulaire, mais aussi de diligenter les enquêtes sur l'origine des menaces. D'autre part, la situation salvadorienne est fortement marquée par le problème des disparitions forcées, qui oblige l'État partie à enquêter sur ces faits pour les éclaircir. El Salvador ne doit cependant pas se contenter de la création de commissions, mais veiller à traduire en justice des responsables: cette obligation a été soulignée par le Conseil des droits de l'homme et par le Groupe de travail sur les disparitions forcées, notamment.

Des experts se sont étonnés qu'El Salvador continue d'interdire totalement les interruptions volontaires de grossesse (IVG), même en cas de viol ou d'inceste. Dans le même temps, pour mieux lutter contre la violence domestique, le pays a ratifié la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém). Ces deux attitudes semblent contradictoires et entraîner une discrimination à l'encontre des femmes: plusieurs femmes ont été condamnées à trente ans de prison pour avoir avorté. De telles décisions, inacceptables de l'avis d'un expert du Comité, devraient être fortement nuancées, comme il se pratique dans d'autres pays interdisant eux aussi les IVG. Les pesanteurs religieuses et sociales ne peuvent tout justifier, les pouvoirs publics devant, au contraire, devancer les mentalités en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, a estimé l'expert.

D'autres questions et observations ont porté sur le contenu des réformes du système judiciaire salvadorien; sur la nécessité d'améliorer l'appareil statistique national, s'agissant notamment des chiffres ventilés sur la place des femmes dans le monde du travail; sur le contenu de la future loi sur l'égalité entre les sexes; sur la ratification de la Convention de l'Organisation internationale du travail relative aux personnes autochtones et sur les mesures concrètes prises en faveur de l'intégration de ces personnes dans l'appareil d'État; et sur les mesures prises en faveur de la protection contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Dans une autre série de questions adressées à la délégation, un expert a demandé des statistiques concernant le nombre de personnes placées en détention préventive et la durée de cette détention, le Comité préconisant la durée la plus courte possible de cette forme de détention. D'autres précisions ont été demandées au sujet des modalités de recours en habeas corpus. Le grave problème de la surpopulation carcérale, exacerbé par le phénomène des bandes de jeunes, mérite des explications complémentaires: quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour juguler la surpopulation, comme par exemple le port de bracelets électroniques?

Un expert a souligné la prévalence de la violence domestique en El Salvador, reflet des stéréotypes sexistes à l'œuvre dans toutes les sphères de la vie publique et privée. L'expert s'est interrogé sur la coordination de l'action des très nombreuses institutions chargées de la lutte contre la violence domestique, dont l'Institut salvadorien de promotion de la femme.

Un expert a relevé que, selon l'ombudsman salvadorien, les peuples autochtones sont dans une situation particulièrement grave, vulnérable et exposée. Pour sa part, le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a recommandé, le mois dernier, qu'El Salvador améliore ses méthodes de recensement des peuples autochtones, qu'il adopte des mesures pour en assurer la reconnaissance juridique et qu'il ratifie la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail relative aux peuples indigènes et tribaux, notamment.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a d'emblée tenu à préciser que le nouveau Gouvernement salvadorien, qui a pris ses fonctions il y a à peine un an, a décidé, pour la première fois depuis l'indépendance du pays en 1821, de mettre à plat toutes les grandes questions concernant, notamment, la place des femmes et des peuples autochtones dans la société.

La délégation a précisé que la décision d'octroyer un rang constitutionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques dépendait de la Cour constitutionnelle. La Constitution établit une simple hiérarchie normative empirique. Cet obstacle est contourné par la jurisprudence, la Cour ayant statué récemment que les pactes internationaux ont une force juridique contraignante supérieure au droit national. Ce progrès n'est pas suffisant, a admis la délégation, les textes internationaux eux-mêmes ne pouvant être invoqués pour déterminer la constitutionnalité des lois. La Cour constitutionnelle s'efforce cependant d'intégrer les instruments internationaux dans le droit national, en particulier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte panaméricaine des droits de l'homme. Malheureusement, le débat politique sur cette question est encore inexistant à El Salvador, a reconnu la délégation.

La délégation a par ailleurs précisé que le Pacte, entre autres instruments internationaux des droits de l'homme, figure désormais au programme de formation des magistrats, des policiers et des procureurs. Les jeunes générations formées dans les universités privées et publiques reçoivent également un enseignement à ce sujet. Les organisations non gouvernementales jouent également un rôle important en matière de formation.

El Salvador reconnaît non seulement la force juridique du Pacte, mais également les obligations qui en découlent, s'agissant notamment de la lutte contre l'impunité et de la défense des droits des victimes des violations des droits de l'homme pendant la guerre civile, a-t-il été souligné. El Salvador est conscient que ces démarches impliquent une action concertée de la part de tous les organes de l'État, après des années d'apathie. C'est ainsi que les droits des victimes font l'objet d'une attention sans précédent de la part des autorités. Les mesures prises à ce jour ne sont pas encore suffisantes cependant pour clore ce chapitre, a reconnu la délégation. Les autorités, au premier rang desquelles le Président, avancent progressivement vers le rétablissement de la dignité des victimes. Il s'est d'abord agi de constater les faits – exécutions extrajudiciaires, tortures – puis de rendre hommage officiellement aux victimes, explicitement désignées comme telles, et de leur demander pardon. Ont suivi des mesures techniques telles que la création d'une commission nationale de vérité et de réparation. Cette commission commencera ses activités dans les prochaines semaines en procédant à des auditions de victimes, en vue de la mise sur pied d'un programme national de réparation, avec la coopération de la communauté internationale.

La commission de recherche des enfants disparus lors du conflit aura un statut indépendant; elle sera composée non pas de fonctionnaires mais de personnalités indépendantes et dignes de foi; et elle disposera de pouvoirs l'habilitant à procéder à des enquêtes. Sa structure de fonctionnement souple garantira le succès de sa mission. Par ailleurs, le Président de la République a réaffirmé le droit des victimes de recevoir justice et de se faire entendre. Pour sa part, le Secrétariat à l'insertion sociale organise chaque année une journée à la mémoire des enfants disparus. Ces démarches sont appuyées, en droit, par des jugements de la Cour constitutionnelle relatifs au droit à la vérité s'agissant du sort des personnes disparues, le Procureur général de la République ayant mandat de lancer des enquêtes.

La délégation a indiqué, par ailleurs, que le pouvoir législatif salvadorien ne s'est pas encore saisi de la manière d'amender la loi d'amnistie. Cependant, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle reconnaît le droit à obtenir justice et limite, dans une certaine mesure, la portée de cette disposition. D'autre part, la prévalence des dispositions du droit international peut, dans certains cas, ouvrir la voie juridique aux victimes afin d'obtenir justice et réparation. En l'état, les tribunaux compétents qui ont été saisis, après 1998, de plaintes pour violations des droits de l'homme pendant la guerre civile peuvent ordonner des enquêtes.

La délégation a indiqué que la prescription ne s'applique pas pour les crimes poursuivis en vertu du nouveau Code pénal. Elle a aussi admis que les poursuites contre des membres de la police et des forces armées soupçonnés de violations des droits de l'homme sont encore trop timides. Un durcissement à cet égard vient d'être décidé et ne figure donc pas dans le rapport.

L'archevêque Romero a une dimension exemplaire aux yeux de la population salvadorienne, a poursuivi la délégation. Le 24 mars a été déclaré «Journée nationale Mgr Romero». C'est aussi un 24 mars que le Gouvernement a demandé pardon à la population pour les crimes commis antérieurement. Le Gouvernement a parfaitement conscience de ses obligations au regard du droit international s'agissant des suites à donner à l'assassinat d'Oscar Romero: la loi d'amnistie de 1993 (et non la prescription) a empêché de trouver une solution judiciaire.

En réponse à d'autres questions, la délégation a reconnu que le Salvador a longtemps promu une attitude «révisionniste» s'agissant de la mort de Mgr Romero, une tendance qu'ont choisi d'inverser les autorités actuelles en rendant hommage au prélat. La délégation compte sur les recommandations du Comité pour mieux agir contre l'impunité.

Une experte s'étant étonnée du très faible nombre d'agents de police poursuivis et condamnés pour des faits de violations des droits de l'homme, la délégation a précisé que l'Inspection générale des services de police est une institution neuve, créée à la suite de l'accord de paix. Les précédents corps d'inspection ont diligenté des enquêtes sur des crimes commis par des membres des forces de l'ordre, avec souvent pour objet d'en disculper les coupables. Les statistiques reflètent cet état d'esprit. Le nouveau Gouvernement s'efforce de modifier cette attitude et de laisser la nouvelle inspection s'acquitter de sa mission.

Pendant la période du rapport, et même s'il existe des dispositions obligeant l'État à protéger les personnes contre les violations des droits de l'homme, il faut admettre que l'action dans ce domaine s'est révélée insuffisante, a dit la déclaration. Des mesures supplémentaires sont donc prises pour améliorer la protection des citoyens et leur octroyer des réparations pour des préjudices dont les auteurs sont des membres forces de l'ordre, par exemple. Les enquêtes diligentées pour violations du droit à la vie ont ainsi entraîné la destitution de trente-sept membres du corps de police depuis un an, contre 28 pour toute la période 2002 à 2008: ceci témoigne de la détermination des nouvelles autorités. L'accent est mis actuellement sur l'indispensable formation des forces de police, afin que les pratiques antérieures relevées par le Comité ne puissent se reproduire.

El Salvador consent de grands efforts en matière de prévention de la discrimination fondée sur le sexe ou l'identité sexuelle, a déclaré la délégation. Des politiques publiques ont été lancées pour dispenser une formation aux forces de l'ordre, visant à leur faire adopter un comportement respectueux envers toutes les catégories de population. Ces premiers pas s'accompagneront de poursuites contre les contrevenants, a assuré la délégation. La délégation fournira ultérieurement des statistiques précises relatives au nombre de délits et à leurs suites juridiques.

Le Gouvernement salvadorien a décidé de convoquer un Congrès des peuples autochtones, afin de permettre à ces peuples de décider, entre eux, d'un programme d'action qui serait transmis aux autorités. Le Gouvernement entend agir par le biais de consultations avec cette instance et respectera les propositions qui lui seront faites par ce canal. Les autorités étudient en ce moment même la possibilité de ratifier la Convention de l'Organisation internationale du travail sur les peuples autochtones.

La délégation a insisté sur la nécessité d'autonomiser les populations autochtones en vue de leur meilleure participation aux décisions les concernant. C'est dans cet esprit que les autorités souhaitent promouvoir une vision de la culture des autochtones comme une véritable source de droits de l'homme. Elles mènent une action dans ce sens au plan de l'éducation, de la promotion de langues autochtones et de la lutte contre la discrimination et l'invisibilité.

S'agissant de la question de l'interdiction de l'avortement, la délégation a fait savoir que la Constitution dispose que le caractère de l'être humain s'acquiert au moment de la conception. De ce fait, le fœtus est dépositaire de l'intégralité des droits de l'homme. Le Code pénal incrimine sur cette base les interruptions volontaires de grossesse. Les peines prévues vont de deux à huit ans de réclusion pour un avortement volontaire. Des organisations de femmes ont fait état de peines allant à trente ans de prison. Ces peines ont en réalité été prononcées pour homicide, et non pour avortement, les décès incriminés étant survenus après la naissance. Dans un cas précis, il s'agissait d'un cas supposé d'infanticide sur une petite fille, circonstance aggravante justifiant la sévérité de la peine. Or, ce cas s'est révélé être une erreur judiciaire, reposant sur une erreur de diagnostic. D'autre part, la Cour suprême a jugé qu'en cas de conflit entre la protection du bien-être de la mère et celui de l'enfant à naître, l'organe juridictionnel doit juger au cas par cas. La protection de la vie du fœtus n'est donc pas absolue. Enfin, au plan de la prévention, une révision est en cours des programmes d'éducation sexuelle de la jeunesse.

Des précisions ayant été demandés au sujet des réponses de la délégation concernant l'avortement, la délégation a expliqué que la loi protège les enfants dès leur conception, y compris au plan juridique avant et après leur naissance. El Salvador, qui cherche une solution à ses problèmes dans le respect des dispositions du droit international, attend avec impatience les recommandations du Comité au sujet des conditions juridiques de l'avortement.

Répondant à une question sur la scolarisation des filles, la délégation a fait remarquer que celles-ci sont plus nombreuses à l'école que les garçons. Malheureusement, la scolarité primaire n'est pas encore universelle en El Salvador. C'est pourquoi le Ministère de l'éducation met en place des stratégies de lutte contre la fracture scolaire. Un expert ayant observé que malgré les efforts pour l'alphabétisation des petites filles, on constatait un taux d'absentéisme plus élevé que les garçons, la délégation a confirmé que des problèmes demeurent en ce qui concerne la durée de la scolarité des filles, notamment au niveau du secondaire et à l'université, du fait de stéréotypes paternalistes. Les nouvelles politiques en matière d'égalité des chances devant l'éducation tiennent compte du fait que les très jeunes filles entrent plus tôt que les garçons sur le marché du travail. C'est pourquoi des mesures sont prises pour éradiquer le travail des filles et des adolescentes; les autorités octroient en outre des bourses d'études afin d'inciter les jeunes filles à terminer leurs études.

Répondant à d'autres questions, la délégation a fait savoir que le Code de procédure pénale a été révisé afin de permettre la participation des victimes aux procédures qui les concernent. Ce système n'est pas encore parfait mais, au moins, des efforts sont-ils consentis pour équilibrer les droits des victimes et ceux des accusés. D'autre part, la protection des défenseurs des droits de l'homme et militants communautaires menacés et parfois agressés est organisée en collaboration avec les services du Procureur général et la police. Le budget du Procureur général sera augmenté afin qu'il soit en mesure d'accomplir ses missions. Des enquêtes sont actuellement diligentées pour déterminer les raisons des menaces contre le Procureur, a assuré la délégation. S'agissant de la place des femmes dans les hautes instances de la vie publique, il a été précisé qu'elles sont désormais présentes à raison de 19,5% dans le pouvoir législatif et à plus de 20% dans les autorités locales. Un projet de loi est à l'examen qui obligerait les administrations à adopter des politiques et mesures concrètes en vue de la réalisation du principe d'égalité et de l'élimination des préjugés sexistes. En outre, un projet en cours d'élaboration vise à autonomiser les femmes dans tous les aspects de la vie professionnelle et sociale.

La délégation a aussi précisé que le pays envisage de créer un mécanisme national qui serait chargé d'assurer le suivi des recommandations des organes de traités des Nations Unies et d'autres institutions intergouvernementales.

Répondant à une nouvelle série de questions du Comité, la délégation a fait savoir que le problème des groupes criminels a été abordé de manière erronée par le passé: l'approche répressive, insuffisante à corriger l'aspect social de la délinquance, n'a fait qu'exacerber la violence. La loi de 2003, censée combattre ce phénomène, a été abrogée. La priorité actuelle est de garantir le droit à la sécurité des habitants. Des efforts sont consentis non seulement pour sanctionner les délits commis mais aussi pour les prévenir. Les autorités s'efforcent d'éviter que les jeunes ne deviennent membres de bandes criminelles. Quant à la police nationale civile, elle a modifié son approche du problème: plutôt que se concentrer sur les arrestations, elle accorde davantage de temps à l'élucidation des crimes.

Les adolescents de plus de 12 ans et moins de 18 ans en conflit avec la justice pouvaient être soumis à une ancienne loi dite «antigangs». Cette loi a été annulée au profit du retour aux dispositions antérieures: ces adolescents doivent donc bénéficier d'un traitement spécifique. La loi prévoit des mesures d'éducation et de réparation.

La délégation a précisé que la détention provisoire est régie par le Code de procédure pénale, qui autorise dans un premier temps une détention administrative d'une durée maximale de trois jours. Cette période peut être prolongée de trois jours supplémentaires, délai pendant lequel le magistrat doit se prononcer sur le renvoi de la personne incriminée devant un juge. Un prévenu peut alors être soumis à une détention préventive de deux mois, renouvelable. L'aide juridique est accessible au prévenu dès son arrestation.

La délégation a indiqué que 24 700 personnes sont aujourd'hui détenues dans un système conçu pour un tiers de cet effectif. La surpopulation carcérale est donc réelle et des mesures sont prises pour proposer des modalités alternatives d'exécution des peines, voire la remise en liberté de détenus âgés. Plus de cinq cents personnes sont en liberté surveillée.

Les violences, voire les homicides, souvent à l'arme blanche, contre les femmes sont un problème grave et indéniable. La police s'efforce de quantifier le phénomène. On déplore la persistance de la violence sexiste contre des femmes directement ou indirectement liée à des groupes criminels. Les autorités vont tenter d'éradiquer ces fléaux, mais leur action est compliquée par le fait que les crimes ne sont pas tous dénoncés. Les raisons de la vulnérabilité des femmes tiennent aux traditions. Elles sont en outre confrontées à la difficulté d'accéder à la justice, un problème auquel les autorités tentent de remédier.

L'«académie nationale de sécurité publique», chargée de la formation des officiers de police, prodigue un enseignement aux droits de l'homme; l'inspection générale de la police civile est dotée d'un mandat similaire. Une grande attention est accordée au respect par la police des droits des personnes séropositives ou homosexuelles, compte tenu des violences dont elles ont été victimes de la part des forces de l'ordre.

Il a été précisé en outre que les autorités salvadoriennes accordent une grande importance à la lutte contre le travail des enfants. Elles réfléchissent à une redéfinition de la liste des pires formes de travail des enfants, le travail domestique devant sans aucun doute y figurer.

Un expert ayant demandé des précisions sur la définition d'une «secte» en El Salvador et sur l'ampleur de ce phénomène, la délégation a indiqué qu'il s'agit là d'une question assez marginale dans le pays. Le rapport emploie des termes qui prêtent à confusion et risquent de favoriser des comportements discriminatoires: ils ne seront aujourd'hui plus employés.


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CT10/016F