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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA BELGIQUE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le cinquième rapport périodique de la Belgique sur la mise en œuvre, dans ce pays, des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant le rapport, M. Marc Tysbaert, Conseiller général à la Direction générale de la législation et de libertés et droits fondamentaux du Service public fédéral de la justice, a assuré le Comité de l'attachement de la Belgique au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il a indiqué que plusieurs services publics belges ont été associés étroitement à l'élaboration du rapport. Le chef de la délégation belge a aussi fait valoir que des organisations non gouvernementales ont été associées à l'élaboration du rapport. M. Tysbaert a précisé que, depuis la présentation du précédent rapport, des mesures législatives ont été proposées à la suite des recommandations du Comité. Cependant, en raison du contexte politique actuel, caractérisé par deux dissolutions du Parlement, certaines initiatives n'ont pas pu être réalisées, et certains chantiers restent donc malheureusement inachevés.

La délégation belge était également composée en outre de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la justice, et de l'intérieur. Étaient en outre représentés la Région wallonne et la Communauté francophone de Belgique, le Département flamand des affaires étrangères et le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. La délégation a répondu aux questions du Comité portant notamment sur le suivi des obligations internationales de la Belgique dans un contexte fédéraliste; ou encore sur la lutte contre l'islamophobie et l'antisémitisme; sur les mesures d'application de la législation sur le séjour des étrangers; sur le contrôle des forces de police dans l'exercice de la force publique; sur les mesures prises pour remédier à l'importante surpopulation carcérale.

Les observations finales du Comité sur les rapports des pays examinés au cours de la session seront rendues publiques à la fin des travaux, le 29 octobre prochain.


Le Comité des droits de l'homme tiendra cet après-midi, à 15 heures, une réunion consacrée à l'examen de ses méthodes de travail. Il entamera lundi après-midi l'examen du rapport périodique de la Hongrie (CCPR/C/HUN/5).

Présentation du rapport

M. MARC TYSBAERT, Conseiller général à la Direction générale de la législation et de libertés et droits fondamentaux du Service public fédéral de la justice, a assuré le Comité de l'attachement de la Belgique au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. M. Tysbaert a indiqué que plusieurs services publics belges ont été associés étroitement à l'élaboration du rapport. Les autorités belges ont eu recours à des coordinations organisées par le service public fédéral des affaires étrangères. La composition de la délégation illustre cette répartition. Le chef de la délégation belge a par ailleurs souligné que des organisations non gouvernementales ont été associées à l'élaboration du rapport. Bien qu'un échange d'idées ait eu lieu avec un certain nombre d'entre elles à un stade antérieur, les autorités invitent toutes les organisations non gouvernementales à continuer d'œuvrer, dans une atmosphère constructive, à la réalisation des droits contenus dans le Pacte. M. Tysbaert a donné des explications sur la structure fédérale de la Belgique et insisté sur l'importance, dans ce contexte, de la concertation. Il a aussi précisé que, depuis la présentation du précédent rapport de la Belgique, des mesures législatives ont été proposées à la suite des recommandations du Comité. Cependant, en raison du contexte politique actuel, caractérisé par deux dissolutions du Parlement, certaines initiatives n'ont pas pu être réalisées. Certains chantiers restent donc malheureusement inachevés.

Le cinquième rapport périodique de la Belgique (CCPR/C/BEL/5) précise notamment que lorsque les membres des forces armées belges sont déployés à l'étranger, notamment dans le cadre d'opérations de maintien ou d'imposition de la paix, la Belgique garantit à tous ceux qui relèvent de ses compétences les droits reconnus dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les dispositions du Pacte et plus spécifiquement les dispositions relatives à l'interdiction de torture et de traitement inhumain ou dégradant sont enseignées à toutes les catégories du Personnel de la Défense, durant leur formation de base mais aussi durant leur formation continue. Le Pacte fait partie de l'ordre juridique belge, ses dispositions peuvent être invoquées devant le juge belge, qui les applique dans la mesure où elles sont directement applicables. Les tribunaux belges, tant ordinaires qu'administratifs, ont généralement accepté l'applicabilité directe du Pacte et en appliquent presque automatiquement les dispositions.

Divers types de mesures ont été prises en vue de prévenir des faits de violences policières accompagnées de discriminations raciales. Ainsi, depuis 2003, la police fédérale développe une politique de la diversité au profit de la police intégrée dont l'objectif est de créer une culture policière qui intègre de manière continue et cohérente la composante «diversité» au sein de structure afin de rendre un service qui soit en adéquation avec les attentes et les caractéristiques hétérogènes de la société belge. Le rapport précise en outre que le Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P) est dirigé par un collège de cinq membres effectifs. Le Comité P n'a jamais eu connaissance de la moindre plainte ou récrimination concrète ou précise quant à un défaut d'indépendance, de neutralité ou encore d'impartialité. Dans le cadre de ce forum, un groupe de travail s'attelle à définir des principes et des normes gouvernant l'action des institutions publiques chargées du contrôle externe sur les services de police. Les critères élaborés en ce qui concerne l'indépendance s'inspirent notamment de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme et du Code européen d'éthique de la police. Le rapport présente en outre les législations belges ayant pour objet de sanctionner les actes racistes et les groupements qui seraient hostiles aux droits de l'homme. Il fait état aussi de l'application effective de la législation antiraciste devant les juridictions belges. La loi prévoit ainsi la possibilité de supprimer le financement public des partis politiques qui montrent de manière manifeste leur hostilité envers les droits et libertés garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La suppression du financement public est possible au sein des Parlements de la Communauté française, de la Région wallonne et de la Région de Bruxelles-Capitale. Le Vlaams Belang, qui a succédé au Vlaams Blok, fait l'objet depuis mai 2006 d'une procédure judiciaire devant le Conseil d'État. L'examen de ce dossier est actuellement en cours devant le Conseil d'État.

Le rapport informe également de la réforme de la procédure d'asile intervenue en 2006, qui a permis sa simplification. Dans la nouvelle procédure, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides (CGRA), instance administrative indépendante, est compétent pour reconnaître ou refuser la qualité de réfugié ainsi que pour octroyer ou refuser le statut de protection subsidiaire. La réforme supprime la distinction entre les phases de recevabilité et de fond. Par conséquent dans chaque dossier, le CGRA prend une seule décision. Un recours contre cette décision peut être introduit devant le Conseil du contentieux des étrangers. Avec la demande d'asile, le CGRA examine automatiquement la demande de protection subsidiaire. Ce statut est octroyé à l'étranger qui n'entre pas en ligne de compte pour le statut de réfugié et qui ne peut pas bénéficier d'un séjour pour raisons médicales, mais à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine il encourrait un risque réel de subir des «atteintes graves»: notamment la peine de mort ou l'exécution, la torture, les traitements ou les sanctions inhumains ou dégradants. Le rapport relève que pour assurer une meilleure prévention des mariages forcés, le droit européen prévoit que les États membres peuvent demander que le regroupant et son conjoint aient atteint un âge minimal (21 ans au maximum), avant que le conjoint ne puisse rejoindre le regroupant. Le rapport fournit également des renseignements concernant en particulier la protection de l'enfant, l'accès à la justice et les procédures relatives aux mineurs, le respect de la vie privée et l'intégration des minorités.

Examen du rapport

Renseignements complémentaires

La délégation a fourni des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/BEL/Q/5/; des réponses écrites figurent dans le document CCPR/C/BEL/Q/5/Add.1).

La délégation a ainsi précisé que les noms de M. Nabil Sayadi et de Mme Pascale Vinck, qui figuraient sur une liste récapitulative de certaines personnes ayant des liens avec des terroristes, ont été rayés de cette liste. Cette décision a été publiée au Journal officiel de l'Union européenne en 2009. Il n'est pas possible de donner des détails sur d'éventuelles compensations car la procédure judiciaire est toujours en cours. La délégation a par ailleurs précisé que la Belgique entend maintenir ses réserves quant à certaines dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pour assurer la cohérence de ses engagements internationaux avec ses dispositions nationales, s'agissant notamment du statut juridique des détenus.

Compte tenu de la structure fédérale du pays, les autorités ont créé des «points de contacts» entre chaque département fédéral et les entités fédérées, a indiqué la délégation. En outre, et bien qu'il n'existe pas d'institution nationale de droits de l'homme, la délégation a souligné qu'il existe des institutions spécifiques qui traitent des matières liées aux droits de l'homme: Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, Commission interministérielle de droit humanitaire et Commission pour la protection de la vie privée. Au niveau des entités régionales, la Région de Bruxelles-Capitale a lancé en 2006-2007 un «plan d'action diversité» consistant notamment en actions de sensibilisation, de formation et d'information axées sur les femmes, les personnes handicapées et les personnes d'origine étrangère.

De nombreuses initiatives ont par ailleurs été menées dans le cadre du plan d'action visant à renforcer la diversité du personnel de l'administration fédérale. Ainsi, un arrêté royal fixe à trois pour-cent le taux de participation des personnes handicapées au sein de chaque institution fédérale. Un autre arrêté royal a décidé de la création d'un groupe interdépartemental de coordination de l'action en faveur de la transversalisation de la problématique hommes-femmes (gender mainstreaming en anglais). Des mesures et politiques ont été adoptées dans le même domaine au niveau des Communautés française et flamande, ainsi qu'en Régions wallonne et bruxelloise.

La législation favorisant la participation des femmes à la vie publique est très stricte, a fait savoir la délégation. Elle prévoit des règles quant à la présentation des listes et des quotas de représentation au sein des institutions législatives et exécutives.

L'accès aux services communaux est conditionné, par certaines communes néerlandophones, à l'exigence de la connaissance de la langue néerlandaise: la délégation a souligné que ces mesures ont été prises par des communes individuelles et non par le gouvernement flamand. Ces exigences linguistiques n'ont encore donné lieu à aucun refus de candidats locataires, a-t-il été précisé. En outre, ces mesures peuvent faire l'objet d'une tutelle administrative par le gouvernement flamand sur plainte.

S'agissant des allégations de détentions arbitraires au sein de la zone de police de Bruxelles, la délégation a indiqué que la Belgique s'étonne de cette stigmatisation. Elle a précisé que l'arrestation judiciaire et administrative d'une personne est encadrée par la loi sur la détention préventive ainsi que par la loi sur la fonction de police. L'ensemble des fonctionnaires est soumis à une circulaire relative à la formation et à l'entraînement en maîtrise de la violence. L'accent est mis sur l'usage de la force et sur le rappel des directives à ce sujet. Une réorganisation du corps de police de la zone de police Bruxelles est intervenue en 2009, axée sur une meilleure responsabilisation de la ligne hiérarchique.

La délégation a également fait savoir que les violences sexuelles constituent dans le Code pénal belge des incriminations spécifiques. Les victimes peuvent introduire une action devant une Commission d'aide aux victimes d'actes intentionnels de malveillance.

Enfin, deux plans globaux ont été lancés en vue de la rénovation de l'infrastructure carcérale désuète et de la construction de nouveaux établissements, afin de résoudre le problème de la sous-capacité que connaît la Belgique à cet égard. Il est notamment prévu de construire deux centres de psychiatrie légale devant accueillir 450 internés. La Belgique étudie en outre la possibilité d'utiliser la surveillance électronique en tant qu'alternative à la détention préventive ou à l'internement.

Questions et observations des membres du Comité

S0agissant du cadre général d'application du Pacte, un expert s'est dit impressionné par la qualité du travail de la Belgique s'agissant du respect des dispositions du Pacte. L'expert a demandé si, pour les deux cas individuels mentionnés dans les réponses de la délégation dans le contexte de la lutte contre le terrorisme (M. Nabil Sayadi et Mme Pascale Vinck), des dédommagements avaient été demandés et, le cas échéant, accordés. Les constatations du Comité dans cette affaire s'appuient sur les dispositions du Pacte et appellent des commentaires de la part de la délégation. Au-delà de ces deux cas, existe-t-il en Belgique un mécanisme chargé explicitement ou non des constatations du Comité et d'autres mécanismes conventionnels, a voulu savoir l'expert.

Un expert a regretté que la Belgique persiste dans la formulation de réserves à l'égard de certaines dispositions du Pacte, estimant qu'un geste aurait été le bienvenu. Des questions ont porté sur l'existence en Belgique, au-delà des initiatives et mesures sectorielles, d'une politique générale et stratégique en matière de droits de l'homme. Dans ce contexte, quels arguments militent-ils contre la création d'une institution nationale de droits de l'homme unique en Belgique? S'agissant des compétences des entités fédérées, un expert a observé qu'il est difficile de comprendre les termes dans lesquels se pose la compréhension par la Belgique des articles du Pacte relatifs à l'éducation et à la culture, notamment. On constate en effet que la présence internationale de ces entités est active, et l'on saisit mal les limites de leurs compétences intérieures et extérieures. Des précisions seraient utiles à cet égard, notamment pour comprendre le point de vue de la Belgique relatif à l'application des dispositions du Pacte par les entités fédérées (article 50).

Une experte a regretté que le rapport fournisse peu d'exemples concrets de la mise en œuvre des nombreuses dispositions juridiques, réglementaires ou pédagogiques adoptées par la Belgique en faveur de l'égalité entre les sexes ou encore du contrôle de l'action des policiers. Selon des organisations non gouvernementales, on déplore toujours en Belgique des discriminations en matière d'accès au travail et au logement, par exemple en fonction du critère linguistique. Une experte a demandé si des jugements avaient été rendus contre des mesures de discrimination linguistique. De même, des organisations font état de préoccupations concernant l'intégration des personnes handicapées sur le marché du travail, surtout dans le secteur privé, qui n'est pas concerné par le quota de 3 % fixé par la loi. Des organisations non gouvernementales signalent encore des mauvais traitements commis par des forces de police, des pratiques de profilage racial, de problèmes concernant l'utilisation de tasers ou d'arrestations préventives avant des manifestations. Une experte a observé enfin que les ONG restent critiques quant au fonctionnement du Comité permanent de contrôle des services de police (Comité P).

Un expert a souligné que la surpopulation carcérale atteint en Belgique des proportions préoccupantes. Des experts se sont interrogés sur les raisons de ce problème et ont demandé des précisions sur l'application, à cet égard, de la loi Dupont sur la gestion des prisons. Il a été observé que la construction de nouvelles prisons n'est pas nécessairement une solution au problème de la surpopulation. Un expert a voulu savoir si la Belgique entend avoir recours aux peines de substitution pour remédier à une surpopulation carcérale qui constitue, de fait, une violation des dispositions du Pacte. D'autres questions ont porté sur les bases juridiques du transfert de détenus aux Pays-Bas.

Un membre du Comité a salué les efforts consentis par la Belgique pour garantir, à tous les niveaux, l'égalité entre les sexes. L'expert a demandé si, à cet égard, l'important taux de chômage dont souffrent les femmes, ainsi que leur participation relativement faible aux plus hautes fonctions de la vie publique, n'ont pas une incidence sur la concrétisation de ce principe. L'expert a également demandé quelles méthodes sont appliquées pour coordonner et évaluer l'action en faveur de la parité aux trois niveaux administratifs de la Belgique, et ce dans le contexte de l'absence d'une institution nationale de droits de l'homme.

Un expert a voulu savoir si les violences familiales sont poursuivies à titre spécifique, comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels l'avait recommandé antérieurement.

La coordination des mesures institutionnelles en faveur des enfants a fait l'objet d'autres questions, un expert demandant par quel moyen la Belgique recense des données statistiques ventilées à l'égard de la pédophilie ou encore de la traite des enfants. Toujours s'agissant des enfants, la délégation a été priée de préciser le nombre de mineurs ayant fait l'objet de sanctions pénales, le nombre et la capacité d'accueil des centres d'accueil et de réinsertion de ces mineurs, et l'impact des nouvelles mesures éducatives et correctionnelles adoptées par la Belgique.

Un expert a jugé que les moyens juridiques dont s'est dotée la Belgique en matière de lutte contre les manifestations du racisme et de l'antisémitisme sont louables. Seront-ils cependant suffisants pour faire face à la recrudescence de ces manifestations, s'agissant en particulier de l'antisémitisme? L'expert a demandé des précisions sur les enquêtes menées à ce propos, les sanctions adoptées et les nouvelles mesures de lutte envisagées. Pour ce qui est de l'islamophobie, il semble clair que les réactions d'hostilité deviennent quotidiennes. Les autorités ne sont peut-être pas toujours en mesure d'être informées de ce qui se passe réellement. Cette situation est d'autant plus compliquée qu'elle est exploitée par des partis politiques à l'échelle européenne, des partis qui ne sont pas tous extrémistes. Dans ce contexte, on s'interroge sur le financement par la Belgique d'organisations ou partis extrémistes qui incitent à la haine et à la violence, au racisme et à la xénophobie, en même temps qu'elle exprime la volonté de le réprimer.

Une experte a regretté que les réponses écrites aux questions ne donnent que peu de renseignement sur l'aide aux victimes, femmes et enfants, de la traite des êtres humains. L'experte a rappelé que le Comité contre la torture a recommandé que la Belgique augmente ses financements en vue de l'aide à ces victimes, même si elles n'ont pas coopéré aux enquêtes. L'experte a suggéré à cet égard que la Belgique ratifie la Convention du Conseil de l'Europe contre la traite des êtres humains.

Une experte a estimé que la Belgique devrait accorder un effet suspensif aux recours introduit quant à la légalité et aux conditions de détention par les étrangers détenus en vue de leur éloignement. Elle a estimé à cet égard que le délai de recours, qui est actuellement de cinq jours, est trop court. L'experte s'est dite surprise du faible nombre de plaintes - trois en 2009 - enregistrées dans ce contexte, compte tenu du nombre des expulsions depuis la Belgique. Ce pays a l'intention d'aligner sa loi relative à l'accès à un avocat dès l'arrestation, a par ailleurs observé un expert: comment cette intention se concilie-t-elle avec la mise au secret?

Un expert a demandé des exemples d'annulations de mariages forcés, jugeant essentielle l'application effective des dispositions de protection.

Un autre membre du Comité a voulu savoir si la Belgique entend maintenir le principe de la garde-à-vue sans la présence d'un avocat, en dépit d'un arrêt très récent de la Cour européenne des droits de l'homme.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions du Comité, la délégation a convenu que la Belgique ne dispose toujours pas d'une institution nationale de droits de l'homme. Il ne s'agit pas là d'un choix délibéré, puisque cette question est l'ordre du jour depuis un certain temps. Des projets ont déjà été étudiés en 2007 en vue de la création d'une nouvelle entité ou de l'extension d'une structure existante. Cette question revient à l'ordre du jour de manière indirecte du fait des obligations internationales de la Belgique, notamment au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants: la Belgique devra en effet disposer d'un mécanisme de contrôle à cet égard. La difficulté est d'ordre technique – multiplicité des organes sectoriels de contrôle; mais aussi d'ordre politique – compte tenu de la situation actuelle qui va probablement entraîner des réformes institutionnelles profondes. Cela étant, la délégation a admis que la création d'une institution nationale de droits de l'homme permettrait de consolider et de mieux coordonner les mécanismes existants.

Le suivi des obligations internationales de la Belgique est assuré par les départements concernés, moyennant l'action d'organes de coordination: conférences interministérielles et comités de concertation. Ce sont précisément ces comités qui ont décidé de la mise en place de points focaux dans les ministères. Enfin, les nombreux plans d'action nationaux sont appliqués moyennant une concertation effective entre le Gouvernement fédéral et les entités fédérées, a assuré la délégation. La Belgique dans son intégralité est tenue de respecter le Pacte, a-t-il été encore précisé: il n'existe pas de vide juridique empêchant l'application de ses dispositions, qui peuvent être invoquées devant tous les tribunaux belges. En réponse à la question d'une experte du Comité, la délégation a confirmé que la loi impose à la Cour d'assises de motiver ses arrêts par écrit.

La délégation a aussi indiqué que la définition de la violence conjugale ne fait pas l'objet d'une incrimination spécifique, compte tenu des nombreuses manifestations de ce problème. Le Code pénal prévoit, par contre, une circonstance aggravante pour des faits de violence commis entre conjoints ou intimes. Le juge d'instruction est ainsi habilité à délivrer des mandats d'arrêts. Le viol conjugal est aussi passible de sanctions. Deux circulaires du Collège des procureurs généraux définissent par ailleurs la violence intrafamiliale et encadrent notamment l'établissement des procès-verbaux de police. C'est sur cette base que sont établies les statistiques nationales au sujet de la violence au sein de la famille. La police belge n'a pas la compétence d'interdire à un conjoint de prendre contact avec un autre membre de sa famille.

La délégation a précisé, en réponse à la question d'un expert, que la Belgique n'a jamais encore été saisie d'une demande d'entraide judiciaire impliquant un risque de condamnation à mort. Par ailleurs, la loi régissant la détention préventive prévoit que toute personne arrêtée doit comparaître sous 24 heures devant un juge d'instruction. En cas de poursuites, le justiciable a droit de s'entretenir sans restriction avec un conseil juridique. Depuis deux ans, et conformément aux recommandations de plusieurs instances internationales, des mesures sont prises pour permettre aux prévenus de s'entretenir avec un avocat avant leur première comparution devant le magistrat instructeur. Les démarches en ce sens sont ralenties, mais pas interrompues, par la crise institutionnelle que traverse la Belgique, a-t-il été précisé. Ce problème a d'ailleurs été abordé le 6 octobre dernier par la Commission de justice du Sénat. Des mesures techniques sont également à l'étude afin d'organiser pratiquement ce changement de procédure. Les modalités de l'aide juridique lors de la première audition ont été ainsi révisées, le Gouvernement ayant pour ce faire consenti une importante augmentation des financements.

La délégation a indiqué que l'accès à un médecin dès les premières heures d'instruction ou à un avocat dès la première audition sont des principes garantis par la loi qui ne sont soumis à aucune condition. Il a été expliqué que la Belgique prévoit l'accès à un avocat après la première comparution devant un magistrat instructeur, qui doit intervenir dans les 24 heures suivant l'arrestation. Les règlements précisent que les déclarations initiales du justiciables, recueillies hors de la présence d'un avocat, ne peuvent servir à établir son incrimination. Le Parlement est saisi en ce moment même d'un projet de réforme de ces dispositions dont on ne peut préjuger à l'heure actuelle.

Le transfèrement de détenus belges vers les Pays-Bas repose sur une convention bilatérale qui date de 2009, adoptée après des débats parlementaires. Le droit applicable aux détenus dans la prison néerlandaise est le droit belge. La prison est d'ailleurs dirigée par du personnel belge. Les plaintes des détenus envoyés de Belgique sont entendues par la justice belge. Les conditions de détention dans cette prison sont meilleures que celles prévalant dans certaines prisons belges, a reconnu la délégation. Elle a observé en outre que la forte capacité de la prison (500 places) a permis d'amoindrir le problème de la surpopulation carcérale en Belgique. Par ailleurs, il a été précisé que la «loi Dupont» n'est appliquée que partiellement. La Belgique a choisi, en effet, de l'assortir d'une période de transition relativement longue, une série de projets pilotes devant être achevée pour déterminer les conditions de son application sur le terrain, s'agissant notamment de la gestion des conditions de vie.

Le problème de la surpopulation carcérale en Belgique varie en fonction des établissements. La situation est d'autant plus grave que l'on est parfois confronté à la vétusté des prisons, dont certaines datent du XIXe siècle. Les autorités ont donc lancé deux «master-plans» qui devraient améliorer la capacité carcérale du pays. Cette dimension n'étant pas suffisante à résoudre problème, des mesures alternatives sont actuellement à l'étude. C'est ainsi que la loi prévoit, depuis les années 1960 déjà, des peines de travail, des médiations, la mise en liberté conditionnelle. Chaque maison de justice dispose d'une cellule de coordination des peines et mesures alternatives, qui gère aussi la sensibilisation de la population. Il existe cependant des limites aux peines accomplies au sein des communautés: d'abord le manque de places disponibles, puis les réactions de la population.

La Belgique est, par ailleurs, dotée d'un cadre légal lui permettant d'incriminer les châtiments corporels sur les enfants. Les entités fédérées sont compétentes pour mettre sur pied des structures de services familiaux et de soutien individualisé. Elles mettent l'accent sur la sécurité des enfants. La délégation a aussi précisé qu'une réforme de la loi sur la protection de la jeunesse adoptée en 2006 a fortement étendu le nombre de mesures dont disposent le juge de la jeunesse et le tribunal des mineurs. Ils sont en particulier tenus d'envisager en priorité des mesures restauratrices et éducatives: surveillance par le service sociale compétent, imposition d'une prestation éducative et d'intérêt général, obligation de suivre un traitement psychologique, offre de médiation restauratrice. Il n'est pas possible de soumettre un mineur à la surveillance électronique. Par ailleurs, les autorités fédérales disposent d'une cinquantaine de places fermées pour mineurs délinquants, outre les institutions existant au niveau des communautés. Ces centres fermés ont pour objectif d'assurer l'insertion (professionnelle, sociale) des jeunes qui leur sont confiés.

La délégation a indiqué que les effectifs de la police belge s'élève à 50 000 agentes et agents, qui réalisent plusieurs millions d'interventions par an. L'État belge a mis en place plusieurs mécanismes de contrôle des activités de la police: un contrôle interne par voie hiérarchique, en voie de révision; l'inspection générale des services, qui dépend du Ministère de la justice; le «Comité P», qui dépend du Parlement; et les autorités politiques et judiciaires, qui exercent enfin leur contrôle traditionnel. La police belge et ses syndicats se plaignent d'être le corps le plus surveillé d'Europe.

D'autre part, l'utilisation du taser (pistolet à impulsion électrique) est régie par la loi et des circulaires et dépend de l'acquisition d'une formation spécialisée. Seules certaines unités de la police fédérale et de la police d'Anvers sont, dans les faits, autorisées à utiliser cette arme «moins mortelle», sa dangerosité se situant entre la matraque classique et l'arme à feu. En 2009, on parle d'une dizaine d'engagements impliquant des tasers. La police locale réclame de plus en plus d'avoir le droit de disposer de cette arme, pour faire face à des cas de violence extrême: l'exécutif fédéral n'est pas favorable à une telle généralisation, compte tenu des risques en termes de sécurité.

La délégation a aussi donné des précisions sur la gestion policière de la manifestation du «No Border Camp» (Non à l'Europe Forteresse) qui s'est tenu à Bruxelles à la fin du mois de septembre, assurant que les arrestations «massives» et préventives réalisées à cette occasion étaient justifiées par le niveau de dangerosité des certains militants, par l'ampleur de la manifestation et par le non respect de l'interdiction du port de la cagoule. L'action de police a permis d'éviter aussi bien les dégâts matériels que toute victime humaine, a précisé l'expert policier de la délégation.

La connaissance des lois contre la discrimination est un facteur important de leur succès, est convenue la délégation avec un expert du Comité: c'est pourquoi le Centre pour l'égalité des chances a ouvert une ligne téléphonique de plainte et que des campagnes de sensibilisation à ce sujet sont réalisées par les Communautés linguistiques. Les services de police sont désormais tenus d'enregistrer systématiquement le caractère raciste ou homophobe des agressions. Un nouveau système de recensement des incidents à caractère discriminatoire, lancé il y a un an, a vocation à donner un aperçu de l'ampleur du problème. Un autre projet à caractère plus scientifique a été lancé en parallèle. En 2009, plus de six cents policiers ont reçu une formation en communication interculturelle et sur la diversité culturelle ou sexuelle, entre autres sujets. Le Centre pour l'égalité des chances a lancé des partenariats avec les communautés et régions en vue d'une meilleure coordination de leur action. Enfin, la délégation a cité trois condamnations prononcées récemment pour discrimination envers des personnes handicapées.

La raison expliquant que les femmes ont longtemps été surreprésentées parmi les chômeurs tient à des lacunes relatives à leurs qualifications. La délégation a fait savoir que les femmes ne sont aujourd'hui plus surreprésentées dans les statistiques du chômage. Les mesures de formation en cours d'emploi ont été élargies aux personnes employées à temps partiel, une démarche qui favorise les femmes.

En ce qui concerne le problème des mariages forcés, des mesures de sensibilisation sont prises dans ce domaine par le Centre pour l'égalité des chances, à l'intention des jeunes filles en particulier. La délégation a par la suite précisé que la Belgique ne dispose pas encore de chiffres fiables concernant les mariages forcés, même si les services statistiques de l'État ont déjà créé l'indicateur à cette fin.

Répondant à une nouvelle série de questions, la délégation a notamment déclaré que la Belgique a adopté plusieurs plans d'action contre la traite des êtres humains, elle a notamment fait savoir que la Belgique a ratifié en 2008 la Convention pour la répression de la traite des êtres humains. Elle a transposé, en outre, dans sa législation, les directives européennes dans ce domaine, y compris les dispositions relatives au dédommagement des victimes et à la protection des mineurs. L'adoption de nouvelles mesures est envisagée à l'heure actuelle par la cellule interdépartementale sur la traite des êtres humains, qui devrait rendre son rapport à la fin du mois. Les victimes sont, pour l'heure, encadrées par des centres spécialisés qui veillent à leur aide juridique, administrative, psychosociale et médicale. La Belgique adaptera de plus sa législation en fonction de la modification des directives européennes.

S'agissant des recours, la loi sur le séjour des étrangers prévoit désormais qu'un délai de recours de cinq jours (trois jours ouvrables au minimum) est accordé aux personnes objets d'une mesure d'éloignement, au lieu d'un jour auparavant. Dans la pratique, on constate que ce laps de temps est suffisant. La Belgique ne reviendra donc pas sur sa législation. La délégation a indiqué en outre qu'un contrôle de la légalité de la mesure de détention préalable à l'éloignement est réalisé de par la loi. Les personnes qui arrivent aux frontières et qui demandent l'asile peuvent être, mais ne sont toujours, soumises à une mesure de maintien en détention, a-t-on précisé. La délégation a indiqué que le contrôle de l'exécution des mesures de refoulement sera probablement confié à l'inspection générale de la police fédérale. Elle a aussi souligné que, d'une manière générale, la Belgique préfère qu'une personne concernée quitte le territoire belge d'elle même, notamment dans le cadre d'une aide au retour. À défaut, et après épuisement des autres mesures, la Belgique procède, s'il est possible, à l'éloignement précédé éventuellement d'une mesure de maintien. Les familles à cet égard bénéficient de lieux d'hébergement alternatif et de l'encadrement d'un «coach» qui les aide à se préparer au retour. Les familles avec enfants qui se présentent aux frontières bénéficient des mêmes lieux d'hébergement. Le régime applicable dans les centres ou lieux d'hébergement peut faire l'objet d'une plainte, dans un délai de cinq jours après la connaissance par le plaignant de cette possibilité; et ce sans préjudice des autres recours en justice. Le contrôle des retours forcés sera assuré par l'Inspection générale de la police fédérale et de la police locale, l'AIG.

La Belgique met en place un système de «reconnaissance facultative» des cultes, une qualification qui n'a d'incidence que financière, l'État garantissant la liberté de culte à tous. L'islam est reconnu en Belgique depuis 1974. Une soixantaine de mosquées sont reconnues en Belgique, les salaires de vingt imams étant pris en charge par l'État. La Belgique envisage de reconnaître à terme près de la moitié des quelque 300 mosquées répertoriées et de salarier entre 200 et 250 imams. Les imams sont désignés par l'autorité exécutive de la religion musulmane.

L'islamophobie et l'antisémitisme sont visés et réprimés par des dispositions civiles et pénales.

Une «cellule de veille» contre l'antisémitisme a été instituée en collaboration avec le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme et des représentants de plusieurs Ministères. De très importants efforts pédagogiques sont consentis pour une meilleure cohabitation communautaire en Belgique dans le contexte général de l'actualité internationale: on a compté 108 actes antisémites en 2009, mais les chiffres sont en baisse en 2010.

L'islamophobie pose la question du rapport entre la liberté d'expression et la lutte contre l'incitation à la haine. Le Centre opère un classement entre différents comportements plus ou moins incriminables en justice: 47% des dossiers soumis au Centre tombent dans l'islamophobie sans infraction à la loi; 40% ressortissent des tribunaux; 13% ne sont pas incriminables. Le Centre constate qu'Internet sert de vecteur aux manifestations d'islamophobie. Le Centre applique une série de mesures pédagogiques pour apporter des solutions mais, le cas échéant, peut agir en justice.


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CT10/019F