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LE COMITÉ CONSULTATIF DU CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME ENTAME SA QUATRIÈME SESSION

Compte rendu de séance
Il entame l'examen d'un projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme

Le Comité consultatif du Conseil des droits de l'homme a ouvert ce matin les travaux de sa quatrième session, qui se tient jusqu'au 29 janvier au Palais des Nations, en entamant le débat sur un projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme.

L'ordre du jour, adopté ce matin après un amendement au programme de travail, prévoit l'examen d'un projet de Déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, l'examen un projet de principes et directives pour l'élimination de la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre et des membres de leur famille, une étude sur les pratiques concernant les personnes disparues, et de possible mesures concernant la discrimination dans le contexte de la réalisation du droit à l'alimentation.

M. Bacre Waly Ndiaye, Directeur de la Division du Conseil des droits de l'homme et des traités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a salué l'important travail réalisé par le Comité consultatif depuis son entrée en fonctions, il y a deux ans. Rappelant les questions qui seront examinées au cours de la présente session, il a souligné l'importance pour ses travaux de l'expertise de toutes les parties impliquées: organisations non gouvernementales, organes spécialisés, États membres, avant d'insister sur le caractère complémentaire des travaux du Comité et de ceux du Haut Commissariat aux droits de l'homme.

M. Alex Van Meeuwen, Président du Conseil des droits de l'homme, a pour sa part rendu compte des travaux récemment menés par l'organe de tutelle du Comité consultatif et a notamment rappelé que, parmi les nombreux sujets importants qui sont inscrits à l'ordre du jour de la principale session de 2010 du Conseil, qui se tiendra au mois de mars, figure notamment le projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme que le Comité doit lui soumettre.

Au début de la séance, Mme Halima Embarek Warzazi, Présidente du Comité consultatif, a annoncé que deux de ses membres, Mme Purification V. Quisumbing et M. Miguel Alfonso Martínez, ne pourraient être présents lors de la présente session pour raisons de santé, et que M. Baba Kura Kaigama serait également absent. À sa demande, le Comité consultatif a ensuite observé une minute de silence en hommage aux victimes de violations des droits de l'homme partout dans le monde ainsi qu'aux nombreuses victimes de la terrible catastrophe naturelle qui a frappé Haïti.

Le Comité consultatif s'est ensuite penché sur le projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme. M. Emmanuel Decaux, rapporteur du groupe de rédaction, a présenté un document de travail sur la question en rappelant que la déclaration devait être «un outil, une table d'orientation», il a insisté sur la lisibilité du texte pour l'homme de la rue, en plaidant pour une clarification des contenus, des programmes, des méthodes et des destinataires.

Un débat s'est ensuite engagé sur le projet de déclaration, auquel ont participé les membres suivants du Comité: M. Wolfgang Stefan Heinz, M. Dheeruljlall Seetulsingh, M. Vladimir Kartashkin, M. José Antonio Bengoa Cabello, Mme Chinsung Chung, M. Jean Ziegler, M. Shiqiu Chen et Mme Mona Zulficar. Les experts ont notamment relevé des lacunes dans la coordination et la mise en œuvre par les gouvernements de programmes d'éducation aux droits de l'homme et insisté sur le rôle important joué à cet égard par les organisations non gouvernementales et autres acteurs de la société civile. Certains ont estimé qu'il fallait dissocier l'éducation aux droits de l'homme de la question du droit à l'éducation et veiller à ce que les personnes exclues du droit à l'éducation en général puissent bénéficier de l'éducation aux droits de l'homme; d'autres ont estimé que si on voulait mettre en œuvre le droit à l'éducation aux droits de l'homme, il fallait d'abord mettre en œuvre le droit à l'éducation tout court. L'importance d'une véritable éducation aux droits de l'homme pour certains groupes comme les policiers ou les militaires, par opposition à une simple formation, a également été soulignée.

Les représentants des pays suivants sont également intervenus: Italie (au nom de la Plate-forme pour l'éducation aux droits de l'homme), Mexique, Espagne (au nom de l'Union européenne) et Pakistan. En particulier, ce dernier considère également que le droit à l'éducation est un préalable.


La prochaine séance plénière est prévue cet après-midi, à partir de 15 heures. Le comité poursuivra l'examen du point de son ordre du jour consacré à l'éducation et la formation aux droits de l'homme.


Déclarations d'ouverture

M. BACRE WALY NDIAYE, Directeur de la Division du Conseil des droits de l'homme et des traités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a rappelé que depuis sa création, il y a moins de deux ans, le Comité consultatif avait mené un important travail, notamment à sa troisième session, en août dernier. Il a rappelé les principales questions à l'examen au cours de la présente session: l'élaboration d'un projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme; le projet d'ensemble de principes et directives en vue d'éliminer la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre; l'étude sur la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation; l'étude sur la discrimination dans le contexte du droit à l'alimentation; et l'étude sur les meilleures pratiques concernant les personnes disparues.

M. Ndiaye a insisté sur le caractère complémentaire des travaux du Comité et de ceux du Haut Commissariat aux droits de l'homme. Le Haut Commissariat se félicite notamment du travail du Comité sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme et du rapport de M. Emmanuel Decaux sur la question. Il a rappelé le séminaire d'experts de Marrakech sur ce thème organisé en juillet dernier, estimant dans ce contexte qu'une déclaration des Nations Unies sur ce thème serait un outil essentiel. Il a aussi rappelé que le Haut Commissariat travaillait sur ce thème avec les différentes institutions des Nations Unies et qu'un rapport devait être présenté à la soixante-cinquième session de l'Assemblée générale.

S'agissant des principes et directives en vue d'éliminer la discrimination à l'égard des personnes touchées par la lèpre, M. Ndiaye a indiqué que, depuis la présentation de son rapport sur la question lors de la dixième session du Conseil des droits de l'homme, le Haut Commissariat avait diffusé le projet de principes et directives en s'adressant aux différentes parties intéressées et au rapporteur du groupe de rédaction. Il a souligné que ce nouvel outil législatif sera enrichi par les analyses de cette session du Comité consultatif et qui doit être soumis au Conseil lors de sa quinzième session (septembre 2010). Le Haut Commissariat a pu examiner différents témoignages faisant état notamment du déni d'éducation, ou encore de stérilisation forcée. La lèpre doit être intégrée dans toute stratégie visant à résoudre les maladies orphelines et faire partie des premières priorités internationales.

En ce qui concerne la question des personnes disparues, l'Assemblée générale et le Conseil ont affirmé qu'elle relève à la fois du droit humanitaire international et du droit international relatif aux droits de l'homme, en soulignant les devoirs des États à cet égard et en rappelant les obligations des parties aux conflits pour s'agissant des mesures à prendre pour mener des recherches pour retrouver ces personnes. Les États doivent prendre des mesures pour clarifier le statut juridique des personnes disparues. M. Ndiaye a indiqué que le Haut Commissariat avait envoyé un questionnaire aux États membres en novembre dernier concernant les meilleures pratiques sur la question des personnes disparues.

Le Haut Commissariat se félicite du travail du Comité consultatif sur le droit à l'alimentation, a poursuivi M. Ndiaye. Il fournit une analyse claire et des lignes directrices. Un travail de plaidoyer a permis de se concentrer sur les groupes vulnérables comme les petits exploitants agricoles. Il faut se concentrer sur les mécanismes de recours et l'examen des pratiques discriminatoires et de déséquilibres dans la distribution. Il faut aussi mener des actions concrètes au niveau international et promouvoir des stratégies nationales de développement.

M. ALEX VAN MEEUWEN, Président du Conseil des droits de l'homme, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme devait s'acquitter de sa tâche en utilisant efficacement ses différentes procédures, ajoutant que, lorsqu'il s'agit de travail thématique, il compte beaucoup sur l'expertise du Comité consultatif et attend avec impatience les résultats de ses travaux. Depuis la tenue de la dernière session du Comité consultatif, le Conseil des droits de l'homme a tenu sa douzième session ordinaire, du 14 septembre au 2 octobre, au cours de laquelle se sont déroulés des dialogues interactifs avec sept titulaires de mandats spéciaux, qu'il a jugés très productifs. Il a rappelé que le Conseil avait lors de cette session adopté 31 textes – 28 résolutions et trois décisions – dont seuls cinq avaient nécessité un vote.

M. Van Meeuwen a ensuite dressé un bilan des travaux des différents mécanismes subsidiaires du Conseil depuis août dernier. Il a notamment rappelé que le groupe de travail sur l'Examen périodique universel avait tenu sa sixième session, du 30 novembre au 12 décembre, pour examiner la situation dans 16 États, portant ainsi à 96 le nombre de pays ayant fait l'objet d'un examen de la situation des droits de l'homme avec la participation de 100% des États concernés. Il a également mentionné les sessions du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones, du Forum social et du Forum sur les questions relatives aux minorités.

Le Président du Conseil a attiré l'attention du Comité consultatif sur le fait que nombre de sujets importants sont inscrits à l'ordre du jour de la prochaine session du Conseil, qui se tiendra du 2 au 28 mars, y compris l'examen du rapport annuel de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et des dialogues interactifs avec 13 titulaires de mandats de procédures spéciales. Il a en particulier rappelé que le Conseil devait également tenir des débats de haut niveau, notamment sur le projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme que le Comité doit lui soumettre.

Enfin, le Conseil a décidé, lors de sa session de septembre dernier, d'établir un groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée sur l'examen du travail et du fonctionnement du Conseil après cinq ans, prévu par l'Assemblée générale dans sa résolution 60/251. M. Van Meeuwen a estimé que cet examen offrira à tous l'occasion de préciser certains des mécanismes et d'ajuster certaines des méthodes de travail actuelles.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, Présidente du Comité consultatif, a souligné que le Comité disposant de très peu de temps pour s'acquitter de sa charge de travail. Elle a fait appel au Conseil des droits de l'homme pour qu'il traite aussi rapidement que possible les documents et recommandations formulées par le Comité consultatif afin de lui permettre de s'acquitter de son travail aussi efficacement que possible. Le Comité a pleinement respecté les missions que lui a confiées le Conseil à ce jour et continuera de le faire avec diligence. Le Comité consultatif est saisi d'une série de questions, notamment le projet sur les personnes disparues, et la Présidente a de nouveau rappelé que les experts disposaient de très peu de temps.


Examen de la question de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme

Présentation du rapport

M. EMMANUEL DECAUX, expert du Comité consultatif et rapporteur du groupe de rédaction sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, a rappelé que le Conseil des droits de l'homme lui avait confié une mission ambitieuse par sa résolution 6/10 intitulée «Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme», qui a été adoptée en septembre 2007. Il s'agissait «d'élaborer un projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, qui sera présenté au Conseil des droits de l'homme pour examen». Un rapport intermédiaire a été préparé, qui a été accueilli avec satisfaction en mars 2009. La prochaine échéance vise la remise du rapport final en vue d'un débat général lors de la session principale du Conseil des droits de l'homme de mars 2010.

M. Decaux a mis l'accent sur la méthode ouverte et transparente qui a été suivie à toutes les étapes par le groupe de rédaction. La phase initiale de consultation des diverses parties prenantes, sur la base des questionnaires, s'est prolongée par de nombreux échanges. Il a en particulier insisté sur le colloque de Marrakech, organisé par les États du pôle Éducation aux droits de l'homme en juillet dernier. Le rapporteur a exprimé son souhait de voir le Comité consultatif discuter du projet de déclaration pour permettre au groupe de rédaction de se réunir de manière informelle pour procéder aux derniers ajustements, à la lumière des discussions. Selon lui, ce travail doit être le travail collectif du Comité consultatif et il s'agit d'un précédent important pour l'avenir du Comité consultatif en tant qu'organe d'expertise indépendant.

Le document de travail devait être lu comme une ébauche de rapport explicatif de la Déclaration des Nations Unies sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme, précisant des notions de base telles que la définition de l'éducation aux droits de l'homme. Le document montre que le droit à l'éducation n'est pas un droit nouveau ou spécifique mais découle logiquement du droit à l'éducation tel que défini par la Déclaration universelle et le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il est la conséquence logique de ce droit mais en même temps la base de la connaissance et de la jouissance de l'ensemble des droits de l'homme. En outre, le document s'efforce de clarifier les questions de vocabulaire, qui sont déjà complexes et évolutives dans chaque langue. Il a montré comment les traductions rendent difficilement lisibles des notions pédagogiques, comme l'interface entre l'enseignement et l'apprentissage. Selon lui, afin de mener à bien le travail demandé, il suffit d'une définition synthétique et inclusive qui sous la notion d'éducation aux droits de l'homme, couvre toutes les formes d'enseignement, de formation et de sensibilisation aux droits de l'homme. Cela va de l'alphabétisation et de l'apprentissage au niveau le plus modeste jusqu'à la formation professionnelle des magistrats et fonctionnaires, en passant par l'information de l'ensemble des citoyens. De plus, à tous les niveaux, au lieu de se perdre en définitions, il a préconisé une clarification des programmes, méthodes et destinataires, notamment les groupes les plus vulnérables.

Le document de travail sur le projet de déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme (A/HRC/AC/4/3) rappelle que l'éducation aux droits de l'homme est au cœur du projet des Nations Unies depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui évoque le rôle de «l'enseignement et de l'éducation» pour développer le respect des droits de l'homme. Il précise que l'objectif du Comité consultatif est de mettre au point un «outil de travail» pour toutes les parties prenantes, en rappelant les principes de base et les priorités générales du droit l'éducation et à la formation aux droits de l'homme, avant de mettre l'accent sur les mesures d'application, l'évaluation et le suivi des efforts entrepris, aussi bien sur le plan interne que dans le cadre international. L'idée d'un document relativement bref et accessible à tous s'est imposée, avec la distinction entre une déclaration-cadre de portée générale et des volets plus techniques, concernant des domaines particuliers pouvant être développés dans un deuxième temps.

D'une manière générale, le projet de déclaration rappelle que le droit à l'éducation aux droits de l'homme n'est pas un droit nouveau, c'est une des composantes du droit à l'éducation, tels qu'il a été consacré par les instruments internationaux et régionaux. Il ne s'agit pas d'une simple option, relevant du volontarisme des États, mais bien d'une obligation juridique dérivant de la consécration du droit à l'éducation en tant que tel, dans de nombreux instruments internationaux. Le droit à l'éducation aux droits de l'homme est un droit fondamental; c'est parce que chacun connaît ses droits et des obligations qu'il est à même de respecter et de faire respecter l'ensemble des droits de l'homme internationalement reconnu.

Plus concrètement, l'avant-projet prévoit que l'Assemblée générale déclare que le droit à l'éducation et à la formation aux droits de l'homme est un droit fondamental, inhérent à la dignité de la personne humaine et intiment liée à la jouissance effective de l'ensemble des droits de l'homme. Aux termes de ce texte, l'éducation et la formation aux droits de l'homme nécessitent une éducation de qualité, fondée sur les principes de la Déclaration universelle et les autres instruments pertinents. L'éducation et la formation aux droits de l'homme doivent pleinement prendre en compte les groupes vulnérables, afin d'éliminer les causes d'exclusion ou de marginalisation et de permettre à chacun d'exercer effectivement l'ensemble de ses droits. Le texte prévoit que l'éducation et la formation aux droits de l'homme concernent tous les niveaux – préscolaire, primaire, secondaire et universitaire – et toutes les formes d'éducation, de formation et d'apprentissage, que ce soit dans le cadre scolaire, extrascolaire, non scolaire dans le secteur public comme dans le secteur privé. Le document souligne en outre que l'éducation et la formation aux droits de l'homme sont étroitement liées à la mise en œuvre du droit à l'information et doivent intégrer les perspectives de l'ère numérique afin de favoriser la solidarité numérique.

Selon ce projet de déclaration, l'éducation et la formation aux droits de l'homme incombent à la responsabilité première de l'État qui doit les respecter, les protéger et les mettre en œuvre. Il a une responsabilité première pour la réalisation effective de ce droit à l'égard des groupes vulnérables; il a également une responsabilité propre s'agissant de la formation initiale et permanente de ses agents, notamment les magistrats, les policiers, les gardiens de prison, et l'ensemble des agents d'application de la loi. L'éducation et la formation aux droits de l'homme doivent bénéficier d'une volonté politique forte, clairement manifestée à travers une stratégie nationale d'ensemble, une mobilisation des moyens humains et financiers, avec des engagements précis et des objectifs concrets. La conception, la mise en œuvre et le suivi de cette stratégie doivent associer toutes les parties prenantes, notamment les organes de la société civile, précise le document.

Au niveau international, l'ONU doit promouvoir l'éducation et la formation aux droits de l'homme auprès de ses personnels civils et militaires. Elle a une responsabilité particulière dans les situations de crise, pour faire de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme une priorité des programmes de consolidation de la paix et de reconstruction de l'État. La coopération internationale sur le plan multilatéral ou bilatéral et, notamment, la coopération décentralisée devraient appuyer et renforcer les efforts nationaux par des mesures incitatives et des expériences pilotes. La création d'un Fonds volontaire international pour l'éducation et la formation aux droits de l'homme devrait contribuer au financement d'initiatives et de projets novateurs sur le terrain, souligne le texte. Un Observatoire international de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme pourrait également être mis en place pour faciliter la mise en œuvre et le suivi de la présente Déclaration. Enfin, des «ambassadeurs de bonne volonté», à l'échelle internationale ou nationale, personnalités, artistes, sportifs, pourraient également contribuer utilement à diffuser la culture des droits de l'homme auprès de publics très différents.

Débat

M. WOLFGANG STEFAN HEINZ, expert du Comité consultatif, a suggéré un amendement à l'article 33, qui concerne un observatoire international de l'éducation et de la formation aux droits de l'homme: il pense qu'il serait souhaitable d'inclure quelques mots supplémentaires, comme «unité de surveillance établie au niveau national dont la tâche serait d'évaluer l'éducation en matière de droits de l'homme». En effet, il a fait le constat que ce qui manquait souvent c'est une unité interministérielle qui se pencherait sur le travail du gouvernement dans son ensemble. Il a préconisé que cette formulation soit incluse dans le texte sus-cité et tous les autres documents pertinents.

M. DHEERUJLALL SEETULSINGH, expert du Comité consultatif, a déclaré qu'il appuyait la position des organisations non gouvernementales qui soulignent que ce n'est pas à l'État de décider des programmes que les organisations non gouvernementales doivent mettre en œuvre quand elles décident de promouvoir les droits de l'homme. Se sont en effet souvent les organisations non gouvernementales qui éduquent aux droits de l'homme; l'État peut élaborer son propre programme d'éducation aux droits de l'homme mais sans décider de celui des organisations non gouvernementales, a estimé M. Seetulsingh. Il a ensuite abordé le problème de la traduction: il a constaté que des notions étaient perdues dans la traduction du texte de M. Decaux. Ainsi, l'idée selon laquelle l'éducation aux droits de l'homme doit s'enrichir de la diversité est difficile à traduire. Il a par ailleurs relevé l'article 3 du projet, selon lequel «L'éducation et la formation aux droits de l'homme sont une composante essentielle du droit à l’éducation pour tous». Or selon lui l'éducation peut être dissociée du droit à l'éducation, d'autant que, dans beaucoup de pays pauvres, il n'y a pas de droit à l'éducation. L'éducation aux droits de l'homme, pour les analphabètes, reste importante. Donc l'éducation aux droits de l'homme peut exister de manière autonome car c'est cette éducation aux droits de l'homme qui peut faire prendre conscience à tous qu'ils ont droit à une éducation formelle - qui peut donc succéder à l'éducation aux droits de l'homme.

En outre, M. Seetulsingh a rappelé que les organisations non gouvernementales insistent pour que la notion d'éducation aux droits de l'homme soit précisée. Le texte insiste sur les technologies de l'information et de la communication alors que ces technologies ne sont pas disponibles dans tous les pays. Concernant la diversité culturelle, dans de nombreux pays, plusieurs communautés vivent à côté les unes des autres et l'un des premiers objectifs de l'éducation des droits de l'homme doit être d'aider les gens à se comprendre mieux. Il a aussi relevé une tendance à insister davantage sur la surveillance que sur la mise en œuvre de l'éducation aux droits de l'homme. Selon M. Seetulsingh, la surveillance doit arriver dans un deuxième temps. Le texte insiste trop sur les mécanismes de surveillance, a-t-il insisté.

M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert du Comité consultatif, a jugé que le document présenté était excellent et pourrait être adopté après discussion au Comité consultatif de cette session. M. Decaux a utilisé de nombreuses sources disponibles au sein des Nations Unies. M. Kartashkin a estimé qu'il était important de mentionner, après éducation primaire gratuite et obligatoire, l'accessibilité de l'éducation secondaire et tertiaire. Il s'est basé sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui mentionne l'éducation à l'école qui doit devenir obligatoire et gratuite et mentionne l'éducation secondaire. Concernant le paragraphe 8: il faudrait dire que la formation et éducation aux droits de l'homme devraient être rendus possibles gratuitement et par tous les moyens appropriés. Il est en effet important de faire participer le plus grand nombre de personnes à l'éducation aux droits de l'homme: si elle n'est pas gratuite, le nombre de personnes touchées sera restreint. Il faut donc parler de gratuité dans le projet de déclaration. Les États qui vont présenter leurs rapports aux différents organes conventionnels doivent inclure la question de l'éducation aux droits de l'homme et du droit à l'éducation aux droits de l'homme dans leur rapport: cela devrait être rajouté au paragraphe 18 du rapport.

M. JOSÉ ANTONIO BENGOA CABELLO, expert du Comité consultatif, a jugé clair et concis le projet de déclaration qui, a-t-il ajouté, touche aux problèmes les plus importants. Jugeant toujours problématiques les propositions de dernière minute, il a déclaré qu'un tel texte avait toujours une vocation éducative et devrait s'adresser à un public: il devrait donc être aisément compréhensible. À propos de l'article 8 sur l'éducation aux droits de l'homme à tous les niveaux, il a estimé que cela signifiait que les droits de l'homme devaient se trouver à tous les niveaux d'éducation. Il a également insisté sur la nécessité d'une éducation aux droits de l'homme, et non d'une simple formation, pour toutes les forces de police et militaires, qui sont les plus susceptibles de commettre des atteintes aux droits de l'homme. Il ne s'agit pas simplement de fournir simplement une formation à des unités militaires ou de police qui partent par exemple travailler dans des opérations de maintien de la paix, mais d'enseigner pleinement les droits de l'homme dans le cadre des programmes d'enseignement de toutes les écoles miliaires ou de police, a-t-il souligné.

MME CHINSUNG CHUNG, experte du Comité consultatif, a estimé que les écoles devaient jouer un rôle charnière dans les droits de l'homme et a proposé qu'on insiste davantage sur les programmes scolaires dans l'éducation aux droits de l'hommes, en mentionnant expressément la formation des instituteurs aux droits de l'homme dans le cadre du l'article 17 du projet de déclaration. Elle a également estimé qu'il fallait aller plus loin dans la définition des groupes vulnérables.

M. JEAN ZIEGLER, expert du Comité consultatif, a estimé que l'éducation aux droits de l'homme devait couvrir à la fois les droits civils et politiques et les droits économiques et culturels. Or, a-t-il affirmé, les représentants de divers pays occidentaux refusent depuis longtemps de reconnaître ces droits économiques, sociaux et culturels, notamment le droit à l'alimentation. Rappelant qu'il existe un fossé au sein des Nations Unies entre ceux qui reconnaissent et ceux qui refusent ces droits économiques, sociaux et culturels, et notamment les néolibéraux qui estiment que de tels droits ne peuvent pas être obtenus directement mais seulement progressivement. Il a demandé si le contenu de l'article 4 du projet de déclaration était le fruit d'une «conversion miraculeuse» de certains pays occidentaux ou s'il s'agissait d'une épreuve de force avec les pays occidentaux. Dans ce dernier cas, il s'est dit tout à fait d'accord pour la tenter.

M. DECAUX a répondu qu'il n'y avait ni feu vert de ces pays ni volonté d'épreuve de force mais que, sur la base de la Déclaration universelle des droits de l'homme et des Pactes, il existe une dynamique de ratification de l'ensemble constitué par la Charte universelle des droits de l'homme, qui fait que ce qui avait été dissocié lors de l'adoption des deux Pactes relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, était progressivement en cours de réunification.

MME MONA ZULFICAR, experte du Comité consultatif, a salué le rôle des organisations non gouvernementales pour attirer l'attention sur les personnes handicapées ou vulnérables et autres situations de discrimination. Elle a ensuite axé son intervention sur le mécanisme national afin de consolider l'éducation aux droits de l'homme, en vue de sa mise en œuvre et évaluation. On sait qu'un tel mécanisme permet aux parties prenantes de s'exprimer et aux acteurs gouvernementaux d'agir et favorise la promotion des droits de l'homme. Il faut donc mentionner ces mécanismes dans le texte de la déclaration. Mme Zulficar a aussi souligné l'importance des instituts nationaux des droits de l'homme: au vu du rôle de ces instituts, il est important qu'ils soient autonomes et reçoivent les ressources nécessaires pour jouer un rôle de premier plan. Cela doit apparaître dans le texte selon elle.

M. SHIQIU CHEN, expert du Comité consultatif, Est revenu sur la notion même de l'éducation aux droits de l'homme. La première partie du texte porte sur la portée de l'éducation aux droits de l'homme. M. Chen est d'accord pour dire que l'éducation aux droits de l'homme doit être incorporée aux droits de l'homme. Toutefois, s'il s'agit de créer un nouveau droit, il s'est demandé si l'on avait une base solide sou s l'angle du droit international. En outre, il a déclaré que si on voulait mettre en œuvre le droit à l'éducation aux droits de l'homme, il fallait d'abord mettre en œuvre le droit à l'éducation tout court. Or, dans beaucoup de pays, ce droit n'est pas encore réalisé. Lequel de ces droits doit l'emporter, s'est-il interrogé. Le droit à l'éducation est très important mais ce n'est pas une séquence inchangeable. Selon lui, il faut parler d'efforts au niveau international. À ce niveau, il s'est demandé comment on pouvait parler de jouissance de droits à l'éducation aux droits de l'homme, quelles mesures il fallait mettre en œuvre. Il a relevé l'idée de créer un fonds volontaire international pour l'éducation et la formation aux droits de l'homme, mais s'est demandé sur quelle base juridique s'appuiera la création du centre de suivi et de surveillance internationale mentionné dans le texte. «Qui va fournir un mandat à ce centre et quelles seront les conséquences de cette activité?» a-t-il demandé. En outre, le paragraphe 33 mentionne aussi la création d'un observatoire: selon M. Chen, cela va au-delà du mandat du Comité consultatif. Une fois que le centre de surveillance sera créé, il ne disposera pas de base juridique pour assurer la surveillance, a-t-il averti.

MME LAURA MIRACHIAN (Italie au nom de la Plate-forme pour l'éducation aux droits de l'homme - Costa Rica, Philippines, Maroc, Italie, Sénégal, Slovénie et Suisse), a estimé que le projet de déclaration et le rapport présenté constituent les premiers résultats importants d'un travail crucial, accompli dans un processus très ouvert, inclusif et transparent, qui a associé les membres de divers gouvernements, organisations non gouvernementales et instances gouvernementales. La future déclaration constitue un message clair que l'éducation aux droits de l'homme est une priorité. La déclaration est un outil utile pour toutes les parties prenantes, a-t-elle estimé, ajoutant qu'il a une base juridique solide sans être en soi un texte juridique et représente une base pour de futurs textes juridiques. Rappelant que l'éducation aux droits de l'homme, la sensibilisation, l'apprentissage ou encore la formation ne sont pas des formules synonymes, elle s'est dite favorable à la formulation «éducation aux droits de l'homme» qui les englobe toutes. Elle a estimé que le préambule du projet de déclaration représente un bon équilibre. Elle a estimé que la notion de droit à l'éducation aux droits de l'homme, qui sera sans doute un des points essentiels du débat, doit dans tous les cas être discutée en gardant à l'esprit que la déclaration a pour objectif ultime d'être efficace et non d'alimenter un débat théorique. Par ailleurs, elle a demandé que davantage d'attention soit accordée dans le document au rôle de la communauté éducative, sans quoi les fonctions et responsabilités au niveau national mentionnés dans le texte perdraient beaucoup de leur sens.

MME MARIANA OLIVERA WEST (Mexique) a déclaré qu'il était important qu'il y ait une référence aux personnes handicapées dans le texte. «Ce serait une chance qu'on laisserait s'échapper si l'on ne mentionnait pas les personnes handicapées» a-t-elle estimé. Il faut en parler, notamment dans la mise en œuvre de la déclaration.

M. POL PLANAS CALLICO (Espagne au nom de l'Union européenne) a souligné l'importance de développer une culture des droits de l'homme. Selon lui, une déclaration sur l'éducation et la formation aux droits de l'homme jouera un rôle important car elle fournira des principes et des responsabilités, elle permettra de voir les liens entre éducation, formation et apprentissage. Elle enverra un message clair à la communauté internationale. L'Union européenne est favorable à une approche régionale. Par ailleurs, l'Union européenne aurait souhaité que les documents pertinents soient mis à disposition en temps utile et M. Callico a souligné la nécessité d'une approche cohérente et consultative aux activités du Comité consultatif.

M. MUHAMMAD SAEED SARWAR (Pakistan) a souligné que la jouissance du droit à l'éducation était un objectif principal. Le projet ne crée rien de nouveau mais il faut insister sur la composante «droit à l'éducation aux droits de l'homme». Il a relevé qu'il n'y a pas accord des États membres sur ce point. En outre, il n'est pas fait mention des objectifs de ce projet de déclaration, et il ne parle pas de la nécessité de respecter les traditions dans le cadre du droit à l'éducation. Enfin, pour le Pakistan, la déclaration devrait rappeler à la communauté internationale qu'elle a un rôle à jouer en matière de droit à l'éducation.


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AC10/002F