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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS AUDITIONNE DES ONG SUR LA SITUATION DANS LES PAYS À L'EXAMEN

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé, cet après-midi, à l'audition d'organisations non gouvernementales concernant la situation des droits économiques, sociaux et culturels dans plusieurs pays dont les rapports seront examinés au cours de la session qui s'est ouverte ce matin.

S'agissant de la République démocratique du Congo, les intervenants se sont inquiétés de l'opacité et de la corruption qui semblent accompagner les contrats miniers dans le pays ainsi que de la recrudescence des actes de répression à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme. Ont aussi été abordés les problèmes liés à la grave situation vécue par les communautés rurales et paysannes du pays s'agissant de l'accès à une alimentation adéquate et à l'eau potable.

S'agissant de Madagascar, l'attention a été attirée sur un projet d'agrobusiness à Madagascar qui a été qualifié d'emblématique du problème de l'accaparement de terres dans les pays en développement par de grandes entreprises étrangères, en raison de l'étendue des terres concernées, de la forme du contrat, qui ne prévoirait aucune compensation financière, et de la destination des récoltes, qui viserait à renforcer la sécurité alimentaire en République de Corée.

Les interventions au sujet de la situation en République de Corée ont pour leur part dénoncé la régression globale des droits économiques, sociaux et culturels et de la qualité de vie de la majorité de la population ainsi que le recours excessif à la force par la police lors de grèves et autres manifestations qui ont secoué le pays.

En ce qui concerne la Pologne, l'attention a particulièrement été attirée sur la situation des toxicomanes dans ce pays, qui seraient traités en criminels.

Dans une déclaration de portée générale, le représentant de la Coalition des ONG pour le Protocole facultatif a insisté sur l'importance que revêt le nouveau Protocole facultatif (permettant au Comité de recevoir et d'examiner des plaintes de particuliers qui affirment être victimes d'une violation des droits énoncés dans le Pacte) dans le système global de protection des droits de l'homme du système des Nations Unies. À cet égard, le Président du Comité, M. Jaime Marchán Romero, avait souligné en début de séance qu'il incombe aussi à la société civile de participer au travail de persuasion à l'égard des États pour favoriser la ratification du Protocole facultatif.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique présenté par la République démocratique du Congo (E/C.12/COD/5).


Aperçu des déclarations des organisations non gouvernementales

S'agissant de la République démocratique du Congo

Un représentant de l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'homme (programme conjoint de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme et de l'Organisation mondiale contre la torture), a souligné que les années 2008 et 2009 ont été marquées en République démocratique du Congo par la reprise de la guerre dans l'est du pays et la radicalisation des tensions entre les acteurs politiques et, dans ce contexte, par une restriction des libertés fondamentales gravement préjudiciables aux défenseurs des droits de l'homme. Les défenseurs des droits de l'homme qui luttent contre la corruption font régulièrement l'objet d'actes de harcèlement, a poursuivi le représentant. En outre, les autorités restant particulièrement sensibles à tout ce qui touche aux ressources naturelles, les défenseurs des droits économiques, sociaux et culturels qui dénoncent les conséquences environnementales des activités minières et forestières ou des cas de corruption s'exposent à des menaces ou entraves dans leur travail. De plus, de nombreuses entreprises minières congolaises et étrangères développent leurs activités en dehors du cadre légal national et des instruments internationaux, notamment dans la province du Katanga et de l'Équateur. Les autorités locales, qui jouissent d'une certaine liberté par rapport au pouvoir central, sont régulièrement accusées de collusion avec certaines de ces entreprises par les défenseurs des droits de l'homme et avocats de la région, ce qui leur vaut d'être la cible de ces mêmes autorités. Aussi, au regard de la recrudescence des actes de répression à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme en République démocratique du Congo, le représentant, qui appartient à la «Ligue des électeurs», a-t-il recommandé aux autorités congolaises de garantir en toutes circonstances l'intégrité physique et psychologique des défenseurs des droits de l'homme dans le pays et de mettre fin à l'impunité des auteurs de violations à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.

Une représentante de l'Association africaine de défense des droits de l'homme a attiré l'attention sur le rapport publié par la section katangaise de son association en juillet 2009 concernant l'exploitation illégale de la mine uranifère de Shinkolobwe. Ce rapport met notamment en relief la poursuite, grâce à un réseau mafieux, de l'exploitation artisanale de cette mine pourtant dangereuse pour la santé publique et la sécurité internationale. La représentante a par ailleurs attiré l'attention sur l'accord entre l'entreprise française Areva et le Gouvernement congolais concernant l'exploitation industrielle de cette mine, indiquant que cet accord «accorde en réalité un droit exclusif d'exploration et d'exploitation de tout l'uranium congolais à une seule entreprise – Areva – réputée violatrice des droits humains en Afrique, sans un appel d'offres quelconque, ni une évaluation préalable des gisements uranifères congolais pourtant stratégiques». Il semble que la République démocratique du Congo vienne de donner son accord pour la mise en place sur son territoire d'une exploitation industrielle illégale sur une zone déclarée interdite à toute activité minière cinq ans auparavant, a insisté la représentante. Elle a enfin recommandé aux autorités congolaises de s'abstenir de toute menace ou harcèlement judiciaire à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme qui dénoncent les violations des droits économiques, sociaux et culturels.

Une représentante de FIAN international pour le droit à l'alimentation a attiré l'attention sur la grave situation des communautés rurales et paysannes en République démocratique du Congo s'agissant de l'accès à une alimentation et à une eau adéquates. Cette situation résulte notamment de l'insécurité en matière de propriété foncière; de la compétition entre les activités minières et extractives, d'une part, et des activités de production alimentaire, de l'autre; ainsi que du manque de protection et de soutien en faveur des petits producteurs alimentaires.

Un représentant de Franciscain International a attiré l'attention sur un certain nombre d'articles du Code de la famille congolais qui recèlent un traitement discriminatoire préjudiciable à la jouissance par les femmes de leurs droits. Il a donc recommandé au Gouvernement d'établir, avec l'assistance technique du Haut Commissariat aux droits de l'homme et de la Division des droits de l'homme intégrée à la Mission de l'Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC), un calendrier précis du chantier des réformes visant à modifier les textes juridiques congolais discriminatoires à l'égard de la femme. Le représentant a par ailleurs dénoncé l'irruption des policiers, le 18 mars dernier, dans la commune de Kasa Vuba à Kinshasa pour y expulser les habitants suite à une décision d'expropriation du Ministère des affaires foncières; la construction d'un hôpital moderne serait en projet sur la commune, a-t-il précisé, avant de recommander aux autorités congolaises de reloger les familles qui errent encore désespérément à la recherche d'un logement décent. Le représentant de Franciscain International a par ailleurs fait observer que la couverture de l'approvisionnement en eau n'est que de 45% en République démocratique du Congo et seulement de 26% dans les zones rurales. Il a en outre dénoncé l'opacité et la corruption qui accompagnent la passation des contrats miniers dans le pays. Selon le paragraphe 243 du rapport présenté par la République démocratique du Congo elle-même, approximativement 18,5 millions de personnes n'ont pas accès à une forme quelconque de soins de santé dans le pays; cette situation a favorisé l'automédication qui prend des proportions inquiétantes avec les risques d'intoxication que cela entraîne. Le représentant a par ailleurs recommandé au Gouvernement de rendre l'éducation primaire gratuite et obligatoire avec des mesures d'accompagnement visant à dégager les parents de toute contrainte financière ou autre.

S'agissant de la Pologne

Une représentante de l'International Harm Reduction Association a attiré l'attention sur la situation qui prévaut en Pologne s'agissant des questions associées aux drogues, faisant observer que dans ce pays, entre 100 000 et 120 000 personnes peuvent être considérées comme des usagers problématiques de drogues - 20 à 40 000 d'entre elles utilisant les opiacés. La représentante a déploré les difficultés rencontrées par les toxicomanes en matière d'accès à des produits de substitution, sans compter la faiblesse des programmes de mise à disposition de seringues. La Pologne a l'une des lois les plus répressives en matière de stupéfiants, la simple possession de drogues pouvant entraîner une peine de trois années d'emprisonnement. Dans ce pays, le toxicomane est avant tout considéré comme un criminel, a dénoncé la représentante.

S'agissant de la République de Corée

Une représentante de Asian Forum for Human Rights and Development a déclaré que d'une façon générale, les droits économiques, sociaux et culturels et la qualité de vie de la plupart des habitants de la République de Corée ont régressé. Le Gouvernement a répondu à la crise en prenant des mesures qui ne font qu'augmenter les opportunités d'emploi temporaire et diminuer les charges fiscales pesant sur les personnes les plus riches. En outre, le Gouvernement de la République de Corée nie le caractère contraignant du Pacte au niveau national. L'orientation politique suivie par le Gouvernement pour accroître la flexibilité en matière d'emploi et créer un environnement favorable aux affaires prend la forme d'une politique de réduction de la protection accordée aux travailleurs en vertu du droit du travail. La représentante a par ailleurs dénoncé l'usage excessif de la force par la police lors de grèves et autres manifestations qui ont secoué le pays. Elle a en outre déploré le manque total de protection dont souffrent les personnes qui travaillent dans le secteur informel.

S'agissant de Madagascar

Une représentante du Collectif pour la défense des terres malgaches a attiré l'attention sur le projet d'agrobusiness de Daewo à Madagascar, affirmant que «l'affaire Daewo à Madagascar» est souvent qualifiée d'emblématique dans le dossier sur l'accaparement de terres, par l'étendue des terres concernées – 1,3 millions d'hectares –, la forme du contrat – sans aucune compensation financière –, et la destination des récoltes – puisque le «groupe sud-coréen» a l'intention de se lancer dans la culture de maïs et la production d'huile de palme pour renforcer la sécurité alimentaire en République de Corée. Les droits des citoyens et paysans malgaches à l'alimentation seraient fortement lésés par ce contrat s'il devenait effectif, a insisté la représentante.

Déclaration de portée générale

Un représentant de la Coalition des ONG pour le Protocole facultatif a exposé la stratégie de la Coalition pour promouvoir la signature et la ratification de ce nouvel instrument en insistant sur l'importance que revêt le Protocole dans l'architecture globale de protection des droits de l'homme du système des Nations Unies. L'un des avantages de ce Protocole est qu'il permettra d'attirer l'attention sur les recours existants au niveau interne puisqu'il prévoit le critère d'épuisement des recours internes pour déclarer une plainte recevable, a souligné cet intervenant.


Échange de vues

Un membre du Comité a souligné que si la situation n'est certes pas au beau fixe en République démocratique du Congo, il semble, à entendre les discours qui ont été faits et qui vont tous dans un seul et même sens, que dans ce pays, il n'y ait pas de loi, pas de tribunaux, pas de presse, ni de parlement; or, qu'en est-il réellement? N'y a-t-il pas de tribunaux, pas de parlement dans ce pays? N'existe-t-il pas un code minier?

Un intervenant a indiqué que le Parlement avait appelé les autorités à faire preuve de retenue dans l'affaire des expulsions de Kasa Vuba; mais les autorités n'ont pas suivi cet avis et ont procédé à l'expulsion des habitants concernés. En outre, il y a certes un code minier en République démocratique du Congo; mais dans la pratique, il n'est pas respecté, a insisté cet intervenant.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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