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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU TCHAD EN L'ABSENCE DE DÉLÉGATION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné ce matin, en l'absence de délégation du pays concerné, le document rassemblant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques du Tchad sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Les membres du Comité ont fortement déploré l'absence d'une délégation tchadienne à l'occasion de l'examen de ce rapport. Ils ont fait part de leurs préoccupations s'agissant de l'avancée du désert et de la pauvreté générale du pays, qui semble s'aggraver; de l'incapacité du Tchad à faire face à des problèmes élémentaires tels que ceux du logement, de la sécurité alimentaire et de l'approvisionnement en eau; des discriminations dont souffrent les femmes; du poids des compagnies pétrolières étrangères; de l'état du système judiciaire et d'une culture de l'impunité; de la dégradation de la situation des enfants et du recrutement d'enfants par les forces militaires; ou encore du déversement de déchets toxiques en provenance d'Europe.

Le Comité adoptera ultérieurement des observations sur ce rapport, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 20 novembre.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Pologne.


Rapport du Tchad

Le rapport initial du Tchad (E/C.12/TCD/3 réunissant le rapport initial et les deuxième et troisième rapports périodiques) indique que pour manifester son droit de disposer librement de ses richesses et de ses ressources naturelles, le Tchad a instauré dans son code pétrolier une obligation d'obtenir un permis pour mener toute recherche sur son sous-sol. À ce titre, le Tchad a, de son propre gré, engagé des négociations qui ont abouti à la conclusion des conventions pétrolières respectives de 1988 et de 2004 avec le consortium composé aujourd'hui d'Exxon-Mobil, Pétronas et Chevron Petrolum. Le Tchad a par ailleurs adopté la loi de 1999 portant gestion des revenus pétroliers, qui est une parfaite illustration de la bonne gestion et accorde 5% des revenus pétroliers à la région productive. Tout récemment, le Tchad, s'étant rendu compte de certaines erreurs dues au manque de certains éléments d'appréciation lors des négociations des conventions pétrolières de 1998 et de 2004, a décidé de renégocier ces conventions et ce, en vertu de son droit de disposer de ses ressources. Ainsi, par décret du 28 août 2006, une Commission nationale de négociation des conventions pétrolières a été créée, indique le rapport. De manière générale, ajoute toutefois le rapport, il faut relever que les efforts faits par l'État pour permettre la pleine jouissance de ses droits restent limités par l'état de pauvreté du pays. Le rapport indique plus loin qu'afin de lutter contre la pauvreté, le Gouvernement a réservé 65% des redevances et 70% des dividendes sur les revenus pétroliers aux secteurs prioritaires que sont la santé publique et les affaires sociales, l'éducation nationale, les infrastructures et le développement rural.

Sur le plan textuel, poursuit le rapport, la Loi fondamentale de la République contient des dispositions qui affirment sans ambages la reconnaissance des droits économiques, sociaux et culturels. Il en est ainsi par exemple de la liberté syndicale, reconnue à l'article 28 de la Constitution; aux termes de cette disposition, tout citoyen est libre d'adhérer au syndicat de son choix. Il en est également ainsi du droit de grève, reconnu dans l'article 29 de la Constitution; cependant, la Loi fondamentale prévoit que ce droit s'exerce dans le cadre des lois qui le règlementent. Aux termes de l'article 31 de la Constitution, tous les Tchadiens sans discrimination ont accès aux emplois publics et l'État reconnaît à tous les citoyens le droit au travail. Nul ne peut être lésé dans son travail en raison de ses origines, de ses opinions, de ses croyances, de son sexe ou de sa situation matrimoniale. Il est clair que la discrimination relative aux droits économiques, sociaux et culturels est interdite, insiste le rapport.

Dans la pratique, reconnaît le rapport, certaines pesanteurs socioculturelles empêchent la femme d'accéder à certains droits au même titre que les hommes. Ce qui peut paraître paradoxal, ajoute le rapport, c'est la façon dont la femme elle-même participe à la perpétuation des stéréotypes qui la marginalisent, notamment en éduquant ses filles à l'obéissance et ses fils aux rôles liés au commandement. Des études récentes ont montré que plus de 90% de la population féminine des zones rurales vivent en dessous du seuil absolu de pauvreté. Une enquête de 1998 montre quant à elle que le taux d'analphabétisme était de 67%, dont 56% chez les hommes et 78% chez les femmes dans le milieu rural. Une grande partie de la population vit une insécurité alimentaire chronique, insiste le rapport, indiquant que 52% de la population tchadienne vivent en dessous du seuil de pauvreté. Tout en attirant l'attention sur les diverses initiatives mises en œuvre pour pallier la carence en produits vivriers, le rapport reconnaît que ces initiatives restent limitées dans leur portée, compte tenu des contraintes budgétaires de l'État.


Examen du rapport

Le Président du Comité, M. JAIME MARCHÁN ROMERO, a rappelé que le dialogue constructif que le Comité devait avoir avec le Tchad était prévu à partir d'hier après-midi, mais que le Comité a été prié par l'État partie de repousser cet examen à aujourd'hui et il a finalement été confirmé que la délégation tchadienne ne pourrait se présenter devant le Comité. Conformément à son règlement intérieur, le Comité examinera le rapport du Tchad en l'absence de délégation de l'État partie, en fondant son analyse sur le rapport soumis par le Tchad et sur les réponses écrites que le pays a apportées à la liste de questions écrites qui lui avaient été adressées, ainsi que sur les informations reçues de différentes sources, notamment des organisations non gouvernementales et de la société civile.

Un membre du Comité a affirmé avoir l'impression que le rapport du Tchad était bon, mais n'en a pas moins jugé regrettable que la délégation tchadienne n'ait pas pu se présenter à l'examen de son rapport. Un autre expert a relevé que le Tchad avait déployé des efforts incontestables pour répondre aux questions qui lui avaient été adressées; il est donc d'autant plus dommage qu'aucune délégation du pays n'ait été en mesure de se présenter devant le Comité pour exposer et soutenir ces efforts. Le caractère quelque peu obsolète des statistiques qui figurent dans le rapport tchadien - et dont certaines datent d'une douzaine d'années – constitue néanmoins l'une des grandes lacunes de ce rapport, a souligné cet expert. Un autre expert a ajouté que le rapport ne mentionne rien sur par la jouissance effective des droits économiques, sociaux et culturels dans le pays.

S'agissant du cadre général d'application le Tchad est touché par l'avancée du désert et par la pauvreté; il est confronté à un certain nombre de difficultés, en sus des guerres et des malversations de l'un de ses dirigeants encore en exil aujourd'hui, a pour sa part souligné un expert. Il est dit dans le rapport que les dispositions du Pacte sont supérieures aux lois nationales, mais aucune disposition n'en permet l'application, a par ailleurs relevé cet expert. Un expert a aussi relevé l'existence d'une commission nationale des droits de l'homme – dont le Tchad reconnaît néanmoins qu'elle n'est pas conforme aux Principes de Paris tout en indiquant qu'il entend pallier cette lacune.

Un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles l'État favorise ses alliés culturels et ethniques, ce qui constitue une forme de discrimination.

Un autre expert s'est enquis de l'état du système judiciaire au Tchad, faisant à cet égard état d'informations selon lesquelles il serait en ruines. Il ne semble pas y avoir de recours pour les personnes victimes de discrimination, femmes ou membres des minorités ethniques par exemple, s'est inquiété cet expert. Un autre membre du Comité a dénoncé la culture d'impunité qui règne dans le pays. À cet égard, un expert a fait observer qu'il ne saurait être de question de parler de «culture» de l'impunité, mais plutôt de «pratique» de l'impunité.

En ce qui concerne les droits fondamentaux de la femme, tout en relevant le progrès qu'a constitué l'adoption d'une loi interdisant les mutilations génitales féminines, un membre du Comité a fait observer qu'aucune sanction n'est toutefois prévue en cas d'infraction à cette loi. Un autre expert a attiré l'attention sur certaines formes graves de discrimination dont souffrent les femmes, notamment en matière d'héritage et au regard du fort taux d'analphabétisme qui les frappe. Un expert a relevé les efforts déployés par le pays qui a notamment mis en place – par le biais de son Ministère de l'action sociale – un programme d'action pour réduire la pauvreté des femmes. Il semble que la démarche du Tchad soit tout à fait concrète et positive.

Un autre membre du Comité a par ailleurs souligné que les guerres dans certains pays voisins ont causé d'énormes déplacements de populations au Tchad; le nombre de personnes déplacées et réfugiées est très important par rapport à la population autochtone.

Évoquant le scandale des transports et de l'enfouissement de déchets toxiques en Afrique, un expert a fait observer que le Tchad, comme le Burkina Faso ou la Côte d'Ivoire, recevait de tels déchets en provenance d'Europe, notamment des ordinateurs usagés en provenance de France, ce qui ne va pas sans provoquer des maladies puisqu'il s'agit de produits dangereux ou dont certains composants sont toxiques. Qu'en est-il de l'ampleur du déversement de tels déchets au Tchad, a demandé l'expert? Le Tchad est à la merci des compagnies pétrolières étrangères, a pour sa part déploré un membre du Comité.

Des préoccupations ont par ailleurs été exprimées face à l'incapacité du Tchad à faire face à des problèmes élémentaires tels que ceux du logement, de la sécurité alimentaire et de l'approvisionnement en eau. Il semblerait en outre que le chômage ait considérablement augmenté ces dernières années, comme l'indique le rapport qui fait état à cet égard d'une augmentation progressive. Les experts ont voulu savoir quelles mesures avaient été prises pour enrayer ce phénomène.

La situation des enfants semble s'être aggravée au Tchad ces dix dernières années, du fait de l'instabilité et des différentes guerres qui ont touché le pays, a pour sa part souligné un expert. Plusieurs experts se sont inquiétés du recrutement d'enfants dans les forces militaires, c'est-à-dire de l'existence dans le pays d'enfants soldats. Un autre expert s'est inquiété de la nouvelle tendance aux enlèvements d'enfants pour obtenir une rançon.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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