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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DE MADAGASCAR

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le rapport de Madagascar sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.

Présentant ce rapport, la Ministre de la justice et Garde des sceaux de Madagascar, Mme Christine Razanamahasoa, a souligné que les droits économiques, sociaux et culturels – qui sont érigés en normes constitutionnelles. Deux principes majeurs ont été adoptés en la matière: la non-discrimination et l'égalité entre hommes et femmes. Ainsi, le Code du travail dispose qu'à qualification professionnelle égale, à emploi égal et à rendement égal, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge et leur statut. Pour la protection des droits des travailleurs, le Code du travail fixe les modalités d'exercice et de jouissance du droit syndical; toutefois, la culture syndicale n'est pas encore suffisamment développée chez les travailleurs et ce, par crainte de représailles et de perte d'emploi, a reconnu la Ministre. Dans le domaine du droit de la famille, la loi sur le mariage et les régimes matrimoniaux fixe la majorité matrimoniale à 18 ans pour les deux sexes. En matière de santé, la Ministre a indiqué que des fonds d'équité ont été mis en place dans toutes les formations de soins publics; alimentés par la participation financière des usagers, ils sont destinés à la prise en charge des frais médicaux des démunis. Pour ce qui est de l'éducation, la mise en œuvre du Plan national «Éducation pour tous» a permis de doubler les effectifs de l'enseignement primaire. Sans l'aide de la communauté internationale, malgré les efforts déjà déployés, Madagascar ne pourra pas assurer par ses propres moyens la réalisation de la totalité des droits visés dans le Pacte, a conclu Mme Razanamahasoa.

La délégation malgache était notamment composée de M. Rakotomaharo Rajemison, Représentant permanent de Madagascar auprès des Nations Unies à Genève et de représentants du Comité interministériel de rédaction des rapports des droits de l'homme, des Ministères des affaires étrangères, de l'éducation nationale et de la sécurité de l'intérieur, ainsi que de représentants de la Vice-Primature chargée de la santé et du Tribunal administratif. Elle a répondu aux questions soulevées par les experts s'agissant, entre autres, de la place du Pacte dans l'ordre juridique interne; de l'aide internationale; des entraves à la pleine réalisation du Pacte; de la lutte contre la corruption; du harcèlement sexuel au travail; de la législation du travail applicable dans les zones franches; du travail des enfants; des conditions carcérales; des avortements clandestins; ainsi que des questions de santé et d'éducation.

Les principales préoccupations exprimées par les membres du Comité avaient trait, en particulier, aux formes de discrimination persistantes contre les femmes, les descendants d'esclaves et certaines minorités; aux droits dont bénéficient, par rapport aux autres travailleurs, les personnes travaillant dans les zones d'exportation économique; au travail des enfants; aux conditions carcérales; au climat de corruption et d'impunité qui prévaut dans le pays.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Madagascar, avant de les rendre publiques à la fin de la session, le vendredi 20 novembre prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la République de Corée.


Présentation du rapport

M. RAKOTOMAHARO RAJEMISON, Représentant permanent de Madagascar auprès des Nations Unies à Genève, a présenté les membres de la délégation malgache, dirigée par Mme Christine Razanamahasoa, Garde des sceaux et Ministre de la justice de Madagascar, en soulignant que cette délégation est composée de six hommes et six femmes, la moitié provenant de la capitale et l'autre moitié de la Mission permanente de Madagascar à Genève

Présentant le rapport, Mme CHRISTINE RAZANAMAHASOA, Garde des sceaux, Ministre de la justice de Madagascar, a indiqué que pour remédier au retard dans la présentation des rapports, Madagascar a mis en place, par arrêté pris en 2003, un Comité interministériel de rédaction des rapports sur les droits de l'homme, avec inclusion de la société civile. Il convient de signaler que Madagascar est signataire du Protocole facultatif se rapportant au Pacte, ce qui témoigne de la volonté du Gouvernement malgache de renforcer l'application du Pacte.

La Constitution malgache comporte une partie traitant des droits économiques, sociaux et culturels; ils sont dès lors érigés en normes constitutionnelles, a précisé la Ministre de la justice. Cette consécration constitutionnelle des droits économiques, sociaux et culturels a influencé le travail législatif. Dans ce sens, deux principes majeurs sont adoptés: la non-discrimination et l'égalité entre hommes et femmes. Ainsi, le Code du travail dispose qu'à qualification professionnelle égale, à emploi égal et à rendement égal, le salaire est égal pour tous les travailleurs, quels que soient leur origine, leur sexe, leur âge et leur statut. Dans son arrêt en date du 5 septembre 2003 sur l'affaire Dugain contre Air Madagascar, la Cour suprême a cassé l'arrêt de la Cour d'appel qui a fondé sa décision sur une convention collective manifestement discriminatoire au détriment de la requérante en raison de son âge et de son sexe, a fait valoir la Garde des sceaux. Le Code du travail fixe les modalités d'exercice et de jouissance du droit syndical, a-t-elle ajouté. Toutefois, la culture syndicale n'est pas encore suffisamment développée chez les travailleurs et ce, par crainte de représailles et de perte d'emploi, a reconnu Mme Razanamahasoa.

Dans le domaine du droit de la famille, la loi sur le mariage et les régimes matrimoniaux fixe la majorité matrimoniale à 18 ans pour les deux sexes, au lieu de 17 ans pour l'homme et 14 ans pour la femme auparavant, a poursuivi la Ministre. En outre, la loi pénale a renforcé les peines applicables aux violences contre les femmes. De plus, la traite de personnes et le tourisme sexuel sont érigés en infraction pénale et sont sévèrement punis, a-t-elle souligné. Le harcèlement sexuel est lui aussi érigé en infraction pénale, a-t-elle fait valoir.

Madagascar a adopté une stratégie de lutte contre les coutumes incompatibles avec le Pacte, en faisant procéder à une étude pour déterminer l'origine, l'ampleur et les effets de ces coutumes sur les femmes dans certaines localités de la région du nord-ouest et les enfants jumeaux dans une localité de la région du sud-est. En application des recommandations de l'étude, des débats communautaires ont été organisés avec l'implication des chefs religieux, des chefs traditionnels et des autorités locales décentralisées. Une feuille de route a été établie en vue d'interdire la soumission des filles de moins de 18 ans au «moletry» avec un engagement volontaire de chaque entité concernée d'agir dans ce sens, a indiqué Mme Razanamahasoa.

En matière de santé, a poursuivi la Ministre, des fonds d'équité ont été mis en place dans toutes les formations de soins publics; alimentés par la participation financière des usagers, ils sont destinés à la prise en charge des frais médicaux des démunis. De 1992 à 2003, a précisé Mme Razanamahasoa, le taux de mortalité infanto-juvénile a enregistré une réduction de 73%. Pour ce qui est de l'éducation, a poursuivi la Ministre de la justice, la mise en œuvre du Plan national «Éducation pour tous» a permis de doubler les effectifs de l'enseignement primaire, qui sont passé de 1893 million en 1996 à 3,837 millions en 2006. En matière de scolarisation, on n'enregistre pas de disparité significative entre garçons et filles, a fait valoir la Ministre. En outre, des mesures d'allègement des charges parentales ont été prises pour encourager la fréquentation scolaire.

Madagascar s'est également dotée de mécanismes de recours non juridictionnels par l'institution du Conseil national des droits de l'homme, conformément aux Principes de Paris, a poursuivi Mme Razanamahasoa. Ce Conseil est compétent pour procéder à des enquêtes individuelles ou collectives pour violation des droits de l'homme, y compris des droits économiques, sociaux et culturels. Afin de faciliter l'accès des pauvres à une structure de proximité pour faire valoir leurs droits en cas de violation, il a été créé cinq maisons de protection des droits dénommées cliniques juridiques ou Trano Aro Zo; elles sont en charge de résoudre certains litiges communautaires par la voie de la conciliation. Cette structure assure également la diffusion des droits de l'homme dans le milieu de son implantation, a précisé la Ministre.

Sans l'aide de la communauté internationale, malgré les efforts déjà déployés, Madagascar ne pourra pas assurer par ses propres moyens la réalisation de la totalité des droits visés dans le Pacte, a conclu la Ministre. En application de l'article 22 du Pacte, Madagascar souhaite bénéficier de l'appui technique et financier de la communauté internationale, dont celui du système des Nations Unies, a-t-elle indiqué. L'aide au développement économique visant à appuyer l'élaboration d'une politique agricole nationale adaptée aux réalités du pays et sa mise en œuvre pourrait améliorer le niveau de vie de la population rurale et partant l'accroissement de la production pour atteindre la sécurité alimentaire, a-t-elle expliqué, ajoutant que la lutte contre la pauvreté enregistrerait dans ce cas une amélioration.

Le deuxième rapport périodique de Madagascar (E/C.12/MDG/2) indique que la population du pays est composée de 18 ethnies unies par une même langue nationale, le «Malagasy», avec ses variantes dialectales déterminées par la situation géographique, l'histoire et les fonds culturels. Quelle que soit l'évolution du système sociopolitique malagasy, les us et coutumes ont toujours occupé une place importante dans le mode de contrôle social, souligne le rapport. Il indique en outre que les différentes situations matrimoniales sont: le mariage coutumier monogame, le mariage légal, l'union libre monogame, le mariage coutumier polygame et l'union libre polygame. L'âge de la majorité conjugale, c'est-à-dire l'âge minimum requis pour contracter un mariage est de 14 ans pour les filles et 17 ans pour les jeunes garçons. Devant cette mesure discriminatoire à l'égard des filles, l'État malagasy élabore actuellement un projet de loi relevant cet âge à 18 ans aussi bien pour les filles que pour les garçons, indique le rapport. Depuis le dernier rapport, en 1986, d'importantes réformes économiques ont été réalisées. Ces réformes ont porté sur la libéralisation de l'économie, le désengagement de l'État du secteur productif, la privatisation progressive des entreprises des secteurs secondaires et tertiaires. À l'exception des années 1991 et 2002 marquées par des crises politiques, Madagascar enregistre une constante augmentation de son PIB de 1985 à 2005, souligne le rapport. Depuis 2004, ajoute-t-il, la monnaie malagasy s'est très fortement dépréciée.

La proportion des Malagasy vivant en dessous du seuil de pauvreté est passée de 70 % en 1993 à 80,7 % en 2002. Depuis, on constate une nette baisse de l'incidence de la pauvreté qui se situe à 72,1 % en 2004 et 68,7 % en 2005. Pour lutter contre la pauvreté, Madagascar a mis en place son Document stratégique pour la réduction de la pauvreté (DSRP) en 2003. Actuellement, le Madagascar Action Plan (MAP) a pris le relais. On estime que 78 % de la population active dans les villes travaillent dans le secteur informel, poursuit le rapport. Au total, 1,6 millions d'individus sont concernés, soit 10 % de la population, précise-t-il. Les salaires dans le secteur informel sont particulièrement bas et les conditions précaires. Concernant la mortalité infantile, les études les plus récentes l'ont estimée à 93 ‰, poursuit le rapport. En 2004, la grande majorité de la population malagasy s'approvisionne en eau dans les rivières, lacs et mares (26,5 %), des sources non protégées (22,8 %) et des puits sans pompe non recouverts (16,2 %). Le système éducatif malagasy comporte une éducation non formelle destinée à ceux qui ne peuvent pas fréquenter ou qui doivent quitter prématurément l'école. Selon la loi, «L'éducation non formelle est constituée de toutes les activités éducatives et de formation assurée en dehors du système éducatif formel». Selon les résultats de l'enquête prioritaire auprès des ménages (EPM) de 2001, 52 % des femmes sont illettrées contre 47 % des hommes, indique en outre le rapport.

L'ensemble des droits reconnus par le Pacte sont transcrits dans la Constitution en son titre II, intitulée: «Des droits et des devoirs sociaux et culturels»: droit à l'exercice des droits politiques, droit à la protection de la santé dès la conception, droit à la protection de la famille, accès gratuit à l'enseignement public, caractère obligatoire de l'enseignement primaire, droit à l'accès égal pour tous à la fonction publique, droit à une juste rémunération, liberté de la presse, liberté syndicale, reconnaissance du droit de grève, reconnaissance de la propriété individuelle, la sécurisation des capitaux et des investissements, et enfin neutralité politique de l'Administration, des forces armées, de la justice, de l'enseignement et de l'éducation.


Examen du rapport

Questions des membres du Comité

Abordant les questions relatives au cadre général d'application du Pacte à Madagascar, un membre du Comité a relevé que, sur un certain nombre de sujets, Madagascar a bien progressé. Mais il est regrettable que le pays n'ait pas fait part des problèmes concrets qu'il a rencontrés dans la mise en œuvre complète de droits économiques, sociaux et culturels, a aussitôt ajouté cet expert. En effet, persistent à Madagascar des problèmes considérables, puisque 70% de la population continuent de vivre sous le seuil de pauvreté. Aussi, à l'instar de plusieurs autres membres du Comité, cet expert s'est-t-il enquis des entraves auxquelles le pays se heurte dans la mise en œuvre des droits énoncés dans le Pacte. Un autre membre du Comité a pris acte de l'aveu de la délégation malgache selon lequel sans l'aide de la communauté internationale, Madagascar ne sera pas en mesure d'assurer par ses propres moyens la réalisation de la totalité des droits visés dans le Pacte. Le problème fondamental de Madagascar, c'est la pauvreté, a souligné cet expert; aussi, s'est-il enquis du taux actuel de pauvreté dans le pays et de l'évolution de la situation à cet égard. Comment Madagascar entend-il mobiliser les partenaires internationaux en vue d'une action visant à remédier au problème de la pauvreté? En d'autres termes, qu'est-ce que Madagascar offre en échange à ses partenaires? Est-il réaliste pour le pays de compter sur l'assistance internationale alors que nous savons que Madagascar est boudé par la communauté internationale, s'est interrogé un autre expert, rappelant que la Banque mondiale table sur une récession sévère dans ce pays en raison des crises politique et financière qu'il connaît?

Un autre membre du Comité s'est étonné que Madagascar semble ne jamais avoir invité la moindre procédure spéciale thématique du Conseil des droits de l'homme. Quelles sont, dans un avenir proche, les intentions du pays à cet égard, a demandé l'expert?

Un expert s'est inquiété du climat de corruption et d'impunité qui prévaut dans le pays et s'est enquis des mesures qui ont été prises pour s'attaquer à ce problème. Selon un rapport de la Banque mondiale, les deux institutions les plus corrompues sont le Parlement – c'est-à-dire le pouvoir législatif – et le système judiciaire, a précisé cet expert.

L'esclavage a certes été aboli en 1896 à Madagascar, mais persistent encore aujourd'hui des préjugés discriminatoires à l'encontre des descendants d'esclaves, s'est inquiété un autre expert. Il a également soulevé le problème de la discrimination à l'encontre des enfants dont la mère est malgache et le père étranger; les lois relatives à l'octroi de la nationalité semblent à cet égard assez confuses et rétrogrades, a-t-il précisé. Un expert a par ailleurs évoqué la discrimination dont souffrent certaines minorités, notamment pakistanaise ou indienne.

D'autres membres du Comité ont attiré l'attention sur la discrimination dont continuent de souffrir les femmes en matière d'héritage. Il n'y a pas, à Madagascar, de loi-cadre concernant l'égalité entre hommes et femmes, ce qui est particulièrement regrettable dans un pays où les femmes pâtissent de diverses formes de discrimination, a-t-il été souligné. Évoquant la question des mariages traditionnels, un expert a fait observer que près de la moitié des mariages contractés à Madagascar ne donnent pas à la femme la possibilité d'exercer ses droits. Il a en outre été relevé que l'adultère était passible à Madagascar d'une peine de 3 mois à 3 ans d'emprisonnement; aussi, un expert a-t-il jugé souhaitable de dépénaliser l'adultère, d'autant plus que la situation carcérale est extrêmement grave dans le pays et que cela permettrait de décongestionner quelque peu les prisons malgaches.

À cet égard, d'autres experts se sont inquiétés des conditions carcérales qui prévalent à Madagascar, où les prisons sont surpeuplées. L'accès des prisonniers aux soins de santé est limité, comme le reconnaissent les autorités malgaches. Les experts se sont enquis des mesures prises afin d'améliorer cette situation.

Comment les autorités malgaches parviennent-elles à concilier la cession de millions de mètres carrés de terres à l'entreprise Daewo et leur politique de sécurité alimentaire pour la population, a demandé un autre membre du Comité ?

Posant des questions sur la situation de l'emploi à Madagascar, un expert s'est enquis du taux de chômage actuel dans le pays. Plusieurs experts ont relevé que selon les informations fournies, le taux de chômage, à une certaine période, est resté stable chez les hommes alors qu'il aurait doublé chez les femmes. En outre, il est dit que 78% des personnes actives dans les villes travaillent dans le secteur informel; aussi, quelles mesures sont-elles prises pour assurer les droits de ces personnes en matière de travail et de prestations de sécurité sociale, a demandé un membre du Comité, avant de s'inquiéter de la situation dans les zones d'exportation économique où les droits des employés sont moins bons qu'ailleurs? Plusieurs experts se sont également inquiétés que les personnes travaillant dans ces zones d'exportation – ou zones franches – bénéficient de moins de droits que les autres travailleurs; qu'est-il fait pour réduire cette discrimination, a-t-il été demandé? Apparemment, a ajouté un expert, le harcèlement sexuel est largement répandu au travail, en particulier dans les zones franches.

Qu'en est-il des réglementations concernant le travail domestique et le travail des enfants, a demandé un membre du Comité? Bien que l'âge minimum du travail soit fixé à 15 ans, il semble que le travail des enfants – dont certains n'ont pas plus de six ans – soit largement répandu à Madagascar, a déploré un expert.

Le système de santé est-il public ou privé; le système de distribution de l'eau potable est-il public ou privé, a demandé une experte? Des milliers de femmes meurent à la suite d'avortements pratiqués dans la clandestinité, s'est par ailleurs inquiété un membre du Comité.

Dans le domaine de l'éducation, il a été relevé que plus de la moitié des enfants en âge scolaire ne sont pas scolarisés. Certes, des efforts ont été déployés en la matière, mais quel pourcentage du budget national est-il consacré à l'éducation, a-t-elle demandé ?

Réponses de la délégation

La délégation malgache a notamment indiqué que Madagascar comptait lancer prochainement une invitation permanente aux procédures spéciales.

La délégation a rappelé qu'en vertu de la Constitution malgache, les traités internationaux ratifiés par le pays ont une valeur supérieure à la loi nationale. Ils sont d'application directe lorsque leurs dispositions sont claires et précises; mais il est des dispositions qui ne sont pas directement applicables – notamment lorsque cela touche le domaine du droit pénal ou lorsqu'il s'agit de relever un certain nombre d'âges minima – et nécessitent alors des réformes législatives préalables, a souligné la délégation.

Une circulaire va être envoyée à tous les magistrats afin de leur rappeler la justiciabilité et l'invocabilité des droits de l'homme en général, y compris dans les cas de violations des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a exprimé l'espoir que la reprise de la normalité à Madagascar allait permettre au pays de s'atteler à la pleine et entière réalisation du Pacte. Elle a estimé qu'il n'était pas irréaliste d'espérer la reprise de l'aide internationale pour promouvoir dans le pays la réalisation d'un certain nombre de droits prévus dans le Pacte, a-t-elle ajouté.

C'est la pauvreté qui est source d'entrave dans la réalisation de nombre de ces droits, a souligné la délégation, après avoir expliqué que l'aide internationale pourrait permettre au pays d'améliorer la situation en matière de pauvreté. Depuis 2002, le taux de pauvreté à Madagascar a enregistré une nette diminution puisqu'il est passé de 85% en 2002 à 68,5% aujourd'hui, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne le contrat mentionné par un expert avec l'entreprise Daewo, la délégation malgache a fait observer que la conclusion de ce contrat n'est pas arrivée à son terme et a expliqué qu'il s'agissait en fait d'un projet de contrat qui ne s'est finalement pas concrétisé. Madagascar dispose d'une Charte de l'environnement qui intervient à chaque fois qu'un projet à grande échelle peut avoir un impact environnemental ayant des effets négatifs sur la population, a par ailleurs souligné la délégation.

Répondant à des questions sur la situation en matière de lutte contre la corruption, en particulier au sein du Parlement et du système judiciaire, la délégation a assuré que le pays avait déployé de nombreux efforts afin de lutter contre ce phénomène. Ont notamment été mis en place un Bureau anticorruption et un Conseil de sauvegarde de l'intégrité. Par ailleurs, des campagnes de sensibilisation à ce sujet ont été menées. Étant donné que la corruption est liée à la pauvreté, il a été procédé à un relèvement sensible du niveau de rémunération des magistrats et autres fonctionnaires tels que les membres de la police nationale, a poursuivi la délégation. Des mesures ont également été prises en matière de déclarations de patrimoine. En outre, lorsque des mouvements de fonds sont suspects, les banques saisissent immédiatement les structures de lutte contre la corruption, a ajouté la délégation.

En ce qui concerne l'égalité entre hommes et femmes, la délégation a notamment rappelé que le pays est parvenu à l'égalisation des droits des époux dans l'administration des biens du foyer. S'agissant de la loi sur la nationalité, Madagascar vient de ratifier la Convention de 1957 sur la nationalité de la femme mariée et un projet de loi est donc déjà prêt portant abrogation de toutes les dispositions discriminatoires persistantes à cet égard, en particulier pour ce qui est de la problématique des enfants nés d'un couple mixte. Les inquiétudes sur ce point pourront donc être levées dès que ce texte aura été adopté, a ajouté la délégation.

Répondant aux questions des experts s'agissant du harcèlement sexuel, dont une étude des Nations Unies indique que 50% des femmes seraient victimes dans les zones franches de Madagascar, la délégation a rappelé qu'en la matière, rien ne peut être fait si la victime ne dénonce pas le harcèlement dont elle dit avoir été victime. Or, si le harcèlement sexuel est érigé en infraction pénale à Madagascar, il est vrai que peu de cas sont portés devant les tribunaux en raison des réticences de la femme à porter plainte, par peur des représailles et de la perte d'emploi, a expliqué la délégation. Peut-être les langues se délieront-elles lorsque les inspecteurs du travail procèderont à des inspections automatiques, a ajouté la délégation.

En matière de lutte contre la discrimination, et répondant aux préoccupations exprimées par un membre du Comité s'agissant des difficultés rencontrées par les Pakistanais et les Indiens à Madagascar, la délégation a rappelé que la Constitution reconnaissait l'égalité de droits de tous les individus se trouvant sous sa juridiction, qu'ils soient nationaux ou étrangers dans le pays. Cette époque – où des Pakistanais et des Indiens étaient parfois pris pour cibles – est aujourd'hui révolue et il n'y a plus de tels comportements à l'encontre de ces communautés dans le pays, a assuré la délégation.

S'agissant de la situation dans le domaine de l'emploi et des conditions de travail, la délégation a assuré que, même dans les zones franches, les entreprises sont tenues de respecter le salaire minimum, a souligné la délégation. Là où des protestations s'élèvent, c'est en ce qui concerne dans ces zones l'emploi des femmes et la réglementation afférente aux heures supplémentaires, a-t-elle précisé. Selon le Code du travail, la traite de personnes à des fins d'exploitation constitue un crime, a en outre indiqué la délégation.

Le travail domestique, tout comme toute autre forme de travail, est régi par le Code du travail; l'âge minimum d'embauche y est donc aussi fixé à 15 ans, comme pour tout travail, a indiqué la délégation. Mais il faut l'admettre: beaucoup de domestiques à Madagascar ne sont pas déclarés et ne bénéficient donc pas de protection sociale, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est du travail des enfants, la délégation a souligné que Madagascar avait ratifié les conventions n°139 et 182 de l'Organisation internationale du travail portant respectivement sur l'âge minimum d'admission à l'emploi et sur l'élimination des pires formes de travail des enfants. Selon une enquête récente, environ 1,8 million d'enfants travaillent à Madagascar, dont un grand nombre effectuent un travail qui leur est dommageable, a poursuivi la délégation; aussi, un plan d'action de lutte contre le travail des enfants a-t-il été adopté pour les années 2004-1019 et un comité national de lutte contre le travail des enfants coordonne-t-il toutes les activités en vue de l'éradication de ce fléau. Depuis 2001, quelque 15 000 enfants ont été retirés du travail des enfants, a ajouté la délégation. Le travail des enfants est une entrave à l'objectif de l'éducation pour tous, a-t-elle souligné; c'est pourquoi des mesures ont été prises pour lutter contre ce phénomène.

En ce qui concerne l'éducation, la délégation a indiqué que le budget qui y était consacré était passé de 3% du PIB en 2003 à 3,8% du PIB en 2007, a par ailleurs indiqué la délégation. La délégation a indiqué que l'enseignement primaire dure sept ans, le but étant de maintenir le plus longtemps possible les enfants dans le cursus scolaire. L'éducation est obligatoire à compter de six ans, a précisé la délégation. La priorité est accordée à la construction d'écoles dans les zones enclavées, a-t-elle par ailleurs souligné. Étant donné que l'insuffisance des enseignants figure au nombre des causes du taux élevé d'abandon scolaire dans le pays, les autorités malgaches ont prévu de recruter plus de 2000 enseignants chaque année jusqu'en 2012, a-t-elle en outre fait savoir. L'abandon scolaire est aussi causé par le désintérêt que manifestent pour l'éducation les parents et les enfants, qui estiment que les programmes scolaires ne correspondent pas à leurs espoirs et désirs; aussi, la réforme de l'éducation prévoit-elle une révision des curricula, a indiqué la délégation. La délégation a par ailleurs indiqué que Madagascar se trouvait en phase de démarrage du point de vue de l'accès à l'Internet et que les milieux ruraux n'étaient pas encore couverts.

La délégation a reconnu que Madagascar ne disposait pas à l'heure actuelle des moyens d'étendre la couverture sociale aux personnes qui travaillent dans le secteur informel, a par ailleurs indiqué la délégation. Des efforts n'en sont pas moins déployés pour intégrer les travailleurs informels dans le système formel, a-t-elle ajouté.

Beaucoup de communes rurales bénéficient déjà d'infrastructures nécessaires pour l'accès à l'eau potable, a d'autre part assuré la délégation. Elle a par ailleurs fait part de la campagne nationale pour l'éducation en matière d'assainissement lancée en 2007 dans tout le pays et qui se poursuivra jusqu'en 2012.

Une politique nationale de santé communautaire a été élaborée et validée cette année qui intègre la communauté dans l'ensemble du processus de mise en œuvre des activités menées dans le domaine de la santé, a par ailleurs indiqué la délégation. Pour l'heure, la part du budget national allouée au secteur de la santé n'est que de 5,7%, ce qui reste loin de l'objectif fixé, qui est de 15%, a-t-elle ajouté. La délégation s'est par ailleurs dite consciente que la pratique des avortements clandestins est à l'origine d'un taux élevé de mortalité maternelle. Aussi, un débat a-t-il été organisé dont est sortie l'idée de remplacer la peine d'emprisonnement encourue par une contravention.

En ce qui concerne les conditions carcérales, la délégation a assuré que beaucoup d'efforts ont été faits pour améliorer la situation carcérale dans le pays, notamment du point de vue de l'alimentation des détenus. En fait, la surpopulation carcérale touche surtout la capitale; sinon, pour l'ensemble du territoire, on enregistre une nette diminution de la population carcérale, a ajouté la délégation.


Déclaration de clôture

Concluant le dialogue, la délégation malgache a souligné que des progrès ont certes été accomplis par Madagascar, mais que beaucoup reste encore à faire. «Nous tenons à combler nos insuffisances par nos propres moyens», a assuré la délégation qui a toutefois souligné que l'appui des partenaires sera un complément bénéfique pour la réalisation de la totalité des droits visés dans le Pacte.


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