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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, ce matin, les réponses apportées par la délégation de la République de Moldova aux questions que lui avaient adressées, hier matin, les experts s'agissant du respect par ce pays des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Valeriu Cerba, Conseiller auprès du Ministère des affaires intérieures de la République de Moldova, la délégation moldove a notamment souligné qu'une loi sur la violence au sein de la famille est entrée en vigueur en 2008. Un expert s'étant inquiété hier de cas de corruption dans les affaires de torture, la délégation a fait valoir qu'un Centre de lutte contre la criminalité économique et la corruption a été mis en place en République de Moldova. De surcroît, a précisé la délégation, les affaires impliquant des actes de torture sont confiées à des procureurs spécialisés qui ne sont liés à aucun service de police ou autre autorité, ce qui limite toute possibilité de corruption ou de parti pris dans le traitement desdites affaires.

Les autres questions auxquelles la délégation moldove a répondu portaient sur la formation des personnels concernés aux dispositions de la Convention ; les mesures spéciales de protection en faveur de la communauté rom ; les traitements dans les établissements psychiatriques ; la tuberculose en prison ; et les mesures alternatives à la détention. Plusieurs membres du Comité ayant demandé des compléments d'information au sujet des événements d'avril dernier, la délégation a indiqué que la Commission d'enquête créée pour faire la lumière sur ces incidents est actuellement dans une phase de collecte d'informations et de données qui seront ensuite analysées.

La délégation ayant fait part de l'existence d'un Comité des plaintes chargé de traiter des plaintes en provenance du milieu carcéral, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République de Moldova, Mme Nora Sveaass, s'est demandée s'il existe un autre organe indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes contre la police. L'experte s'est par ailleurs enquise des garanties concernant le droit de tout détenu à un examen médical et a déploré la persistance d'un certain délai entre le placement en détention et l'accès du prévenu ou du condamné à un médecin, ce qui - a-t-elle souligné - ne va pas sans poser problème tant il est vrai qu'il est important de pouvoir déceler les signes de torture au plus vite. La délégation a indiqué que, conformément au Code de procédure pénale et à la loi en vigueur, un examen médical est garanti pour toute personne placée en détention; cet examen est obligatoire et confidentiel dans les locaux de garde à vue et en prison, a-t-elle précisé. Lorsqu'il y a suspicion de torture, le médecin qui procède à l'examen du détenu doit le notifier au Procureur et à l'avocat parlementaire, a ajouté la délégation.

Le Comité adoptera en séance privée ses conclusions et recommandations sur le rapport moldove avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 20 novembre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport de l'Espagne (CAT/C/ESP/5).


Réponses de la délégation moldove

Aux fins de la formation des personnels concernés aux dispositions de la Convention, des séminaires sont organisés à l'intention des membres de la police, a indiqué la délégation. Cette année, a-t-elle ajouté, ont été organisés des séminaires sur la gestion des foules ainsi que des formations sur la sécurité et le recours à la force pour maintenir l'ordre public.

Par ailleurs, tous les commissariats ont été intimés de respecter les droits des détenus et de suivre les recommandations d'Amnesty International en la matière, a poursuivi la délégation. Le 10 avril dernier, a-t-elle indiqué, le Centre pour les droits de l'homme a édicté des normes précises pour le régime de détention provisoire. Ainsi, toute détention doit-elle se faire en présence d'un avocat - choisi par le détenu ou commis d'office ; l'avocat intervient dès le début de la détention, a insisté la délégation.

La République de Moldova dispose d'un Centre de lutte contre la criminalité économique et la corruption, a par ailleurs souligné la délégation en réponse à une question du Comité. Au cours de cette année, a-t-elle indiqué, sept cas de corruption ont été recensés : six impliquaient des fonctionnaires du Ministère de l'Intérieur et un septième un haut fonctionnaire de justice. En 2008, 14 affaires avaient été recensées : 13 impliquaient des fonctionnaires de police et une un fonctionnaire du Ministère de la justice.

Les affaires impliquant des actes de torture sont confiées à des procureurs spécialisés qui ne sont liés à aucun service de police ou autre autorité, ce qui limite ainsi toute possibilité de corruption ou de parti pris dans le traitement desdites affaires.

Interrogée sur les intentions de la République de Moldova en matière de ratification d'instruments internationaux, la délégation a rappelé que le pays a signé la Convention relative aux droits des personnes handicapées et que plusieurs modifications législatives ont déjà été apportées en vue de la ratification de cet instrument. Elle a aussi souligné que la République de Moldova a, en 2004, adhéré au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traite de l'implication d'enfants dans les conflits armés et a déjà présenté son rapport initial au Comité des droits de l'enfant. Par ailleurs, le pays a ratifié, en 2007, l'autre Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, qui traite de la vente d'enfants, de la prostitution des enfants et de la pornographie mettant en scène des enfants. La délégation a d'autre part expliqué que les autorités moldoves ont entrepris une évaluation de la compatibilité de la législation nationale avec les dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que le pays a signé en 2001. Ce travail est presque terminé achevé et le Code pénal a d'ores et déjà été modifié pour y inclure les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le crime de génocide, a précisé la délégation.

Invitée à fournir davantage d'informations sur la traite des êtres humains, la délégation a indiqué que le Parlement moldove a adopté une stratégie nationale et un plan d'action afin de lutter contre ce phénomène. Elle a en outre signalé que le Ministère du travail, de la protection sociale et de la famille a mis en place un centre d'accueil des victimes de la traite. En 2008, a précisé la délégation, 202 cas de traite de personnes ont été signalés, dont 150 ont été portées devant les tribunaux. L'année précédente, sur 215 affaires recensées, 96 avaient été portées devant la justice. Pour cette année, 87 des 172 affaires signalées ont été portées devant les tribunaux. La délégation a attiré l'attention sur l'existence du Centre de lutte contre la traite des êtres humains - organe consultatif permanent relevant du Ministère de l'intérieur qui est chargé de coordonner les activités de lutte contre la traite.

La délégation a par ailleurs fait part de l'existence d'un Comité des plaintes chargé de traiter les plaintes en provenance du milieu carcéral et qui peut entreprendre des visites dans les prisons.

Le Gouvernement moldove a adopté une loi sur la violence au sein de la famille, qui est entrée en vigueur en 2008. Cette loi consacre l'importance que revêtent dans ce domaine les activités de prévention et de lutte. Elle prévoit des sanctions contre les auteurs de violence familiale mais aussi des mesures de réhabilitation pour les victimes. Elle établit en outre un mécanisme de plaintes pour les victimes de ce type de violence. Des centres d'accueil temporaire chargés de fournir aux victimes des services juridiques, sociaux et de réinsertion ont été mis en place, a ajouté la délégation.

Pour ce qui est de la protection de la communauté rom, la délégation a souligné qu'un vaste Plan d'action quadriennal (2006-2010) pour l'assistance aux Roms a été élaboré. Parallèlement à ce Plan, un programme de formation et de sensibilisation aux différentes cultures a été élaboré à l'intention des membres de la police, en vue de prévenir toute forme de discrimination. Trois séminaires ont par ailleurs été organisés, en collaboration avec le Bureau des relations interethniques, dans les régions où vivent le plus de Roms.

En ce qui concerne les institutions psychiatriques, la délégation a précisé que le corps médical s'efforce, pour le traitement des patients, de recourir à des doses thérapeutiques réduites au minimum. Certaines thérapies sont axées sur la réinsertion et la réhabilitation par biais du sport ou encore du travail. La Direction des institutions psychiatriques a pris des mesures pour améliorer les espaces de loisirs des patients, a en outre fait valoir la délégation.

La délégation moldove a par ailleurs informé le Comité des progrès effectués pour réduire le nombre de cas de tuberculose en prison. Le taux d'infection a considérablement diminué, passant de 400 infections en 2006 à 153 en 2008. La mortalité due à la tuberculose a également baissé en milieu carcéral : neuf personnes en sont décédées en 2009, contre 15 en 2008.

S'agissant des enquêtes sur les actes de torture et de mauvais traitement commis par des agents publics, la délégation a expliqué qu'elles sont du ressort du Procureur, qui peut lancer des investigations de son propre chef ou suite à une plainte. Pour cette année 2009, a-t-elle précisé, 64 plaintes pour mauvais traitements ont été reçues. Au nombre des méthodes de torture ou de mauvais traitements les plus répandues, figurent les coups de matraque en caoutchouc et les coups portés avec des bouteilles en plastique remplies d'eau, l'utilisation de gaz lacrymogène, la suffocation et l'utilisation d'électrochocs.

La délégation a par ailleurs tenu à clarifier certaines allégations erronées concernant les événements d'avril dernier. Elle a notamment souligné que certains cas de suicides dénoncés par des organisations non gouvernementales n'ont rien à voir avec les manifestations d'avril. Le Ministère de la santé n'a énoncé aucune directive visant à empêcher de déceler la torture ou les mauvais traitements, a par ailleurs assuré la délégation. Quant à la Commission d'enquête parlementaire créée en vue de faire la lumière sur les événements d'avril dernier, son mandat est de 60 jours, a-t-elle précisé, ajoutant toutefois que, au vu de la complexité du problème et du volume de travail, il est probable que la durée de son mandat sera prolongée. Cette Commission parlementaire est composée de députés du Parlement national appartenant tant à la coalition au pouvoir qu'à l'opposition ainsi que de représentants de la société civile. Elle a tenu trois sessions jusqu'à présent et, lors de la dernière en date, a lancé un appel à tous les citoyens pour qu'ils lui transmettent toutes les informations, photographies ou enregistrements relatifs à ces événements. La Commission d'enquête est actuellement dans une phase de collecte d'informations et de données ; elle procédera, ensuite, à leur analyse.

Un expert s'étant étonné de l'absence de mesures alternatives à la détention, la délégation a souligné que de telles mesures existent. En effet, l'article 62 du Code pénal prévoit des mesures alternatives telles que des amendes, la privation du droit d'occuper certaines fonctions ou encore les travaux d'intérêt général.

Il existe un régime juridique particulier applicable aux mineurs, a par ailleurs affirmé la délégation. A titre d'exemple, elle a indiqué que la détention provisoire est, pour eux, limitée à 24 heures et que la durée des procès impliquant des mineurs est limitée à quatre heures par jour.


Observations des membres du Comité

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République de Moldova, a salué les efforts déployés par le Gouvernement pour condamner aussi les ordres manifestement criminels qui peuvent être donnés à des subalternes. À cet égard, elle a insisté sur l'importance qu'il y a à bien définir ce qu'est un ordre illicite, a fortiori dans un environnement extrêmement discipliné.

La rapporteuse a demandé un complément d'information sur les examens médicaux effectués dans les lieux de détention. Elle a souhaité savoir si le droit à un examen médical y est garanti et comment le Gouvernement s'y prend pour l'assurer. À quel stade la médecine légale intervient-elle ? Qu'en est-il de son indépendance ? L'experte a déploré la persistance d'un certain délai entre le placement en détention et l'accès du prévenu ou du condamné à un médecin voire un avocat, ce qui ne va pas sans poser problème tant il est vrai qu'il est important de pouvoir déceler les signes de torture au plus vite.

S'intéressant ensuite au Comité des plaintes, Mme Sveaass a souhaité savoir si cet organe ne se charge d'enquêter que sur les seules plaintes en provenance des établissements pénitentiaires. Si tel était le cas, existe-t-il alors un autre organe pluridisciplinaire ou indépendant chargé d'enquêter sur les plaintes contre la police, a-t-elle demandé ?

L'experte s'est en outre fait l'écho d'informations faisant état de cas de mauvais traitement perpétrés par des policiers déguisés lors des événements d'avril dernier. Aussi, a-t-elle souhaité savoir si le Gouvernement prévoit des badges d'identification pour les policiers.

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a déploré que des personnes cagoulées soient intervenues pour disperser les manifestants lors des événements d'avril dernier et a insisté sur la nécessité de veiller à ce que de telles interventions ne se produisent plus à l'avenir. Le Ministère de l'intérieur a-t-il des informations à transmettre à ce sujet, a-t-il demandé?

Une autre experte s'est enquise des conditions de détention préventive des mineurs et du nombre de mineurs placés en détention préventive.

La délégation a également été invitée à fournir davantage d'informations sur le mécanisme de prévention de la torture institué conformément aux dispositions du Protocole facultatif à la Convention. Un expert s'est enquis de l'efficacité de ce mécanisme qui souffre, apparemment, de difficultés financières. Ce même expert s'est inquiété des interférences entre les différents organes chargés des droits de l'homme dans le pays, comme le Centre national des droits de l'homme et le Bureau du Défenseur du peuple, soulignant que ces interférences risquent de réduire l'efficacité de ces organes.


Réponses complémentaires de la délégation

En réponse aux questions relatives à la médecine légale et à l'accès à un médecin dans les lieux de détention, la délégation a souligné que, conformément au Code de procédure pénale et à la loi en vigueur, un examen médical est garanti pour toute personne placée en détention. Cet examen est obligatoire et confidentiel dans les locaux de garde à vue et en prison, a-t-elle précisé. Lorsqu'il y a suspicion de torture, le médecin qui procède à l'examen du détenu doit le notifier au Procureur et à l'avocat parlementaire. Le détenu a parfaitement le droit d'exiger d'être suivi par le médecin de son choix, même privé, auquel elle peut demander une expertise médico-légale qui a force de preuve, a ajouté la délégation.

Quant à l'irrecevabilité des aveux obtenus par la torture, la délégation a expliqué que le Code pénal et le Code de procédure pénale énoncent le principe selon lequel les aveux extorqués par la torture ou la contrainte sont nuls et non avenus.

En ce qui concerne le système de justice pour mineurs, la délégation a répété que la détention provisoire ne peut excéder 24 heures pour les mineurs. Pour les dix premiers mois de 2009, 65 mineurs ont été placés en détention provisoire : 19 ont ensuite été remis en liberté et 46 placés en détention préventive.


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