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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'AZERBAÏDJAN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, la suite des réponses apportées par la délégation de l'Azerbaïdjan aux questions que lui avaient adressées, hier après-midi, les experts s'agissant des mesures prises pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention.

Dirigée par le Vice-Ministre des affaires étrangères, M. Khalaf Khalafov, la délégation azerbaïdjanaise a notamment fourni un complément d'information sur le respect des droits des personnes en détention provisoire, une préoccupation soulevée par les membres du Comité. Elle a fait part de l'existence d'un registre spécial des détentions, dans lequel sont consignées toutes les informations pertinentes, comme le moment de l'arrestation, la cause et la durée de la détention. La détention par la police ne peut durer plus de 24 heures et les cellules de détention provisoire sont accessibles à tout moment au Médiateur et aux représentants des organisations non gouvernementales. Les allégations prétendant que la torture est systématiquement utilisée en Azerbaïdjan lors de la détention provisoire sont fausses, a assuré la délégation. La délégation a également indiqué qu'un conseiller particulier chargé des questions de torture et des droits des détenus faisait partie de l'équipe du Médiateur. En 2008, le Médiateur a reçu des plaintes pour torture pendant la détention provisoire, et 134 cas de violations des droits de l'homme ont été déclarés avérés; 154 fonctionnaires de différents niveaux ont fait l'objet de sanctions sévères. Des éclaircissements ont en outre été apportés par la délégation sur l'application de la loi d'amnistie; sur les mesures prises pour lutter contre la traite des êtres humains et la réhabilitation des victimes; sur le respect de la liberté de religion; et sur des affaires particulières soulevées par les experts, dont des cas décès en prison.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, Mme Felice Gaer, a fait part de cas dont elle a eu connaissance, dont l'un où le détenu s'est vu refusé l'accès à l'avocat que sa famille avait choisi et un autre où le détenu a dû attendre cinq mois avant d'avoir accès au traitement médical qu'il avait demandé. Elle a souhaité savoir comment le Gouvernement s'y prenait pour garantir l'application des lois visant le respect des droits des détenus. Pour ce qui est de la définition de la torture, l'experte a souhaité qu'elle tienne aussi compte des cas où les agents de l'État tolèrent ces actes. Plusieurs questions des membres du Comité ont en outre porté sur les prérogatives du Médiateur et l'efficacité de sa fonction.

Le Comité adoptera des conclusions et recommandations sur le rapport de l'Azerbaïdjan qui seront rendues publiques à la fin de la présente session, le vendredi 20 novembre.


Demain, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport de la République de Moldova (CAT/C/MDA/2).


Suite de l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan

Réponses de la délégation

En ce qui concerne la traite des êtres humains, le Gouvernement de l'Azerbaïdjan a adopté un plan d'action national - le deuxième de ce type - pour les années 2009-2012. Ce plan regroupe toute une série d'activités, notamment en matière de réhabilitation des victimes. Des mémorandums d'accord ont été signés avec plusieurs pays dans ce domaine. Des rencontres ont également été organisées avec des experts des Nations Unies sur l'égalité des sexes. Des formations sont en outre proposées en partenariat avec l'Autriche, la Serbie, l'Ukraine et la Géorgie. La délégation a précisé que cette année, 17 groupes criminels ont été démasqués et traduits en justice. Quant aux victimes, certaines ont bénéficié d'une aide matérielle, d'autres ont trouvé un emploi et d'autres encore ont reçu une formation professionnelle.

Les personnes détenues par la police sont enregistrées dans un registre spécial des détentions, a par ailleurs indiqué la délégation. Ce registre relève le moment de l'arrestation, la cause, la durée de la détention, ainsi que le moment de la libération. Il fait l'objet d'un suivi très strict et il est impossible de le modifier ou d'y ajouter des informations. La délégation a également souligné que les personnes ne peuvent pas être détenues par la police pendant plus de 24 heures et doivent immédiatement être déférées devant une juridiction. Les cellules de détention provisoire sont accessibles à tout moment au représentant du Médiateur et aux représentants des organisations non gouvernementales qui s'occupent de la promotion et la protection des droits de l'homme, a par ailleurs souligné la délégation, qui s'est dite étonnée devant certaines allégations qui affirment le contraire. Les allégations prétendant que la torture est systématiquement utilisée lors de la détention provisoire sont également fausses, a-t-elle affirmé.

La liberté de conscience et de religion est assurée en Azerbaïdjan, a par ailleurs certifié la délégation. 31 organisations religieuses sont enregistrées, parmi lesquelles figurent les Témoins de Jéhovah et d'autres organisations non musulmanes.

S'agissant de traitement des détenus, la délégation a expliqué, s'agissant du cas, soulevé par une experte, d'un détenu ayant subi une brûlure de cigarette, la délégation a expliqué que ce détenu avait eu une crise d'épilepsie, perdu connaissance et s'est brûlé avec sa propre cigarette. Ces circonstances ont été établies, les faits confirmés par l'expertise médico-légale. Il a été constaté que l'homme était épileptique; aucune instruction n'a par conséquent été ouverte. Quant au cas d'une personne retrouvée pendue dans les toilettes d'un commissariat de police, il s'agissait d'une personne arrêtée pour trafic de stupéfiants qui était libre de circuler dans ces locaux.

Répondant à une question sur le cas de trois mineurs traduits en justice, la délégation a expliqué qu'une enquête minutieuse avait été menée et que chacun de ces mineurs s'était vu sanctionné d'une peine de prison de dix ans maximum, puisque le code pénal prévoit des sanctions spécifiques pour les mineurs en vertu desquelles la détention n'excède pas cette durée. Aucun acte de violence ou de torture n'a été commis à l'encontre de ces mineurs, a-t-elle assuré.

La délégation a précisé que l'appareil judiciaire est constitué de trois organes: un tribunal de première instance, une cour d'appel et une cour de cassation. Les tribunaux civils et militaires fonctionnent de manière différente, le second ne s'occupant que des affaires ayant un rapport avec l'armée et le personnel militaire. Un tribunal de première instance est chargé de traiter uniquement les crimes les plus graves; cette instance a été créée dans le cadre de la réforme du système judiciaire, dans le but d'améliorer l'efficacité de la justice.

Pour ce qui est des mesures alternatives à la détention, la délégation a reconnu que les amendes figurent parmi les mesures prévues. Ce type de sanction est bien évidemment utilisé pour les délits moins lourds; il s'agit d'une méthode alternative de répression qui va de pair avec d'autres types de sanctions, plus sévères.

Invitée à donner des informations supplémentaires sur l'accès des détenus aux soins médicaux, la délégation a indiqué que des examens médicaux sont assurés pour tous les détenus. Chaque établissement pénitentiaire dispose de sa propre installation médicale qui permet de procéder à des examens de base. Face à l'inquiétude manifestée par un membre du Comité, la délégation a reconnu que les décès dus à la tuberculose se poursuivent malgré tout en prison.

Pour ce qui est des interrogatoires, la délégation a aussi souligné que le code de procédure pénale énonce des dispositions précises sur la manière de les conduire. L'assistance juridique est garantie, pour les prévenus comme pour les témoins. En outre, les interrogatoires peuvent être enregistrés, a ajouté la délégation, faisant valoir que cette procédure empêche que des actes de torture soient commis.

À l'expert qui s'enquérait du nombre de femmes et d'enfants détenus actuellement en Azerbaïdjan, la délégation a indiqué que 109 femmes sont en prison: 39 d'entre elles pour des affaires relatives à la traite d'êtres humains, 33 pour trafic de stupéfiants, 15 pour vol, 6 pour homicide. Elle a ajouté que 26 mineurs sont actuellement devant la justice: 4 pour homicide, 6 pour sévices lourds, 4 pour vol et 4 pour cambriolage.

La délégation azerbaïdjanaise a indiqué n'avoir aucune statistique sur les crimes commis par les 9000 personnes libérées en vertu de la loi d'amnistie. Elle a toutefois confirmé que l'amnistie ne peut être accordée pour les crimes graves.

La délégation a expliqué que la limite de sept ans du mandat du Médiateur a été levée. En outre, une disposition visant à augmenter son revenu a été adoptée. Les plaintes que reçoit le Médiateur sont transférées aux organes compétents pour enquête. Si celui-ci souhaite effectuer lui-même une enquête, la loi le permet. Le Médiateur compte aussi dans son équipe un Conseiller particulier pour les questions de torture et des droits des détenus, a ajouté la délégation. S'agissant des plaintes pour cas de torture dans des centres de détention provisoire qu'a reçues le Médiateur, elle a indiqué que ces affaires ont fait l'objet d'enquêtes et que des mesures appropriées ont été prises. En 2008, 134 cas de violations des droits de l'homme ont été avérés et 154 fonctionnaires de différents niveaux ont fait l'objet de sanctions sévères pour des violations graves des droits individuels. La délégation a également indiqué que le Médiateur continuerait de s'occuper du suivi des exigences de la Convention.

Observations des membres du Comité

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, a demandé des éclaircissements supplémentaires sur des cas dont elle a eu connaissance, dont celui d'un détenu qui s'est vu refusé l'accès à l'avocat que sa famille avait choisi. Un autre détenu a dû attendre cinq mois avant d'avoir accès au traitement médical qu'il avait demandé. Pourquoi un tel délai, a-t-elle demandé? Qui garantit que la loi est effectivement mise en œuvre et que l'accès à des soins médicaux est assuré? Mme Gaer a également demandé si le Comité public pour les institutions pénitentiaires était libre d'effectuer toutes les visites qu'il souhaite, au moment où il le souhaite. Elle a en effet dit avoir appris que le Comité doit, pour toute visite, se soumettre à des formalités administratives qui peuvent prendre 24 heures.

La rapporteuse s'est par ailleurs enquise de l'existence de mécanismes particuliers, autres que les décrets présidentiels, qui permettraient de suivre l'application des conclusions et recommandations du Comité.

Combien de plaintes de torture ont-elles été amorcées par le Médiateur lui-même, a aussi demandé Mme Gaer?

Pour ce qui est de la définition de la torture, l'experte a souhaité qu'elle tienne aussi compte des cas où les fonctionnaires d'État acceptent délibérément et tolèrent ces actes.

M. XUEXIAN WANG, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, s'est interrogé sur l'efficacité du Médiateur. Il a fait remarquer qu'à la lecture du rapport, il semble qu'aucune des affaires dont le Médiateur s'est chargé n'a constitué un délit sérieux. Il a aussi souhaité savoir si un seul cas de torture a été identifié dans les affaires impliquant les autorités.

Le corapporteur a également réitéré sa préoccupation face à certaines lois restreignant les activités des organisations non gouvernementales.

La question de la validité des preuves obtenues par la torture a également été soulevée par un expert qui s'enquérait des résultats qu'a eu le travail de sensibilisation réalisé dans ce domaine. Il y a-t-il eu des cas où les preuves ont été écartées parce que les juges estimaient qu'elles avaient été obtenues par la torture, a-t-il demandé ?

Une autre membre du Comité a par ailleurs rappelé l'importance de veiller à ce que la délinquance juvénile soit traitée différemment, conformément aux principes prévus par les instruments internationaux de droits de l'homme. Elle a constaté que les allégations de mauvais traitement dans le cadre de la détention provisoire portent tant sur les mineurs que sur d'autres catégories de personnes.

Réponses complémentaires de la délégation

Le Médiateur a tous les pouvoirs pour se rendre en visite dans les institutions, a assuré la délégation. Il peut également participer aux examens de cas d'extradition, a-t-elle précisé, un expert s'étant enquis des possibilités de recours auprès de cet organe par une personne menacée d'extradition. Elle a par ailleurs précisé que le Médiateur et ses assistants ont organisé 318 visites dans les lieux de détention du Ministère de l'intérieur, sans notification préalable.

Pour ce qui est du projet de légiférer sur les activités des organisations non gouvernementales mentionné par le corapporteur, la délégation a indiqué qu'il n'a finalement pas abouti.

La délégation a dit ne pas avoir connaissance de cas de preuves obtenues par la torture.

Pour ce qui est des élections parlementaires, la délégation a reconnu que des infractions aux droits de l'homme ont été commises. Des poursuites judiciaires ont été engagées à cet égard, a-t-elle assuré.

Un plan de mesures complémentaires a été adopté pour donner suite aux recommandations du Comité, a aussi précisé la délégation.


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CAT09031F