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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du deuxième rapport de la République de Moldova sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention.

Présentant le rapport de son pays, M. Valeriu Cerba, Conseiller auprès du Ministère des affaires intérieures de la République de Moldova, a affirmé qu'une loi y interdit la torture et les traitements inhumains. La peine capitale a aujourd'hui été abolie même pour les cas d'exception. Et pour la première fois, un code éthique et de déontologie policière a établi. Des efforts ont également été déployés pour améliorer les lieux de détention. Huit des 38 centres de détention provisoire ont d'ailleurs été fermés parce qu'ils ne respectaient pas les conditions minimales, a précisé le Conseiller. Outre un plan national de droits de l'homme, une réforme du pouvoir judiciaire est prévue en vue de perfectionner les mécanismes d'enquêtes et d'introduire nouveau système de comptabilité des plaintes déposées par les citoyens. Le chef de la délégation a par ailleurs rappelé que son pays a adhéré au Protocole facultatif à la Convention. Il a annoncé que le rôle de mécanisme national de prévention prévu par le texte est confié aux «avocats parlementaires», qui remplissent les fonctions d'ombudsmen.

La délégation moldove était également composée de représentants du Ministère de la justice; du Ministère de la santé, du Ministère du travail, de la protection sociale et de la famille, du Ministère de l'intérieur, du Bureau du Procureur et de la Mission permanente de la République de Moldova auprès des Nations Unies à Genève.

La rapporteuse du Comité pour l'examen de ce rapport, Mme Nora Sveaass, a constaté un contraste entre la bonne volonté de la République de Moldova et la réalité. Elle a fait référence à plusieurs rapports dénonçant des mauvais traitements infligés lors de la détention provisoire et des actes de torture perpétrés par les forces de police. Elle s'est interrogée sur l'efficacité du processus de dépôt de plaintes, s'étonnant à cet égard que l'Ombudsman n'ait accepté d'examiner que 21% des plaintes qu'il a reçues. L'experte a aussi souhaité obtenir des précisions sur la situation actuelle en matière de corruption et d'impunité pour les cas de torture. Le corapporteur, M. Alexander Kovalev, a attiré l'attention sur des rapports dénonçant les très mauvaises conditions de détention de certains établissements. Certains détenus seraient morts en détention suite à des passages à tabac. En dépit des efforts déployés, les conditions de détention ne semblent pas s'être améliorées dans la République de Moldova, a déploré le corapporteur.

La délégation de la République de Moldova répondra demain matin, à 10 heures, aux questions des experts.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses apportées par la délégation colombienne aux questions qu'il lui a posées hier matin.


Présentation du rapport de la République de Moldova

M. VALERIU CERBA, Conseiller auprès du Ministre des affaires intérieures de la République de Moldova et chef de la délégation, a indiqué que son pays avait pris toute une série de mesures visant à appliquer les principes de droits de l'homme, notamment dans le domaine de la prévention de la torture et autres traitements cruels et inhumains. En ratifiant les principaux instruments et en harmonisant sa législation nationale avec les instruments de lutte contre la torture, la République de Moldova a mis sur pied les mécanismes adéquats pour prévenir les actes de torture: une loi interdit la torture et les traitements inhumains; la loi sur les arrestations préventives a été annulée; et pour la première fois, grâce à un décret présidentiel, un code éthique et de déontologie policière a été établi. Le représentant moldove a également indiqué qu'en 2006, le Parlement avait adopté des amendements à la Constitution afin d'abolir la peine de mort. La peine capitale a aujourd'hui été abolie sans admettre de cas d'exception.

D'autre part, la République de Moldova a adhéré au Protocole facultatif à la Convention et le mécanisme national de prévention, prévu par les dispositions du texte, est confié aux avocats parlementaires, des Ombudsmen. Le Gouvernement entend conférer à ce mécanisme un pouvoir important, a précisé le chef de la délégation. Il a par ailleurs fait valoir qu'en respectant les recommandations des experts internationaux dans le domaine des droits de l'homme, le pays a pu considérablement améliorer les conditions de détention. Les priorités identifiées ont été notamment l'amélioration des conditions sanitaires, la réparation et le lancement de travaux de rénovation, l'amélioration des services médicaux et l'introduction d'un examen médical obligatoire, la garantie des conditions nécessaires pour que les entretiens avec les avocats se fassent en privé et l'amélioration de la nourriture. Huit des 38 centres de détention provisoire ont été fermés parce qu'ils ne respectaient pas les conditions minimales pour la détention, a précisé le Conseiller.

M. Cerba a toutefois reconnu que des problèmes persistent. Pour le Gouvernement, la priorité est aujourd'hui de transférer la responsabilité de surveillance des centres de détention du Ministère des affaires étrangères au Ministère de la justice. Toute la base juridique nécessaire a déjà été mise en place, a-t-il précisé. En ce qui concerne la prévention des actes de torture, il a fait part de l'existence, dans toutes les subdivisions territoriales de la police, d'un système informatique consignant tous les appels téléphoniques. Un tel système vise à exclure la possibilité de dissimuler les faits, a précisé le chef de la délégation. Plus généralement, les activités de la police doivent se fonder sur un partenariat avec la société, sur un principe de police communautaire.

S'agissant du nombre de plaintes pour torture, elles étaient au nombre de 33 en 2007, 15 en 2008 et 18 en 2009. Ces chiffres, a précisé le Conseiller, tiennent compte des événements d'avril dernier. Il a à cet égard regretté que ces faits malheureux aient sapé les efforts du Gouvernement en vue d'assurer l'application des dispositions de la Convention. Il s'est dit préoccupé des causes qui sous-tendent ces événements et a assuré que le Gouvernement en tirera les conclusions qui s'imposent. Il a précisé à cet égard que le Procureur a examiné 104 affaires liées à ces incidents. Sept de ces affaires sont actuellement instruites; elles concernent 19 agents de police. Une Commission parlementaire a par ailleurs été mise sur pied pour enquêter sur ces événements. Attirant ensuite l'attention sur la situation en Transnistrie, le représentant moldove a souhaité que la reprise récente des négociations permettra de résoudre le problème de la liberté de circulation et la mise sur pied de mécanismes de prévention et de lutte contre la torture dans cette région.

Le chef de la délégation a également fait remarquer que la République de Moldova a tourné une nouvelle page de son histoire lorsque le Gouvernement a adopté un plan national pour les années 2009-2013 identifiant les nouvelles priorités en matière de droits de l'homme. Les objectifs sont, entre autres, de développer le socle juridique en matière de droits de l'homme; d'améliorer la situation des droits de l'homme, ainsi que les mécanismes de protection des droits de l'homme; d'assurer l'accès à la justice; de promouvoir la liberté de la presse; et de lutter contre la traite des êtres humains. Une réforme du pouvoir judiciaire est également prévue, des experts européens et américains ont été invités à partager leur expertise en la matière. Il s'agit de perfectionner les mécanismes d'enquête, de parachever le processus de transfert des cellules de détention provisoire pour les faire sortir de la juridiction du Ministère des affaires intérieures et les mettre sous la tutelle du Ministère de la justice, ainsi que d'introduire nouveau système de comptabilité des plaintes déposées par les citoyens.

Le deuxième rapport de la République de Moldova (CAT/C/MDA/2) explique que l'ancien Code pénal de la République de Moldova comportait un article sur la torture, en vertu duquel les actes de torture étaient qualifiés d'«abus de pouvoir ou d'autorité». Cette incompatibilité avec les recommandations du Comité a été corrigée par une loi de 2005 qui présente la «torture» comme un délit distinct, passible de deux à cinq années d'emprisonnement, de l'interdiction d'occuper certains postes ou d'exercer certaines activités pendant une période pouvant aller jusqu'à cinq ans. Le Code de procédure pénale stipule qu'au cours de l'enquête criminelle, nul ne peut être soumis à la torture ou à d'autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, nul ne peut être retenu dans des conditions humiliantes ou contraint de se prêter à des actes qui portent atteinte à la dignité humaine. Toute personne condamnée est assurée que sa dignité, ses droits et libertés seront défendus et respectés par les forces de police, et qu'elle ne fera pas l'objet pas d'actes de torture et d'autres traitements inhumains ou d'expériences scientifiques mettant sa vie et sa santé en danger, même avec son consentement; elle a également la garantie de bénéficier, le cas échéant, de mesures de protection de la part de l'État. Elle est en droit de présenter des requêtes à la direction de l'établissement ou à l'autorité chargée de l'application des peines, de se faire assister par un avocat, de bénéficier de soins de santé et d'une assurance sociale.

Le rapport fait également mention d'une décision gouvernementale de 2006 relative à l'adoption du Code d'éthique et de déontologie des fonctionnaires de police qui leur interdit de commettre, encourager ou tolérer des actes de torture, des peines ou traitements inhumains ou dégradants, quelles qu'en soient les circonstances. Enfin, une décision gouvernementale de 2006, relative à l'adoption du Règlement sur l'exécution des peines des personnes condamnées, stipule que le médecin qui réalise l'examen médical doit contacter le Procureur s'il constate que le détenu a été victime d'actes de torture. Le rapport fait part également de l'adoption d'un document de réflexion sur la réforme du système pénitentiaire pour 2004-2013 qui prévoit toutes sortes de mesures en vue d'améliorer le système pénitentiaire visant à conformer les conditions de détention aux normes en matière de droits de l'homme. Dans le cadre de cette réforme, le Département des établissements pénitentiaires prend désormais en charge les tâches de supervision et d'escorte des prisonniers, les soins de santé, les travaux de construction, et la formation du personnel, qui relevaient auparavant de la compétence d'autres institutions gouvernementales. Le rapport précise qu'actuellement, presque 80 % des bâtiments des établissements pénitentiaires sont vétustes et certains sont même dans un état de grand délabrement. Les bâtiments destinés aux détentions provisoires ne répondent pas aux normes en matière de salubrité et d'hygiène, de taux d'occupation, d'éclairage, d'aération et de chauffage. En raison de l'insuffisance des ressources financières, aucune réparation majeure n'a été entreprise depuis plus de 15 ans. L'alimentation des prisonniers est carencée. L'insuffisance de la nourriture et les mauvaises conditions de détention entraînent une morbidité globale élevée, notamment associée à la tuberculose. L'incidence de la tuberculose dans les établissements pénitentiaires est 27 fois plus élevée que la moyenne nationale. À l'occasion de son adhésion au Conseil de l'Europe et à d'autres institutions internationales intervenant dans le domaine de la défense des droits de l'homme, la République de Moldova s'est engagée à assurer des conditions de détention convenables.

Enfin, selon le code de procédure pénale, la période de garde à vue ne peut excéder soixante-douze heures à compter du moment de l'arrestation, et dans le cas d'un mineur, la durée maximale de la garde à vue ne peut excéder vingt-quatre heures; en cas de détention d'un mineur, la personne qui mène l'enquête criminelle est tenue d'informer immédiatement le Procureur et les parents du mineur; et pour la première fois dans la législation en matière de procédure pénale de la République de Moldova, il est stipulé que toute personne détenue a le droit de bénéficier d'une assistance juridique confidentielle avant le premier interrogatoire.


Questions des membres du Comité

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la République de Moldova, a noté que le pays a ratifié la majorité des traités internationaux en matière de droits de l'homme, y compris le Protocole facultatif à la Convention. Elle a souhaité savoir si le Gouvernement prévoyait d'adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, à la Convention relative aux droits des personnes handicapées et au Statut de Rome.

La rapporteuse s'est félicitée de l'ouverture manifestée par la République de Moldova à l'égard des experts internationaux, le pays ayant récemment accueilli le Rapporteur spécial sur la torture et la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes. Elle a aussi salué l'adoption, en septembre 2008, d'une loi sur la prévention et la lutte contre la violence au sein de la famille, qui inclut la violence physique, psychologique et le viol conjugal. Elle a enfin noté avec satisfaction la création d'un Comité national pour la lutte contre la traite des êtres humains.

Toutefois, Mme Sveaass a constaté un contraste entre cette bonne volonté et la réalité. Elle a fait référence à plusieurs rapports et notamment à celui du Rapporteur spécial sur la torture qui s'est inquiété de mauvais traitements infligés lors de la détention provisoire et d'actes de torture perpétrés par les forces de police. Le Rapporteur spécial a aussi noté que les procédures de plaintes sont trop faibles, a-t-elle souligné. Elle a ajouté que le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture fait référence à des cas de torture et de mauvais traitements au sein de la police et à des problèmes graves qui se produisent dans les établissements psychiatriques. D'une manière générale, elle a souhaité savoir comment de tels rapports sont reçus. Sont-ils débattus, publiés, diffusés?

Davantage d'informations ont été demandées sur les possibilités de porter plainte. Combien de plaintes ont été déposées pour mauvais traitement en détention, a demandé la rapporteuse? Quelles condamnations ont-elles été prononcées? L'experte s'est également étonnée que, selon des informations transmises par les organisations non gouvernementales, l'Ombudsman n'ait accepté pour examen que 21% des 753 plaintes qu'il a reçues. Elle a souhaité savoir s'il existe une certaine impunité pour les cas de torture. Elle s'est aussi inquiétée de cas de corruption impliquant des fonctionnaires. La rapporteuse a par ailleurs fait remarquer que beaucoup d'enquêtes sur les cas de torture sont abandonnées en raison du manque de preuves concrètes. À qui incombe le fardeau de la preuve, a-t-elle demandé?

En ce qui concerne les droits des personnes en détention, la rapporteuse a demandé un complément d'information sur le respect du droit à avoir accès à un avocat et à s'entretenir avec lui en privé. Ce droit est-il vraiment garanti? Ces dispositions s'appliquent-elles également pour un avocat privé? Mme Sveaass s'est également enquise du respect du droit à des soins médicaux. Elle a souhaité savoir si les examens médicaux en prison se fondent sur les principes du Protocole d'Istanbul.

D'autres questions posées par la rapporteuse ont porté sur l'applicabilité de la Convention dans l'ordre juridique interne; sur les sanctions prévues pour les actes de torture; sur l'imprescriptibilité du crime de torture; sur la durée de la détention préventive; sur les mesures prises pour prévenir la violence sexuelle à l'encontre des femmes détenues; et sur la séparation entre adultes et mineurs en détention.

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur du Comité pour l'examen de ce rapport, a souhaité être informé des programmes de formation mis sur pied à l'intention du personnel médical, carcéral et judiciaire, s'agissant notamment de la gestion de foules et des détenus. Qu'en est-il de la formation des médecins à l'égard des détenus, des demandeurs d'asile et des réfugiés? Le Protocole d'Istanbul est-il connu?

Le corapporteur a par ailleurs souhaité connaître la composition actuelle du Comité des plaintes, un organe spécial créé de manière à assurer un examen impartial des plaintes déposées par les détenus des établissements pénitentiaires et à surveiller le respect de leurs droits.

D'après les données d'organisations non gouvernementales, les conditions de détention provisoire ne sont pas suffisantes et présentent des risques pour la santé des détenus, a souligné M. Kovalev. Il a en effet fait référence à un rapport qualifiant de catastrophiques les conditions dans les lieux de détention qui dépendent du Ministère de l'Intérieur. Il a attiré l'attention sur les conditions de détention de personnes se trouvant dans une cellule minuscule et devant dormir à tour de rôle. Il a déploré qu'en dépit des efforts déployés, les conditions de détention ne semblent pas s'être améliorées dans la République de Moldova.

De même, l'expert a cité des rapports dénonçant des traitements cruels de détenus, certains seraient décédés en détention suite des passages à tabac. Beaucoup de détenus n'auraient pas accès à un avocat, a-t-il également relevé. Rappelant que la torture se produit dans les premiers instants de la détention, une autre experte a relevé l'importance d'informer les détenus de leurs droits dès le début de la garde à vue. Tous les détenus devraient être inscrits dans un registre. Elle s'est également interrogée sur l'irrecevabilité des aveux obtenus par la contrainte.

Un expert s'est étonné que la République de Moldova ne parle pas de mesures alternatives à l'emprisonnement, bien que le pays semble s'inspirer des pratiques en cours dans l'Union européenne, où ce type de mesures est largement appliqué. Il a fait remarquer qu'adopter un tel système contribuerait beaucoup à améliorer la situation des centres de détention.

Tout en saluant la ratification du Protocole facultatif et la mise en place d'un mécanisme national de prévention, une experte s'est enquise des possibilités d'accès aux prisons par les organisations non gouvernementales. Elle a fait valoir que leur accorder l'accès aux centres de détention peut largement contribuer à la prévention de la torture.


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