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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA COLOMBIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport de la Colombie sur l'application par ce pays des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

À l'ouverture de la séance, le Représentant permanent de la Colombie auprès des Nations Unies, M. Angelino Garzón a réaffirmé la politique de transparence dans laquelle s'est engagé son pays en matière de droits de l'homme. Il a toutefois souligné qu'en dépit des mesures prises pour interdire la torture et promouvoir les droits de l'homme, l'État et le peuple colombiens continuent d'être victimes des pires formes de torture, comme en témoignent la persistance des pratiques d'enlèvement et les terribles conséquences des mines antipersonnel. D'autres membres de la délégation sont ensuite intervenus pour donner un complément d'information s'agissant notamment de la formation des médecins légistes pour déceler les signes de mauvais traitement, de l'indépendance du système judiciaire, de la mise en œuvre de la politique carcérale et de la lutte contre l'impunité.

La délégation colombienne était également composée du Coordonnateur pour les questions politiques du Programme présidentiel pour les droits de l'homme et le droit international humanitaire; du Procureur délégué pour la prévention en matière de droits de l'homme et de questions éthiques; du Directeur pour la région orientale de l'Institut national de médecine légale et de science médico-légale; de la Procureure déléguée auprès des juges des audiences foraines de l'unité nationale des droits de l'homme; et de la Directrice de l'Institut national pénitentiaire et carcéral.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, M. Fernando Mariño Menéndez, a constaté un certain contraste entre le tableau brossé par l'État et les informations qui sont parvenues au Comité. Il semblerait que la torture persiste dans la société colombienne, que les actes de torture ne soient pas poursuivis et que les condamnations soient rares. Il a rappelé que la raison de sécurité d'État ne saurait légitimer la torture. Le corapporteur, M. Claudio Grossman, s'est pour sa part inquiété de la question de la protection des témoins, citant un cas où des personnes témoins d'actes de torture auraient été intimées au silence. D'autres experts ont aussi préconisé la protection des droits des défenseurs des droits de l'homme, ainsi que du personnel judiciaire, également victimes d'intimidations. La question de la ratification du Protocole facultatif à la Convention a également été soulevée, une experte faisant valoir que l'adhésion à ce Protocole pourrait contribuer à améliorer les conditions de détention extrêmement dures qui prévalent en Colombie.

La délégation fournira au Comité, demain à 15 heures, des réponses à ses questions.


Cet après-midi, dès 15 heures, le Comité reprendra l'examen du rapport de l'Azerbaïdjan, entamé hier après-midi.


Présentation du rapport de la Colombie

M. ANGELINO GARZÓN, Représentant permanent de la Colombie auprès des Nations Unies et chef de la délégation, s'est réjoui de cette opportunité de dialogue avec le Comité. Il a réaffirmé que son pays poursuit sa politique de transparence en matière de droits de l'homme. En effet, la Colombie s'est engagée de manière tout à fait volontaire dans une politique d'ouverture et de transparence, a-t-il fait remarquer. Elle a accepté les recommandations formulées lors de son Examen périodique universel, certaines portant, d'ailleurs, sur la torture. De même, elle a accueilli cette année le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ainsi que la Représentante spéciale concernant la situation des défenseurs des droits de l'homme. M. Garzón a ensuite affirmé que la torture est interdite par la Constitution et que le Gouvernement s'oppose à tout fait de torture ou de mauvais traitement infligé à toute personne, quelle qu'elle soit. Il a précisé que la politique de sécurité démocratique mise en place pour combattre les activités criminelles des groupes armés est liée à une politique intégrale de défense de droits de l'homme. Toutefois, en dépit de ces mesures, l'État et le peuple continuent d'être victimes des pires formes de torture, en témoignent la persistance des pratiques d'enlèvement et les terribles conséquences des mines antipersonnel.

M. TOMÁS ERNESTO CONCHA SANZ, Coordonnateur pour les questions politiques du Programme présidentiel pour les droits de l'homme et le droit international humanitaire, a affirmé que l'État colombien luttait contre la torture et œuvrait à la prévention de ce type de pratiques, notamment en assurant le respect des dispositions constitutionnelles en la matière, en promulguant des lois et en souscrivant aux traités et instruments internationaux relatifs à la torture. Il a d'ailleurs fait remarquer que les dispositions prévues par le Code pénal et le Code de procédure pénale vont au-delà de celles prévues par la Convention. Parmi les bonnes pratiques prônées par la Colombie pour lutter contre la torture, le représentant a attiré l'attention sur la politique de lutte contre l'impunité adoptée en 2006. Cette politique, a-t-il précisé, est une politique commune exécutée conjointement par différents organes du Gouvernement et de la justice. Il a en outre fait part de l'adoption d'une politique carcérale visant à améliorer les conditions de détention, faciliter la resocialisation de la population carcérale et respecter les droits de l'homme.

M. CARLOS HERNÁN MARÍN ARIAS, Directeur pour la région orientale de l' Institut national de médecine légale et de science médico-légale, a expliqué que tous les médecins de l'Institut ont la capacité technique de déceler les signes de mauvais traitement, de torture ou d'abus sexuels. Il a précisé que tant le Protocole d'Istanbul que le Protocole de Minnesota sont appliqués dans ce domaine. M. Marín Arias a également expliqué que l'Institut enregistrait les informations sur chacun des cas grâce à un système qui permet de rassembler toutes les informations pertinentes, comme la description des lésions et l'avis du médecin sur d'éventuels mauvais traitements. Tous les experts sont dûment formés sur les deux protocoles, a-t-il insisté, un accent étant mis sur la formation et la sensibilisation à ces deux documents.

MME CLAUDIA SUÁRES MARTÍNEZ, Procureure déléguée auprès des juges des audiences foraines de l'unité nationale des droits de l'homme, a affirmé que le pouvoir judiciaire est indépendant par rapport aux autres organes de l'État. Cette indépendance, a-t-elle poursuivi, se reflète dans le processus de recherche de preuves, dans les procès publics et dans les réparations accordées aux victimes. Elle a attiré l'attention sur les différentes unités du Procureur général disséminées dans tout le pays. Les fonctionnaires publics qui ont eu recours à la torture sont poursuivis en justice, a-t-elle souligné, précisant que poursuivre toute personne qui a commis des violations graves des droits de l'homme est un devoir éthique de la justice. Les défenseurs des droits de l'homme sont également sous la protection de la justice. En outre, le système judiciaire s'efforce d'être actif dans toutes les régions du pays et veille à accorder la priorité aux victimes.

Le quatrième rapport de la Colombie (CAT/C/COL/4) indique que pendant la période comprise entre 2002 et 2006, a été mise sur pied une politique en matière de droits de l'homme visant à garantir le libre exercice de tous les droits de l'homme en s'appuyant sur la prévention des violations de ces droits, y compris l'infraction de torture, la lutte contre l'impunité, l'assistance aux victimes et l'impulsion à donner à l'application du droit international humanitaire. Le rapport attire par ailleurs l'attention sur la loi de justice et paix promulguée en 2005 dont l'objectif est de faciliter le processus de paix et le retour individuel ou collectif à la vie civile des membres des groupes armés illégaux, en garantissant le droit des victimes à la vérité, à la justice et à réparation. Le rapport reconnaît qu'en 2002, 168 agglomérations n'ont pas pu compter sur la présence physique permanente de la force publique, ce qui a facilité les agissements des groupes armés illégaux, et leur a permis de contrôler de vastes zones du territoire national et, par voie de conséquence, d'intimider une bonne partie de la population laissée sans protection. Le processus de reprise du contrôle s'est aujourd'hui achevé, toutes les agglomérations ayant été récupérées. À la suite du renforcement des services de police, les attaques menées par les groupes armés illégaux contre les villages ont diminué, leur nombre a été ramené de 290 entre 1998 et 2002 à 44 entre 2002 et 2005, soit une baisse de 84,8% du nombre de cas signalés. Le pays a également enregistré une réduction importante des homicides et des enlèvements.

En ce qui concerne la situation de la torture en Colombie, le rapport précise qu'il existe dans le pays un cadre institutionnel très développé et une politique de défense du droit à la vie et à la protection contre les voies de faits ou les sévices. Selon le Bureau du Défenseur du peuple, on a enregistré au total en 2004 710 plaintes pour menace ou atteinte au droit de chacun au respect de son intégrité, la police étant visée par 281 plaintes pour traitements cruels, inhumains ou dégradants et 15 pour torture et les forces armées l'étant dans 98 et 17 cas, respectivement. Pour l'année 2005, ce Bureau a enregistré au total 613 plaintes, soit une diminution de 13,7 % par rapport à 2004. Le rapport souligne à cet égard que les informations communiquées par le Bureau du Défenseur du peuple n'incluent pas les actes commis par les groupes armés illégaux, auxquels un grand nombre de cas ont été attribués. S'agissant de la lutte contre l'impunité, le Gouvernement colombien a notamment signé, en juillet 2003, un accord de coopération internationale conclu avec les Pays-Bas qui vise à formuler et appliquer une politique de lutte contre l'impunité, ainsi qu'à suivre un certain nombre de procédures judiciaires pour violation des droits de l'homme et infraction au droit international humanitaire. Une politique publique de lutte contre l'impunité en cas de violation des droits de l'homme et d'infraction au droit international humanitaire a été formulée.

En ce qui concerne les progrès du système pénitentiaire, le Gouvernement colombien a entrepris de mettre en œuvre un programme d'extension de la capacité d'accueil des différents centres de détention pour remédier à la surpopulation carcérale. Le rapport précise que dans le respect des prescriptions de la Convention contre la torture, le système pénitentiaire colombien interdit tout type de châtiments qui représentent un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Un «Manuel à l'intention des unités de sécurité et de traitement spécial» qui a pour objet d'enraciner le respect et la protection des droits des personnes privées de liberté a été distribué.


Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Colombie, a salué les programmes mis en œuvre par le Gouvernement, notamment en matière de droits de l'homme, dans la lutte contre l'impunité et pour les personnes disparues. Il a également rappelé qu'il ne saurait y avoir de justification au recours à la torture. L'interdiction de la torture est absolue en droit international, a-t-il répété, il ne saurait être question d'invoquer une raison de sécurité d'État pour la légitimer. Il a également relevé l'importance de tenir compte du crime de la torture lorsque l'on aborde les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, la torture se retrouvant en effet dans ces types de crimes.

Le rapporteur a relevé le contraste entre le tableau brossé par l'État et les informations qui sont parvenues au Comité. Il semblerait que la torture persiste dans la société colombienne, a-t-il noté. Il a également déploré que les actes de torture ne soient pas poursuivis. Il y a très peu d'enquêtes et les condamnations sont rares par rapport au nombre de plaintes déposées pour torture. M. Mariño Menéndez a par ailleurs déploré certaines pratiques «d'occultation de la torture». Il semble en effet que des cas de torture et d'exécutions extrajudiciaires soient masqués par leurs auteurs, notamment en déguisant les victimes pour les faire passer pour des membres de groupes rebelles ou armés et obtenir, en sus, une récompense ou une prime. Le Gouvernement est-il au courant de ces pratiques? Comment compte-t-il y remédier?

Notant que la responsabilité d'extraire les dépouilles des fosses communes est confiée à un corps technique d'experts militaires, l'expert s'est demandé si cette tâche ne devrait pas être confiée à des agents de l'État qui ne dépendent pas des militaires.

En ce qui concerne certains cas d'arrestation et de détention de groupes entiers, le rapporteur a fait valoir que ce type de pratiques est synonyme d'absence de garanties, voire de représailles contre un groupe particulier de la population. Il a souhaité savoir si le Gouvernement avait constaté des phénomènes de ce type. Il a en outre demandé quelle était la durée maximale de la détention provisoire en Colombie.

M. Mariño Menéndez s'est également enquis de l'application de la loi «justice et paix», demandant en particulier si les 19 000 personnes démobilisées qui ont échappé aux tribunaux étaient «complètement innocentes». Il a par ailleurs souhaité savoir si le système d'alerte précoce mis en place au niveau du défenseur du peuple fonctionnait réellement pour empêcher les déplacements forcés puisqu'il s'agit là de sa mission essentielle.

M. CLAUDIO GROSSMAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport colombien, a souhaité savoir si des programmes d'évaluation sont prévus pour vérifier que les formations sur les protocoles d'Istanbul et de Minnesota à l'intention des médecins légistes ont porté leurs fruits.

La délégation a par ailleurs été invitée à fournir des détails sur la campagne de renforcement des droits de l'homme à l'intention des forces armées. Cette campagne contient-elle un volet consacré à la violence sexuelle dans les conflits armés?

S'intéressant ensuite aux établissements pénitentiaires, le corapporteur a souhaité connaître les mesures prises pour lutter contre la surpopulation carcérale. Il s'est également enquis de la prise en charge des prisonniers qui présentent des troubles psychologiques. Enfin, il s'est demandé si les informations sur les établissements pénitentiaires sont accessibles aux familles des personnes détenues et disparues.

En ce qui concerne le droit de plainte et la protection des témoins, l'expert a fait part d'informations qui lui sont parvenues et selon lesquelles les membres d'une famille auraient été intimés au silence après que l'armée ait torturé des personnes en leur présence. Le père de la famille aurait aussi été emmené, avec la promesse de sa libération contre le silence de la famille. M. Grossman a souhaité connaître l'avis de la délégation sur ce type de problèmes et sur la nécessité de protéger les témoins.

Le corapporteur a, enfin, souhaité que la délégation s'exprime sur les allégations d'écoutes téléphoniques dont seraient victimes les juges de la Cour suprême.

Sur ce point, une autre experte a relevé l'importance de protéger cette instance, dernier rempart d'un État de droit. Elle a estimé que le système judiciaire colombien est déficient et s'est posé la question des compétences de la justice militaire par rapport à celles la justice civile, notamment s'agissant des affaires d'exécutions extrajudiciaires.

L'attention a également été attirée sur le rôle essentiel des défenseurs des droits de l'homme pour toute société démocratique, des experts déplorant les menaces et pressions dont ils semblent faire l'objet en Colombie. Des enquêtes, procès et condamnations ont-ils eu lieu dans de telles affaires? Une experte a également observé que le personnel de l'Unité des droits de l'homme et du droit international humanitaire de la Fiscalía General de la Nación auraient été victimes d'intimidations.

Les actes de violence domestique sont extrêmement nombreux, a par ailleurs noté une experte. Quelles sont les mesures prises pour réagir à cette situation? Des condamnations sont-elles prononcées pour ces crimes?

Une experte s'est enquise de l'intention de la Colombie de ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Elle a estimé que l'adhésion à ce Protocole pourrait contribuer à améliorer les conditions de détention, extrêmement dures, qui prévalent en Colombie. De même, elle a fait valoir qu'accepter que le Comité puisse recevoir des communications pourrait renforcer la lutte contre la torture menée par le pays.

La délégation colombienne a également été invitée à s'exprimer, entre autres, sur le harcèlement des victimes de violations des droits de l'homme; sur les conditions d'extradition des paramilitaires; sur la détention administrative à titre préventif; et sur les mesures de réhabilitation et de réinsertion des enfants soldats.


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