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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et aujourd'hui, le rapport périodique de la Fédération de Russie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte.

Le Vice-Ministre de la justice, M. Georgy Matyushkin, a informé le Comité des faits récents survenus dans son pays, et notamment du lancement d'un vaste processus de réforme du système judiciaire, portant notamment sur l'indépendance des juges, améliorant la procédure judiciaire et l'exécution des peines. Un moratoire sur la peine de mort est en vigueur depuis plusieurs années, en dépit du fait que la population se montre plutôt opposée à son abolition. Un médiateur des droits de l'homme a été nommé, lequel peut procéder à des vérifications et faire des recommandations pour remédier aux violations des droits de l'homme. Une attention particulière est portée aux droits de étrangers. Un dialogue est mené avec la société civile sur des thèmes tels que la lutte contre la corruption, la réforme des forces armées et la réforme judiciaire, a-t-il poursuivi. Pour que se développe le parlementarisme, une loi a été adoptée afin de faciliter la constitution de partis politiques, et le seuil de voix nécessaires pour siéger au parlement a été revu à la baisse.

L'importante délégation russe comprenait également d'autres représentants du Ministère de la justice, ainsi que des représentants de la Cour suprême, de la Procurature générale, de l'Administration fédérale du système pénitentiaire, du Département des droits de l'homme du Ministère de l'intérieur et de la Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève. Les membres de la délégation ont fourni au Comité un complément d'information s'agissant notamment des mesures prises pour lutter contre le terrorisme, les réformes du système judiciaire et du système pénal, la lutte contre la traite des êtres humains, la lutte contre la violence contre les femmes et les mesures régissant l'extradition de ressortissants étrangers.

Un vaste programme de réforme judiciaire, qui touche entre autres la magistrature a permis, peu à peu, d'assurer un meilleur accès à la justice, a notamment précisé la délégation. Un projet de réforme du système de justice juvénile a aussi été lancé. Un programme de réforme des centres de détention doit permettre d'offrir de meilleures conditions de détention aux personnes incarcérées, en diminuant la surpopulation carcérale et en assurant une meilleure prise en charge médicale. La Russie collabore étroitement avec l'étranger dans la lutte contre la traite des êtres humains et a noté une baisse constante du nombre de cas depuis 2006. Sur le plan intérieur, un plus grand accent est mis sur la prévention et la réhabilitation des victimes, ce qui est également le cas pour la lutte contre la violence à l'égard des femmes, qui constitue une priorité pour les autorités.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la Fédération de Russie seront rendues publiques à la fin de la session, le 30 octobre prochain.


Lundi après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport périodique de L'Équateur: (CCPR/C/ECU/5).



Présentation du rapport de la Fédération de Russie

M. GEORGI MATYUSHKIN, Vice-Ministre de la justice de la Fédération de Russie, a remercié le Comité des droits de l'homme et ses membres pour ses conseils éclairés et professionnels qui aident la Russie à parvenir à une meilleure compréhension des problèmes des droits de l'homme et à y trouver des solutions. Il est important de renforcer la confiance de la population dans sa justice, a t-il poursuivi, et c'est la raison pour laquelle il a été décidé de lancer un processus de réforme tous azimuts du système judiciaire, entre autres, en renforçant l'indépendance des juges. En outre, un projet de loi porte sur la procédure judiciaire et l'exécution des peines.

Les mesures antiterroristes instaurées pendant la guerre en Tchétchénie ont fait souffrir de nombreuses familles, a reconnu le chef de la délégation russe, qui a assuré que d'importants efforts ont été déployés pour améliorer la situation dans la région.

Le Vice-Ministre a par ailleurs indiqué qu'un moratoire s'applique dorénavant à l'application de la peine de mort et cela en dépit du fait que la population se montre majoritairement opposée à son abolition. Un médiateur des droits de l'homme a été nommé, lequel peut procéder à des vérifications et faire des recommandations pour remédier aux violations des droits de l'homme et des droits des enfants. Une attention particulière est portée aux droits de étrangers, a assuré M. Matyushkin

La Russie comprend pleinement l'importance des medias dans la diffusion des droits de l'homme, a poursuivi le Vice-Ministre russe de la justice. Il a ajouté qu'un dialogue était mené avec la société civile sur des thèmes tels que la lutte contre la corruption, la réforme des forces armées et la réforme judiciaire. Pour favoriser le développement du parlementarisme, une loi a été adoptée afin de faciliter la constitution de partis politiques et le seuil électoral à atteindre pour siéger au parlement a été revu à la baisse.

M. Matyushkin a en enfin assuré les experts que son pays tenait compte de l'avis du Comité, même lorsque la position russe diffère de celle du Comité, et un dialogue continu est entretenu avec lui. En outre, un travail d'information et de sensibilisation des fonctionnaires de la justice quant au contenu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Vice-Ministre russe a conclu en faisant valoir que le rapport présenté par la Russie était le fruit d'une étroite collaboration entre les autorités et la société civile.

Le sixième rapport périodique de la Fédération de Russie (CCPR/C/RUS/6) souligne que le pays a jeté les bases juridiques nécessaires pour introduire l'auto-administration au niveau local. Celle-ci joue un rôle sans cesse croissant dans l'émergence d'une société civile, dont elle est à la fois la locomotive et un élément indissociable. Une attention particulière est apportée à l'amélioration de la législation concernant les questions ethniques et garantissant la protection des communautés. L'adoption de la loi sur l'autonomie culturelle ethnique a permis de concrétiser bon nombre des droits garantis aux entités culturelles ethniques autonomes. La mise en œuvre du programme stratégique fédéral de développement du système judiciaire pour la période 2002-2006 a, par ailleurs, posé le principe de changements positifs dans l'activité du système judiciaire, fait valoir le rapport. Des textes juridiques ont été adoptés afin de régir les procédures et les mesures garantissant la protection des droits de l'individu et l'accès à la justice. Le corps judiciaire et le personnel administratif et d'assistance ont été sensiblement étoffés, une justice de paix a été mise en place et la rémunération des juges a nettement augmenté. Le programme de réforme du système judiciaire adopté pour 2007-2011 prévoit l'établissement d'un pouvoir judiciaire autonome et indépendant et l'amélioration de l'efficacité et de la qualité de la justice. Il convient de noter que les tribunaux dépassent moins souvent les délais de procédure pour l'examen des affaires civiles. En 2006, 96,6 % des affaires pénales ont été examinées dans les délais légaux. La mise en place des cours d'assises est en grande partie achevée. De telles juridictions existent désormais dans tous les «sujets» de la Fédération de Russie, sauf en République de Tchétchénie, où l'établissement des listes de jurés a été reporté au 1er
janvier 2010. (La fédération est composée de 83 sujets, dont des républiques, provinces, territoires, etc)

La Cour constitutionnelle de la Fédération a, en outre, imposé, par son arrêt no 3, du 2 février 1999, un moratoire temporaire sur les condamnations à mort. Depuis cette date, d'après les données du Département judiciaire de la Cour suprême, les tribunaux n'ont pas prononcé de condamnation à mort à titre de peine définitive. En 2006, 45 personnes ont été condamnées à des peines de prison à perpétuité, toutes ayant été reconnues coupables d'homicide avec circonstances aggravantes. L'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie examine la question de l'abolition légale de la peine de mort et de l'adhésion de la Russie au second Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, précise le rapport.

L'amélioration des conditions de détention des suspects, des inculpés et des condamnés s'opère, par ailleurs, conformément au Programme fédéral stratégique de développement du système pénitentiaire. Après achèvement de 7 nouveaux centres de détention provisoire, il est prévu d'améliorer les conditions de détention dans 97 anciens centres et de construire des de construire des centres d'un nouveau type, conforme aux normes internationales, dans 24 sujets de la Fédération. Une ordonnance du 30 janvier 2007 a permis à la Procurature générale d'organiser la surveillance du respect des lois par les administrations pénitentiaires. Le procureur peut faire sortir des cellules de discipline les personnes qui y ont été placées de façon arbitraire. Enfin le rapport précise qu'une délégation du Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, qui s'est rendue, en 2006, dans des lieux de détention du Caucase du Nord, a noté que de réels progrès y étaient faits en ce qui concerne les conditions de détention provisoire et que les autorités russes faisaient preuve d'une attitude ouverte sur ces questions. La délégation du Comité n'avait en outre reçu aucune allégation de mauvais traitement de détenus par le personnel des établissements pénitentiaires.

Examen du rapport

La délégation a apporté des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/RUS/Q/6 - des réponses écrites figurent au document CCPR/C/RUS/Q/6/Add.1).

Renseignements complémentaires

La délégation a notamment répondu aux questions écrites s'agissant de la situation d'impunité en Fédération de Russie, assurant le Comité que s'ils commettent des actes de violence, les membres des forces de l'ordre sont sujets à des poursuites légales. Ainsi, 335 personnes ont été jugées en 2007. L'enquête sur des allégations de violations des droits de l'homme commises à l'encontre des populations locales en Tchétchénie se poursuit localement. La délégation a précisé que les mesures antiterroristes sont encadrées par la loi. La nécessité de protéger les droits fondamentaux des populations reste une priorité pour les autorités. La législation prévoit des indemnités pour les personnes qui auraient pâti d'actes terroristes, parmi lesquelles la couverture des soins médicaux et psychologiques. La loi détermine de même les mesures à prendre pour assurer la protection des témoins, allant jusqu'au changement de lieu de vie et de l'identité, a poursuivi la délégation.

La lutte contre l'extrémisme est aussi au cœur des préoccupations des autorités, a assuré la délégation. L'on cherche, en termes de prévention, à préconiser le contact et le dialogue entre les jeunes et la société. Les forces de l'ordre organisent des manifestations sportives et culturelles afin de présenter aux jeunes des solutions de rechange à l'encadrement par les organisations extrémistes. La délégation a illustré la gravité de la situation en précisant que, l'année dernière, plus de mille crimes à caractère extrémiste ont eu lieu en Russie, ajoutant que neuf organisations extrémistes ont pu être interdites.

En Russie, les normes internationales l'emportent sur les lois internes en cas de conflit, a souligné la délégation. Les instruments juridiques internationaux s'appliquent directement et peuvent être invoqués par les tribunaux. En outre, l'interprétation du Comité permet aux États parties au Pacte de l'appliquer plus aisément. Les cas de violations du Pacte ont eu lieu avant 1999, c'est-à-dire à l'époque où le code de 1960 était encore en vigueur. La nouvelle loi de procédure pénale prévoit de manière détaillée des provisions de détention provisoire et des mesures de protection efficaces. Les dispositions du Pacte sont maintenant bien défendues par la législation nationale. Une magistrature indépendante est garante de celle de la justice, ce qui est d'autant plus important dans des affaires touchant au terrorisme, par exemple.

De fortes contraintes s'appliquent à ceux qui briguent des postes au sein de la magistrature, afin de prévenir toute corruption, a poursuivi la délégation. Les contrôles comprennent un audit annuel des propriétés détenues par le magistrat, ainsi que par sa famille immédiate.

Les condamnations à mort sont commuées en emprisonnement à perpétuité, a souligné la délégation, qui a ajouté qu'un projet de loi a été proposé sur l'abrogation de la peine de mort, lequel suit son cours normal d'adoption; il n'a pas été rejeté, ce qui semble de bon augure pour son adoption. En outre, un avis négatif a été émis par l'exécutif sur la levée du moratoire sur la peine de mort. Mais la majorité de la population russe n'est pas encore prête à accepter l'abrogation. Un travail de sensibilisation devra être mené sur ce point, et c'est certainement seulement une question de temps avant que l'opinion de la population change.

La délégation a par ailleurs confirmé que la détention de suspects et condamnés était strictement réglementée par la loi afin d'assurer qu'ils soient traités avec dignité et protégés contre les mauvais traitements. Les lieux de privation de liberté font l'objet de visites non annoncées par le Médiateur des droits de l'homme en ce qui concerne la détention préventive. De même, une loi récente permet aussi des visites dans les établissements pénitentiaires, une mesure novatrice pour la Russie. Les expulsions et extraditions d'étrangers posent, par contre, des problèmes s'agissant des conditions de détention. Les centres de rétention existants ne peuvent loger que 750 personnes, alors que les expulsions sont de l'ordre de 20.000 par an. Cette situation se répercute négativement dans le pays tout entier. La Russie ne répond favorablement aux demandes d'extradition que dans le cas où des garanties suffisantes lui sont fournies quant au respect des droits fondamentaux et de la dignité de la personne dans le pays destinataire. La délégation a par ailleurs indiqué que les forces de l'ordre étaient passibles de poursuites en cas de violence et que chaque citoyen pouvait saisir les tribunaux s'il s'estimait victime d'un acte de violence, a-t-elle affirmé.

S'agissant de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, la délégation a expliqué qu'un ensemble de mesures sont actuellement prises pour renforcer les droits des femmes. Un projet de loi prévoit ainsi de prolonger la durée légale du congé maternité. L'incidence des violences faites aux femmes est relativement rare, selon les statistiques, mais cela s'explique par le fait que les victimes renoncent souvent à poursuivre les auteurs: les cas de violence sont en réalité nombreux. Des centres de crise, dont un grand nombre sont en mesure de loger des femmes avec enfants, accueillent des victimes de violence domestique. De nombreux enfants reçoivent aussi une aide spécialisée. Des projets de loi prévoient de renforcer les statuts des victimes, y compris ceux des victimes de la violence domestique. Des formations sont proposées aux associations d'entraide, afin qu'elles soient mieux armées pour défendre et aider les victimes de violence.

La délégation a apporté une rectification en ce qui concerne l'affaire d'une personne condamnée pour avoir critiqué la police sur son blog. Cette personne inculpée, après avoir prononcé de nombreuses attaques à l'encontre de policiers, a été condamnée pour avoir outragé un groupe social mais pour outrage à personne appartenant à un groupe qui a des fonctions précises dans la société.

La délégation a confirmé que des avocats ont été assassinés en Russie, notamment dans la région de Moscou. Par contre, elle n'a pas su dire si des avocats ont perdu leur vie à cause de leur activité professionnelle.

La délégation a fourni des détails concernant deux cas de prise d'otages qui avaient ému l'opinion publique et suite auxquelles les décisions des autorités avaient mise en cause. La délégation a d'abord évoqué la prise d'otage du théâtre de Dubrovka, pendant laquelle tous les preneurs d'otage et un grand nombre d'otages ont perdu la vie. Quant aux évènements de Beslan, où une école entière avait été prise en otage, le seul survivant parmi les preneurs d'otage a été condamné à perpétuité. Dans ce dernier cas, un nombre incroyable d'enfants - 332 - ont été tués lors de la fusillade qui a éclatée entre les forces de l'ordre et les preneurs d'otage. Les conclusions de la commission d'enquête ont été publiées en toute transparence. Dans le deux cas, il a été établi que les autorités avaient agi sous pression, mais que leur décision d'entrer en conflit direct avec les preneurs d'otages avait entraîné la perte de nombreuses vies innocentes.

La délégation a précisé que des organes ont été constitués pour lutter contre la traite des êtres humains, de même qu'une cellule de liaison avec Interpol. Les chiffres montrent une baisse du nombre de cas de traite depuis 2006. Les infractions comprennent l'incitation à la pornographie des mineurs, les réseaux de prostitution et les délits par internet. Les polices canadienne et suisse se sont notamment montrées de précieuses alliées dans la lutte contre la traite des êtres humains, a déclaré la délégation. En plus du travail répressif, un grand effort est déployé pour agir de manière préventive auprès de catégories les plus vulnérables, en mettant à profit l'expérience acquise par d'autres pays. Des lignes de téléphone d'urgence ont été ouvertes et des services sociaux et associations de la société civile collaborent afin de venir en aide aux victimes, en plus des structures publiques. Un centre spécialisé de réhabilitation des victimes a récemment été ouvert avec l'appui de l'Organisation internationale pour les migrations. De jeunes Moldoves y ont été accueillis et ont pu retourner dans leur pays, après y avoir reçu les soins adéquats.

Les conditions de détention ont connu de grands progrès, notamment en ce qui concerne la place attribuée à chaque personne. Un cas de décès d'un détenu souffrant de pneumonie a incité les Ministères de la justice et de la santé de mettre en place une réglementation précise et stricte sur les soins médicaux à apporter aux détenus. Celui qui est détenu passe, maintenant, un examen médical complet lors de son incarcération, et fait ensuite l'objet d'un suivi régulier, ce qui doit éviter que les détenus ne soient pas soignés, même dans le cas où ils omettent de signaler qu'ils sont malades. Il existe aussi des services et prestations spécialisées à l'intention des détenus handicapés, a-t-il ajouté.

Concernant la création de régions autochtones, une loi est récemment entrée en vigueur qui garantit le droit de résidence des populations dans les lieux traditionnels et leur droit de s'adonner à leurs activités traditionnelles. Ces dispositions permettent notamment aux peuples numériquement faibles de s'assurer un droit à la terre et à ses ressources de chasse et de pêche. L'objectif est d'assurer le mode de vie traditionnel des peuples autochtones. Un plan national porte sur la préservation des traditions et de la culture autochtone, tout en leur assurant un état de santé équivalent à celui dont jouissent leurs compatriotes russes. Afin de contribuer au maintien du patrimoine culturel, des activités sont organisées, telles que des expositions et festivals de chant et de danse, sans parler de rencontres ou congrès des peuples finno-ougriens ou de la fédération des peuples du grand nord.

Questions et observations des membres du Comité

MME HELLEN KELLER, rapporteuse du Comité des droits de l'homme pour l'examen du rapport de la Fédération de Russie, a déclaré que le Comité était extrêmement satisfait de noter que la délégation soit composée de personnalités de haut rang et que plusieurs femmes en fassent partie. Elle a déclaré que la délégation n'a pas répondu aux questions posées par le Comité contre la torture sur certains cas précis, et lui a demandé de fournir des renseignements sur ces cas. Elle a aussi demandé des précisions sur les possibilités qu'ont les prisonniers de porter plainte devant un tribunal s'agissant de leurs conditions de détention.

La rapporteuse a ensuite abordé la question de la lutte contre le terrorisme, en relevant que les droits de personnes soupçonnées de terrorisme peuvent être suspendus temporairement. Concernant la loi du 30 décembre 2008 sur la lutte antiterroriste, elle a demandé si des amendements viendront renforcer la protection des droits des personnes suspectés de terrorisme. Elle a aussi demandé pour quels actes on pouvait invoquer leur responsabilité civile et pénale? Une accusation de terrorisme peut-elle être réexaminée? Quand le procureur accuse un individu de terrorisme, sur qui repose le fardeau de la preuve? Un enquêteur peut-il prendre l'initiative d'ouvrir une enquête et priver un suspect de ses droits et privilèges? Elle a également requis des précisions sur les poursuites dont font l'objet des organisations de la société civile soupçonnées d'appuyer des organisations terroristes ou organisations étrangères, notamment dans le Caucase du Nord. Elle a souligné que, selon Amnesty international, la décision de considérer qualifier une organisation d'extrémiste pouvait être prise par des autorités simplement sur le conseil d'un seul expert, tel qu'un médecin légiste.

Mme Keller a demandé des précisions sur les droits des étrangers ou des apatrides détenus. Que fait l'État partie pour s'assurer que les fonctionnaires qui sont en contact avec des demandeurs d'asile ou étrangers sont bien informés des droits de ces derniers, afin que ceux-ci ne soient pas menacés d'expulsion immédiate et arbitraire? Une question de suivi a été posée sur certains cas d'expulsions informelles, effectuées si rapidement que la Cour européenne ne peut en être informée à temps. Certaines personnes seraient-elles pas expulsées avant d'avoir eu une chance de déposer un recours, s'est inquiété un expert?

Plusieurs experts ont exprimé leurs préoccupations s'agissant de la situation d'impunité dans le pays. «La Russie figure au palmarès des pays où fleurit l'impunité», a déclaré un expert. Il lui a semblé que la Russie pouvait certainement mieux faire. Existe-t-il une police des polices qui enquêterait sur les abus de pouvoir ou bavures de la police? Cet organe est-il indépendant de la police, en tenant compte qu'il est difficile d'imaginer qu'un policier puisse se montrer parfaitement objectif et neutre face à un collègue, a déclaré un autre expert. Des experts ont aussi insisté sur la gravité du fait que des crimes et abus des droits de l'homme sont commis par ceux qui sont chargés de la sécurité et protection de la population. Si la Russie n'a pas sombré pas dans le chaos, elle n'en est pas loin, a estimé un membre du Comité: il y a des indicateurs très inquiétants sur l'insécurité dans laquelle vit le citoyen moyen, a déclaré un expert. Les meurtres de personnalités telles qu'Anna Politovskaïa sont emblématiques de cette impunité. Le poids du passé pèse encore sur le pays, a affirmé une experte et cette problématique est au cœur des débats de la journée.

Des mesures sont-elles prises pour promouvoir une culture de tolérance au sein des forces de l'ordre, a, par ailleurs demandé une experte? Elle a mentionné en particulier la discrimination dont sont victimes les Rom ou personnes d'origine africaine de la part des forces de l'ordre.

Plusieurs experts sont revenus sur la situation qui prévaut dans le Caucase du Nord. Les «incidents» violents semblent être trop facilement passés sous silence, a remarqué un expert. Il a réclamé des précisions sur les chefs d'inculpation des procès pour enlèvement. Combien étaient commis par les forces insurrectionnels ou de sécurité, s'est-il interrogé? Quelques cas précis ont été mentionnés. Un colonel de l'armée a ainsi été condamné à 10 ans de prison pour enlèvement, un lieutenant à 11 ans d'emprisonnement pour actes de tortures et un autre officier à 10 ans d'emprisonnement pour meurtre. Quelques 16 fosses communes auraient été identifiées, mais elles ne semblent pas avoir été ouvertes et fait l'objet d'enquête malgré le fait que l'exhumation des corps permettrait d'identifier les victimes et d'apaiser les incertitudes des proches et que de telles enquêtes pourraient permettre d'inculper les auteurs. Un expert s'est posé des questions concernant la priorité attribuée à la Russie à la recherche de la vérité. Dans une question de suivi, un expert a estimé qu'il devrait être possible de procéder à des enquêtes sur certaines allégations de violations de droits de l'homme, même si de nombreux témoins de violations des droits de l'homme sont décédés depuis la période 2000-2002. Une autre experte a relevé que le rapport indique que la Russie s'exonère de toute responsabilité des actes commis par des combattants en Géorgie et a déclaré que cette attitude va à l'encontre des intérêts véritables du pays. La Russie se doit d'avoir le courage de faire le bilan de ce qui a mal tourné lors de l'opération militaire en Géorgie. Elle a aussi réclamé des informations sur le sort des citoyens russes qui sont revenus en Géorgie après la fin des combats.

Plusieurs experts ont mis en doute l'indépendance de la justice. Quelle indépendance la justice a-t-elle vis-à-vis de l'exécutif et du procureur? Ce premier semble intervenir parfois pour faire infléchir un verdict. Quel est le taux d'acquittement, a demandé l'expert, qui a souligné que plus il était faible, plus l'on pouvait supposer que «la justice est à la botte du procureur»: il s'agit par conséquent d'un indicateur très utile. La magistrature, traditionnellement conservatrice, soutient-elle les réformes judiciaires en cours, a demandé un expert? Une certaine confusion semble régner dans le rapport s'agissant de la définition des actes illicites, a déclaré un expert. Il a expliqué qu'il est extrêmement important que la population parvienne à distinguer sans ambiguïté ce qui est licite de ce qui est délictueux. Il a cité le cas où d'un citoyen ayant émis une vive critique à l'égard de la police sur son blog, qui aurait été condamné pour «incitation à la haine contre un groupe social»; il semble étrange de considérer que la police constitue un groupe social, a-t-il conclu. Les experts ont noté avec satisfaction des progrès significatif s'agissant de l'indépendance des juges. Un expert a toutefois fait part de certains exemples du contraire, une juge de Moscou aurait été limogée parce qu'elle avait relaté des tentatives de la part de certains d'influer sur les affaires qu'elle traitait.

Un expert s'est félicité des progrès importants accomplis s'agissant des conditions de détention provisoire. Il s'est pourtant déclaré préoccupé des informations provenant des organisations non gouvernementales sur les cas de mauvais traitement de personnes en garde à vue. Le manque de ressources et de formations adéquates n'y est sans doute pas étranger, a-t-il estimé.

Un expert a ajouté que dans la grande majorité des pays, la peine de mort avait été abolie en dépit de l'opinion publique, qui lui est souvent favorable. Il a demandé à la délégation d'estimer le temps dont le pays aura besoin afin d'abolir la peine capitale et de ratifier le Protocole additionnel se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Un expert est revenu sur l'opinion publique défavorable à l'abolition de la peine de mort en demandant s'il serait antidémocratique de la part de l'État de se montrer en avance dans le progrès, au lieu de se laisser tirer vers le bas? Qu'est-il entrepris pour changer les mentalités à cet égard, a-t-il demandé? L'orientation législative et la non-application de la peine de mort ne suffissent-elles pas à conclure à son caractère obsolète?

Sur la question de la violence contre les femmes, une question a été posée sur l'organisation des foyers d'accueil. Il a en outre été relevé que rien dans la législation russe n'incrimine explicitement les actes de violence contre les femmes. Vu l'ampleur du phénomène, les efforts de prévention doivent se poursuivre et même se renforcer, a estimé une experte.

La protection constitutionnelle contre les discriminations comprend-elle la protection contre la discrimination pour orientation sexuelle, s'est enquis un expert? Il a rappelé que le Pacte l'exige. Des homosexuels russes qui ont répondu à un questionnaire estiment à 80% qu'il est nécessaire de dissimuler son orientation sexuelle sur le lieu de travail afin d'éviter les ennuis. Un homosexuel déclaré qui postule à un poste au sein de la fonction publique se heurte souvent à un refus d'embauche, a-t-il affirmé. De nombreuses informations témoignent de cas d'attaques physiques de personnes homosexuelles, entre autre sous la forme de razzias de la police contre leurs lieux de rencontre. Les demandes d'organisations de manifestations de «Gay Pride» sont régulièrement rejetées. En outre, plusieurs personnalités connues, telles que le chef de la police moscovite, fustigent officiellement les homosexuels. Des sanctions sont elles prévues et appliquées contre les personnes qui se rendent coupables, de tels actes haineux, a demandé l'expert? Un expert s'est étonné que la protection contre la discrimination à l'encontre des groupes sociaux ne s'étende pas aux homosexuels, alors que de nombreux autres groupes, tels que la police, sont reconnus comme constituant un groupe social et peuvent se prévaloir de la protection qui lui est conférée.

Les liens étroits entre le droit humanitaire et les droits de l'homme ont été soulignés par une experte. Chaque armée doit se préoccuper du comportement de ceux à qui elle donne un pourvoir de remplir certaines de ses fonctions, par exemple à une milice. Elle ne peut se décharger de sa responsabilité par rapport aux actes commis par ceux-ci, a affirmé l'experte.

Dans une autre série de questions adressées à la délégation, les experts se sont notamment intéressées à la liberté de la presse: qui accorde l'accréditation aux journalistes; s'agit-il d'un organe de l'état et cette accréditation peut-elle être retirée? En outre, des renseignements ont été demandés sur les condamnations des auteurs de meurtres de journalistes. Sont-ils poursuivis au même titre que d'autres meurtriers, a-t-il demandé? Vu le grand nombre de poursuites au civil à l'encontre de journalistes pour des questions de calomnie - qui seraient de l'ordre d'une centaine de millier par an - il a été demandé si les fortes indemnités prévues n'y seraient pas pur quelque chose. Un expert a suggéré que la Russie cherche un équilibre entre la liberté d'expression et la protection des citoyens contre la diffamation, le système actuel pouvant amener les journalistes et medias à pratiquer l'autocensure.

D'autres questions ont porté sur les ressources allouées à la lutte contre le trafic des êtres humains; le recours disproportionné à la force par les forces de l'ordre, notamment lors des manifestations; les conditions de détention et la surpopulation carcérale; le sort de apatrides, qui se sont retrouvés privés de nationalité lors du démantèlement de l'Union soviétique; les garanties que la Russie exige des pays avant d'accepter d'extrader un prisonnier.

Réponses de la délégation aux questions complémentaires

En ce qui concerne l'administration de la justice la délégation a apporté des précisions sur les mécanismes juridiques qui sont actuellement mis en place. En cas de violations des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l'organe faîtier de la justice, soit la Cour suprême, peut casser les décisions des tribunaux, a t-elle expliqué. Dans une affaire précise, l'arrêt avait été annulé par la Cour suprême, mais le prévenu avait tout de même été condamné par un jury pour homicide, sur base d'autres chefs d'accusation. Le verdict a été dûment examiné par la Cour qui a conclu à sa légitimité. La procédure judiciaire a été modifiée en 2002, et la nouvelle procédure a reçu l'approbation du Conseil de l'Europe. Par ailleurs, conformément aux règles en vigueur, une personne arrêtée ne doit pas attendre plus de deux heures avant que ses droits lui soient lus et qu'elle puisse être assistée par un avocat. La famille doit être informée de la détention de la personne dans les douze heures après l'arrestation. Les contrôles judiciaires permettent de rompre avec un triste chapitre de l'histoire de la Russie, lorsque les citoyens ne jouissaient pas des telles garanties. Des lois ont été adoptées sur le statut, la nomination et le contrôle des juges; leur nombre st passé de quelque 20 000 dans les années 80 à plus de 30 000 aujourd'hui, a poursuivi la délégation. Force est de constater que l'accès à la justice s'est vu grandement facilité. En outre, les juges des tribunaux militaires ne sont plus des soldats et le contrôle des procès sera renforcé. La délégation a informé la Comité que le nombre d'acquittements était d'environ un pourcent, ce qui est faible, a-t-elle reconnu. Il faut cependant le replacer ces chiffres dans le contexte particulier du système judiciaire, qui prévoit une procédure préliminaire avant l'ouverture d'un procès. Si le prévenu plaide coupable, il bénéficie d'un allègement de peine. En cour d'assistes, le pourcentage d'acquittement atteint vingt pourcent. En outre, tous les procès n'aboutissent pas à un verdict, a ajouté la délégation. Aujourd'hui l'instruction n'est plus l'apanage du procureur, ce qui confère une meilleure protection juridique à l'individu, a-t-elle conclu.

Un projet pilote portant sur la réforme de la justice pour mineurs a aussi été lancé, lequel a récemment été étendu à quarante localités russes, sur la base des premières expériences dans ce domaine.

Il existe des structures suprêmes qui s'occupent des questions concernant la magistrature, a expliqué la délégation. Quant aux menaces qui pèsent sur l'indépendance des juges, une des toutes premières réformes du système judiciaire portait sur la constitution des chambres de juges. Ce sont ces chambres collégiales qui décident d'appliquer les mesures disciplinaires, lorsqu'elles s'imposent. Ces chambres comptent un certain nombre de membres qui ne représentent pas la magistrature. La chambre compte sur 29 membres, 18 magistrats, 1 représentant du président et 10 représentants de la société civile. L'immunité des juges est nécessaire, a concédé la délégation, mais jadis, celle-ci était trop étendue et les réformes législatives ont permis de rétablir l'équilibre entre l'indépendance et le contrôle des juges. La délégation a par la suite ajouté que la loi ne permet pas aux autorités de vérifier les activités d'un avocat. Le barreau est ainsi le seul organe habilité à prendre la décision de rayer un avocat du barreau.

Quant au médiateur des droits de l'homme, son rapport annuel indique qu'il reçoit environ 30 000 plaintes par an, mais il ne donne guère de précisions sur leur nature, a indiqué la délégation. Le médiateur rencontre régulièrement le Ministre de la justice. Il sera dûment informé de l'intérêt que le Comité a montré pour ses activités et il lui sera demandé de mieux ventiler les données qu'il publie, a promis la délégation.

S'agissant de la peine de mort, il a été rappelé qu'il a fallu une trentaine d'années à la communauté internationale pour réaliser qu'il y avait lieu d'abolir la peine de mort et élaborer un Protocole facultatif dans ce sens, après l'entrée en vigueur du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. La Russie a, quant à elle, cessé d'appliquer la peine de mort cinq ans après la ratification du Pacte, a rappelé la délégation. La délégation a par la suite fait la distinction entre l'abolition de jure et de facto, mais, étant donné que la mentalité de la jeune génération est davantage en faveur de l'abolition que la génération des parents, c'est probablement une simple question de temps avant que la loi soit adoptée, a-t-elle estimé.

Quant aux questions sur la lutte contre le terrorisme, la délégation a précisé quelles sont les mesures qui s'appliquent dans les territoires qui sont régis par les mesures de lutte antiterroriste, notamment la vérification de l'identité des personnes et la protection des bâtiments qui ont une importance particulière. En outre, les écoutes téléphoniques et le contrôle du courrier sont également pratiqués afin de confirmer les activités terroristes de personnes suspectes. Lorsque les mouvements de la population sont restreints, une exception est toujours faite pour les cas d'urgence a précisé la délégation. Les interdictions s'étendent aux ventes d'armes, d'explosifs et de médicaments psychotropes. La loi prévoit aussi des poursuites pour des actes délictueux tels que les prises d'otages et le détournement d'avion. Les modification législatives récentes ont permis de combler des lacunes, notamment en intégrant les magistrats, ce qui confère une meilleure protection aux individus. Les limites aux mesures de lutte antiterroristes sont assez contraignantes et conformes aux dispositions du Pacte. Il existe par ailleurs un devoir d'information de quiconque aurait été témoin d'actes de violations des droits, mais ce devoir ne saurait être exploité au détriment de la population civile, a précisé la délégation.

Un comité composé de juges d'instruction, qui dispose de bureaux présents dans les différents sujets (entités fédérales) de la Russie, a compétence pour procéder à des enquêtes sur des cas d'abus de pouvoir et de crimes commis par des fonctionnaires, a fait valoir la délégation. Le juge peut décider d'entamer des poursuites et jouit d'une grande marge de manœuvre dans son enquête. Les évènements de Beslan, en Ingouchie et au Daguestan donnent lieu à ce genre d'enquête. Il s'agit généralement d'actes graves: tels que l'homicide, les disparitions et l'enlèvement. En place depuis 2009, seulement, le Comité d'instruction a déjà fait ses preuves, entre autres sur un cas de nettoyage ethnique. Sur invitation du Conseil de l'Europe, le Comité a pu se pencher sur les expériences acquises par d'autres États, notamment celle du Royaume-Uni dans la lutte contre l'IRA. Les militaires et fonctionnaires des forces de police dont la culpabilité est prouvée sont lourdement sanctionnés, a assuré la délégation.

En ce qui concerne la lutte contre les extrémismes, la délégation a expliqué qu'une activité extrémiste pouvait être sanctionnée par une amende ou l'emprisonnement dans le cas très précis de l'article 29, qui porte sur la diffusion de messages extrémistes. Ce serait le cas d'une personne qui vendrait des livres qui prône des opinions extrémistes. Un citoyen qui conteste la décision ou le verdict rendu peut transmettre l'affaire aux instances supérieures. Il en va de même pour les organisations dites extrémistes. La liste des organisations extrémistes est élaborée par les organes de sécurité fédérale. Les organisations qui figurent sur cette liste ont toutes fait l'objet d'une décision de justice. Une liste distincte regroupe les organisations et individus accusés d'avoir commis des actes terroristes. Ces listes ne visent pas spécifiquement le Caucase du Nord, bien au contraire, il est moins concerné que bien d'autres parties du pays. Il existe des lois distinctes sur la lutte contre l'extrémisme, qui ne doivent pas être confondues avec la loi contre le terrorisme. Cette première permet par exemple d'interdire la parution de certaines publications. Dans le code pénal, les peines peuvent aller à l'emprisonnement et dans le code administratif, les sanctions consistent, en règle générale, en de simples amendes. La délégation a précisé que des garde-fous existent pour empêcher que des mauvaises décisions soient prises du fait d'une expertise erronée ou biaisée.

La promotion d'une culture de tolérance se fait par le biais d'un vaste programme éducatif. Les pédagogues, mais aussi les fonctionnaires des forces de l'ordre et les élèves de tous les niveaux de l'instruction publique, sont formés à la tolérance et à la paix, qui mettent en relief les valeurs de la citoyenneté et des traditions. En outre, avec l'appui de l'UNESCO, un grand projet expérimental d'enseignement bilingue et multiculturel a été lancé en Tchétchénie et en Tatarstan, a ajouté la délégation. Il est prévu d'étendre ce projet à d'autres sujets (entités fédérales) par la suite. La délégation a aussi expliqué que lors de la dernière rentrée scolaire, la Président avait donné une «leçon de tolérance» à tous les écoliers du pays, témoignant de l'importance qui est attribuée à la culture de tolérance par le pays.

Quant aux évènements qui ont eu lieu récemment dans le Caucase du Nord, la délégation a exprimé leur tristesse devant ce drame humain. En août dernier, des actes de violence ont été commis à l'encontre des forces armées russes, ce qui a été reconnu par la suite par la Géorgie. La Russie a volé au secours de ses forces armées qui ont subi de lourdes pertes. Des fusillades ont éclaté, et cela en dépit du fait que cela se produisait pendant les jeux olympiques, qui, traditionnellement, constituent une trêve dans les hostilités. Les Géorgiens ont rapidement reculé et les Russes les ont suivi. Derrière eux, il y avait donc un vide laissé par les combattants qui avançaient et des milices locales en ont profité pour remplir ce vide. Ceux qui ont commis des violations des droits de l'homme ont été remis aux autorités ossètes. Un certains nombre de faits étaient par ailleurs l'œuvre d'Ossètes de souche et dépendent des tribunaux ossètes. Les autorités russes ont toujours respecté le principe du droit au retour, a affirmé la délégation, lequel doit être volontaire et se faire dans des conditions de sécurité et dans la dignité. Les consultations ont eu lieu à Genève entre toutes les parties, afin de fixer les modalités du retour. Il n'y a aucune hostilité à l'encontre des personnes d'origine géorgienne, mais de nombreuses années devront s'écouler avant que les plaies ouvertes ne se referment, a conclu la délégation russe. Concernant le conflit armé, la délégation a déclaré que les instances internationales sauront établir qui a ouvert les hostilités et indiqué qu'elle n'entrerait pas en matière sur cette question.

En ce qui concerne les allégations de discrimination à l'encontre de personnes originaires du Caucase du Nord, la délégation a précisé que la victime d'un crime sera défendue devant les tribunaux, quelle que soit sa nationalité. Il est inexact de dire qu'il y a en Russie une discrimination à l'encontre de personnes venant d'une région du monde ou d'un pays particulier, a-t-elle affirmé.

Invitée à se prononcer sur la recherche des personnes disparues, la délégation a expliqué que la pratique de la présomption de décès est pratiquée en Russie, lorsqu'il s'avère impossible de connaître le sort d'un disparu. Cela peut sembler en contradiction avec le Pacte, mais comporte l'avantage de permettre le versement d'indemnités et de pensions aux proches du disparu.

La Cour européennes des droits de l'homme s'est prononcée sur 118 affaires concernant la Tchétchénie. Il s'agit souvent de présomption de disparitions. Souvent, les affaires sont suspendues en Tchétchénie, lorsque les tribunaux ne peuvent fonctionner correctement, mais cela ne signifie par que les affaires sont abandonnées ni oubliées, a précisé la délégation. Les enquêtes se poursuivent et, généralement, les responsabilités sont établies. La majorité des affaires couvrent la période entre 2000 et 2002, c'est-à-dire la période de lutte antiterroriste. Il faut constater, a ajouté la délégation, que la plupart des militaires ou fonctionnaires qui auraient pu témoigner sont morts entre temps.

En ce qui concerne les procédures d'extradition, la délégation a précisé que la Russie a, à plusieurs reprises, refusé d'extrader des personnes, par exemple lorsque la personne avait acquis la nationalité russe. Des plaintes ont été déposées auprès de la Cour européenne de droits de l'homme par des ressortissants de l'Ouzbékistan ont connues une suite favorable; la Cour estimant qu'il ne devaient pas faire l'objet de mesures d'extradition. Les décisions d'extradition sont prises par le procureur général et aucune extradition ne peut se produire arbitrairement. La Convention de Minsk régit les règles entourant les extraditions; préalablement à l'extradition, des garanties doivent être fournies par le pays de destination sur la sécurité de la personne extradée. Il n'y a pas de lieu de s'inquiéter à ce sujet, a assuré la délégation.

Répondant à des questions sur les violences faites aux femmes, la délégation a assuré qu'il s'agissait d'un sujet au cœur des préoccupations des autorités. Des progrès considérables ont été accomplis dans l'ouverture de centres d'accueil de victimes, publics et associatifs. Dans les conditions de crise économique, il est d'autant plus important d'assurer le fonctionnement d'un nombre suffisant de centres d'accueil.

La délégation a rappelé que les femmes sont plus nombreuses que les hommes en Russie en raison de la surmortalité masculine. Elle a ajouté que 80 % des femmes adultes travaillent, elles ont un niveau d'éducation supérieur à celui des hommes et de nombreuses entreprises sont dirigées par des femmes. Le gouvernement compte aussi 3 femmes Ministres, qui occupent des postes clef. La femme russe n'est pas particulièrement soumise ou dépendante, mais il règne une culture de la violence au sein de la famille, qui frappe autant les femmes que les enfants, a expliqué une experte.

La législation russe garantit le droit à l'éducation, à l'emploi, au déplacement, de chacun, indépendamment à sa nationalité. Une personne qui brigue un poste n'a jamais à préciser sa nationalité. Des poursuites judiciaires peuvent être entamées par quiconque qui estime avoir fait l'objet de pratiques discriminatoires, même si cette possibilité est rarement saisie, a avoué la délégation. Quant à l'interdiction des «Gay Pride», il ne s'agit pas de pratiques discriminatoires, mais de décisions prises par souci de préserver la sécurité des personnes concernées. La délégation a en outre déclaré que le pays n'encourage pas, dans son ensemble, la sous-culture homosexuelle. Les autorités locales doivent tenir compte de l'opinion publique avant de donner leur autorisation au déroulement d'une manifestation, ce qui explique que les Gay pride aient été interdits. Néanmoins, une manifestation Gay pride a pu avoir lieu à Saint-Pétersbourg.

La délégation a expliqué que le code pénal interdit d'incriminer un groupe social. Ce sont les sociologues qui font des recommandations sur ce que constitue ou ne constitue pas un groupe social. L'interprétation n'a pas encore fait l'objet de recours, a t-elle précisé.

Quant au nombre de plaintes adressées au médiateur portant sur des violations des droits économiques et sociaux, la délégation a expliqué qu'il a baissé pendant le période de prospérité économique, mais qu'il est à prévoir qu'il augmentera au fur et à mesure que les effets de la crise frappent la population.

La délégation a expliqué que les modalités régissant l'internement en hôpital psychiatrique, faisaient l'objet d'amendements législatifs. La législation mérite d'être renforcée afin de conférer une meilleure protection des personnes dont l'on a prononcé l'incapacité. Dans une affaire qui a à été portée devant les tribunaux, il a été statué qu'une simple expertise psychiatrique ne suffisait pas à établir l'incapacité d'une personne qui n'a pas eu l'occasion de plaider sa cause devant les tribunaux. Une telle mesure a été jugée anticonstitutionnelle et le Code civil devra être amendé conformément à la Constitution.

La délégation a déclaré que les procédures d'enregistrement des organisations non gouvernementales ont été grandement simplifiées, ce qui contribue au développement de la société civile. Les dispositions vont entrer en vigueur très rapidement. L'attention est portée à la transparence des activités de ces organisations. Celles qui bénéficient d'un soutien financier public doivent publier leurs comptes annuellement. Si le budget est inférieur à 3 millions de roubles et qu'aucune subvention n'est reçue de l'étranger, alors l'organisation est exemptée de présenter ses comptes.


Concernant le surpeuplement dans les lieux de détention provisoire, la délégation a précisé qu'en moyenne le taux d'occupation est en dessous de 100% d'occupation mais que ces lieux sont occupés de manière très inégale. À Sverdlovsk, par exemple, le surpeuplement dépasse les 60%. C'est un problème certain, auquel l'État s'efforce à trouver une solution, a avoué la délégation. La délégation a ajouté que l'organisation des établissements pénitentiaires va prochainement connaître une réforme de fond. Les récidivistes, criminels professionnels, seront détenus en prison, tandis que les prisonniers qui sont incarcérés pour la première fois et condamnés à de courtes peines seront détenus séparément.

En guise de clarification, la délégation a expliqué qu'une détention administrative peut s'ajouter à d'autres mesures. Elle s'applique par exemple à une infraction au code de la route et ne doit normalement pas se prolonger plus de 3 heures, mais peut exceptionnellement être prolongée à 48 heures, sur décision d'un juge. La pratique de l'arrestation administrative peut, quant à elle, être prononcée par un juge pour une durée de quinze jours. Au cas où il y suspicion de terrorisme cette durée peut être prolongée par quinze jours additionnels.

Quant à la traite des êtres humains, la Russie n'acceptera jamais d'être présentée comme une des principales sources de chair humaine, s'est insurgé une experte de la délégation. Aucun chiffre officiel n'existe; officieusement, le chiffre de 500 000 femmes vendues par an a circulé dans le milieu des organisations non gouvernementales. Évidemment, un trafic de cet ordre aurait vite fait de vider la Russie de ses habitants, a souligné ce membre de la délégation. Il faut évidemment consacrer des ressources suffisantes à la lutte contre la traite, et la Russie s'y déploie par le biais d'un vaste éventail de mesures préventives, répressives et de réhabilitation, a-t-elle affirmé.

Conclusion

Le Vice-Ministre russe de la justice et chef de la délégation, M. Georgi Matyushkin, a remercié le Comité de son intérêt sincère pour la situation dans la Fédération de Russie. Il ne fait aucun doute que la procédure de soumission et l'examen des rapports périodiques sur les droits civils et politiques constitue un outil important d'évaluation et d'amélioration de la situation en Fédération de Russie. Les observations finales qui seront adoptées par le Comité serviront à l'élaboration et à l'application de la législation en Fédération de Russie, a assuré le Vice-Ministre.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CT09017F