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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA RÉPUBLIQUE DE MOLDOVA

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le deuxième rapport périodique de la République de Moldova sur l'application par ce pays des dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le Vice-Ministre de la justice, M. Nicolae Esanu, a informé le Comité des faits récents survenus dans son pays et notamment du lancement d'un processus de réforme du système de justice, qui devrait, à terme, permettre une meilleure application des décisions. Un projet de loi sur l'interdiction de la discrimination a par ailleurs été élaboré, le chef de la délégation formulant à cet égard l'espoir que la loi serait bientôt adoptée. Un Plan d'action en matière de droits de l'homme pour la période 2009-2011 a en outre été lancé. D'autre part, une commission d'enquête a été mise sur pied pour faire la lumière sur les événements survenus suite aux élections législatives d'avril dernier.

Un représentant du Bureau du Procureur général et deux membres de la §Mission permanente auprès des Nations Unies à Genève complétaient cette délégation. Elle a fourni au Comité un complément d'information s'agissant notamment des mesures prises pour lutter contre la corruption et accroître la transparence dans la fonction publique; des prérogatives de l'Ombudsman; de la procédure à suivre en cas de mauvais traitement et de la prévention de la torture dans les lieux de détention; des progrès réalisés dans la lutte contre la traite des êtres humains; de la portée de la loi sur la lutte contre le terrorisme; des efforts déployés pour s'assurer que les personnes appartenant à des minorités nationales jouissent des mêmes droits que les autres citoyens; de la représentation des femmes dans la vie publique; du respect des libertés d'expression et de religion.

Les conditions de détention ont fait l'objet de nombreuses questions de la part des experts. Reconnaissant les progrès que le pays doit réaliser en la matière, la délégation a assuré le Comité de la volonté politique du Gouvernement moldove de poursuivre l'amélioration des conditions de détention, ainsi que la réforme du système judiciaire. Les procureurs régionaux sont aujourd'hui chargés de vérifier que la loi est bien respectée dans les établissements pénitentiaires et y effectuent de fréquentes visites; il existe des règles pour la séparation des détenus et notamment de ceux atteints de la tuberculose; une loi adoptée en 2007 a permis de diminuer la durée de la détention préventive, alors que jusqu'ici une personne pouvait être détenue pour une durée indéterminée sans que les autorités judiciaires n'examinent le bien-fondé de cette détention; enfin, un projet de réforme du système de justice juvénile a été lancé et la justice veille à appliquer davantage de mesures autres que la privation de liberté pour les jeunes.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la République de Moldova seront rendues publiques à la fin de la session, le 30 octobre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Croatie (CCPR/C/HRV/2).


Présentation du rapport

M. NICOLAE ESANU, Vice-Ministre de la justice de la République de Moldova, a précisé que la délégation qu'il dirigeait aujourd'hui était malheureusement assez restreinte, en raison, notamment, de problèmes d'ordre budgétaire. Il a informé le Comité des faits récents survenus dans son pays. Il a ainsi indiqué que le Parlement avait voté un nouveau programme gouvernemental pour les quatre prochaines années. Pour ce qui est du système de justice, le programme prévoit que les juridictions qui suscitaient le plus de difficultés dans leur fonctionnement soient supprimées et leurs responsabilités transférées à des juridictions générales. Il est en outre prévu de modifier le système de décision de justice. En effet, beaucoup de décisions ne sont aujourd'hui pas appliquées, en raison notamment du manque d'efficacité des huissiers, a expliqué le Vice-Ministre. Aussi, le Gouvernement pense-t-il pouvoir introduire dans un avenir proche un système d'huissiers privés, dans le cadre d'un processus de décentralisation du système qui devrait permettre une meilleure application des décisions de justice.

Le chef de la délégation a indiqué qu'un projet de loi antidiscrimination avait été élaboré et renvoyé, la semaine dernière, au Ministère de la justice, afin qu'il coordonne cette proposition avec d'autres ministères. M. Esanu s'est dit confiant que le Gouvernement pourrait bientôt disposer d'une loi qui interdit toute discrimination. D'autre part, il a fait part de la mise sur pied d'une nouvelle commission qui procédera à des enquêtes concernant les événements survenus suite aux élections législatives, les 6 et 7 avril dernier. Il semblerait en effet que des fonctionnaires du Ministère des affaires intérieures aient commis un abus de pouvoir en détenant des personnes ayant participé aux manifestations, a déclaré M. Esanu.

À la fin de la présentation, un autre membre de la délégation a apporté un complément d'information en précisant que le Gouvernement avait élaboré un plan d'action en matière de droits de l'homme pour la période 2009-2011

Le deuxième rapport de la République de Moldova (CCPR/C/MDA/2) souligne que les dispositions constitutionnelles relatives aux droits de l'homme et aux libertés sont interprétées et appliquées conformément aux instruments internationaux auxquels la République de Moldova est partie, les dispositions internationales relatives aux droits de l'homme l'emportant sur les dispositions internes. Le rapport attire par ailleurs l'attention sur l'adoption du plan d'action national relatif aux droits de l'homme pour la période 2004-2008. D'autre part, pendant la période couverte par le rapport, le pays est devenu partie à plusieurs instruments internationaux, notamment au deuxième Protocole facultatif au Pacte relatif à l'abolition de la peine de mort et au Protocole facultatif à la Convention contre la torture.

Le rapport rappelle que le régime sécessionniste de Transdniestrie a gravement fait obstacle à l'application dans le pays tout entier des dispositions du Pacte. En dépit des efforts déployés pour parvenir à un règlement rapide du problème transdniestrien, aucun progrès significatif n'a pour l'instant été réalisé. Le rapport précise par ailleurs que les organes d'application de la loi de la République de Moldova ont promptement réagi aux cas de violation des droits de l'homme par le régime sécessionniste. Ainsi, entre 1992 et 2004 ce sont 110 enquêtes criminelles qui ont été ouvertes, avec des affaires d'homicide sur la personne de citoyens de la République dans la région de Transdniestrie. S'agissant de l'interdiction de la torture, faute de possibilités réelles d'exercer un contrôle sur les structures de pouvoir et les établissements pénitentiaires dans la région de Transdniestrie, les autorités moldoves n'ont pas connaissance entière de la réalité de la situation. Toutefois il existe des indices qui démontrent l'existence de tels crimes. D'autre part, le droit à la libre circulation des personnes, des produits et des services entre les deux rives du fleuve Dniestr, est bafoué de manière provocante par les prétendues autorités de Tiraspol. Ces dernières commettent également des violations délibérées et systématiques des droits de la personne à la liberté d'opinion et d'expression, y compris la liberté de rechercher, de recevoir et de diffuser l'information, ainsi que du droit au rassemblement pacifique.

Le rapport explique que la priorité absolue de la politique étrangère de la République de Moldova est l'intégration européenne, et qu'une particulière attention est portée à la dimension humaine de cette intégration et à la mise en conformité du droit interne avec les instruments juridiques universels et régionaux relatifs à la protection des droits de l'homme. Il précise notamment que la Constitution garantit à tous les citoyens l'égalité des droits sans distinction. En 2006, le Parlement a adopté une loi sur l'égalité des chances entre les femmes et les hommes; le Gouvernement a adopté le plan national intitulé «Promotion de l'égalité de genre dans la société dans la période 2003-2005», puis un plan analogue pour la période 2006-2009; et une Commission gouvernementale pour l'égalité entre les femmes et les hommes a été créée. S'agissant des mesures prises dans le domaine de la santé, un plan d'action national pour l'aide à la planification et à la protection de la santé génésique a contribué à réduire le rôle de l'avortement comme méthode de contrôle des naissances en offrant des solutions modernes de contraception. Le nombre des avortements dans le pays est passé de 59,1 pour mille femmes en âge de procréer en 1993 à 14,1 pour mille en 2006.

Le rapport indique par ailleurs que lorsque le nouveau code pénal a été adopté en 2002 il ne contenait aucun article traitant de la torture en tant que délit distinct. En 2005, le Parlement a adopté la loi portant modification et complément du code pénal contenant un nouvel article relatif à la torture. Le rapport concède qu'en République de Moldova le respect de la dignité de la personne arrêtée ou détenue est loin d'être parfait. La torture et les traitements inhumains ou dégradants sont d'occurrence fréquente, fait qui a rendu nécessaire de compléter le code pénal par cet article. Enfin, en ce qui concerne la traite des êtres humains, une loi de prévention et de lutte contre la traite d'êtres humains a été adoptée; un plan national de prévention et de lutte contre la traite d'êtres humains pour 2005-2006 a été élaboré; un nouvel article relatif à l'organisation de migrations illégales a été ajouté au code pénal; et des amendements ont été apportés au code pénal pour modifier les dispositions liées à la traite d'enfants pour y inclure la responsabilité pénale des personnes morales. Un Centre de lutte contre la traite d'êtres humains a été créé et a, au cours des neuf premiers mois de 2006, mené des actions qui ont conduit à la détection de 396 délits liés à la traite d'êtres humains.


Examen du rapport

La délégation a apporté des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/MDA/Q/2 - des réponses écrites figurent au document CCPR/C/MDA/Q/2).

Renseignements complémentaires

Répondant à une liste de questions écrites adressée au pays par le Comité, la délégation a reconnu que la corruption restait un problème majeur en République de Moldova. La lutte contre ce phénomène figure en bonne place dans la stratégie nationale pour les années 2008-2011, a-t-elle assuré. Elle a fait part de l'adoption de toute une série de mesures législatives et notamment de l'ajout dans le Code pénal d'un article instituant des peines pour certains crimes économiques, comme la falsification de documents. Afin d'accroître la transparence et l'intégrité de la fonction publique, la République de Moldova a estimé important de réglementer le comportement éthique des fonctionnaires. Aussi, une loi sur la fonction publique et le statut du fonctionnaire a-t-elle été adoptée, en sus d'une loi sur le code de conduite des fonctionnaires et d'une loi sur les conflits d'intérêt. Un projet de création d'une commission spéciale d'éthique est également envisagé. Étant donné que le pays dispose depuis peu d'un nouveau gouvernement, ce projet a été présenté au Ministère de la justice pour être examiné et, éventuellement, adopté.

La délégation moldove a par ailleurs précisé que le pays disposait de quatre ombudsmen, dont un médiateur des enfants. D'après la loi, les médiateurs ont de grandes compétences et peuvent présenter des affaires à la Cour constitutionnelle, lorsqu'ils estiment qu'on a porté atteinte aux droits de l'homme. Le médiateur prépare par ailleurs un rapport d'activités qui, chaque année, est examiné et discuté dans le cadre d'auditions publiques.

S'agissant des mesures de lutte contre le terrorisme, le chef de la délégation a expliqué que la loi sur la lutte contre le terrorisme comportait une définition de l'acte terroriste, des activités terroristes et des organisations terroristes. Tous les organismes impliqués dans la lutte contre le terrorisme sont tenus de respecter les droits de l'homme, a-t-il par ailleurs assuré.

Le Comité ayant demandé un complément d'information sur les efforts déployés pour lutter contre la discrimination à l'égard des personnes appartenant à des minorités nationales dans les domaines de l'emploi, du logement et de l'éducation, notamment, la délégation a expliqué que la situation des minorités nationales ne soulevait pas de questions en rapport avec la discrimination, mais posait des problèmes à résoudre quant aux possibilités réelles d'assurer l'accès de ces personnes à tous ces services. La délégation a également assuré que le Gouvernement prenait des mesures concrètes en faveur des Roms, qui feront l'objet d'un plan national d'action.

En matière d'égalité entre hommes et femmes, la République de Moldova a adopté une loi sur l'égalité des chances et un plan national de promotion de la parité pour les années 2006 à 2009, a fait valoir la délégation. La stratégie de développement national contient aussi des dispositions visant l'égalité entre hommes et femmes. S'agissant de la participation des femmes dans la vie publique, le chef de la délégation a fait remarquer que la situation pouvait donner à première vue l'impression d'un recul, puisque dans l'ancien gouvernement, le Premier Ministre et le Vice-Président du Parlement étaient des femmes et ce n'est plus le cas, et que cinq Ministres étaient des femmes contre une seulement aujourd'hui. Toutefois, pour M. Esanu, ces chiffres ne rendent pas justice à la situation des femmes dans la vie publique. Il a assuré qu'il n'y avait pas d'obstacles, ni au niveau législatif ni dans les mentalités, à la participation des femmes à la vie publique. D'autre part, les salaires des femmes ne sont en aucun cas inférieurs à ceux des hommes, a poursuivi le chef de la délégation. Les écarts de revenus s'expliquent par le fait que les femmes occupaient souvent des postes moins bien payés.

Le Comité s'étant étonné de la différence d'âge nubile, qui est de 18 ans pour les hommes et de 16 ans pour les femmes, la délégation a indiqué qu'en vue d'aligner la législation nationale sur les recommandations du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, le Ministre de la protection sociale, de la famille et de l'enfant avait élaboré un projet de loi visant à amender le code pénal pour égaliser l'âge au mariage. Elle a précisé que la différence d'âge du mariage entre les hommes et les femmes s'expliquait par le fait qu'il y avait davantage de demandes visant à permettre aux jeunes filles de se marier plus tôt, notamment du fait de la grossesse. Il s'agissait en fait d'un privilège qui leur était accordé de se marier plus jeune.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, la délégation a souligné que la République de Moldova avait ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ainsi que son Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Le pays a adopté une loi de prévention et de lutte contre la traite d'êtres humains et procédé à des amendements du code pénal permettant d'incorporer des peines pour ces pratiques. La loi prévoit de créer des centres de réadaptation et de réinsertion pour les victimes de la traite. Un comité national dépendant du Gouvernement coordonne en outre toutes les activités en la matière.

D'autre part, la délégation a expliqué que suite aux critiques formulées sur la qualité de l'assistance juridique gratuite, la République de Moldova a modifié la loi afin d'assurer que cette assistance soit fournie par des avocats qualifiés.

D'autre part, une loi adoptée en 2007 a permis de diminuer la durée de la détention préventive, a indiqué la délégation. En effet, jusqu'en 2006, une personne dont le dossier avait été envoyé au tribunal pouvait être détenue pour une durée indéterminée sans que les autorités judiciaires n'examinent le bien-fondé de cette détention préventive. La législation a été modifiée car elle ne prévoyait pas d'examen périodique du mandat d'arrêt. Aujourd'hui, une personne ne peut pas être détenue pendant plus de six mois si elle encourt une peine de privation de liberté de plus de 15 ans, et pas plus de 12 mois, pour les cas pouvant aboutir à des peines plus longues.

La délégation a par ailleurs souligné qu'un processus d'amélioration des conditions de détention avait été lancé et est aujourd'hui dans une dynamique positive. Elle a reconnu que beaucoup reste à faire, le pays partant de très loin, mais la volonté politique d'améliorer ces conditions existe.

La délégation moldove a également fait part de la mise sur pied d'un projet de réforme du système de justice juvénile mené en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Ces trois dernières années, la République de Moldova a mis en place des mesures qui excluent la privation de liberté pour les jeunes, notamment la mise sous tutelle ou le placement dans des établissements éducatifs spéciaux. Pour les cas de privation de liberté, la durée de la peine est moitié moins élevée que celle prévue pour un adulte pour le même délit.

Le Comité s'étant enquis des mesures prises pour prévenir et combattre les violences à l'égard des femmes et des enfants, la délégation a concédé que l'un des défis majeurs qu'affrontait le pays était lié au manque de centres d'hébergement pour les victimes de violence au sein de la famille. Le nombre de foyers de cette nature reste limité, a-t-elle précisé, reconnaissant que le pays devait déployer des efforts supplémentaires dans ce domaine.

Invitée à donner des informations sur l'enregistrement des différents groupes religieux, la délégation a précisé que ce processus relevait du Ministère de la justice. Elle a assuré que des discussions étaient menées avec les représentants des communautés religieuses. En ce qui concerne la décision récente de refuser l'enregistrement d'un groupe musulman, elle a précisé que ce refus s'expliquait par le fait que le groupe n'avait pas présenté les documents requis par la loi.

Enfin, s'agissant de la diffusion des dispositions du Pacte, la délégation a expliqué que le texte officiel avait été envoyé à toutes les collectivités locales et se trouve dans toutes les bibliothèques, ainsi que sur le site officiel du Ministère de la justice. Plus généralement, elle a expliqué au Comité que l'ensemble de la législation moldove était librement accessible sur Internet.

Questions et observations des membres du Comité

Des éclaircissements ont été demandés s'agissant de la loi sur la lutte contre le terrorisme, un expert estimant notamment que les définitions n'étaient pas très claires. Il a en effet fait remarquer que le terrorisme faisait autant référence à une idéologie qu'à des actes de violence. Faut-il prouver l'idéologie et la pratique ou l'un ou l'autre, a-t-il demandé ?

S'agissant de la lutte contre la corruption, une experte a observé que la délégation avait fourni au Comité une liste impressionnante de mesures. Elle a toutefois déploré le manque d'informations sur les résultats concrets de ces mesures. Elle a en effet souligné qu'adopter des normes était une bonne chose, mais qu'évaluer leurs effets dans la réalité était essentiel.

Un autre membre du Comité a estimé qu'il en était de même pour la question de la traite des êtres humains et a demandé des détails sur les effets des nombreuses mesures mises en place par la République de Moldova dans ce domaine. Notant que le rapport fait part du démantèlement de 36 réseaux de traite, il a souhaité savoir s'il s'agissait d'un début de procédure, si les coupables allaient être poursuivis et les victimes indemnisées. Jusqu'où ces investigations ont-elles été menées? L'expert a par ailleurs demandé des renseignements sur les différentes catégories de traite des personnes, arguant qu'une catégorisation claire permettrait de mieux appréhender les différentes facettes de ce problème et d'examiner les progrès réalisés.

Pour ce qui est de la question de la torture, un membre du Comité s'est étonné, à la vue des chiffres présentés dans le document contenant les réponses écrites de la République de Moldova, du nombre peu élevé de condamnation par rapport au nombre de cas dénoncés de mauvais traitement. Il a également noté qu'il semblait y avoir eu une importante réduction du nombre de plaintes pour cas de torture. Si tel est le cas, à quoi cette diminution peut-elle être imputable, a-t-il demandé? Enfin, il a souhaité savoir s'il existe un système indépendant pour porter plainte contre des abus commis par les forces de police.

La qualité de l'administration de la justice semble être sur le devant de la scène, a noté un expert, se demandant si les informations reçues par le Comité reflètent effectivement l'état de l'appareil judiciaire en République de Moldova. Il a souhaité savoir si l'Ombudsman avait le droit d'intervenir s'il estimait qu'il y avait eu une erreur judiciaire ou un mauvais traitement.

Un expert s'est pour sa part étonné de la réticence avec laquelle la délégation parle de discrimination. Il a fait valoir qu'identifier le problème est le meilleur moyen pour y trouver une solution. En ratifiant le Pacte, la République de Moldova s'est engagée à assurer l'égalité et la non-discrimination, a-t-il rappelé. Il a également relevé l'importance d'intégrer la promotion de ces principes dans les programmes scolaires. L'expert a, entre autres domaines de préoccupation, attiré l'attention sur la discrimination dont souffrent, notamment, les Roms et les enfants atteints du VIH/sida. En ce qui concerne le projet de loi actuellement discuté dans le pays, un membre du Comité a souhaité savoir si le Gouvernement avait tenu compte des recommandations faites sur ce projet de loi par le Bureau local du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Se félicitant de la loi sur la protection de la santé génésique et familiale, ainsi que du Plan d'action national pour l'aide à la planification et à la protection de la santé génésique, une experte a demandé des détails sur les résultats effectifs de ces mesures. Elle s'est également inquiétée d'une affaire portée à son attention par des organisations non gouvernementales relative à l'emprisonnement d'une jeune femme accusée d'avoir commis un assassinat pour avoir avorté très tard. Un autre membre du Comité s'est pour sa part enquis des mesures prises en matière de prévention de l'avortement, faisant valoir que c'est souvent l'environnement social qui contraint les femmes à l'avortement.

Plusieurs membres du Comité ont demandé des informations supplémentaires sur les mesures prises pour améliorer les conditions de détention et régler le problème de surpopulation carcérale. L'un d'eux s'est enquis de la politique de séparation entre les différents détenus et notamment entre ceux atteints de tuberculose et les autres. Une experte a demandé des détails sur les programmes de réinsertion des jeunes en conflit avec la loi. Citant des informations transmises par des organisations non gouvernementales, un expert a souhaité avoir davantage d'informations sur des cas où l'accès de détenus à un avocat aurait été empêché par la police. Comment la police peut-elle agir ainsi en toute impunité ? Que fait le Procureur, celui-ci étant censé s'occuper des personnes en garde à vue ?

S'agissant de la liberté de religion, un expert a déploré qu'une trentaine d'associations musulmanes soient toujours en attente de leur autorisation d'enregistrement. Il a rappelé que la liberté de culte était un droit qui d'après le Pacte ne saurait être restreint, ni suspendu. Il a souligné que cette difficulté à s'enregistrer peut compliquer la pratique du culte et la tenue de cérémonies particulières comme l'enterrement.

Enfin, un autre expert a demandé un complément d'informations sur des cas éventuels de trafic d'armes, certains milieux prétendant que la République de Moldova était une plaque tournante pour le trafic d'armes.

Réponses de la délégation aux questions complémentaires

La loi sur la lutte contre le terrorisme stipule les objectifs poursuivis, a expliqué la délégation, en réponse à une demande de précisions. Elle a souligné que tous les organes impliqués dans la lutte contre le terrorisme étaient censés s'y référer. Quant à la question de la responsabilité, elle n'en demeure pas moins en conformité avec le Code pénal. À cet égard, le chef de la délégation a indiqué qu'il n'y a pour l'instant eu aucune affaire pénale de terrorisme, ni de cas où il a été fait appel à ce que contient cette loi sur la lutte contre le terrorisme.

Invitée à donner des détails sur la procédure à suivre en cas de plainte pour mauvais traitement ou de torture, la délégation a expliqué qu'un examen médical était obligatoire, ajoutant que cette obligation, en général, était observée, mais reconnaissant toutefois que les commissariats ne disposait pas toujours de personnel pouvant effectuer de tels examens. Après l'examen, un rapport écrit doit être envoyé au Procureur, en mentionnant si des lésions ont été décelées ou non. Au sein du système pénitentiaire, cette procédure est également une obligation, a précisé la délégation. Enfin, elle a indiqué que toutes ces informations étaient transmises à l'Ombudsman, au Bureau du Procureur et au Ministère de l'intérieur. S'agissant des visites du procureur dans les lieux de détention, la pratique veut que les procureurs régionaux soient directement responsables de vérifier que la loi est bien respectée dans les établissements pénitentiaires. Il s'agit de s'assurer de la légalité de la détention. Les procureurs font ce travail au quotidien et transmettent ces informations à leur supérieur.

Revenant sur les événements survenus suite aux élections législatives d'avril, le chef de la délégation a indiqué qu'une enquête avait été lancée par le Bureau du Procureur, car il semble que des délits auraient pu être commis. C'est en effet une des prérogatives du Procureur que de diligenter des enquêtes, que les faits relèvent du pénal ou de sanctions internes.

En ce qui concerne la traite des êtres humains, la délégation a expliqué que ce phénomène était fréquent dans la région de Transdniestrie, une région qui n'est pas sous contrôle de la République de Moldova. Elle a précisé que le Gouvernement n'avait aucune possibilité de faire des vérifications ni d'entreprendre une quelconque action dans cette région du pays. La question de la traite est étroitement liée au conflit et à l'absence de contrôle du Gouvernement sur le territoire de Transdniestrie, a insisté le chef de la délégation. Il a rappelé qu'un processus de négociations dit des «5+2» avait été lancé. En outre, un Bureau chargé de s'occuper de la question de Transdniestrie a été créé dans le nouveau Gouvernement. Un expert ayant demandé des données chiffrées, la délégation a précisé que la traite à des fins de prostitution était la plus répandue: elle concerne 61 à 67% des victimes de la traite. Vient ensuite la traite à des fins d'exploitation économique. Entre 78 et 80% des victimes sont des femmes. Quant aux 36 réseaux qui ont été démantelés, ils impliquaient autant des citoyens moldoves que des citoyens des pays de destination, comme la Turquie, le Kosovo, l'ex-République yougoslave de Macédoine, l'Italie ou la Fédération de Russie pour l'exploitation sexuelle, et l'Espagne, le Portugal et les Émirats arabes unis pour l'exploitation économique. Enfin, s'agissant de l'âge des victimes de la traite, la majorité ont entre 18 et 25 ans, 30% entre 26 et 40 ans.

Interrogée sur la représentation des femmes au sein des autorités politiques, la délégation a précisé que le Parlement comptait vingt-cinq femmes sur les 101 députés, soit 25%. Elle a ajouté qu'un représentant d'un groupe ethnique minoritaire est Vice-Président du Parlement.

S'agissant de l'affaire dont se faisait écho une experte concernant une jeune femme emprisonnée pour avoir avorté, le chef de la délégation a souligné que son avortement n'avait pas été la cause de son emprisonnement. Il a assuré entendre suivre cette affaire. Mais dans tous les cas, il n'y a pas, au sein de l'opinion publique, une volonté de s'opposer à l'avortement. Les femmes peuvent avorter, les lois le confirment. En réponse à la question d'un expert, la délégation a précisé que le droit reconnaît que l'entourage peut exercer une pression sur les femmes et considère de telles pressions illégales.

Quant à la diffusion des principes de droits de l'homme dans les programmes scolaires, la délégation a affirmé que le Ministère de l'éducation étudiait cette question. En effet, le nouveau Ministre de l'éducation a commencé à étudier les programmes scolaires, en coordination avec des organisations de la société civile, et réfléchit à la manière d'y inclure les questions de droits de l'homme.

La loi sur la discrimination pourrait être adoptée dans les plus brefs délais, a par ailleurs indiqué la délégation, qui a précisé que certaines des questions qui se posent en matière de non-discrimination, notamment celles relative à l'orientation sexuelle, freinaient quelque peu ce processus. D'une manière générale, la délégation a réaffirmé que dans la République de Moldova, les questions de non-discrimination ne se présentent pas de manière aussi aiguë que dans d'autres pays. Des générations entières ont été élevées dans le respect du principe d'égalité au sein de l'ancienne Union soviétique. Il serait erroné d'expliquer les problèmes qu'affrontent certains groupes, par exemple les Roms, par la discrimination, a-t-elle répété. Les exemples prouvent que des droits sont, certes, bafoués, mais que ce n'est pas une conséquence de la discrimination. D'autre part, les forces de l'ordre chargées des affaires impliquant des cas de discrimination suivent une formation spéciale et sont entraînées à détecter les signes de discrimination.

En ce qui concerne les nombreuses questions posées par les membres du Comité sur le système judiciaire, la délégation a affirmé que chaque détenu est informé de ses droits, et notamment de celui d'avoir accès à un avocat, et que la procédure est consignée dans un registre. Si ce droit n'a pas été respecté, il en est tenu compte lors de la procédure. Ainsi, tous les aveux recueillis auprès de ce détenu l'auront été en dehors de la loi et ne pourra être retenu dans la procédure. La délégation a indiqué qu'il existait peu de centres de détention préventive, sauf dans cinq grandes villes, dont Chisinau. Dans les autres lieux de détention, les personnes se trouvent dans les commissariats. D'autre part, s'agissant des conditions de détention, la délégation a rappelé qu'il y a quelques années, il n'y avait pas suffisamment de lits pour les détenus. Aujourd'hui cette situation est rétablie, a-t-elle souligné, reconnaissant toutefois que le problème de surpopulation menace ces progrès. Elle a par ailleurs assuré qu'il existe des règles pour la séparation des détenus et notamment de ceux atteints de la tuberculose.

S'agissant de la liberté de religion, la délégation a expliqué que le Gouvernement souhaite que toute personne puisse exprimer sa foi, que son culte soit enregistré ou non. Le Gouvernement veut donc exclure les cas où des personnes seraient sanctionnées parce qu'elles se livrent à leur culte. En ce qui concerne la désignation du dirigeant du culte, il est prévu dans la loi que le Gouvernement ne se mêle pas des affaires internes des communautés religieuses.

Des associations de journalistes demandent que soit prévu dans la législation moldove le droit de ne pas incriminer les journalistes, a reconnu la délégation, en réponse à des questions portant sur la liberté d'expression. Elle a expliqué que cette question a été examinée par un ensemble d'experts qui ont estimé que la législation actuelle correspond à la plupart des législations européennes, aux instruments européens et au Pacte. La législation envisage les cas où les journalistes encourent une responsabilité, ainsi que les circonstances à prendre en compte par les tribunaux dans le cas de poursuites contre des journalistes. Le Gouvernement moldove n'est pas prêt à accepter la demande de journalistes visant à réduire leur degré de responsabilité. Il estime en effet que le fait que les journalistes soient déchargés de leurs responsabilités pourrait entraîner la violation des droits d'autres personnes.

Dans une déclaration de clôture, le chef de la délégation a formulé l'espoir que son pays réussira, avec l'aide des structures internationales, à établir une législation compatible avec le Pacte et les autres instruments internationaux. Il a fait remarquer qu'aligner la législation avec ces instruments demande, certes, du travail, mais reste la partie la plus facile du processus. Le plus dur est de mettre en application la loi et de faire en sorte que les personnes chargées d'administrer la justice comprennent cette responsabilité, a concédé la représentant moldove.


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CT09015F