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LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA CROATIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le deuxième rapport périodique de la Croatie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions du Pacte.

Le Directeur général du Ministère de la justice de la Croatie, M. Kristian Turkalj, a d'emblée affirmé que son pays avait fait d'importants progrès dans le domaine des droits de l'homme depuis la présentation du précédent rapport. Ces changements ont été rapides, grâce notamment à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne, ainsi qu'à l'attention toute particulière qui a été portée aux recommandations du Comité. Entre autres avancées, M. Turkalj a expliqué que des progrès encourageants ont été effectués en vue de la réconciliation nationale. Il a indiqué qu'un Bureau pour les minorités nationales avait été créé et qu'un Plan d'action pour l'application de la loi sur les droits des minorités nationales avait été lancé. Des progrès importants ont été effectués en matière de lutte contre la discrimination et en faveur de la parité. Le chef de la délégation a par ailleurs fait valoir que le poste de Premier Ministre était occupé par une femme et que 28% des ministres sont des femmes.

La délégation croate était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'administration, du Ministère des affaires étrangères et de l'intégration européenne, du Ministère des sciences, de l'éducation et du sport, du Ministère du développement régional et de la gestion de l'eau et des forêts, du Bureau pour l'égalité des sexes, du Bureau des droits de l'homme, du Bureau des minorités nationales et du Bureau du Procureur général. Elle a fourni au Comité un complément d'information s'agissant notamment de la représentation des minorités au sein du Parlement; des modalités du retour des réfugiés; de l'amélioration des conditions de vie en milieu carcéral et la lutte contre le surpeuplement des prisons; des mesures prises pour répondre aux attaques visant les journalistes; de la réforme du judiciaire; des modalités réglant l'octroi de la citoyenneté croate; de l'interdiction de la propagande en faveur de la guerre.

Interrogée sur les enquêtes menées par les instances nationales s'agissant de crimes de guerre, la délégation a expliqué qu'un Plan d'action visant à régler les affaires qui sont encore en suspens a été lancé. Elle a aussi fait part de l'adoption d'une loi spéciale sur la protection des témoins, ainsi que de la création d'une unité spéciale de la police chargée de la protection des témoins. Un système de vidéoconférence a aussi été créé pour permettre aux témoins de participer aux instructions d'où qu'ils se trouvent dans le monde. La délégation a par ailleurs relevé l'importance que revêt, pour son pays, la pleine et entière coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie.

Les observations finales du Comité sur le rapport de la Croatie seront rendues publiques à la fin de la session, le 30 octobre prochain.


Cet après-midi, à 15 heures, en salle XXIII du Palais des Nations, le Comité entamera l'examen du rapport de la Fédération de Russie (CCPR/C/RUS/6).


Présentation du rapport de la Croatie

M. KRISTIAN TURKALJ, Directeur général du Ministère de la justice de la Croatie, a souligné que son pays avait connu des avancées notables depuis la présentation du précédent rapport. Les dispositions du Pacte ont pris de l'importance, a-t-il précisé. Il a rappelé qu'en Croatie, les instruments internationaux ratifiés sont intégrés aux dispositions constitutionnelles. Ces changements, a repris le chef de la délégation, se sont opérés plus rapidement que dans d'autres pays, grâce à l'adhésion de la Croatie à l'Union européenne. En effet, les questions de droits de l'homme ont une importance considérable dans le dialogue du pays avec l'Union européenne, ce qui a encouragé la Croatie à accélérer ses efforts dans ce domaine. Entre autres avancées, M. Turkalj a expliqué que des progrès encourageants ont été effectués en vue de la réconciliation entre les citoyens croates. Il a indiqué que le Vice-Premier Ministre actuel était issu d'un groupe minoritaire: le parti démocrate serbe. Des personnes issues des groupes minoritaires sont employées dans toute l'administration, a-t-il fait valoir. Un Plan d'action pour l'application de la loi sur les droits des minorités nationales a été élaboré avec les représentants de tous les groupes minoritaires. Le Gouvernement croate est également très dynamique dans le domaine du retour des réfugiés.

Des améliorations notables ont été effectuées au niveau du système judiciaire, a fait remarquer M. Turkalj. Des progrès importants ont été faits s'agissant de la protection des témoins, une priorité pour le Gouvernement. Ainsi, le code pénal a-t-il été amendé pour assurer que la protection des témoins. Un système de liens par vidéoconférence a été créé pour permettre aux témoins, où qu'ils se trouvent dans le monde, de participer aux instructions. Par ailleurs, des formations spéciales ont été mises sur pied à l'intention du personnel de l'appareil judiciaire. Enfin, un Plan d'action visant à régler le problème des affaires de crimes de guerre qui sont encore en suspens a été créé. M. Turkalj a également relevé l'importance que revêt, pour son pays, la pleine et entière coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Le 28 septembre, le Procureur du Tribunal se trouvait à Zagreb, où il a pu bénéficier de la collaboration des autorités croates qui ont satisfait pratiquement toutes ses requêtes. Le chef de la délégation croate a conclu sa présentation en assurant le Comité que toutes ses recommandations ont été prises en compte et suivies de mesures. Ce qui explique aussi les progrès substantiels réalisés par la Croatie.

Le deuxième rapport périodique de la Croatie (CCPR/C/HRV/2) souligne que depuis la présentation du rapport initial, il y a huit ans, le pays a enregistré des progrès importants quant à la réalisation et à la protection des droits de l'homme. Il a renforcé sa capacité administrative et a créé le cadre législatif permettant la réalisation et la protection des droits de l'homme. Conformément à l'engagement pris par la Croatie d'être un pays qui réalisera tout l'éventail des droits de l'homme, le Gouvernement a créé les institutions suivantes: le Bureau des droits de l'homme (2001); le Bureau du médiateur pour l'égalité des sexes et le Bureau du médiateur pour les enfants (2003); le Bureau pour l'égalité des sexes (2004); et le Centre pour les droits de l'homme (2005). Un nombre important de lois et de politiques, stratégies et programmes nationaux a été adopté, notamment en faveur des groupes sociaux vulnérables. Parmi les lois récemment adoptées, le rapport mentionne celle sur les droits des minorités nationales (2002) stipulant que tout citoyen de la Croatie a le droit d'exprimer librement son appartenance à une minorité nationale et que toute discrimination fondée sur l'appartenance à une minorité nationale est interdite. En 2006, la définition de l'infraction motivée par la haine a été introduite dans le Code pénal, une définition qui témoigne d'une volonté résolue de sanctionner toutes les conduites qui visent à placer une ou plusieurs personnes dans une situation d'inégalité.

S'agissant de l'interdiction de la torture, le rapport indique que le Code pénal protège les droits et libertés établis en la matière par le Pacte, par ses articles relatifs à l'extorsion de déclarations sous la contrainte, aux mauvais traitements dans l'exercice de fonctions officielles ou de la puissance publique, à la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, au traitement médical non autorisé et à la transplantation illégale d'organes du corps humain. La prévention des comportements inappropriés de la police est conduite conformément aux recommandations du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants. En coopération avec le Département de contrôle interne, la Direction de la police intervient, contrôle, évalue et prend toutes les mesures nécessaires en cas de rapports établis à l'encontre de fonctionnaires de police soupçonnés de mauvais traitements et d'actes de torture sur des personnes.

Le rapport indique que la législation a été mise en conformité avec la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses Protocoles. Le Gouvernement a en outre a établi un mécanisme national de répression de la traite des personnes et renforcé la coopération internationale. Le rapport remarque que bien que la Croatie ait été présentée jusqu'à présent comme un pays de transit, certains indicateurs montrent qu'elle est à la fois un pays tant d'origine que de destination pour la traite des personnes. En outre, la Croatie est entourée par des pays dans lesquels la traite des personnes à des fins sexuelles, en particulier des femmes, est développée et généralisée.

Pour ce qui est de la détention, la loi sur l'exécution des peines d'emprisonnement dispose que le principal objectif de l'exécution d'une peine d'emprisonnement est de préparer la personne purgeant sa peine à une vie de liberté conformément aux normes sociales et juridiques, tout en la traitant d'une manière humaine et dans le respect de sa dignité en tant que personne. Les peines d'emprisonnement sont exécutées de manière à garantir au détenu le respect de sa dignité humaine. Les procédures soumettant ce dernier à toute forme de torture, abus, traitement dégradant, ou expériences médicales ou scientifiques sont interdites. Le rapport indique en outre qu'une évaluation diagnostic psychologique et sociale de chaque détenu est réalisée au début de l'exécution de sa peine d'emprisonnement. On obtient ainsi des informations sur les personnes susceptibles d'être les auteurs ou les victimes d'abus, selon leur profil social et psychologique. Ces informations sont prises en compte au moment de choisir le pénitencier ou la prison où le détenu doit être affecté, et de décider des programmes particuliers à l'exécution de la peine.


Examen du rapport

La délégation a apporté des renseignements complémentaires en réponse à la liste des points à traiter qui lui avait été adressée au préalable par le Comité (CCPR/C/HRV/Q/2 - des réponses écrites figurent au document CCPR/C/HRV/Q/2/Add.1).

Renseignements complémentaires

La délégation a expliqué que les dispositions des instruments internationaux ratifiés par la Croatie étaient intégrées aux dispositions constitutionnelles. Les dispositions du Pacte sont directement invoquées dans les tribunaux croates, a-t-elle précisé. Deux domaines particuliers soulèvent la fierté de la délégation croate: les progrès effectués en matière de lutte contre la discrimination ainsi qu'en faveur de la parité. Pour la première fois, la Croatie dispose d'une loi générale sur la lutte contre la discrimination, adoptée en juillet 2008, qui prévoit notamment une protection juridique contre les victimes de la discrimination. Parmi les mesures mises en œuvre dans ce domaine, la délégation a notamment cité le Programme 2008-2012 pour les droits de l'homme, le Plan national sur la lutte contre discrimination 2008-2013 et l'adoption d'une loi sur l'égalité des chances de juillet 2008. Pour ce qui est de l'égalité des sexes, le chef de la délégation s'est dit fier d'annoncer que pour la première fois de l'histoire du pays, le poste de Premier Ministre est occupé par une femme. En outre, 28% des ministres sont des femmes.

En ce qui concerne les minorités, le chef de la délégation a expliqué qu'un cadre juridique et institutionnel important a été mis en place. Un Bureau pour les minorités nationales a été créé, a-t-il précisé. Huit parlementaires sont élus par les groupes minoritaires. Quant à la communauté Rom, un groupe qui compte environ 9'000 personnes, elle fait l'objet d'une attention particulière. De 2005 à 2008, l'assistance à la communauté Rom s'est accru de 632%, a annoncé M. Turkalj. Pour la première fois, un dictionnaire Rom-Croate a été publié. Également pour la première fois, le Parlement compte un député issu de la communauté Rom.

S'agissant de la lutte contre la traite des êtres humains, le chef de la délégation a attiré l'attention sur le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, ratifié en 2008, ainsi que sur la mise en place d'un programme de trois ans visant à lutter contre la traite. Il a en outre souligné que des cours intensifs de formation ont été créés à l'intention de tous ceux associés à la lutte contre la traite. Une campagne publique a aussi été lancée en 2007.

La réforme du système judiciaire est l'une des grandes priorités du pays, a expliqué la délégation. Un Plan d'action dans ce domaine a été adopté en juillet 2008. Il se concentre sur l'indépendance, l'impartialité et le professionnalisme du pouvoir judiciaire. En outre, des critères justes et transparents sont appliqués pour le recrutement des juges et des procureurs. Une formation a aussi été organisée à l'intention des présidents de tribunaux pour améliorer leurs compétences de gestion.

La réforme du système carcéral est une autre priorité du Gouvernement, a poursuivi la délégation, soulignant que la Croatie doit notamment faire face à un problème de surpeuplement des prisons. Le Plan d'action adopté pour la réforme du système judiciaire contient des mesures pour le système carcéral, a-t-elle précisé, citant notamment la mise en place en 2009 d'un Plan d'action spécial visant à améliorer les conditions de vie en milieu carcéral. En outre, des efforts ont été déployés pour améliorer la gestion du système carcéral; des directeurs d'établissements ont par exemple été remplacés par de meilleurs gestionnaires.

En ce qui concerne la loi sur les étrangers, la délégation a précisé que cette loi avait été adoptée en 2007 et était aujourd'hui analogue aux lois en vigueur dans les pays de l'Union européenne. Il s'agissait en effet d'une condition préalable à l'adhésion du pays à l'Union européenne.

Questions et observations des membres du Comité

Un expert a souhaité savoir s'il existe en Croatie une formation ciblée sur les dispositions du Pacte et pas uniquement sur celles de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a en effet rappelé que la Convention européenne n'est pas identique au Pacte, il a quelques différences.

S'agissant de la communauté Rom, un membre du Comité a souhaité connaître le degré de participation des Roms dans la recherche de solutions à leur situation. Participent-ils en tant que titulaires de droits ou en tant que simples bénéficiaires des programmes que le Gouvernement crée à leur intention, a-t-il demandé ? Il a également souhaité quelques détails sur l'intégration dans le système scolaire des enfants de cette communauté.

D'autre part, un expert a soulevé la question de la compatibilité de l'article 17 de la Constitution croate avec l'article 4 du Pacte. Il a en effet fait remarquer que les raisons pour lesquelles une dérogation des droits en situation d'urgence peut être invoquée sont beaucoup plus larges dans la Constitution croate que dans le Pacte.

Un expert s'est enquis des conditions dans lesquelles vivent les enfants dans les centres psychiatriques. Citant des informations reçues par des organisations non gouvernementales, des enfants seraient enfermés dans des cages ou des lits en forme de cage. De l'avis général des experts et des psychiatres, ce procédé n'aide pas les enfants, a-t-il souligné, avant de demander ce que la Croatie comptait faire s'agissant d'une telle «violation pure et simple du Pacte». Il a également demandé à la délégation de réagir à des informations alléguant que des personnes homosexuelles seraient enfermées contre leur volonté dans des centres où elles subissent des traitements psychiatriques voire médicamenteux pour soigner leur homosexualité.

En ce qui concerne l'égalité entre hommes et femmes, une experte s'est enquise des mesures spéciales et des éventuels plans d'action mis en en place dans le secteur public et privé. Elle a en effet observé que les femmes représentent 59% des personnes au chômage. Elle s'est demandée si les employeurs rechignent à engager des femmes, lorsqu'ils suspectent qu'elles vont faire des enfants. La loi sur la discrimination contient-elle des possibilités d'indemnisation pour les victimes de discrimination sur le lieu du travail, a demandé un autre membre du Comité ? Elle a par ailleurs demandé un complément d'information sur les éventuelles affaires de violence domestique instruites par les tribunaux, ainsi que sur les sanctions auxquelles leurs auteurs s'exposent.

S'intéressant aux enquêtes sur les crimes de guerre menées par les instances nationales, une experte a souhaité savoir s'il existait un programme de protection des témoins, afin d'éviter toute intimidation. Un autre a demandé à la délégation de lui démontrer que les mêmes sentences sont appliquées aux Serbes et aux Croates. Il s'est également étonné du nombre élevé d'acquittements.

Que fait concrètement l'État pour répondre aux attaques visant les journalistes, a demandé un expert, soulignant que beaucoup ont le sentiment que l'État n'en faisait pas assez. Ce sentiment, a-t-il fait remarquer, peut avoir des conséquences néfastes sur les médias. En effet, si les journalistes craignent d'être l'objet d'attaques, ils vont travailler différemment. L'expert a dès lors souhaité savoir quelles mesures ont été prises par l'État fait pour renforcer sa crédibilité à cet égard et modifier cette perception. Si le Gouvernement ne fait rien, il n'aura jamais une presse libre, a insisté une autre experte.

En ce qui concerne les conditions de vie en milieu carcéral, un membre du Comité a fait remarquer que la moitié des établissements du pays dépassent de 30% leur capacité d'accueil. Elle a demandé si le Plan global pour la réforme du milieu carcéral tient compte de tous les besoins, que ce soit en matière de reconstruction et de rénovation qu'en ce qui concerne l'hygiène et les conditions offertes aux groupes à risque comme les prisonniers qui ont subi un stress post somatique ou les anciens toxicomanes.

Un membre du Comité s'est enquis des modalités relatives à l'octroi de la citoyenneté croate. Elle a noté que cette citoyenneté semblait n'être accordée qu'à condition de renoncer à sa citoyenneté antérieure, ce qui pose problème pour les personnes issues, notamment, du Kosovo et du Monténégro. Que compte faire le Gouvernement pour assurer que les conditions d'octroi de la citoyenneté ne soient pas discriminatoires?

Réponses de la délégation aux questions complémentaires

En ce qui concerne l'applicabilité du Pacte, la délégation a certifié que les dispositions du Pacte étaient directement invoquées devant les tribunaux et font partie intégrante du corpus de lois du pays. Jusqu'à aujourd'hui, trois jugements de la Cour suprême se réfèrent à des dispositions du Pacte, a précisé une représentante croate. Elle a donné l'exemple d'un appel rejeté par la Cour qui l'estimait non fondé pour des motifs découlant notamment de l'article 17 du Pacte relatif aux immixtions arbitraires et illégales dans la vie privée.

Invitée à s'exprimer sur les modalités du retour des réfugiés, la délégation a expliqué qu'il n'y avait pas besoin de créer d'unité de police particulière à cet égard, car les incidents sont très peu nombreux. La représentation des Serbes dans les forces de police a par ailleurs été renforcée. La question du retour des réfugiés est une priorité du Gouvernement croate et des efforts sont déployés dans ce sens, a assuré la délégation. Elle a fait part de la mise sur pied d'un Plan d'action pour l'accélération de la mise en place des dispositions dans le domaine du logement, afin d'offrir des logements au dernier groupe dont le retour n'est pas encore totalement achevé: ceux qui disposaient de droits fonciers en ex-Yougoslavie. À ce jour, avec la mise en œuvre de ce plan d'action, 63% des cas ont été réglés sur les 5000 anciens détenteurs de droits. En 2007 et en 2008, les objectifs ont été atteints, mais cette année, le processus a pris du retard à cause de la récession économique. Des appartements sont, enfin, en train d'être construits pour accueillir ces personnes. La délégation a attiré l'attention sur un élément important qui sous-tend la réintégration des personnes qui reviennent en Croatie: le droit de propriété. Elle a fait remarquer que le droit d'usage de la terre n'est pas un droit de propriété et que de nombreux experts de l'ex-Yougoslavie ont démontré ce fait. Elle a assuré que la Croatie affrontait ouvertement toutes les questions liées à ces retours, essayait de comprendre toute la dimension des problèmes, s'engageait à relever les obstacles et s'appliquait à respecter toutes les obligations qui lui incombent en matière.

La Croatie reconnaît que les minorités ont besoin d'une protection particulière et de mesures de discrimination positive, a déclaré la délégation. Elle a attiré l'attention sur deux organes importants pour la question des minorités que sont le Bureau pour les minorités nationales et le Conseil des minorités nationales. Quant à la participation des Roms à la prise de décision, la délégation a expliqué que la Croatie dispose d'un organe institutionnel dirigé par le Premier Ministre -la Commission des Roms- qui discute de toutes les questions pertinentes liées à la vie de la communauté Rom en Croatie. Elle a par ailleurs souligné que le droit des minorités d'être représentées dans les organes représentatifs de leur région est assuré. Chaque année, un plan est adopté qui définit le nombre de postes prévus pour les minorités, y compris les Roms. Des efforts très clairs ont été déployés pour améliorer le niveau d'éducation dans la minorité Rom, a par ailleurs souligné la délégation en réponse à une question. Ces efforts ont été effectués à tous les niveaux, dès le jardin d'enfants.

Un expert s'étant étonné que les motifs permettant la dérogation des droits en situation d'urgence soient plus nombreux dans la Constitution croate que dans le Pacte, la délégation a souligné que les motifs prévoyant une telle dérogation sont au nombre de trois: en cas de guerre, en cas de menace directe à l'intégrité et à l'unité de l'État et en cas de catastrophe naturelle majeure. Elle a précisé que l'existence d'une menace directe doit être justifiée. Ce sont les trois seuls cas, a-t-elle insisté. Elle a également attiré l'attention du Comité sur l'article 16 de la Constitution qui prévoit que toute restriction des droits doit être proportionnelle à la nature du motif à l'origine de son application.

La loi sur la lutte contre la discrimination a une application très large, a ensuite souligné la délégation, elle protège toutes les personnes et pas uniquement les citoyens. L'application de cette loi permet d'identifier une situation discriminatoire, de mettre fin à la discrimination et de dédommager les victimes de discrimination. Un procès collectif est aussi possible pour le cas où les droits d'un groupe particulier sont violés. En cas de discrimination sur le lieu du travail, la loi sur la discrimination donne la possibilité de porter plainte. La délégation a également rappelé que le Gouvernement a mis sur pied un Plan national sur la lutte contre discrimination 2008-2013. Ce Plan identifie les mesures à prendre pour atteindre l'objectif ultime qui est la suppression de toute discrimination au sein de la société croate. Le Gouvernement souhaite que toutes les minorités nationales aient les mêmes droits et prend, à cet égard, des mesures de discrimination positive pour favoriser leur intégration. Toutes les mesures possibles sont également prévues pour assurer l'égalité des minorités sexuelles.

Les crimes en relation avec la discrimination sont la plupart du temps définis comme des délits de haine, a poursuivi la délégation. Elle a souligné qu'en 2006, la définition de l'infraction motivée par la haine a été introduite dans le Code pénal. Pratiquement tous les délits pénaux en relation avec la violation de l'égalité des citoyens et la discrimination raciale peuvent être considérés comme des délits de haine. Toutefois, pour que le délit soit qualifié de haine, il faut montrer qu'il y a eu intention de la part de l'auteur du délit. Si ces caractéristiques ne sont pas remplies, le délit reste mineur. D'autre part, la délégation a fait part de la création d'un projet, mené en partenariat avec l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), visant la formation et la sensibilisation des forces de police sur les délits de haine afin que ces dernières puissent être en mesure de les détecter. Depuis l'introduction du délit de haine, la direction de la police a adopté des instructions très spécifiques sur les procédures à suivre en la matière, de l'identification au suivi de l'incident.

Invitée à donner davantage de détails sur la loi d'amnistie, la délégation a souligné que cette loi ne s'applique pas aux crimes les plus graves, comme les crimes de guerre, les crimes contre les prisonniers de guerre ou l'incitation au génocide. Cette loi a jusqu'à aujourd'hui bénéficié à plus de 22'000 personnes, dont beaucoup sont serbes. Cette loi, a insisté la délégation, ne peut pas s'appliquer aux délits pénaux de crimes de guerre. Donc si l'amnistie a été accordée à quelqu'un qui a commis un assassinat et qu'on découvre qu'il s'agissait en fait d'un crime de guerre, le cas sera rouvert dans le contexte des nouveaux éléments de preuve.

En matière de protection des témoins, un membre de la délégation a indiqué que le code pénal et le code de procédure pénale ont été amendés de sorte à améliorer la protection des témoins. Une loi spéciale sur la protection des témoins a été adoptée. Il existe aujourd'hui une unité spéciale de protection des témoins au sein de la police.

Une experte ayant soulevé la question des problèmes posés par les jugements par contumace, la délégation a souligné que la Croatie poursuivait, en la matière, un objectif important: reconnaissant que certains jugements du début des années 1990 ne correspondaient pas aux normes actuelles, le code pénal a été amendé pour faire en sorte que les jugements trop indulgents de ces années soient révisés.

Quant aux effets des mesures prises pour améliorer la parité, la délégation a souligné que le Bureau pour l'égalité des sexes et l'Ombudsman pour la parité surveillent de près leur application et leurs effets. Certaines ont déjà été couronnées de succès, a-t-elle fait valoir, précisant que ce succès se mesure par toute une série d'indicateurs comme la participation des femmes à la vie politique. Elle a à cet égard précisé que la Présidente de la Cour constitutionnelle était une femme et que 35% des postes à haute responsabilité étaient occupés par des femmes. Les femmes sont également davantage présentes dans les organes locaux: leur part dans les gouvernements locaux a augmenté de 7% lors des dernières élections locales. Dans le secteur privé, le nombre de femmes chefs d'entreprise a également augmenté, grâce à diverses mesures d'incitation. Répondant à la préoccupation d'une experte, la délégation a par ailleurs reconnu que la majorité des chômeurs sont des femmes et qu'il arrive effectivement que l'employeur leur demande lors de l'entretien d'embauche si elles envisagent de fonder une famille. Une étude de grande envergure a ainsi été menée pour déceler cette discrimination sur le marché du travail. Le résultat de cette enquête a permis la mise en œuvre d'un nouveau programme qui prévoit des sanctions pour les employeurs qui exercent une discrimination contre ces femmes. Auparavant, il n'existait aucune sanction pour les employeurs, a souligné la délégation.

Une experte ayant demandé des statistiques sur la violence domestique, la délégation a assuré que les auteurs d'actes violents s'exposent à toute une batterie de sanctions. En 2007, 625 adultes ont été condamnés pour violence familiale, parmi lesquels figuraient 25 femmes. Le sursis a été accordé dans 211 cas. L'année 2008 a vu un accroissement des sanctions prononcées, 676 personnes ayant été condamnées.

Face aux préoccupations de plusieurs experts s'agissant des conditions de vie d'enfants traités dans des centres psychiatriques, la délégation a rappelé que les «lits-cages» dont parlait une experte sont des lits auxquels ont été fixés des filets pour empêcher les enfants de tomber. Elle a reconnu que les images qui ont été diffusées sont choquantes et que des améliorations doivent être apportées. Elle a précisé qu'après la publication de ces images, les établissements ont réagi et les filets ont été enlevés. Le problème de la sécurité des enfants qui sautent des lits demeure toutefois, a souligné la délégation, estimant que ce problème est directement lié à la capacité économique d'un État et à l'amélioration générale de la qualité des services. D'autre part, en référence à une autre affaire impliquant le directeur d'un établissement psychiatrique, la délégation a indiqué qu'en mars dernier, à la demande du Procureur, une enquête a été lancée contre ce directeur s'agissant de violations présumées des droits de ses patients. Sur la base des conclusions de l'enquête, des poursuites ont été lancées contre cette personne. Ces poursuites sont encore en cours.

À l'expert qui demandait des renseignements supplémentaires sur l'éducation religieuse, la délégation a expliqué que l'État avait conclu un accord avec différentes communautés religieuses qui prévoit l'offre d'un enseignement religieux à l'école. Ce système, qui est similaire à celui de nombreux pays européens, prévoit un enseignement facultatif de deux heures par semaine. Au début de l'année scolaire, les parents y inscrivent leurs enfants s'ils le souhaitent. Cet enseignement est facultatif, a insisté la délégation.

Répondant aux questions sur les mesures prises contre toute propagande en faveur de la guerre, la délégation a souligné Constitution croate interdit tout appel à la guerre. En outre, de nouveaux délits, comme les crimes contre l'humanité ou le recrutement de mercenaires, ont fait leur apparition dans les amendements récents apportés à la Constitution. Le code pénal sanctionne également l'incitation à tout type de propagande de guerre.

En ce qui concerne les attaques contre les journalistes, la délégation a assuré prendre ce problème très au sérieux et a remercié le Comité pour ses suggestions à cet égard. Au cours des 16 dernières années, 40 incidents ont été enregistrés. La délégation a reconnu que la police devait accorder une attention toute particulière à la gravité de ces délits qui sapent la liberté d'expression, soulignant que cette question est aussi liée à celle de la sécurité en général.

Invitée à donner davantage d'informations sur la réforme du système judiciaire, la délégation a expliqué que le nouveau système prévoit que les juges seront nommés par leurs pairs. En effet, jusqu'alors cette responsabilité incombait au Parlement. Avec l'introduction de critères plus transparents, ces décisions seront prises uniquement au niveau des juges. Par ailleurs, la délégation a assuré que tout accusé avait droit de recourir à un avocat et de le choisir. L'avocat est commis d'office si l'accusé n'en choisit aucun. La nouvelle procédure prévoit que toute personne arrêtée est traduite devant un surveillant de détention qui l'informe de ses droits, et notamment de son droit à avoir un avocat. L'avocat sera ensuite présent tout au long de la procédure. La délégation a également précisé que la Croatie rédige actuellement un nouveau code pénal qui devrait être adopté l'été prochain. L'objectif de ce nouveau code pénal est de mettre au point un bon système de sanctions alternatives. Il s'agit également de réduire la durée des peines, a ajouté la délégation, précisant que cette mesure couplée à d'autre comme l'agrandissement des établissements pénitentiaires devrait contribuer à alléger le problème de surpopulation dans les prisons.

S'agissant des modalités régissant l'octroi de la citoyenneté croate, la délégation a reconnu que la renonciation à la citoyenneté antérieure est une condition pour l'obtention de la citoyenneté croate. Il se peut toutefois que dans des cas où il est impossible de satisfaire cette condition, la nationalité soit malgré tout octroyée. Pour ce qui est de la situation particulière des ressortissants du Kosovo, la délégation a précisé que depuis indépendance du Kosovo et l'établissement de relations diplomatiques entre les deux pays, la Croatie demande aux ressortissants kosovars qui demandent la nationalité croate de renoncer à la citoyenneté du Kosovo. Elle a par ailleurs indiqué que 1,5 millions de personnes ont obtenu la nationalité croate, faisant valoir que ce chiffre est assez élevé comparé aux 4,5 millions de personnes que compte la Croatie.

En fin de séance, la délégation a rappelé que la Croatie se soumettra à l'Examen périodique universel à la fin de l'année prochaine. Elle a précisé que le pays comptait organiser des séminaires et des ateliers dans ce cadre, ainsi que suivre les indications du Haut Commissariat pour préparer au mieux son rapport. Soulignant que le Gouvernement souhaite la participation de toutes les organisations non gouvernementales à la rédaction du rapport, la délégation a lancé un appel aujourd'hui pour que ces dernières se joignent à ce processus.


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