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CLE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DU PAKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le rapport périodique du Pakistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

Le Secrétaire d'État au Ministère du bien être social, M. Imtiaz Kazi, a présenté le rapport de son pays en annonçant qu'une charte des droits de l'enfant était en voie d'élaboration au Pakistan. Il a rappelé que le Pakistan était un pays à revenu faible. En dépit des obstacles, le pays a intensifié ses efforts pour améliorer la santé maternelle et infantile. D'autre part, le budget alloué à l'éducation a augmenté; l'enregistrement à l'école primaire a augmenté de 14% entre 2003 et 2008; un programme national pour les années 2008-2016 a été mis en œuvre pour éliminer les pires formes de travail des enfants; un programme de soutien à l'enfance permet d'offrir une subvention aux familles extrêmement pauvres pour leur permettre d'envoyer leurs enfants à l'école. Alors que la crise financière et économique a plongé quelques 12 à 14 millions de personnes supplémentaires dans la pauvreté, le Pakistan fournit la preuve de son engagement en faveur des droits de l'enfant, a fait valoir M. Kazi.

La délégation pakistanaise était également composée du Représentant permanent auprès de l'Office des Nations unies à Genève, ainsi que de représentants de Ministère de la santé et du Ministère de l'éducation. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, le rôle et les responsabilités de la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance; la justice pour mineurs; le relèvement prévu de l'âge de la responsabilité pénale, actuellement fixé à 7 ans; l'interdiction de la condamnation à mort de mineurs; les disparités entre garçons et fillettes s'agissant notamment de l'accès à l'éducation et aux soins de santé; et les mesures de protection des droits des enfants vulnérables, comme les enfants des rues, les enfants utilisés comme soldats par les taliban et les enfants réfugiés.

Au cours de la discussion, la corapporteuse chargée de l'examen du rapport du Pakistan s'est réjouie que l'enseignement primaire ait été rendu obligatoire et que les crimes d'honneur aient été interdits, autant d'exemples qui montrent l'important effort législatif déployé pour améliorer le statut de l'enfant. Elle a toutefois fait remarquer que le terrorisme suscite beaucoup de problèmes et prive un grand nombre d'enfant de leurs droits. Il est prévu d'ouvrir des centres de protection pour les enfants dans les zones touchées par les conflits armés, mais la corapporteuse a insisté sur l'urgence de s'occuper des droits des enfants touchés par les guerres et le terrorisme.

Le corapporteur pour l'examen de ce rapport a notamment présenté, en fin de journée, des observations préliminaires dans lesquelles il a salué les nombreuses initiatives prises en matière de droits de l'enfant par le Pakistan et mises en évidence par la délégation. Il a toutefois regretté des lacunes dans la mise en œuvre, précisant qu'il s'agit maintenant d'appliquer les lois, programmes et plans d'action, en y allouant les infrastructures et les ressources nécessaires. À cet égard, il a relevé l'importance d'allouer un budget suffisant à la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance, institution centrale dans la coordination des politiques et mesures en faveur des enfants.

Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, qui s'achève ce vendredi 2 octobre.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique du Qatar (CRC/C/QAT/2).


Présentation du rapport du Pakistan

M. IMTIAZ KAZI, Secrétaire d'État au Ministère du bien être social du Pakistan, a souligné que le rapport qu'il présente aujourd'hui est le fruit d'une coopération multisectorielle regroupant Ministères, agences des Nations unies et organisations non gouvernementales. M. Kazi a souligné que depuis le dernier rapport du Pakistan, le pays a fourni un effort important pour harmoniser la législation nationale avec la Convention relative aux droits de l'enfant. Ainsi, une loi sur la protection de l'enfant prévoit des peines plus sévères à l'encontre de ceux qui violent les droits des enfants, notamment les délits sexuels. Une charte des droits de l'enfant est aussi en voie d'élaboration, de même qu'un amendement à la législation interdisant les crimes d'honneur. La législation confère aussi une meilleure protection aux femmes et aux enfants contre les abus, dont une loi, en préparation, sur la violence domestique.

Le Pakistan attache une grande importance à l'éducation, a poursuivi le Secrétaire d'État. Le système éducatif reste cependant perfectible en ce qui concerne l'accès, la qualité et la pertinence de l'enseignement, a-t-il reconnu. En outre, l'existence de différents systèmes parallèles - éducation publique et privée et madrasas - fait obstacle à l'uniformité de l'enseignement et des efforts d'harmonisation sont menés. M. Kazi a également précisé que le budget alloué à l'éducation connaît une forte croissance, passant de 2,5% à 4%, et devrait se situer autour de 7% en 2015. Il a souligné qu'en dépit des énormes défis que doit relever le Pakistan, l'enregistrement à l'école primaire est passé de 15 millions d'enfants en 2003 à 17 millions en 2008, soit une augmentation de 14%. Les abandons scolaires ont également diminué.

En matière de santé, le Pakistan occupe la 136ème place sur 177 pays, selon l'indice de développement humain, a indiqué le Secrétaire d'État. Il a rappelé que le Pakistan était un pays à revenu faible, dont 84% de la population gagne moins de deux dollars par jour. Toutefois, en dépit de ces obstacles, le pays a intensifié ses efforts en mettant l'accent sur la santé maternelle et la santé des enfants, ainsi que sur la lutte contre la transmission du VIH/sida et la tuberculose. Il a ainsi réussi à doubler la proportion d'enfants qui naissent avec l'aide d'un personnel qualifié. Par ailleurs, la poliomyélite est en voie d'éradication.

La protection de l'enfant fait l'objet d'une attention particulière de la part du Gouvernement, a assuré le Secrétaire d'État pakistanais. Le Gouvernement a instauré une cellule pour recevoir les plaintes des enfants, une structure réalisée sur le schéma du bureau du médiateur. Dans la lutte contre le travail des enfants, le Gouvernement a mis sur pied des campagnes de sensibilisation du grand public, ainsi que des programmes spécifiques. M. Kazi a ainsi expliqué qu'un programme national pour les années 2008-2016, assorti d'un échéancier, a été mis en œuvre pour éliminer les pires formes de travail des enfants.

S'agissant de l'aide apportée aux plus démunis, le chef de la délégation pakistanaise a fait part de la mise sur pied d'un programme de soutien au revenu doté d'un budget de 34 milliards de roupies, soit environ 425 millions de dollars pour les années 2008-2009. Il s'agit de la troisième ligne budgétaire du pays, a-t-il précisé, soulignant que ce programme vise 40% de la population la plus pauvre. M. Kazi a également indiqué qu'il existe un programme de soutien à l'enfance, qui consiste en un transfert de fonds aux familles extrêmement pauvres pour leur permettre d'envoyer leurs enfants à l'école. Ce programme de soutien cible les enfants de 5 à 12 ans.

M. Kazi a d'autre part souligné que son pays était est en première ligne dans la guerre contre le terrorisme. Il a indiqué qu'un centre avait été créé pour s'occuper des enfants enrôlés par les taliban, et une équipe de médecins s'y occupe des traumatismes vécus par ces enfants. Dans cette guerre contre le terrorisme et l'extrémisme, le Pakistan a subi des dégâts qui se chiffrent à des milliards de dollars et de nombreuses pertes en vie humaine, a souligné son représentant. Enfin, M. Kazi a rappelé que le pays a été frappé par la crise financière et économique. Quelques 12 à 14 millions de personnes sont tombées dans la pauvreté des suites de cette crise. En dépit de tous ces problèmes, le Pakistan fournit la preuve de son engagement en faveur des droits de l'enfant, a fait valoir le chef de la délégation.

Le rapport périodique du Pakistan (CRC/C/PAK/3-4, réunissant les troisième et quatrième rapports) couvre la période qui s'est écoulée depuis 2003 et est basé sur des informations réunies selon un principe participatif. Le Gouvernement du Pakistan a adopté diverses mesures pour donner effet à la Convention, y compris le lancement du deuxième plan d'action national en faveur du bien-être des enfants pakistanais. Différentes lois relatives aux enfants ont été modifiées; l'élévation de l'âge de la responsabilité pénale est ainsi en cours d'exécution.

Le Pakistan poursuit sa lutte contre la pauvreté et ses ramifications négatives, comme les taux élevés de mortalité, la malnutrition et l'analphabétisme, dont les principales victimes sont les enfants, qui représentent 46,7% de la population. Le Gouvernement a pris plusieurs initiatives pour réformer l'enseignement et le système de santé. D'une manière générale, l'alphabétisation, la scolarisation et l'accès à l'enseignement se sont améliorés. Le taux d'alphabétisation des personnes âgées de 10 ans et plus, est passé de 58% en 2001 à 65% en 2005-06 et la progression est de 32% à 42% pour les femmes pendant la même période. Le pourcentage d'enfants âgés de 10 à 18 ans qui ont quitté l'école avant la fin des études primaires est descendu de 15% en 2001 à 10% en 2005. Les disparités entre les sexes sont progressivement réduites grâce à la mixité des écoles primaires, aux programmes «compensatoires», aux mesures visant à équiper davantage les écoles de filles, et à la nomination d'enseignantes.

Quant au système de santé qui pâtit de la modicité des dépenses, des injustices des services et de l'insuffisance des soins de santé primaires, il fait, depuis 2002, l'objet d'un Programme de réformes qui comprend l'amélioration de services de santé maternelle et infantile, la gestion intégrée des maladies infantiles et un Programme de nutrition. Une importante baisse du taux de mortalité infantile et enfantine a été observée. Ces efforts sont cependant entravés par les catastrophes qui ont touché le pays, comme le séisme d'une intensité de 7,6 sur l'échelle de Richter du 8 octobre 2005 et les tornades de juin 2007. Il importe aussi de rappeler que le Pakistan accueille, depuis un quart de siècle, l'une des populations de réfugiés les plus importantes du monde. La gravité du problème de la protection des orphelins et des enfants vulnérables est apparue à l'évidence.

Le rapport explique qu'une Politique de protection de l'enfance a été établie à l'issue d'un processus consultatif par le Gouvernement qui s'efforce de tenir son engagement à protéger les enfants contre toutes les formes de violence et d'exploitation. Il précise que la capacité limitée des fonctionnaires à remplir différentes obligations imposées par la Convention a été l'un des obstacles à la bonne marche de la mise en œuvre. Le Pakistan manque de professionnels dûment formés dans les domaines liés aux droits et la protection de l'enfant, même si des initiatives isolées sont prises. Le rapport mentionne à cet égard la création du tribunal des mineurs à Karachi, ainsi que la mise en place d'un dispositif provincial d'inspections de contrôle du travail des enfants et de programmes éducatifs pour enfants travailleurs, après la ratification en 2001 de la Convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail concernant les pires formes de travail des enfants.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

MME SUSANA VILLARÁN DE LA PUENTE, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, a rappelé que l'on ne peut nier l'importance des droits de l'enfant au moment même où la Convention célèbre son vingtième anniversaire. Le droit des enfants à la vie et à vivre dans la dignité doit évidemment être au cœur des préoccupations du Gouvernement, a-t-elle déclaré. Or, plus de neuf millions d'enfants sont, l'année dernière, décédés avant d'avoir atteint leur cinquième anniversaire, la plupart de causes facilement évitables. Ce fait témoigne de la même réalité que celle évoquée par le représentant du Pakistan, a-t-elle poursuivi, en référence à la malnutrition, l'analphabétisme et la pauvreté. Elle a également fait observer que le pays a connu des situations d'urgence humanitaire dues aux catastrophes naturelles, au terrorisme et aux conflits, qui ont eu un impact sur la réalisation des droits de l'enfant et ont représenté un énorme défi pour la mise en œuvre des obligations du Pakistan à l'égard de la Convention. Elle a, dans ce contexte, salué les efforts déployés par ce pays, se félicitant tout particulièrement des mesures visant à ratifier les protocoles facultatifs, ainsi que des nouvelles lois adoptées pour la protection des enfants. La corapporteuse s'est également réjouie que l'enseignement primaire ait été rendu obligatoire. Elle a aussi estimé que les lois sur la protection des femmes et l'interdiction des crimes d'honneur sont des exemples de l'important effort législatif déployé par le Pakistan pour améliorer le statut de l'enfant.

Mme Villarán de la Puente a toutefois fait part de quelques problèmes qui soulèvent des préoccupations. Il s'agit notamment des décès d'enfants, en particulier des enfants des rues; de la protection effective et complète des enfants réfugiés; et de l'application des lois anti-terrorisme pour les mineurs. Sur ce dernier point, la corapporteuse a fait remarquer que le terrorisme suscite beaucoup de problèmes et prive un grand nombre d'enfant de leurs droits. Il est des lors urgent de s'occuper de manière intégrale des droits des enfants, touchés par le terrorisme, a-t-elle souligné, notant que c'est souvent lorsque l'on traverse une situation difficile qu'il est d'autant plus important de se préoccuper du sort des enfants.

M. LOTHAR KRAPPMANN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, a rappelé l'importance des droits de l'enfant pour un pays qui n'en compte pas moins de 70 millions. Reconnaissant que le Pakistan affronte des problèmes importants, il s'est félicité que le Gouvernement ait réussi à présenter le rapport dans les délais impartis, estimant que ce fait témoigne de l'importance conférée par le pays aux droits de l'enfant.

D'une manière générale, le corapporteur a souhaité connaître l'état de mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité lors de l'examen précédent du Pakistan en 2003. D'autre part, il s'est dit surpris de constater que le rapport fait souvent état de programmes «envisagés», «prévus» ou «en cours d'élaboration». Face à la lenteur du processus d'adoption et de mise en œuvre, il s'est demandé si suffisamment de ressources humaines et financières sont allouées à la mise en œuvre des droits de l'enfant. Une volonté politique devra s'exprimer pour assurer l'application des lois, une fois qu'elles auront été adoptées, a-t-il en outre affirmé.

M. Krappmann a d'autre part souhaité avoir davantage d'informations sur le travail, le mandat et le fonctionnement de la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance. Il s'est à cet égard enquis du financement de cet organe, faisant valoir que son budget pour la période 2005-2006 n'était que de 47 000 dollars - une somme négligeable. De même l'élaboration des troisième et quatrième rapports du Pakistan n'a bénéficié que de 35 000 dollars, soit, «presque rien» pour un pays qui compte 70 millions d'enfants. Le corapporteur s'est par conséquent demandé si les programmes reçoivent les moyens nécessaires à leur réalisation. Un autre expert a, d'une manière plus générale, souhaité connaître les lignes budgétaires prévues par l'État pour l'application de la Convention relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'éducation, M. Krappmann a fait remarquer que le système scolaire pakistanais ne semble pas préparé à s'accroître et ne serait pas en mesure d'accueillir tous les enfants du Pakistan. Il n'y a pas assez d'enseignants, les manuels ne sont pas disponibles, et certains secteurs, comme l'éducation de la petite enfance, ont été négligés. Comment le Pakistan compte-t-il établir les infrastructures nécessaires?

Par ailleurs, M. Krappmann a noté que les droits des femmes et petites filles sont, de l'aveu du Gouvernement, encore foulés aux pieds. Qu'est-il prévu pour y remédier, a-t-il demandé? Plusieurs membres du Comité ont exprimé leurs préoccupations face aux disparités entre les petits garçons et les fillettes, notamment en matière d'accès à l'éducation. Le taux de mortalité des petites filles, plus élevé que celui des garçons, peut entre autres s'expliquer par une attitude négligente envers les petites filles qui sont moins nombreuses à être vaccinées, a souligné un expert. Qu'est-il entrepris pour diminuer ces inégalités? Un autre membre du Comité a souhaité savoir si le mariage précoce et l'échange de petites filles afin de régler des différends font débat au sein de la société pakistanaise. Il a voulu savoir quelles sont les mesures concrètes mises en place pour lutter contre les mariages précoces et les crimes d'honneur. Un expert s'est, enfin, enquis de la suite donnée à la recommandation du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes invitant le Pakistan à amender la Constitution de sorte à garantir la non-discrimination à l'égard des femmes et des filles.

La question de la décentralisation et des responsabilités des différentes provinces a fait l'objet d'une question de clarification. La législation nationale sur les enfants s'applique-t-elle aux régions tribales du Nord, a demandé un expert?

D'autre part, un membre du Comité a souhaité savoir ce qui est entrepris pour améliorer le taux d'enregistrement des naissances qui reste faible dans les campagnes et parmi les minorités religieuses. Une loi de 1986 rend obligatoire l'enregistrement des naissances, des mariages et des décès, mais elle semble peu appliquée, a ajouté un expert.

S'intéressant ensuite au mécanisme de plaintes dont a fait part la délégation lors de sa présentation, un membre du Comité a souhaité connaître la procédure exacte qui peut être suivie pour déposer plainte. Comment le Gouvernement envisage-t-il de créer cette institution, a-t-il demandé? Quels sont les rôles et les responsabilités des personnes associées à ce mécanisme?

Un expert a attiré l'attention sur le travail des enfants au Pakistan. Il a relevé que l'outil d'inspection du travail semble insuffisant ou peu adapté à la situation des enfants qui travaillent dans le secteur informel. Quelles structures le Gouvernement compte-t-il mettre en place pour progresser dans la lutte contre le travail des enfants, a-t-il demandé?

En ce qui concerne l'âge de la responsabilité pénale, un membre du Comité a relevé qu'en application du projet de loi sur la protection de l'enfance, l'âge minimum de responsabilité pénale, qui est actuellement de 7 ans, sera porté à 12 ans. Il s'est demandé quand cette disposition entrera en vigueur. D'autre part, il s'est réjoui que la peine de mort ne puisse être imposée à des personnes de moins de 18 ans. Toutefois, il a souhaité savoir comment la justice se prononce dans les cas où il subsiste un doute sur l'âge de l'accusé. Enfin, il a souhaité savoir si, selon les lois anti-terroristes, il existe une possibilité de condamner une personne de moins de 18 ans à la peine de mort.

Qu'est-il entrepris en faveur des enfants confrontés aux conflits armés, s'est enquis un expert? Les enfants utilisés comme soldats par les talibans, les enfants déplacés, les enfants témoins de différentes formes de violence lors des confrontations armées ont tous besoin d'une protection particulière, a-t-il affirmé.

Près de 7 millions d'enfants ne vont pas à l'école, a noté un membre du Comité, se demandant où se trouvent ces enfants. Faisant observer qu'outre ceux qui travaillent, certains se trouvent dans la rue, il s'est inquiété des conditions dans lesquelles ils évoluent. Ces enfants ne vivent pas nécessairement dans la rue, mais y passent la majorité de leur temps, sans structures pour les accueillir, a-t-il souligné. Il a souhaité savoir s'il existe un programme qui bénéficie spécifiquement à ces enfants, ainsi qu'à ceux vivant dans les rues.

D'autres questions des membres du Comité ont porté notamment sur la traite des femmes et des fillettes qui semble se faire dans une totale impunité; les mesures prises pour lutter contre la violence à l'égard des enfants; et l'assistance offerte aux parents d'enfants handicapés.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

Invitée à donner davantage d'informations sur la décentralisation du pouvoir au Pakistan, la délégation a expliqué que la compétence des provinces est pleine et entière. Par exemple, le judiciaire est du ressort des provinces, l'administration des prisons relève aussi des provinces. Les provinces peuvent émettre des lois tant qu'elles ne sont pas en contradiction avec la législation fédérale. Mais elles ne peuvent en aucun cas refuser d'appliquer ce qui a été décidé au niveau fédéral. Les provinces n'ont pas de «droit de veto» ou de possibilité de s'opposer à l'application d'une loi, a insisté la délégation. En outre, en cas de conflit entre l'opinion d'une province et celle du Gouvernement, c'est cette dernière qui prévaut. En ce qui concerne les zones tribales qui se trouvent à la frontière avec l'Afghanistan, les lois y sont tout autant applicables. La délégation a reconnu que le Baloutchistan, qui est la seule province à ne pas avoir rendu l'éducation primaire obligatoire, connaît des difficultés logistiques particulières qui peuvent expliquer ce retard de mise en œuvre de la loi. Cette province subit actuellement la pression de Gouvernement fédéral pour y remédier, a-t-elle assuré.

La délégation a fait valoir que le Pakistan a fait des progrès considérables, notamment en adoptant nombre de lois qui sont aujourd'hui en état d'application. Il a ainsi indiqué que son pays a ratifié, en 2006, la Convention n°138 de l'Organisation internationale du travail sur l'âge minimum d'admission à l'emploi. La législation la rendant applicable a été promulguée, a-t-il précisé. Pour ce qui est de l'âge au mariage, des lois sur cette question ont été adoptées, il y a 3 ans. L'universalisation de l'école primaire est maintenant applicable dans trois des quatre provinces du pays. Enfin, une loi sur la traite des enfants a été promulguée en 2004.

S'agissant de la coordination des mesures prises en matière de droits de l'enfant, la délégation a souligné que la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance, bien qu'ayant des moyens limités, fonctionne de façon satisfaisante. Elle dispose d'antennes dans les provinces et les districts et rend compte aux autorités.

La délégation a assuré que le Pakistan s'efforce de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant. Elle a à cet égard expliqué que les affaires relatives, par exemple, à la garde des enfants se basaient sur le bien-être de l'enfant. Grâce à l'adoption d'une loi sur la protection de l'enfant, ce sera l'intérêt supérieur de l'enfant qui primera. Cette définition englobe le droit de l'enfant à être protégé contre les abus et prend en compte son évolution spirituelle, ses sentiments et son opinion. L'enfant a, toujours en vertu de son «intérêt supérieur», le droit d'émettre son avis, a souligné le Secrétaire d'État.

Avant de répondre aux questions portant sur la mise en œuvre de l'ordonnance sur la justice pour mineurs, le représentant pakistanais a rappelé que le pays compte 70 millions d'enfants et que seuls 2000 sont aux mains du système judiciaire. Il a relevé l'importance de mettre les choses en perspective. Il a reconnu que le pays ne dispose pas encore d'un nombre suffisant de juges pour enfants. Toutefois, des professionnels de la branche sont actuellement formés. 36 formateurs et des centaines de personnes qui travailleront dans le milieu carcéral et judiciaire ont été formés. La délégation a par ailleurs reconnu la nécessité de séparer jeunes et adultes en milieu carcéral et a indiqué que des sections séparées pour les jeunes existent dans les prisons, bien que ce ne soit pour l'instant pas le cas partout au Pakistan. Elle a toutefois indiqué que le responsable départemental a l'obligation de visiter chaque mois les prisons où se trouvent des mineurs, pour évaluer la situation.

S'agissant de la responsabilité pénale des mineurs, la délégation a rappelé que le Pakistan avait fixé cet âge à 7 ans. Une nouvelle loi se trouve maintenant devant le Cabinet, proposant de relever cet âge à 10 ans. Pour l'instant, les discussions se concentrent sur l'âge de 10 ans, a précisé la délégation, n'excluant cependant pas qu'elles se poursuivent, éventuellement ensuite, sur l'âge de 12 ans.

Quant à la peine de mort, cette sanction n'est pas prévue pour les mineurs, a rappelé la délégation. La peine capitale a été officiellement abolie en 2000, bien que même avant cette date, elle ne s'appliquait pas aux mineurs. La délégation a par ailleurs déclaré qu'il n'existe aucune loi permettant la lapidation à mort de mineurs, contrairement à certaines allégations. Plusieurs membres du Comité ayant demandé un complément d'information sur le hadood qui, notamment, prévoit la lapidation pour certains crimes, la délégation a assuré que cette loi ne s'applique pas aux personnes mineures.

La loi antiterroriste de 1997, qui prévoit la peine de mort pour certains actes, ne prévoit pas de distinction entre mineurs et adultes, a indiqué la délégation, reconnaissant qu'un enfant pourrait être poursuivi en vertu de cette loi. Toutefois, une autre loi, promulguée en 2002, interdit la peine de mort pour les mineurs, a-t-elle souligné. La loi de 1997 devant être considérée à la lumière de la loi postérieure, la peine de mort ne peut pas être appliquée aux mineurs.

En ce qui concerne les crimes d'honneur, ils doivent être considérés comme des crimes, a souligné la délégation. Revenant par ailleurs sur le cas de deux femmes qui auraient été brûlées vives, elle a affirmé que les médias ont quelque peu exagéré la situation. Celle-ci ont bien été victimes de crimes d'honneur et ont été tuées, mais elles n'ont aucunement été brûlées vives. Les coupables sont derrière les barreaux et l'enquête suit son cours.

À l'experte qui s'étonnait que l'âge nubile soit de 18 ans pour les garçons et de 16 ans pour les filles, la délégation a indiqué que cet état de fait s'explique par les coutumes locales. Elle a souligné que de grands efforts ont été déployés, notamment par les parlementaires, pour que ces deux âges soient similaires. Le Gouvernement soutient cette harmonisation de l'âge, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs souligné que les mariages précoces forcés sont interdits par la loi.

La délégation a souligné que 68% des enfants qui travaillent étaient employés dans le secteur informel. Elle a fait part de l'existence d'un programme de lutte contre le travail des enfants mis en place sous la houlette de l'Organisation internationale du travail. Toutefois, a-t-elle poursuivi, le problème est d'atteindre les enfants par cette seule approche. La délégation a en effet souligné que l'accent doit être mis sur l'éducation et notamment l'éducation technique et professionnelle. Le Gouvernement déploie de nombreux efforts à cet égard et l'objectif est aujourd'hui de financer ces programmes.

À l'expert qui soulevait la question des enfants employés comme jockeys de chameau, la délégation a répondu que cette question est maintenant réglée. Le Gouvernement des Émirats arabes unis a versé une indemnisation et le problème est maintenant résolu.

Un expert s'étant interrogé sur la capacité du Pakistan de parvenir à l'éducation primaire universelle, la délégation a souligné que le pays avance progressivement vers cet objectif, mais que les capacités manquent pour rendre l'enseignement universel tout de suite. L'éducation va progressivement devenir obligatoire pour tous, a-t-elle assuré, précisant que le pays vise un taux de scolarisation de 86% pour 2015.

Invitée à donner davantage de précisions s'agissant du recours aux châtiments corporels, la délégation a expliqué que bien qu'il n'y ait pas de disposition juridique, les châtiments corporels ne peuvent être infligés dans le cadre scolaire. Elle a également indiqué que le nouveau projet de loi sur la protection des enfants prévoit l'abolition de ces pratiques.

En réponse aux questions portant sur les enfants enrôlés dans les écoles des taliban, la délégation a souligné que ces enfants ont fréquenté ces écoles pour y obtenir une éducation, motivés non pas par des raisons idéologiques, mais parce que ces établissements leur fournissaient de la nourriture et d'autres avantages. Elle a rappelé que les enfants récupérés des taliban sont accueillis dans un centre où ils reçoivent des soins.

Invité à donner des précisions sur les progrès accomplis et les obstacles rencontrés dans la prise en charge des enfants handicapés, le Secrétaire d'État au Ministère du bien être social du Pakistan a expliqué que le Gouvernement avait décidé de prendre en charge les frais médicaux de ces enfants. L'idée de l'éducation non exclusive fait son chemin pour permettre aux enfants qui souffrent de handicaps mineurs de suivre une scolarité normale, grâce à des aménagements faciles à mettre en place, tels que des rampes d'accès pour fauteuil roulant. En outre, il existe des établissements spécialisés pour les enfants qui nécessitent une prise en charge plus importante.

Quant au Bureau de l'Ombudsman, il dispose d'une unité spéciale habilitée à recevoir des plaintes d'enfants, a expliqué la délégation. Les plaintes reçues jusqu'à présent n'ont pas été de nature grave, a-t-elle précisé, émettant l'hypothèse que ce soit dû au fait qu'il s'agit d'une institution nouvelle et pas encore bien implantée.

Répondant aux questions sur l'enregistrement des naissances, la délégation a reconnu que le taux d'enregistrement se monte aujourd'hui à seulement 30%. Pour pallier ce problème, un certain nombre de mesures ont été prises. Le processus d'enregistrement a notamment été simplifié. Dans deux provinces - le Baloutchistan et le Pendjab -, des campagnes d'enregistrement ont été lancées, visant un taux de 100% d'ici à deux ans. Le Gouvernement fait aussi d'un acte de naissance une exigence pour recevoir des services, tels que l'éducation, incitant, ainsi, à l'enregistrement.

En matière de santé, la délégation a indiqué que le programme sur la santé maternelle et infantile entrera dans une nouvelle phase entre 2009 et 2012. Ce programme, a-t-elle précisé, prévoit des formations en soins néonatals et obstétriques d'urgence pour le personnel de santé, ainsi qu'une augmentation du nombre de professionnels de la santé. Il a d'ailleurs presque atteint son objectif consistant à fournir une couverture universelle, a souligné la délégation. Ce programme prévoit en outre des informations sur l'allaitement, une campagne de vaccination et une meilleure nutrition de la mère et l'enfant. Par ailleurs, un programme pilote de lutte contre la déficience en fer a été lancé. Un autre programme qui porte sur l'amélioration de la couverture vaccinale a entraîné une chute spectaculaire de la mortalité due à la rougeole. En outre, la délégation a assuré que le Gouvernement est sensible aux facteurs sociaux de la santé. Il est conscient d'être loin d'avoir atteint des objectifs du Millénaire pour le développement, ce qui ne l'empêche aucunement de s'y engager pleinement. S'agissant des disparités entre garçons et fillettes dans l'accès aux soins de santé, la délégation a indiqué qu'une stratégie allait être mise en œuvre dans le cadre du plan relatif aux soins de santé pour les enfants à l'horizon 2012, afin d'encourager la vaccination et l'accès aux services de santé, tant pour les fillettes que pour les garçons.

En réponse aux nombreuses questions portant sur l'enseignement dans les madrasas, la délégation a expliqué que ces établissements constituent des lieux d'apprentissage du Coran. Elle a rappelé que les madrasas ne sont pas forcément des lieux propices pour les extrémistes, mais des établissements qui offrent un enseignement à 1,3 million d'enfants. L'une des mesures prises par le Gouvernement a consisté à interdire, depuis 2005, aux étudiants étrangers de venir étudier dans les madrasas. Le Gouvernement a également essayé de rationaliser les programmes d'études de ces établissements: les madrasas ont ainsi été invitées à inclure six sujets modernes dans leur programme comme l'informatique, les sciences sociales et les mathématiques.

Face aux préoccupations des experts s'agissant des conditions de vie des enfants des rues, la délégation a indiqué que l'on estime à 34 000 le nombre de ces enfants au Pakistan. Un programme à leur intention est mis en œuvre en collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). Ce programme ne suffisant pas à couvrir tous les besoins de ces enfants, la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance a mis sur pied un projet supplémentaire auquel un montant de 30 millions de dollars a été alloué. Le Gouvernement a par ailleurs institué des autorités chargées de fournir un enseignement technique et professionnel aux enfants non scolarisés, afin de leur permettre de développer leurs compétences.

La délégation a par ailleurs indiqué qu'une évaluation sur les enfants touchés par les conflits armés et les enfants impliqués dans les conflits armés est actuellement menée par le Gouvernement local en collaboration avec l'UNICEF. Il est notamment prévu d'ouvrir des centres de protection pour les enfants dans les zones touchées par les conflits armés.

En ce qui concerne les enfants réfugiés, la délégation a affirmé qu'ils ont accès à l'éducation et à des soins de santé dans les camps et les centres où ils se trouvent. Il n'y a toutefois aucune disposition particulière prévue pour eux en dehors des camps. Néanmoins, il leur est tout à fait possible d'intégrer le système d'éducation publique, a précisé la délégation.

Répondant aux questions portant sur la traite, la délégation a affirmé qu'une loi sur la traite des êtres humains sanctionne ce crime de la peine de mort, si la traite se fait à des fins sexuelles. La traite qui a lieu à l'intérieur des frontières nationales est sanctionnée d'une peine de prison de cinq à dix ans, a-t-elle ajouté.

Enfin, la délégation a expliqué qu'une campagne a été lancée, en 2008, sur les principales causes de violence à l'encontre des enfants. Le Gouvernement est tout à fait conscient de la gravité du problème et s'efforce d'en informer la société. Un renforcement des capacités dans ce domaine a été promis.


Observations préliminaires

M. LOTHAR KRAPPMANN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Pakistan, a salué les nombreuses initiatives prises en matière de droits de l'enfant par ce pays ces derniers mois. Il a dit espérer que les nombreuses activités dont le rapport parle, ainsi que celles mises en évidence par la délégation aujourd'hui, porteront leurs fruits. Les politiques prises en matière de droits de l'enfant ont franchi une étape considérable, a-t-il insisté. Il a toutefois regretté une certaine lacune dans la mise en œuvre, précisant qu'il est à ce stade essentiel pour le Pakistan d'appliquer ces lois, programmes et plans d'action. Pour ce faire, des infrastructures sont nécessaires, ainsi qu'un budget et des ressources, a précisé le corapporteur. À cet égard, il a relevé l'importance d'allouer un budget suffisant à la Commission nationale pour la protection et le développement de l'enfance.

Le corapporteur a par ailleurs rappelé que l'un des faits majeurs touchant les conditions de vie des enfants pakistanais est le conflit armé qui se déroule aujourd'hui. Des enfants ont été recrutés par des groupes armés; ils ont été soumis à la menace de la violence armée; ils ont dû fuir; et beaucoup vivent dans des camps ou environnement qui leur est totalement étranger. M. Krappmann a conclu cette journée en souhaitant la paix à la population pakistanaise et à ses enfants.


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