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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LE RAPPORT DE LA BOLIVIE

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné, aujourd'hui, le quatrième rapport périodique de la Bolivie sur l'application par ce pays des dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant.

La Ministre de la justice de l'État plurinational de Bolivie, Mme Celima Torrico Rojas, a notamment fait valoir que la nouvelle Constitution du pays consacre plus de 120 articles aux droits de l'homme, y compris aux droits de l'enfant. Le pays a adopté un code des enfants et des adolescents qui établit aussi la norme de l'intérêt supérieur de l'enfant et consacre les droits à la protection et à la non-discrimination des enfants. Le Gouvernement souhaite donner aux enfants de Bolivie, non seulement un avenir, mais également un présent, a précisé la Ministre. Elle a expliqué que le nouveau gouvernement s'était lancé dans une vaste entreprise de développement qui vise l'éradication de la pauvreté, la promotion de la dignité et la juste distribution des biens, la participation de toute la collectivité à la société bolivienne, et la souveraineté du pays sur ses ressources naturelles et sa biodiversité. Le pays se trouve dans une phase de transition: une réforme juridique a été engagée et des centaines de lois sont en cours de modification.

La corapporteuse du Comité chargée du rapport de la Bolivie, Mme Rosa María Ortiz, a estimé que le nouveau paradigme bolivien de développement solidaire était un concept intéressant et s'est félicitée de certains progrès comme le fait que l'éducation primaire et secondaire ait été rendue gratuite et obligatoire, ainsi que de la présence d'un défenseur du peuple dans la presque totalité des communautés locales du pays. Elle a toutefois fait remarquer que l'importante série de changements lancée par le Gouvernement risque de mettre en péril des instances déjà en place. M. Jean Zermatten, également corapporteur pour la Bolivie, a souligné la situation ambiguë dans laquelle se retrouve le pays, alors que certaines anciennes lois sont encore en vigueur et d'autres en cours d'élaboration. Notant la multitude de plans de développement élaborés par le Gouvernement, il a relevé l'importance de mettre en place des politiques à long terme en faveur des enfants qui, a-t-il précisé, représentent 47% de la population actuelle, un chiffre destiné à s'accroître dans les années à venir. Dans des observations préliminaires, il a souligné que la décentralisation prônée par le nouveau gouvernement nécessitait une meilleure coordination à tous les niveaux. Il a estimé qu'il fallait consacrer un maximum d'efforts en faveur des enfants au niveau des municipalités, tout en s'inscrivant dans le cadre d'une politique globale.

La délégation bolivienne était également composée de la Représentante permanente de la Bolivie auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Ministère des enfants, des jeunes et des personnes du troisième âge et du Ministère de la justice. Elle a fourni aux experts des compléments d'information s'agissant, entre autres, de la lutte contre la traite des êtres humains; de la coexistence d'une justice communautaire et d'une justice nationale; des moyens mis en place pour améliorer l'éducation et le taux de scolarisation; de l'éducation sexuelle et reproductive des adolescents; des efforts déployés pour accroître l'enregistrement des naissances; et des politiques d'adoption.

Les observations finales du Comité sur ce rapport seront adoptées en séance privée et rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 2 octobre 2009.


Le Comité entamera, le mardi 22 septembre à 10 heures, l'examen des rapports de la Pologne qui portent respectivement sur l'application du Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et du Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés.


Présentation du rapport de la Bolivie

MME CELIMA TORRICO ROJAS, Ministre de la justice de l'État plurinational de Bolivie, a déclaré que le quatrième rapport périodique a été rédigé en étroite collaboration avec les administrations et les différents acteurs des services sociaux aux niveaux nationaux, régionaux et locaux. Elle a d'emblée souligné que la nouvelle Constitution du pays consacre plus de 120 articles aux droits de l'homme, alors que l'ancienne Constitution n'en consacrait que 30. Ainsi, tous les enfants ont des droits, y compris le droit à une identité culturelle et sexuelle, le droit au développement et le droit à la non-discrimination. Le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant y est également stipulé, ce qui implique, entre autres, un accès rapide à la justice. De même, le travail forcé et l'exploitation des enfants sont explicitement interdits. En ce qui concerne l'applicabilité de la Convention, la Ministre a expliqué que les traités et conventions internationaux des droits de l'homme ont prévalence sur le droit national et ce, conformément à la Constitution. Le Code des enfants et des adolescents constitue le moyen principal d'application de la Convention, a poursuivi Mme Torrico Rojas. Il établit aussi la norme de l'intérieur supérieur de l'enfant et consacre les droits à la protection et à la non-discrimination des enfants.

La Ministre bolivienne a expliqué que son gouvernement avait identifié des piliers de développement parmi lesquels figure l'éradication de la pauvreté. Le Gouvernement vise également la dignité et la juste distribution des biens, la participation de toute la collectivité à la société bolivienne, ainsi que la souveraineté qui permette au pays de protéger ses ressources naturelles et sa biodiversité. Plusieurs plans de développement ont été lancés, comme le programme «Zéro malnutrition» qui prévoit la distribution de suppléments nutritionnels aux mères. En collaboration avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), une campagne en faveur de l'allaitement a été lancée. Un programme d'alphabétisation a été mis en place conjointement avec l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO). Il est, enfin, prévu de promouvoir une couverture de santé universelle, dans le respect des us et coutumes des populations. Mme Torrico Rojas a par ailleurs fait part de l'existence d'un décret qui affirme que les parents ont une responsabilité envers leurs enfants et qui rend l'enregistrement des naissances obligatoire. En corollaire, la responsabilité des entreprises est également garantie; il est ainsi dorénavant interdit de licencier une femme enceinte. L'objectif est de donner aux enfants de Bolivie, non seulement un avenir, mais également un présent, a-t-elle conclu.

Le quatrième rapport périodique de la Bolivie (CRC/C/BOL/4) rappelle que le pays occupe le 114e rang, selon le Rapport du développement humain de 2004, 48,7% de la population vivant en dessous du seuil de la pauvreté. Le taux de pauvreté varie selon le lieu de résidence; elle frappe 90,8% de la population rurale contre 39% de la population urbaine et c'est également à la campagne que l'apport protéique de l'alimentation est le plus faible. La mortalité infantile est en baisse (54‰ pour la période 1998-2003 contre 82/000 pour la période 1993-1998) mais la baisse est inégale et la mortalité est plus élevée dans l'Altiplano que dans d'autres communautés reculées comme Los Llanos. Une des caractéristiques de la Bolivie est la diversité culturelle qui enrichit le pays, mais il s'agit également d'une source de discrimination sociale et d'exclusion. La transformation de cette situation constitue un des défis principaux que le gouvernement actuel s'est fixés. La Bolivie a en outre traversé une période très agitée sur le plan politique qui a débouché sur l'élection du président Evo Morales Ayma à la fin de 2005, ce a qui suscité beaucoup d'espoir. Le pays s'est dès lors engagé sur une voie de transformations importantes, souligne le rapport.

Selon le recensement de 2001, la population de moins de 18 ans comptait pour 47,23% des habitants du pays. L'amélioration de la situation des enfants constitue, par conséquent, une des principales priorités. Le rapport précise que la nouvelle Constitution garantit les droits de l'enfant, y compris le droit à la liberté d'expression, le droit d'association et le droit à ne pas être soumis à des traitements ou châtiments cruels, inhumains ou dégradants, dont les châtiments corporels. Des commissions de l'enfance et de l'adolescence ont été créées dans les localités en tant qu'instances décentralisées chargées de formuler des politiques en faveur des enfants et un Conseil national pour l'enfance et l'adolescence coordonne dorénavant les institutions qui travaillent avec les enfants. En outre, des services de défense des enfants et des adolescents proposent un service de conseil juridique et social dans chaque municipalité. Parallèlement à la santé, qui prévoit, entre autres, la couverture médicale universelle, laquelle est déjà offerte aux jeunes de moins de 25 ans, la priorité est donnée à l'enseignement. Les efforts d'alphabétisation et de lutte contre les abandons scolaire ont été renforcés. En guise de bourse, des bons sont offerts aux élèves pour couvrir leurs frais de scolarité. Le rapport indique aussi que 20 000 maîtres des écoles ont été formés et que l'éducation a été rendue obligatoire pour tous jusqu'à la fin de l'école secondaire.


Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

MME ROSA MARÍA ORTIZ, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Bolivie, a relevé la grande diversité géographique, ethnique et culturelle de la Bolivie, ainsi que le pillage et l'exploitation des ressources que le pays a subis pendant et après la colonisation. Coupée de ses côtes suite à des guerres avec ses voisins, le pays se trouve aujourd'hui enclavé. Il a aussi la particularité d'avoir pour la première fois à sa tête un président issu d'une population autochtone, a-t-elle noté.

La corapporteuse a relevé que le nouveau paradigme bolivien de développement solidaire est un concept intéressant mais difficile à comprendre pour une personne venant de l'extérieur. Elle a expliqué que le Comité cherche à comprendre la place faite aux enfants dans le nouveau système et qu'il compte, dans cette perspective, demander des compléments d'information à la délégation.

Mme Ortiz s'est félicitée du fait que l'éducation primaire et secondaire ait été rendue gratuite et obligatoire. Elle s'est également réjouie que la grande majorité des communautés locales du pays comptent un bureau du défenseur du peuple. Les plans de développement envisagés par le Gouvernement sont également des motifs de satisfaction. En ce concerne la nouvelle Constitution, la corapporteuse a souhaité connaître la stratégie mise en œuvre pour traduire ses grands principes dans les faits. Soulignant que 47% de la population bolivienne est âgée de moins de 18 ans, elle a estimé essentiel qu'un effort substantiel soit fourni par l'État pour assurer à ces enfants une visibilité suffisante et une participation active. Elle a également fait remarquer que l'importante série de changements risque de mettre en péril les instances déjà mises en places. S'intéressant ensuite à l'organe des droits de l'homme, elle a souhaité savoir si cette institution dispose de suffisamment de ressources et de poids pour jouer pleinement son rôle de surveillance. Saurait-il s'imposer face à un Ministère, a-t-elle demandé ?

M. JEAN ZERMATTEN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bolivie, a tout particulièrement relevé que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant est stipulé par la Constitution et que les traités internationaux ont la primauté sur la législation nationale. Il a toutefois remarqué que des anciennes lois sont encore en vigueur, comme la loi sur les enfants et les adolescents de 1999, soulignant que le pays se trouve par conséquent dans une situation assez ambiguë. Il a à cet égard souhaité savoir s'il existe un calendrier de réforme législative.

Le corapporteur a ensuite noté qu'il existait deux formes de justice que sont la forme communautaire et la forme nationale et a souhaité savoir comment la coordination s'opérait entre les deux. Qui est concrètement responsable de la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant, a-t-il demandé ?

Parmi la multitude de plans de développement élaborés, existe-il un plan spécifique pour les enfants, a-t-il également demandé ? Il a souhaité savoir si le choix de ne pas désigner un ombudsman spécifique pour les enfants mais un ombudsman qui couvre l'ensemble des droits de l'homme traduit un choix explicite de préférer la généralisation à la spécialisation.

Enfin, M. Zermatten a demandé à la délégation des informations supplémentaires sur la participation des enfants et leur droit à être entendus. Comment ces droits sont-ils transposés dans les institutions ?

Un membre du Comité s'est enquis du budget consacré à la promotion des droits de l'enfant. Comment les investissements régionaux dans ce domaine sont-ils combinés avec les investissements nationaux, sachant que pour les collectivités locales et régionales, l'enfant n'est pas nécessairement une priorité ? L'expert a également souhaité connaître les prévisions budgétaires du Gouvernement face aux effets de la crise.

S'inquiétant du nombre d'enfants boliviens qui subissent ou ont subi des actes de violence, un expert s'est enquis des mesures concrètes prises pour prévenir et mettre fin à la violence à l'égard des enfants. Il a été relevé que, selon une enquête récente, 83% des enfants sont victimes de violence physique ou psychologique, la violence sexuelle n'étant pas prise en compte dans cette enquête, a-t-il insisté. Il s'est en outre inquiété que les punitions corporelles semblent fréquentes à l'école comme au sein du foyer.

En matière de santé, un expert a fait remarquer que le nombre élevé de grossesses précoces et le fort taux d'infections sexuellement transmissibles sont préoccupants. Notant qu'il existe souvent une réticence à évoquer les questions d'ordre sexuel et reproductif avec les adolescents, il a souligné qu'elles n'en demeurent pas moins des questions graves et importantes pour les adolescents. Il a souhaité savoir si la question de la santé sexuelle et reproductive est abordée en classe.

Un autre membre du Comité a voulu savoir s'il existe des institutions pour la petite enfance, faisant valoir que la période préscolaire est critique pour l'évolution de l'enfant et qu'il serait important d'y apporter une attention particulière. Il serait aussi important de sensibiliser la population, et plus particulièrement les parents à l'importance de stimuler les enfants de cet âge.

Les autres questions du Comité ont porté sur l'âge légal du mariage; les conditions de détention des mineurs; la formation du personnel de justice et de police en matière de droits de l'enfant; les mesures prises pour baisser le fort taux de mortalité infantile; les structures prévues pour accueillir les enfants handicapés; et la lutte contre le travail des enfants.

Renseignements complémentaires fournis par la délégation

MME TORRICO, Ministre bolivienne de la justice, a expliqué qu'il était difficile pour le Gouvernement de trouver l'appui approprié, alors qu'il est au pouvoir depuis peu et cherche à réaliser de nombreux rêves. Les résistances sont nombreuses. L'Assemblée nationale doit approuver les nouvelles lois avant qu'elles puissent être appliquées et une série de questions se pose au niveau de la coordination. Des solutions sont en voie d'élaboration, a assuré la Ministre. Elle a aussi indiqué que les élections législatives qui auront lieu en décembre soulèvent beaucoup d'attentes, dans l'espoir qu'une majorité plus favorable au Gouvernement favorise l'adoption des lois. Quant à la réforme juridique, elle est déjà entamée. Des centaines de lois devant être modifiées, il s'agit d'un travail de longue haleine. Mme Torrico a fait observer qu'il fallait aussi opérer un changement de mentalité au sein de l'appareil judiciaire, dont le fonctionnement était marqué par une approche «mercantile» de la justice. Ce changement est long à réaliser. Un lourd héritage du passé pèse sur le pays et le chemin est long entre la théorie et la pratique, a-t-elle insisté. D'une manière générale, la délégation a indiqué que la Constitution n'est pas encore appliquée dans son intégralité et que le pays se trouve dans une phase de transition. Certains aspects font toutefois l'objet d'une application exceptionnelle, c'est le cas des dispositions relatives aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la définition de l'enfant, la délégation a indiqué que la Convention considère l'enfant de la naissance à 18 ans. Cette période a toutefois été divisée en deux groupes: de 0 à 12 ans et 12 à 18 ans. Cette distinction est faite dans l'intérêt de l'enfant car les deux groupes ont des besoins différents, a précisé la délégation.

En réponse à la question du corapporteur relative à la coexistence de deux systèmes de justice, la Ministre a expliqué que les deux formes de justice sont sur un pied d'égalité. La juridiction des autochtones et des paysans trouve son application en coopération avec les juridictions nationales. Par exemple, la justice nationale peut notifier une affaire à un membre de la collectivité qui est chargé de la justice autochtone et celui-ci relaye la juridiction. L'objectif, a souligné Mme Torrico, est de rédiger un projet de loi qui permettrait de définir les limites de la justice ordinaire et la coordination entre les deux systèmes. Il n'y a aucune suprématie d'un système sur l'autre, a-t-elle répété.

Quant au statut des traités internationaux, la Constitution stipule explicitement que les traités ratifiés par l'Assemblée nationale ont la primauté sur les lois et normes internes, a répété la Ministre. Elle a rappelé que la Constitution doit être conforme aux conventions et traités internationaux auxquels la Bolivie est partie. Comme la Constitution l'emporte sur la législation interne en cas de contradiction, il en est de même pour les traités internationaux.

Un membre du Comité ayant requis des informations supplémentaires sur le bureau du défenseur du peuple, la délégation a expliqué que ce dernier est indépendant des trois pouvoirs. Il a un assistant qui est plus spécifiquement chargé des droits de l'enfant; son rôle est d'enquêter sur des cas de violations des droits de l'homme; et il peut recommander que des mesures soient prises, mais il n'a pas le pouvoir de les appliquer.

S'agissant de l'enregistrement des naissances, la délégation a expliqué qu'un travail d'enregistrement rétroactif est effectué dans les régions où l'on sait qu'une partie considérable de la population ne dispose pas de certificat de naissance. Cet enregistrement est gratuit. La délégation a reconnu qu'une personne qui n'a pas de certificat de naissance et, par conséquent, pas de carte d'identité, est exclue de nombreuses prestations. Elle ne peut par exemple pas recevoir d'allocations ni une aide médicale pour l'accouchement ou pour les examens médicaux des nouveau-nés. La délégation a souligné que l'enregistrement est une mesure très populaire au sein de la population. Cette mise en règle a aussi eu pour effet d'étoffer les listes électorales, puisque les personnes non enregistrées ne pouvaient pas voter. L'enregistrement des enfants naturels se fait en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ainsi, un père qui ne souhaite pas donner son nom à un enfant né hors mariage doit prouver qu'il n'est pas le père de l'enfant. Cette mesure, a précisé la Ministre, a suscité une grande résistance de la part des hommes, au sein même de la majorité au pouvoir.

Les châtiments corporels sont, selon la nouvelle Constitution, assimilés à de mauvais traitements. La Constitution punit toute forme de violence contre les enfants dans la famille ou dans la société. La délégation a toutefois concédé que les châtiments corporels sont encore autorisés actuellement et qu'il conviendrait d'agir pour assurer l'application de ces dispositions de la Constitution dans la réalité.

Les enfants et les adolescents occupent une place centrale dans la société aux yeux du Gouvernement, a poursuivi la délégation. Il existe en effet un plan national pour les enfants qui devrait être bientôt mis en place. Ce plan cible, entre autres, les mineurs particulièrement vulnérables. L'autonomisation de l'enfant et de la famille au sein de la communauté y occupe aussi une place importante. En réponse à une demande de précisions de la part du Comité, un membre de la délégation a indiqué qu'il n'est pas encore possible d'évaluer le montant du budget futur de ce plan, puisqu'il est en voie d'élaboration.

S'agissant de la justice pour mineurs, la délégation a indiqué qu'un nouveau centre était actuellement en construction pour accueillir les jeunes en conflits avec la loi. Le Gouvernement se penche actuellement sur un nouveau code pénal distinct pour les jeunes. La réinsertion sera la règle pour les délinquants mineurs. En ce qui concerne les tribunaux pour mineurs, la délégation a indiqué qu'ils sont au nombre de trois dans le pays. Grâce à un accord de coopération avec le Danemark, 15 nouveaux centres de services intégrés pour l'accès à la justice seront créés. Ils seront composés de juges spécialisés en justice civile et pénale, ainsi qu'en justice des mineurs. Invitée à donner des précisions sur le fonctionnement de la justice pour mineurs dans le système autochtone, la délégation a expliqué que les parents sont systématiquement convoqués lorsqu'un enfant est jugé devant la justice autochtone, cette dernière estimant que les parents sont responsables des actes de leurs enfants. Les sanctions éventuelles retombent sur les parents. En effet, la justice autochtone ne fait pas la différence entre justice civile et pénale, entre la faute et la responsabilité. Elle estime qu'un déséquilibre s'est produit et qu'il doit être rétabli.

Répondant à une question sur le budget consacré à l'enfance, la délégation a souligné que l'impact de la crise financière ne s'est pas fait ressentir sur le financement des programmes en faveur de l'enfance. Les chiffres annoncent même une certaine stabilité pour les prochaines années.

S'intéressant ensuite au domaine de l'éducation, la délégation a fait part de la mise sur pied d'un système de distribution de bons aux enfants scolarisées pour les aider à faire face aux dépenses. Un système de distribution de petits déjeuners vise à encourager les parents à envoyer leurs enfants à l'école et sert aussi à lutter contre la malnutrition. La délégation a précisé que des mesures semblables existaient déjà par le passé, mais qu'elles font maintenant partie d'une politique concertée. Il ne s'agit plus d'initiatives isolées, prises au coup pas coup. D'autre part, la Ministre de la justice a rappelé qu'un programme d'alphabétisation intitulé «Yo, sí puedo» («moi, je peux») a été lancé. Ce programme vise surtout les femmes, a-t-elle précisé.

Interrogée sur les enfants des rues, la délégation a indiqué qu'elle ne disposait pas de statistiques très précises à cet égard. Elle a toutefois assuré qu'il existe des centres d'accueil où ces enfants sont soignés, reçoivent des conseils et sont nourris.

En matière de santé, la délégation a annoncé que les personnes de moins de 25 ans et de plus de 65 ans ont maintenant accès gratuitement à l'assurance maladie et il est prévu, à terme, d'étendre la couverture sociale à l'ensemble de la population. Dans le cadre de la lutte contre la malnutrition, une campagne de promotion de l'allaitement impliquant toute la société civile a été mise sur pied et les mères sont encouragées à allaiter leurs enfants jusqu'à l'âge de deux ans. D'autre part, des cours d'éducation sexuelle et reproductive sont dispensés dans les écoles. Enfin, des informations sont fournies aux adolescents sur la meilleure manière de se protéger contre la propagation du VIH/sida.

Invitée à s'exprimer sur les mesures prises pour lutter contre la violence, la délégation a expliqué qu'il existe des comités qui ont pour fonction de prévenir le recours à a violence et de protéger les victimes, y compris les victimes de violence sexuelle. Une grande importance est accordée au travail de prévention. La délégation a expliqué que le Gouvernement envisageait d'élaborer un véritable plan national de lutte contre la violence afin de faire face à ce fléau.

S'agissant de la traite des êtres humains, la délégation a souligné que les délits n'ont pas augmenté mais sont devenus plus visibles. Un centre d'accueil des victimes de la traite a été ouvert dans la capitale, La Paz. Une unité spéciale de la police nationale est chargée d'identifier les cas de trafic et d'arrêter les auteurs. Il existe aussi un numéro vert que les personnes qui souhaitent dénoncer un cas de traite d'êtres humains peuvent appeler. La délégation a également fait remarquer que la lutte contre la traite passe aussi par une meilleure coopération transnationale, précisant qu'un accord dans ce sens vient d'être conclu avec le Chili.

La délégation a d'autre part précisé que la Bolivie avait signé les conventions internationales relatives à l'adoption. Ces conventions permettent au pays d'autoriser ou d'interdire l'adoption internationale, en fonction du nombre de familles d'adoption potentielles. Au niveau interne, la délégation a fait remarquer que les procédures d'accueil étant très bureaucratiques et compliquées, il arrive souvent qu'une famille bolivienne qui veut adopter un enfant se passe des procédures judiciaires et se contente simplement de prétendre que l'enfant est le leur.

Interrogée sur les mesures prises pour placer les enfants de détenus, la délégation a reconnu qu'il s'agit d'un problème difficile qui doit être abordé. Un grand débat a lieu pour savoir s'il vaut mieux incarcérer les enfants avec les parents ou bien trouver un autre mode de garde pour eux et il est difficile de trancher cette question. En effet, un grand nombre de personnes en détention gardent leurs enfants avec eux; les enfants sont ainsi pris entre deux feux et se retrouvent incarcérés alors qu'ils ne sont pas fautifs; et cette vie en prison n'est pas une vie sans danger pour eux. La délégation a également indiqué que le Ministère de la justice s'efforce de remédier au surpeuplement en prison et au manque de services, en matière notamment de santé et d'éducation, pour les personnes détenues.

Enfin, invitée à se prononcer sur les espaces voués au jeu, la délégation a expliqué que les écoles sont munies de terrains de sport et que l'éducation physique fait partie de tous les programmes scolaires. Grâce à l'appui du Venezuela, des terrains de sport ont été construits dans les localités rurales, et quelques parcs de loisirs ont vu le jour, a-t-elle ajouté.


Observations préliminaires

M. JEAN ZERMATTEN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bolivie, a estimé que la nouvelle constitution, qui vise le renforcement de la communauté et davantage de justice sociale, pose un certain nombre de défis, notamment législatifs. Pas moins de 100 lois sont en révision, a-t-il relevé. Il a fait remarquer que la décentralisation prônée par le nouveau gouvernement nécessite également une grande coordination à tous les niveaux. Les enfants sont dans les municipalités, a-t-il rappelé, il faut donc consacrer un maximum d'efforts à ce niveau, dans le cadre toutefois d'une politique globale. Il s'agit d'une des principales difficultés du pays, a-t-il insisté.

Le corapporteur a également fait remarquer que le défi est aussi économique, même si la politique de nationalisation des ressources menée par le Gouvernement a porté ses fruits. Il a plaidé pour la mise en œuvre de politiques à long terme qu'il faut pérenniser par la loi, puisque 47% de la population actuelle est composée d'enfants, un chiffre qui augmentera encore dans les années à venir. C'est à la fois une charge et une chance, a-t-il souligné. Il s'est tout particulièrement félicité que la Constitution établisse l'obligation de la scolarité primaire et secondaire, en soulignant toutefois que d'autres mesures doivent suivre.

D'une manière générale, M. Zermatten a noté que le problème des mesures générales d'application de la Convention a dominé les discussions du jour. La coordination et l'organisation ne sont pour l'instant pas des meilleures, elles sont marquées par une certaine faiblesse, a-t-il souligné. Il a en effet rappelé que seuls onze experts sont chargés d'organiser les stratégies et les politiques pour tout un pays. Il a en outre attiré l'attention sur le manque évident de données pour mener des politiques sectorielles et globales pour les enfants. M. Zermatten a conclu son intervention en précisant que les observations et les recommandations finales que le Comité fera à l'issue de cette session évoqueront d'autres points et donneront, a-t-il espéré, des pistes utiles au Gouvernement.


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