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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE EXAMINE LE RAPPORT DE LA GRÈCE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport périodique de la Grèce sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Présentant le rapport, Mme Maria Telalian, Conseillère juridique et Chef de la section de droit public international au département juridique du Ministère grec des affaires étrangères, a notamment attiré l'attention sur la loi de 2005 sur l'application du principe d'égalité de traitement, qui fixe un cadre réglementaire général pour combattre la discrimination dans un grand nombre de domaines et désigne ou crée des organes afin de protéger, promouvoir et surveiller le respect du principe de non-discrimination. Cette loi interdit la discrimination directe comme indirecte, ainsi que le harcèlement. Ces dernières années, une série de mesures ont été prises en faveur des personnes appartenant à la minorité musulmane en Thrace, a aussi fait valoir le chef de délégation, qui a rejeté les allégations selon lesquelles des limitations seraient imposées en Thrace à la minorité musulmane qui ne se verrait pas reconnaître son identité «turque». Elle a fait observer que ces allégations ignorent totalement le fait que la minorité musulmane en Thrace est composée de trois groupes distincts dont les membres sont d'origine turque, pomaque ou rom et dont chacun a sa propre langue parlée et ses traditions culturelles, qui sont pleinement respectées par l'État grec. Toutes les différences ethniques, culturelles, linguistiques ou religieuses n'entraînent pas automatiquement la création de minorités nationales ou ethniques, a en outre souligné Mme Telalian. Elle a par ailleurs affirmé que les Roms en Grèce font partie intégrante de la société grecque et ont été identifiés par l'État comme constituant un groupe social vulnérable, en faveur duquel des mesures spéciales ont été adoptées.

La délégation grecque était également composée de représentants du Ministère des affaires étrangères - dont le Représentant permanent de la Grèce auprès de l'ONU à Genève-, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses et du Ministère de la justice. Elle a répondu aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, des raisons pour lesquelles les tribunaux grecs hésitent à restreindre la liberté d'expression, notamment dans des situations où l'incitation à la haine pourrait être en cause; de la mise en œuvre de la loi relative à l'application du principe d'égalité de traitement; de la minorité musulmane de Thrace et de la question de l'auto-identification des personnes appartenant à une minorité; de la désignation des muftis en Grèce; des questions d'éducation, en particulier pour ce qui est des écoles interculturelles et du problème de l'abandon scolaire d'enfants roms; ou encore des questions de nationalité.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport grec, M. José A. Lindgren Alves, a indiqué tirer un bilan positif de l'ensemble de ce processus d'examen. Les réformes engagées par la Grèce dans le domaine de l'éducation, notamment à l'intention des enfants roms, sont bonnes, a-t-il souligné à titre d'exemple. Le problème qui semble subsister a trait au domaine de la culture, au sens anthropologique, a-t-il ajouté. Le métissage est l'une des solutions pour sortir des problèmes que rencontrent aujourd'hui la plupart des pays dans le monde, a-t-il souligné.

Le Comité adoptera, lors de séances privées, des observations finales sur ce rapport, qui seront rendues publiques à l'issue de la session, le vendredi 28 août 2009.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du sixième rapport périodique de l'Azerbaïdjan (CERD/C/AZE/6).


Présentation du rapport de la Grèce

Présentation du rapport

M. FRANCISCOS VERROS, Représentant permanent de la Grèce auprès des Nations Unies à Genève, après avoir présenté les membres de la délégation de son pays, a souligné que la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale était un instrument capital au niveau international pour lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination raciale, y compris les nouvelles manifestations de ces phénomènes. Il a en outre assuré que la Grèce accordait une grande importance aux recommandations émanant du Comité.

MME MARIA TELALIAN, Conseillère juridique et Chef de la section de droit public international au département juridique du Ministère des affaires étrangères de la Grèce, s'est dite tout à fait consciente du fait que, comme tout autre État partie à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, la Grèce est confrontée à un certain nombre de défis importants et que des efforts complémentaires sont nécessaires afin de lutter effectivement contre la discrimination et l'exclusion. Mme Telalian a attiré l'attention sur la loi relative à l'application du principe d'égalité de traitement indépendamment de l'origine raciale ou ethnique, des croyances religieuses ou autres, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle qui a été adoptée par le Parlement grec en 2005 et qui incorpore deux directives de l'Union européenne. Cette loi fixe un cadre réglementaire général pour combattre la discrimination dans un grand nombre de domaines et désigne ou crée des organes afin de protéger, promouvoir et surveiller le respect du principe de non-discrimination (ombudsman, Inspection du travail, Comité pour l'égalité de traitement); elle interdit la discrimination directe comme indirecte, ainsi que le harcèlement, a précisé Mme Telalian. Afin de dissiper toute ambiguïté, a-t-elle ajouté, cette loi précise que l'adoption ou le maintien de mesures spéciales dans le but de prévenir ou compenser un désavantage sur la base de l'origine raciale ou ethnique ne constitue pas une discrimination. Un chapitre de cette loi est consacré à la protection des victimes de discrimination. Jusqu'ici, a indiqué Mme Telalian, l'inspection du travail et le Comité pour l'égalité de traitement n'ont eu à traiter qu'un nombre limité de plaintes. Quant à l'ombudsman, il a enquêté sur un nombre plus conséquent d'affaires, la plupart étant liées à des problèmes affectant les personnes d'origine rom; aussi, l'ombudsman a-t-il mis au point une initiative stratégique coordonnée pour les établissements roms.

Ces dernières années, a poursuivi Mme Telalian, une série de mesures ont été prises en faveur des personnes appartenant à la minorité musulmane en Thrace. Plus spécifiquement, a-t-elle précisé, le quota spécial de 0,5% qui a été fixé pour l'admission des élèves appartenant à la minorité musulmane dans les universités et les écoles techniques supérieures s'est traduit par une hausse substantielle du nombre d'élèves appartenant à cette minorité dans les établissements d'enseignement supérieur du pays. Plus récemment, une loi adoptée l'an dernier a introduit le même quota pour le recrutement de membres de cette même minorité dans le secteur public par le biais d'examens d'État. Par ailleurs, des cours en langue turque – en tant que langue étrangère optionnelle – ont été introduits, depuis 2006, dans les programmes scolaires des écoles publiques en Thrace. D'autre part, depuis 2007, le Ministère de l'éducation nationale et des affaires religieuses a permis le recrutement de 240 imams et a pourvu à leur rémunération, sous la supervision des muftis compétents. Une loi de 2008 réglemente toutes les questions ayant trait aux wakfs, c'est-à-dire aux fondations religieuses musulmanes, a ajouté Mme Telalian, précisant que cette loi prévoit l'élection des membres de trois comités de gestion par la minorité concernée elle-même – ce qui était une revendication de longue date de la minorité musulmane.

Pour ce qui est des allégations selon lesquelles des limitations seraient imposées en Thrace à la minorité musulmane qui ne se verrait pas reconnaître son identité «turque», la délégation a souligné que ces allégations ignorent totalement le fait que la minorité musulmane en Thrace est composée de trois groupes distincts dont les membres sont d'origine turque, pomaque ou rom, a souligné Mme Telalian. Chacun de ces groupes a sa propre langue parlée et ses traditions culturelles, qui sont pleinement respectées par l'État grec, a-t-elle déclaré. Elle a réitéré la position de tous les gouvernements grecs selon laquelle la minorité musulmane en Thrace ne peut pas être identifiée dans son ensemble comme «turque» et ce, en dépit des tentatives constantes de la composante d'origine turque de cette minorité d'imposer ses caractéristiques culturelles et ses traditions aux deux autres composantes (les Pomaques et les Roms). De telles tentatives ne sont pas conformes au Traité de Lausanne, qui réglemente le statut de la minorité musulmane en Thrace, et sont contraires aux normes contemporaines de droits de l'homme en matière de protection des minorités, lesquelles exigent le respect de l'identité de tout groupe plus petit au sein d'un groupe minoritaire plus vaste, a souligné Mme Telalian. Ceci étant dit, tous les membres de la minorité musulmane sont libres de déclarer leur origine, de parler leur propre langue, de pratiquer leur religion et d'observer leurs coutumes et traditions particulières.

En ce qui concerne les allégations relatives à l'existence de «minorités» autres que la minorité musulmane en Thrace, Mme Telalian a rappelé que toute personne peut librement proclamer, sans que cela n'ait aucune conséquence négative, qu'elle appartient à un groupe ethnique ou culturel distinct. Pour autant, de telles proclamations ou perceptions subjectives d'un petit nombre de personnes, qui ne sont pas fondées sur des faits et critères objectifs, ne sauraient suffire, en elles-mêmes, pour imposer une obligation à l'État de reconnaître un groupe comme constituant une minorité et pour conférer aux membres de ce groupe des droits spécifiques applicables à une minorité. En outre, toutes les différences ethniques, culturelles, linguistiques ou religieuses n'entraînent pas automatiquement la création de minorités nationales ou ethniques. Dans ce contexte, a souligné Mme Telalian, les assertions selon lesquelles la Grèce ne reconnaît pas l'existence d'une minorité nationale ou linguistique sous le nom de «Macédoniens» sont sans aucun fondement et risquent d'engendrer des tensions potentielles sur les identités existantes dans la région ainsi qu'une sérieuse confusion quant au nom de «Macédoniens» étant donné que ce nom est également utilisé dans le sens culturel et régional par des centaines de milliers de Macédoniens grecs vivant dans la région de la Grèce septentrionale.

Évoquant ensuite la situation des Roms en Grèce, Mme Telalian a assuré que les Roms grecs font partie intégrante de la société grecque. Par le biais de leurs représentants et de leurs associations, ils ont exprimé sans aucune équivoque – en particulier lors de la troisième conférence panhellénique – leur souhait d'être considérés et traités comme des citoyens grecs et non comme des personnes d'origine rom, a-t-elle indiqué. Les Roms grecs ont été identifiés par l'État comme constituant un groupe social vulnérable, en faveur duquel des mesures spéciales ont été adoptées, a-t-elle ajouté. Le programme de prêts immobiliers pour les Roms grecs consiste à octroyer 9000 prêts immobiliers d'un montant de 60 000 euros chacun pour les Roms grecs vivant dans des conditions de logement inadéquates, a-t-elle notamment précisé, faisant valoir qu'à ce jour, quelque 7772 familles ont bénéficié de ce programme. Dans le domaine de l'éducation, un nombre considérable d'élèves ont bénéficié du programme pour l'éducation des élèves roms grecs, dont l'objectif est de favoriser l'intégration dans élèves roms dans le système éducatif et de réduire le taux d'abandon scolaire. Mme Telalian a assuré le Comité que la Grèce était pleinement consciente de l'urgence qu'il y a pour elle à trouver des solutions appropriées aux problèmes rencontrés par les personnes d'origine rom.

En 1979, le Parlement grec a adopté la loi n°927 qui punit l'incitation à des actes ou activités susceptibles de se traduire par des actes de discrimination, de haine ou de violence à l'encontre d'individus ou de groupes d'individus sur la seule base de l'origine raciale ou ethnique ou de la religion de ces individus, a indiqué Mme Telalian. Jusqu'à récemment, a-t-elle poursuivi, cette loi n'avait fait l'objet que d'une application limitée, essentiellement en raison de la réticence des tribunaux à restreindre la liberté d'expression, mais aussi parce que la Grèce n'a jamais connu de mouvement extrémiste organisé ni de tensions sociales entre différents groupes de la population. Comme chacun sait, depuis les années 1990, la société grecque est devenue plus diverse, ce qui a progressivement accru la prise de conscience quant à l'importance que revêt la législation pénale antiraciste comme moyen de préserver la paix sociale et de protéger les personnes appartenant aux groupes vulnérables. Durant la période 2007-2008, a précisé Mme Telalian, des poursuites pénales pour violation de la loi 927/1979 ont été engagées dans quatre affaires, aboutissant à un acquittement, à une condamnation et à deux rejets en appel de deux condamnations prononcées en première instance.

Mme Telalian a par ailleurs attiré l'attention sur une autre évolution importante intervenue en matière législative, à savoir que depuis novembre 2008, la commission d'un délit motivé par la haine ethnique, raciale ou religieuse ou par la haine liée à l'orientation sexuelle constitue une circonstance aggravante.

La Grèce reconnaît pleinement l'importance qu'il y a à assurer l'obligation redditionnelle des agents chargés de l'application des lois, sans exception aucune, a poursuivi Mme Telalian. Toute plainte pour mauvais traitement imputable à des agents de police est enregistrée et fait l'objet d'une enquête approfondie du point de vue disciplinaire, ce qui peut aboutir à des sanctions graves telles que le licenciement ou la suspension. En outre, les autorités de police ont le devoir d'enquêter sur l'existence de motifs raciaux dans les affaires pénales et administratives dans lesquelles sont impliqués des ressortissants étrangers ou des personnes appartenant à des groupes vulnérables.

Toutes les personnes résidant légalement en Grèce jouissent des mêmes droits de sécurité sociale que les ressortissants grecs, a par ailleurs souligné Mme Telalian. Une politique d'intégration sociale effective est capitale pour la prévention des phénomènes d'exclusion sociale, de racisme et de xénophobie et pour la promotion de la cohésion sociale, a-t-elle ajouté. Aussi, les autorités grecques ont-elles mis en place un Plan d'action pour l'intégration des ressortissants de pays tiers résidant légalement sur le territoire grec, qui couvre la période 2007-2013 et les secteurs de l'information et des services, de l'emploi, de l'éducation, du logement, de la santé et de la culture.

L'immigration illégale pose des défis croissants à la Grèce, a ajouté Mme Telalian. On estime à quelque 150 000 le nombre d'étrangers entrés illégalement en Grèce pour la seule année 2008, a-t-elle précisé. Ces personnes, qui fuient la pauvreté et les difficultés économiques dans leurs pays d'origine, cherchent essentiellement à rejoindre d'autres pays européens, la Grèce n'étant pour la majorité d'entre-elles qu'un pays de première halte. Aussi, la Grèce subit-elle une pression migratoire croissante et disproportionnée liée à sa position géographique aux marges de l'Union européenne. Les autorités grecques reconnaissent que les conditions d'accueil ou de détention des ressortissants étrangers qui entrent irrégulièrement dans le pays devraient respecter pleinement les droits de l'homme et la dignité humaine, a affirmé Mme Telalian. Les nouveaux centres d'accueil pour migrants irréguliers qui sont actuellement prévus répondront aux normes modernes de droits de l'homme, a-t-elle assuré. Quant aux droits des requérants d'asile, ils continueront d'être protégés, tout comme continuera d'être respecté le principe de non-refoulement.

Le dix-neuvième rapport périodique de la Grèce (CERD/C/GRC/16-19) souligne notamment que le Programme d'action pour l'intégration sociale des Roms grecs a donné des résultats positifs, notamment dans le domaine du logement. Il souligne par ailleurs que les actions ou activités qui entraînent une discrimination raciale ont été érigées en infraction pénale et que les procureurs peuvent engager des poursuites d'office. Toutefois, la législation pénale pertinente n'a guère été appliquée à ce jour, reconnaît le rapport. Par ailleurs, la lutte contre le racisme et la xénophobie au sein des forces de police grecques a été placée au rang de priorité, ajoute-t-il. D'autre part, les garanties visant à protéger le libre exercice de la liberté religieuse ont été renforcées.

Selon les statistiques officielles du Ministère de l'intérieur concernant les ressortissants de pays tiers (c'est-à-dire hors Union européenne) résidant légalement en Grèce, on dénombrait 481 501 permis de séjour valables sur le territoire au 15 octobre 2007. Selon cette source, précise le rapport, les Albanais sont le groupe de migrants le plus représenté en Grèce, avec 303 225 personnes, suivis des Ukrainiens avec 19 005 personnes, des Géorgiens avec 12 990 personnes et des Pakistanais avec 12 126 personnes.

Ces dernières années (2005 et 2006), poursuit le rapport, le taux d'octroi du statut de réfugié a augmenté alors qu'il a baissé dans d'autres pays européens. En 2005, le droit d'asile a été accordé à 39 personnes et 85 autres ont bénéficié d'une protection subsidiaire (pour des motifs humanitaires). En 2006, le statut de réfugié a été accordé dans 64 cas et 129 personnes dont la demande d'asile a été rejetée ont bénéficié d'une protection subsidiaire. Il existe un très petit nombre de musulmans «apatrides» qui résident en Thrace, indique en outre le rapport. Des cartes d'identité spéciales leur ont été délivrées, conformément à la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, à laquelle la Grèce est partie. Parallèlement, le Ministère de l'intérieur a donné pour instruction aux autorités locales d'accélérer la procédure de naturalisation de ces personnes.



Examen du rapport de la Grèce

Questions et observations des membres du Comité

M. JOSÉ A.LINDGREN ALVES, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, a jugé particulièrement complète la présentation du rapport faite par Mme Telalian. Il a dit avoir pleinement conscience que depuis le Traité de Lausanne de 1923, la Grèce ne reconnaît qu'une minorité, à savoir la minorité religieuse des musulmans de Thrace orientale. M. Lindgren Alves a fait observer que la Grèce n'a pas ratifié la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales qu'elle a signée il y a plus de dix ans.

M. Lindgren Alves a relevé que selon le rapport présenté par l'État partie, les Roms grecs représentent 250 000 à 300 000 personnes et ne sont pas considérés comme une minorité mais comme un groupe vulnérable. Il a par ailleurs estimé qu'il n'est pas nécessaire de reconnaître officiellement une minorité – un mot qui ne figure d'ailleurs même pas dans la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale – pour protéger de manière convenable les droits humains universels de membres de groupes vulnérables ou de minorités ethniques.

L'expert s'est par ailleurs félicité de la loi relative à l'application du principe d'égalité de traitement adoptée par la Grèce en 2005.

Le rapporteur a relevé que la Grèce reconnaît elle-même être devenue un pays de destination pour les victimes de la traite d'êtres humains et a souhaité en savoir davantage à ce sujet. Il a par ailleurs souhaité savoir si les enfants des immigrants musulmans des différentes régions sont considérés comme des citoyens grecs ou s'ils sont voués à rester éternellement des étrangers.

L'expert a par ailleurs exprimé l'espoir que le Gouvernement grec maintiendra sa position de fermeté face aux organisations qui incitent à la haine et au racisme s'il s'avérait vraies les allégations selon lesquelles l'antisémitisme et autres manifestations rappelant le régime nazi sont assez fréquentes dans les publications grecques non officielles et dans les déclarations de personnalités publiques.


Quelle expérience a-t-elle été tiré jusqu'à présent de l'application de la loi de 2005 relative à l'application du principe d'égalité de traitement, a demandé un autre membre du Comité ?

Eu égard aux conditions d'accueil décrites par certaines organisations non gouvernementales, Un expert a demandé s'il ne serait pas judicieux, notamment, que les autorités grecques accélèrent les procédures de traitement des demandes d'asile afin que les requérants d'asile sachent rapidement s'ils sont acceptés ou déboutés.

La Grèce est un état de droit doté d'une assise juridique bien solide, a relevé un autre expert. Le pays a beaucoup fait ces dernières années pour protéger les droits des citoyens grecs, y compris ceux de la minorité musulmane, a souligné cet expert.

Un autre membre du Comité s'est enquis du statut exact des Pomaques, demandant en particulier s'ils sont reconnus comme un groupe distinct ?

Un expert a souhaité obtenir des précisions concernant les modalités de désignation des muftis qui, semble-t-il, sont les guides spirituels des musulmans, préconisant à cet égard que les muftis soient désignés par la minorité musulmane elle-même. Il a relevé qu'il y a en Grèce un grand nombre d'enfants migrants non accompagnés originaires de divers pays comme l'Afghanistan et autres régions en guerre et qui ne sont pas nécessairement à la recherche d'opportunités d'emploi mais plutôt à la recherche de sécurité. Or selon certaines informations, ces enfants ne jouiraient pas toujours de la protection appropriée, a souligné cet expert. Il a cité le cas d'un jeune afghan de 16 ans qui, à son arrivée dans un port grec a été reçu par la police en se voyant jeter son sac à la mer avant que lui-même ne soit jeté à la mer puis sorti de l'eau à plusieurs reprises; l'expert a également cité le cas d'une jeune afghane qui est restée 11 jours en garde à vue à son arrivée dans le pays.

Un membre du Comité a fait état d'informations émanant de groupes de droits de l'homme selon lesquelles il y aurait en Grèce des tendances extrémistes exprimant des opinions xénophobes contre les juifs et les étrangers. Il a demandé quelle était la tendance en la matière et si le phénomène s'aggrave, comme c'est le cas ailleurs en Europe ?

La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, certes, ne parle pas de minorité; mais elle parle de groupes au sens de la Convention, a souligné un expert. N'y aurait-il pas un groupe ethnique albanais en Grèce; n'y a-t-il pas de citoyens grecs d'origine albanaise dans la partie nord-ouest du pays, a par ailleurs demandé cet expert? Il a fait observer que tous les pays voisins qui se trouvent au nord de la Grèce reconnaissent au moins une dizaine de minorités et a estimé que la Grèce ne devrait pas en rester, de ce point de vue, sur les disposition du traité de Lausanne, qui date de 1923.

Un membre du Comité s'est enquis de la contribution de la Commission nationale des droits de l'homme de la Grèce à la lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Réponses de la délégation

La délégation a expliqué que généralement, les tribunaux grecs hésitent à restreindre la liberté d'expression d'une part pour des raisons historiques, liées à l'expérience de la junte militaire et, d'autre part, parce que traditionnellement, la société grecque est imperméable aux comportements racistes. Les incidents tout à fait isolés qui ont pu se produire en Grèce récemment ne sont pas la manifestation d'une idéologie véritablement raciste car la société grecque ne tolère pas ce type de comportements, a affirmé la délégation. Pour autant, les autorités grecques ne sous-estiment pas les dangers de l'idéologie raciste et c'est pourquoi récemment, une nouvelle loi a été adoptée qui condamne les discours racistes et haineux. La délégation a indiqué ne pas penser qu'en Grèce, l'opinion ait pu manifester ou adopter des positions antisémites. La Grèce a même pris des mesures pour que l'holocauste soit inclus dans les programmes scolaires, a souligné la délégation.

En ce qui concerne la loi relative à l'application du principe d'égalité de traitement, la délégation a de nouveau souligné que son objectif était de fixer un cadre réglementaire général et de mettre en place un certain nombre d'organes chargés de l'application du principe de non-discrimination. Cette loi interdit la discrimination directe comme indirecte, a en outre rappelé la délégation. L'article 6 de cette loi précise que l'adoption ou le maintien en vigueur de mesures spéciales ne constitue pas une discrimination et correspond au principe d'action positive qui est lui-même conforme au principe d'égalité de traitement. Cette législation constitue un dispositif tout à fait nouveau puisqu'elle a été adoptée en 2005. Néanmoins, le premier rapport du bureau de l'ombudsman concernant l'application de cette loi fait savoir que le nombre d'affaires soumises au bureau au titre de cette loi a été de 26, dont neuf font toujours l'objet d'une enquête, a notamment indiqué la délégation. En conclusion, on peut dire que la loi relative à l'application du principe d'égalité de traitement n'a pas encore développé tout son potentiel, a-t-elle reconnu. De nouveaux efforts sont donc nécessaires afin que le public soit mieux informé de cette loi, a-t-elle ajouté.

En ce qui concerne la minorité musulmane de Thrace, la délégation a rappelé que le Traité de Lausanne met l'accent sur le caractère religieux de cette minorité. Quoi qu'il en soit, la Grèce ne nie pas que la minorité musulmane comporte des groupes différents – Turcs, Pomaques et Roms – ce qui témoigne que la Grèce ne se limite pas à la terminologie du Traité de Lausanne, a souligné la délégation. Les trois groupes susmentionnés sont tout à fait libres d'exprimer leurs cultures et leurs identités propres et de parler leurs langues, a-t-elle ajouté.

Lorsque l'on parle d'auto-identification, il faut souligner qu'il ne s'agit pas d'un principe abstrait, a poursuivi la délégation grecque; il s'agit au contraire d'un principe tout à fait spécifique, comme le prévoit la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la protection des minorités nationales, laquelle, dans son article 3, exprime clairement ce qu'il faut entendre par auto-identification. L'auto-identification désigne un processus par lequel une personne s'identifie, en toute liberté, comme membre d'une minorité et choisit d'être traitée comme membre de cette minorité. En même temps la Convention-cadre exige que certains critères objectifs soient remplis pour que le processus d'auto-identification soit valable. Il y a donc des critères objectifs et subjectifs qui doivent être respectés dans le cadre de l'exercice de ce droit à l'auto-identification. C'est au vu de l'ensemble de ces critères que l'on ne saurait prétendre que la totalité de la minorité musulmane de Thrace soit turque, a souligné la délégation.

Répondant à une question sur la désignation des muftis, la délégation a rappelé que les muftis peuvent accomplir des actes à caractère judiciaire; ils appliquent la loi de la charia. C'est la raison pour laquelle les autorités grecques nomment ces muftis parmi des personnes éminentes et dans le cadre d'une procédure entièrement transparente; il ne s'agit en aucun cas d'une nomination arbitraire, a assuré la délégation. Certains milieux de la minorité musulmane ont néanmoins choisi, en contradiction avec la loi, de désigner leurs propres muftis dans le cadre d'une élection à laquelle les femmes ne sont pas autorisées à participer. Ainsi, des muftis sont-ils nommés légalement et d'autres illégalement, a indiqué la délégation. Les tribunaux grecs n'appliquent pas les décisions des muftis qui pourraient être en contradiction avec la loi grecque, a-t-elle par ailleurs souligné.

La délégation a par ailleurs évoqué l'attitude d'un groupe - non reconnu comme une minorité nationale mais qui possède néanmoins son propre parti politique et peut s'exprimer dans sa propre langue – qui ne s'identifie pas sur la base de critères objectifs alors que le terme de «Macédoniens» est aussi utilisé par des centaines de milliers de Grecs qui vivent dans le nord du pays: les Macédoniens grecs, qui ne s'identifient pas, ni ne se considèrent comme slaves, a souligné la délégation.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a indiqué que la Grèce compte actuellement 25 écoles interculturelles, dont 13 dans le primaire et 12 dans le secondaire.

Pour ce qui est abandons scolaires d'enfants roms, la délégation a indiqué que pour l'année 2008-2009, les chiffres indiquent que pour 1243 élèves roms scolarisés en maternelle, 280 ont abandonné l'école. Au niveau du primaire, sur 11 128 élèves roms, 1647 ont abandonné l'école.

Interrogée sur la raison pour laquelle les Roms de Grèce sont considérés comme un groupe vulnérable et non comme une minorité, la délégation a rappelé la déclaration d'auto-identification faite par les Roms de Grèce le 28 avril 2001 lors de la troisième conférence panhellénique: «Nous, Gitans de Grèce, déclarons sans équivoque que nous faisons partie intégrante de l'hellénisme et que tout autre point de vue à ce sujet autrement exprimé fera l'objet de notre opposition».

En ce qui concerne les questions de nationalité, la délégation a rappelé que la Grèce applique le droit du sang et non le droit du sol. Les enfants étrangers qui souhaitent obtenir la nationalité grecque doivent donc passer par une procédure de naturalisation. À 18 ans, un enfant étranger dont les parents ont continué à résider légalement sur le territoire grec peut demander à bénéficier du statut de résident à long terme – statut qui est assorti d'un certain nombre de privilèges, a expliqué la délégation.

La Commission nationale des droits de l'homme de la Grèce a rendu toute une série de recommandations dont la portée peut intéresser le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, a par ailleurs fait savoir la délégation. Elle a notamment fait état d'un rapport assez récent sur la législation antidiscrimination de la Grèce qui a été publié par cette Commission.

Observations de conclusion

Un membre du Comité a fait observer que la législation grecque en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale semble très satisfaisante mais force est de constater que jusqu'à présent, son application reste très limitée. Il a notamment souligné qu'invoquer la réticence des tribunaux à remettre en cause la liberté d'expression ne semble pas être une justification judicieuse dans ce contexte. En effet, beaucoup d'actes racistes – notamment les violences racistes– ne remettent pas en cause la liberté d'expression, a fait observer cet expert. Il conviendrait donc que les autorités compétentes veillent à l'effectivité des poursuites judiciaires contre les actes racistes, a-t-il souligné.

Un autre membre du Comité a relevé que les citoyens grecs d'origine ethnique albanaise ne peuvent pas étudier dans leur langue maternelle, pas plus que les citoyens grecs d'origine ethnique slave.


Présentant des observations préliminaires à l'issue de cet examen, le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Grèce, M. José A. Lindgren Alves, a remercié la délégation pour ses réponses détaillées aux questions soulevées par les membres du Comité. Il a indiqué tirer un bilan positif de l'ensemble de ce processus d'examen du rapport grec. Les réponses apportées par la délégation sont satisfaisantes à presque 100%, a-t-il insisté. Il s'est dit favorablement impressionné par ces réponses comme par le rapport.

Les réformes engagées par la Grèce dans le domaine de l'éducation, notamment à l'intention des enfants roms, sont bonnes, a poursuivi M. Lindgren Alves. Le problème qui semble subsister a trait au domaine de la culture, au sens anthropologique, a-t-il ajouté. Le métissage est l'une des solutions pour sortir des problèmes que rencontrent aujourd'hui la plupart des pays dans le monde, a-t-il souligné, au Brésil comme en Grèce. L'avenir du monde est dans le métissage, a-t-il insisté.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


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