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LE COMITÉ SUR LES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS TIENT UNE TABLE RONDE SUR LE DROIT À LA LIBERTÉ D'ASSOCIATION POUR LES TRAVAILLEURS MIGRANTS

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants, qui clôt dans l'après-midi les travaux de sa dixième session, a tenu, ce matin, une table ronde consacrée à l'importance du droit à la liberté d'association pour les travailleurs migrants. Cette table ronde, organisée à l'occasion de la Journée internationale du travail, a notamment fourni l'occasion de dresser un constat des difficultés que rencontrent les travailleurs migrants pour accéder à la liberté d'association; de rappeler les diverses normes internationales relatives au droit à la liberté d'association pour les travailleurs migrants, en particulier les normes des Nations Unies et celles de l'Organisation internationale du travail; et de se pencher sur la question de l'application de ce droit aux travailleurs migrants en situation irrégulière.

Ouvrant cette table ronde, le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a lancé un appel aux États pour qu'ils prennent les dispositions législatives et autres nécessaires pour permettre aux migrants de jouir du droit à la liberté d'association et rendre ce droit opérationnel. Il a également lancé un appel aux syndicats et aux associations professionnelles pour qu'ils permettent aux travailleurs migrants d'exercer leur droit à la liberté d'association en exerçant des pressions sur les États à cette fin. Les migrants jouent un rôle important dans les pays d'accueil, et ce n'est pas parce que nous traversons une période de crise financière et économique que nous devons leur renier ce droit à la liberté d'association, a souligné M. El Jamri. Il a par la suite souligné que le droit à la liberté d'association des travailleurs migrants doit s'appliquer tant aux migrants en situation régulière qu'à ceux qui sont sans papiers.

L'application des droits des travailleurs migrants à créer des syndicats et à s'y affilier reste problématique, tant en termes législatifs que pratiques, a pour sa part souligné M. Ngonlardje Mbaidjol, Conseiller spécial de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme. Il existe aussi certaines zones grises, en particulier en ce qui concerne les travailleurs sans papiers ou en situation irrégulière, a-t-il ajouté. M. Mbaidjol a par ailleurs souligné que les travailleurs migrants ne souffrent pas seulement d'obstacles juridiques à l'exercice de leur droit de créer des syndicats et de s'y affilier, mais aussi d'attaques, y compris des arrestations, des détentions et des expulsions, pour s'être engagés dans des activités syndicales.

Mme Cleopatra Doumbia-Henry, Directrice du Département des normes internationales du travail à l'Organisation internationale du travail, a rappelé les conventions de l'OIT traitant des questions de liberté syndicale et des droits des travailleurs migrants. Un cadre multilatéral sur les migrations pour le travail adopté en 2006 a appelé au respect du droit syndical et du droit de négociation collective des travailleurs migrants. Mme Doumbia-Henry a souligné qu'il est extrêmement difficile pour les travailleurs migrants d'appliquer leurs droits syndicaux, et la présente crise économique obère encore davantage leur capacité à exercer ce droit, car craignant de perdre leur emploi, les travailleurs migrants hésitent encore davantage à faire valoir ce droit.

Mme Wol-san Liem, Coordonnatrice de la solidarité internationale pour le Syndicat des travailleurs migrants de Corée du Sud, a dénoncé les attaques et la répression dont sont victimes les travailleurs migrants en République de Corée, alors que M. Marion Hellmann, Secrétaire général adjoint de l'Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, a attiré l'attention sur la vulnérabilité particulière des personnes qui travaillent dans ces secteurs, attirant l'attention en particulier sur la situation à Dubaï, où travaillent deux millions de travailleurs migrants qui n'ont pas le droit de se syndiquer ou de mener des négociations collectives.

Au cours de la discussion qui a suivi, sont intervenus des représentants du Venezuela, du Guatemala, de la République dominicaine, du Mexique et de la Thaïlande, ainsi que certains membres du Comité, des représentants de l'OIT et de l'Organisation internationale des migrations et des représentants de la Commission internationale catholique pour les migrations et du Cercle de recherche sur les droits et les devoirs de la personne humaine.


Le Comité doit clore les travaux de sa dixième session cet après-midi, à 15 heures, en rendant publiques ses observations finales sur les rapports examinés durant cette session.

Aperçu des discussions

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité, a insisté sur l'importance du droit à la liberté d'association des travailleurs migrants, qui n'est pas toujours garanti dans plusieurs États, notamment dans des États parties à la Convention, comme a pu le constater le Comité à diverses occasions en examinant les rapports d'États parties. Dans certains pays, ce droit n'existe absolument pas, a-t-il ajouté. M. El Jamri a donc indiqué que cette table ronde organisée à l'occasion de la Journée internationale du travail fournit l'occasion de lancer un appel aux États pour qu'ils prennent les dispositions législatives et autres nécessaires pour permettre aux migrants de jouir du droit à la liberté d'association et rendre ce droit opérationnel.

Le Président du Comité a également lancé un appel aux syndicats et aux associations professionnelles pour qu'ils permettent aux travailleurs migrants d'exercer leur droit à la liberté d'association en exerçant des pressions sur les États à cette fin. Les migrants jouent un rôle important dans les pays d'accueil et ce n'est pas parce que nous traversons une période de crise financière et économique que nous devons leur renier ce droit à la liberté d'association, a souligné M. El Jamri.

Le Président du Comité a par la suite souligné que le droit à la liberté d'association des travailleurs migrants doit s'appliquer tant aux migrants en situation régulière qu'à ceux qui sont sans papiers.

M. NGONLARDJE MBAIDJOL, Conseiller spécial de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a rappelé que la non-discrimination et l'égalité des chances et de traitement pour tous les travailleurs constituent des principes centraux des normes de travail et des droits de l'homme. Il a fait observer que l'avis consultatif OC-18 de la Cour interaméricaine concernant la situation juridique et les droits des migrants sans papiers considère expressément la non-discrimination comme une obligation à laquelle il ne saurait être dérogé et qui s'applique aux droits du travail des travailleurs migrants. Pourtant, a relevé M. Mbaidjol, la réalité pour les migrants, en particulier ceux qui se trouvent en situation irrégulière et sans papiers, est souvent faite de discrimination voire d'exploitation et d'abus. Le droit à la liberté d'association et le droit de se syndiquer et de créer un syndicat sont des droits essentiels pour assurer que les travailleurs puissent s'organiser afin de promouvoir et défendre leurs droits, a poursuivi le Conseiller spécial.

M. Mbaidjol a rappelé que la liberté d'association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective font partie des quatre normes de travail fondamentales reconnues par l'Organisation internationale du travail. Pour sa part, la Déclaration universelle des droits de l'homme stipule, au paragraphe 4 de son article 23, que «toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts». Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels prévoient ce même droit. Par ailleurs, a poursuivi M. Mbaidjol, tous les organes de droits de l'homme s'accordent pour reconnaître que tous les migrants, quel que soit leur statut d'immigration, devraient jouir de leurs droits syndicaux. Comme chacun sait, a-t-il déclaré, «la Convention sur les travailleurs migrants prévoit le droit à la liberté d'association dans son article 26, alors que l'article 40 de cette même Convention limite le droit de créer des associations et des syndicats dans le pays d'emploi aux seuls migrants qui se trouvent en possession de papiers ou en situation régulière».

En dépit de ces garanties en vertu des normes de droits de l'homme internationales, a poursuivi M. Mbaidjol, les législations dans certains pays limitent le droit de créer un syndicat et de s'y affilier aux seuls citoyens ou aux seuls migrants en possession de papiers. En outre, les législations nationales prévoient parfois des restrictions à l'implication dans des activités syndicales pour les travailleurs du secteur informel, où l'on trouve un grand nombre de migrants. Les organes de traités ont exprimé leurs préoccupations face aux limitations dont fait l'objet le droit de créer des syndicats et de s'y affilier. M. Mbaidjol a par ailleurs souligné que les travailleurs migrants ne souffrent pas seulement d'obstacles juridiques à l'exercice de leur droit de créer des syndicats et de s'y affilier, mais aussi d'attaques, y compris des arrestations, des détentions et des expulsions, pour s'être engagés dans des activités syndicales, comme cela a été rapporté par les rapporteurs spéciaux sur les migrants et sur les défenseurs des droits de l'homme.

Chacun en conviendra, l'application des droits des travailleurs migrants à créer des syndicats et à s'y affilier reste problématique, tant en termes législatifs que pratiques, a conclu M. Mbaidjol. Il existe aussi certaines zones grises, en particulier en ce qui concerne les travailleurs sans papiers ou en situation irrégulière, a-t-il ajouté.

MME CLEOPATRA DOUMBIA-HENRY, Directrice du Département des normes internationales du travail à l'Organisation internationale du travail, a rappelé les diverses conventions de l'OIT traitant des questions qui intéressent la présente table ronde et au nombre desquelles figurent les conventions n°87, n°97 et n°143, qui traitent respectivement de la liberté syndicale et la protection du droit syndical; des travailleurs migrants; et encore des travailleurs migrants (dispositions complémentaires). En 1998, l'OIT a organisé a adopté la Déclaration sur les principes et droits fondamentaux au travail dans laquelle est réaffirmé le caractère essentiel de la liberté d'association, a ajouté Mme Doumbia-Henry.

En 2006, a poursuivi la Directrice, a été adopté un cadre multilatéral sur les migrations pour le travail qui appelle au respect du droit syndical et du droit de négociation collective des travailleurs migrants.

Mme Doumbia-Henry a souligné que la convention n°87 de l'OIT énonce le principe général de la liberté d'association pour tous les travailleurs, les seules exceptions autorisées touchant aux membres de l'armée et de la police. Elle a par ailleurs attiré l'attention sur les travaux de l'organe de contrôle que constitue le Comité sur la liberté syndicale de l'OIT.

Il est extrêmement difficile pour les travailleurs migrants d'appliquer leurs droits syndicaux et la présente crise économique obère encore davantage leur capacité à exercer ce droit, tant il est vrai que, craignant de perdre leur emploi, les travailleurs migrants hésitent encore davantage à faire valoir ce droit, a souligné Mme Doumbia-Henry. Elle a toutefois fait état de certains progrès dans certains pays qui dialoguent avec les organes de supervision de l'OIT: tel est notamment le cas en Autriche ou encore au Lesotho, en Espagne et au Koweït. Elle a rendu hommage aux efforts déployés par les syndicats, notamment en Afrique, afin de faire valoir les droits syndicaux des travailleurs migrants.

MME WOL-SAN LIEM, Coordonnatrice de la solidarité internationale pour le Syndicat des travailleurs migrants de Corée du Sud, a indiqué que son syndicat, cas unique en République de Corée, a été créé par des migrants sans papiers originaires du Bangladesh et auxquels se sont associés d'autres travailleurs sans papiers d'Asie du Sud et du Sud-Est. Elle a dénoncé les attaques et la répression dont sont victimes les travailleurs migrants en République de Corée. Elle a souligné que le Ministère du travail avait refusé d'enregistrer son syndicat, marquant le début d'une longue procédure juridique qui s'est soldée par un décret de la Cour suprême affirmant que les travailleurs migrants sans papiers avaient parfaitement le droit de créer un syndicat et de s'organiser en syndicat. Néanmoins, a précisé Mme Liem, le Ministère du travail a fait appel et on attend de nouveau le verdict de la Cour suprême. Mme Liem a dénoncé la répression ciblée exercée par les autorités de la République de Corée qui arrêtent des responsables syndicaux.

En conclusion, Mme Liem a insisté pour que l'on continue à faire pression sur le Gouvernement de la République de Corée et les autres gouvernements qui violent le droit à la liberté d'association des travailleurs migrants.

M. MARION HELLMANN, Secrétaire général adjoint de l'Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois, a souligné que les travailleurs des secteurs dont s'occupe son Internationale – à savoir les secteurs du bâtiment et du bois – sont particulièrement vulnérables, en particulier lorsque l'on se penche sur la situation dans les pays en développement. Il a ainsi attiré l'attention sur le cas de Dubaï, qui est le plus grand site de construction du monde; on compte près de 30 000 grues dans cette ville, a-t-il précisé. Deux millions de travailleurs migrants travaillent dans le secteur du bâtiment dans ce tout petit pays qu'est Dubaï, a poursuivi M. Hellmann; ils travaillent 10 à 12 jours par jour pour 170 dollars par mois alors que le salaire est généralement de 2100 dollars par mois. Ces travailleurs n'ont pas le droit de se syndiquer ou de mener des négociations collectives, a insisté M. Hellmann. Il a passé en revue la situation dans plusieurs autres pays d'Asie, mais aussi en Suisse, comptant de nombreux travailleurs dans les secteurs du bâtiment et/ou du bois. Les travailleurs migrants doivent pouvoir jouir des mêmes conditions que les autres travailleurs, a insisté M. Hellmann.

Au cours de l'échange de vues qui a suivi, un représentant du Venezuela a pris la parole pour faire valoir que la liberté syndicale a rang constitutionnel dans son pays et s'exerce pleinement, indépendamment du statut d'immigration du travailleur. Le Venezuela possède le salaire minimum le plus élevé d'Amérique latine voire des Amériques, a-t-il ajouté.

Une représentante du Guatemala a jugé d'une grande importance le thème choisi pour la présente table ronde. S'inquiétant que le droit à la liberté d'association ne semble reconnu que pour les seuls travailleurs migrants se trouvant en situation irrégulière, elle s'est demandée, dans ce contexte, comment accréditer des membres en situation irrégulière dans un syndicat. Cela ne risque-t-il pas en effet d'exposer le syndicat à une remise en question de sa légitimité, a-t-elle demandé ?

Un représentant de la République dominicaine a souhaité que soient déployés des efforts afin de lier la protection des droits des migrants aux questions de développement. Il faut convaincre les pays que la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille est fondamentale pour promouvoir le développement humain et combattre la pauvreté.

Un représentant de l'Organisation internationale du travail a souligné que la jurisprudence évolue constamment en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants, comme en témoigne le seul fait qu'il existe plusieurs conventions de l'OIT portant sur ces questions – conventions qui se chevauchent et se complètent.

Un représentant du Mexique a insisté sur la vulnérabilité particulière des migrants en situation irrégulière à travers le monde. Il faut veiller à protéger ce groupe de migrants sans papiers qui ne souhaitent pas apparaître comme visibles dans des associations, craignant qu'à termes, une telle visibilité n'aboutisse à leur expulsion.

Un représentant de la Commission internationale catholique pour les migrations s'est enquis de ce qui a été fait par les pays d'origine des travailleurs migrants pour promouvoir les droits de leurs ressortissants à l'étranger.

La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants fait une distinction claire entre les personnes qui se trouvent en situation irrégulière et celles qui sont régulièrement admises dans le pays d'accueil, a insisté le Conseiller spécial de la Haut-Commissaire, M. Mbaidjol. Il ne faut pas croire que la Convention accorde des droits aux travailleurs migrants en situation irrégulière, comme le craignent certains pays qui invoquent cette crainte pour justifier leur non-ratification de cet instrument, a-t-il ajouté.

Un représentant de la Thaïlande a souligné que son pays accorde une grande importance à la promotion des droits de travailleurs migrants et, en tant que pays d'origine, d'accueil et de transit de travailleurs migrants, s'efforce de légiférer en faveur des droits de ces personnes. Ce représentant s'est enquis des mesures que les États parties pourraient prendre afin de contrer le phénomène de traite de personnes qui se répand à travers le monde.

La Directrice du Département des normes internationales du travail à l'OIT, Mme Doumbia-Henry, a indiqué que son Organisation a mis en place un projet d'envergure concernant la lutte contre la traite de personnes; ce projet se fonde notamment sur les normes de l'OIT relatives à la lutte contre le travail forcé. Par ailleurs, les organes de supervision de l'OIT accordent une attention particulière à cette question, a-t-elle insisté.

Une représentante de l'Organisation internationale des migrations a indiqué que l'OIM avait répondu aux demandes que lui avaient adressées deux pays afin qu'elle fournisse à leurs agents concernés une formation à la législation relative aux migrations.

Un représentant du Cercle de recherche sur les droits et les devoirs de la personne humaine a rappelé que son organisation avait proposé, dans le cadre de la Conférence d'examen de Durban, la semaine dernière, un code de bonne conduite en matière d'exercice de la liberté d'expression, d'association et de réunion.

M. EL JAMRI, Président du Comité, a conclu que le constat est réel quant aux difficultés que rencontrent les travailleurs migrants pour accéder à la liberté d'association. Nombreux sont ceux qui se demandent s'il faut accorder des droits aux travailleurs migrants en situation irrégulière; mais il faut relever que s'il y a des travailleurs irréguliers, c'est qu'il y a un marché pour les accueillir, a souligné le Président. En fermant les frontières, en les rendant hermétiques, on favorise les migrations illégales, a-t-il en outre fait observer. Le meilleur moyen de protéger les droits des travailleurs migrants reste de ratifier la Convention, a-t-il rappelé.


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