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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DES PHILIPPINES

Compte rendu de séance
Il entend les réponses de la délégation aux questions des membres du Comité

Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants a achevé, cet après-midi, son dialogue avec la délégation des Philippines s'agissant du rapport présenté hier par le pays, en entendant ses réponses aux questions que lui avaient posées hier après-midi les membres du Comité.

Dirigée par la Représentante permanente des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, Mme Erlinda F. Basilio, la délégation des Philippines a notamment attiré l'attention sur les programmes mis en œuvre pour lutter contre la traite dans le cadre de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE). Répondant en outre à des questions sur la «vente d'épouses par correspondance», la délégation a informé le Comité que des campagnes d'information sont menées auprès des «fiancées» et des «artistes» potentielles et il en a résulté une diminution significative du nombre de départs de Philippines dans le cadre de ce phénomène. La délégation a aussi fait valoir que des centres sont chargés d'informer et de protéger les migrants dans les principaux pays de destination. Elle a également donné des précisions concernant les procédures de contrôle des agences de placement à l'étranger; celles-ci doivent répondre à des critères stricts pour obtenir une licence. Des contrôles réguliers sont prévus et un retrait de licence temporaire ou définitif est possible en cas d'infraction. La délégation a également informé le Comité au sujet de différentes mesures d'aide aux familles de travailleurs migrants et d'aide au retour ainsi que sur le vote des Philippins de l'étranger.

M. Prasad Kariyawasam, rapporteur du Comité en charge de l'examen du rapport des Philippines, a remercié la délégation pour ses réponses mais aurait souhaité davantage de renseignements sur des situations concrètes. Il a aussi souligné l'importance qu'il faut accorder à la société civile dans le domaine de la protection des migrants et a encouragé une coopération productive de ses acteurs avec le Gouvernement. Il a relevé avec satisfaction les nombreuses mesures destinées à informer les migrants sur leurs droits s'agissant de leurs conditions de travail. Le rapporteur a également estimé que l'accent devait davantage être mis sur la protection des droits des travailleurs et des femmes qui travaillent comme domestiques. Mme Myriam Poussi, corapporteur, a pour sa part relevé que les programmes menés par le Gouvernement ont pour but principal d'assainir la migration et non d'éviter le départ de Philippins. D'autres experts ont soulevé des questions portant notamment sur l'information des travailleurs partant pour le Golfe persique, les accords de réadmission, la protection sociale et les mineurs non accompagnés.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport des Philippines avant de les rendre publiques d'ici la fin de la session, vendredi 1er mai 2009.


La prochaine séance publique du Comité se tiendra le jeudi 30 avril, à 15 heures, à l'occasion d'une réunion avec les États parties consacrée notamment à la situation concernant la présentation de rapports par les États parties et les moyens de promouvoir la Convention.


Réponses de la délégation des Philippines

La délégation des Philippines, répondant aux questions des membres du Comité, a notamment évoqué divers programmes régionaux de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (ANASE) consacrés à la lutte contre la traite. Un groupe de travail technique doit se réunir en mai à Manille pour envisager l'adoption d'une convention de l'ANASE sur la traite. Une étude concernant l'aide juridique et les questions d'extradition est également prévue. Une compilation des bonnes pratiques des pays de l'ANASE a été publiée et diffusée. Au plan national, des centres de protection des femmes et des enfants ont été créés, a fait valoir la délégation. Ces centres existent dans toutes les provinces et travaillent en lien avec diverses organisations non gouvernementales ainsi qu'avec le Fonds des Nations Unies pour l'enfance. Tous les fonctionnaires et directeurs régionaux ont été chargés d'adopter un plan de lutte contre la traite, par l'établissement de réseaux d'informations, l'application de décrets locaux, de programmes d'aides aux victimes et à leur famille. Avec l'aide de l'UE, les Philippines ont mis en œuvre un programme cogéré avec l'Organisation internationale des migrations; son objectif est de renforcer les possibilités de contrôler l'entrée et la sortie de biens et de personnes en réduisant le terrorisme transnational. Il s'agit d'examiner les trafics, d'intégrer des bases de données et de mener des campagnes de sensibilisation. En août 2008, 36 personnes, dont 20 mineurs, ont été retirées d'une situation de traite au Moyen Orient grâce à l'intervention d'une équipe spéciale. D'autres cas de traite ont été signalés dans différents pays, ils concernent principalement des femmes.

En réponse à la question relative à la «vente d'épouses par correspondance», la délégation a signalé que de telles pratiques étaient défendues par la loi contre la traite, qui condamne l'utilisation d'Internet dans la traite des personnes, et notamment les mariages réels ou simulés qui masquent des cas de traite. Les Philippines qui souhaitent épouser un étranger doivent suivre un programme d'information avant de recevoir un passeport afin que leur décision soit prise en connaissance de cause. L'on signale de plus en plus de cas de traite de Philippines et des efforts sont déployés par différentes institutions pour surveiller les entités soupçonnées de se livrer à la traite. La Commission des Philippins de l'étranger (Commission on Filipinos Overseas - CFO) a permis le rapatriement d'un certain nombre de victimes et a publié des brochures et des manuels. Depuis décembre 2007, de nombreuses localités ont été impliquées dans des activités d'information concernant les mariages à l'étranger. En outre, les artistes partant à l'étranger doivent avoir un certificat garantissant qu'elles seront bien employées en tant que telles. Il en a résulté une diminution des départs de Philippines.

Reconnaissant que les femmes représentent une part importante des Philippins qui émigrent, la délégation s'est dite préoccupée par leur vulnérabilité et par le coût social de la migration des femmes qui quittent leur famille. Le Gouvernement a adopté un certain nombre de programmes pour aider els familles et des organisations non gouvernementales s'occupent des enfants restés aux Philippines. Une aide est également apportée aux femmes pour le transfert de leurs salaires. Des études ont porté sur la réinsertion des femmes à leur retour et sur l'effet des lois de lutte contre la traite. Des séances d'information sont organisées avant le départ des migrants et sont consacrées à des sujets tels que les droits ou les recours en cas d'abus et de violence envers les femmes. La délégation a également fait remarquer que la part des hommes dans la population migrante avait tendance à augmenter.

Au sujet de la fuite des cerveaux, la délégation a reconnu qu'il s'agissait d'un problème dont le gouvernement a pleinement conscience. Actuellement, les accords bilatéraux signés par les Philippines prévoient un certain nombre de dispositions pour assurer la reconnaissance des diplômes des travailleurs migrants et offrir un recours en cas de violation des droits contractuels. Grâce à ces dispositions, la délégation a estimé que ces accords bilatéraux étaient conformes à la convention. Le Gouvernement a la responsabilité de protéger le travailleur après son départ. Une vingtaine de centres d'information ont été ouverts dans les pays où se trouvent plus de 20 000 migrants. Ils ont pour fonction de fournir des informations concernant les soins, l'intégration, les services de communautés, l'enregistrement des travailleurs sans papiers, offrir des activités de formation, surveiller la situation des migrants, régler les différents. De nombreuses autres représentations philippines sont présentes dans le monde entier. Il n'existe aucune distinction relative au statut des migrants philippins dans l'aide apportée. À titre d'exemple, 80% des Philippins secourus lors de la guerre du Liban étaient des sans papiers.

Concernant le retour des Philippins au pays, l'administration apporte une aide pour la réintégration des travailleurs migrants, déplacés ou rapatriés dans le cadre du Centre national de réintégration. Des formations, des séminaires et des offres d'emploi sont proposés par ce centre, mais le travailleur est également libre de repartir à l'étranger. Les migrants qui rentrent aux Philippines peuvent recevoir une aide financière et une formation dans le but de créer une entreprise.

Des programmes de formation en informatique sont prévus pour les familles de travailleurs migrants afin qu'ils puissent rester en contact malgré la distance qui les sépare. En outre, cela permet aux travailleurs migrants de renforcer leurs compétences dans le domaine des technologies de l'information. Des aides sont accordées aux enfants de travailleurs migrants afin qu'ils puissent s'acquitter des frais de scolarité ou d'université. Des bourses sont également prévues pour faciliter l'emploi de familles de travailleurs d'outre-mer. Elles portent sur une formation professionnelle dispensée dans des centres techniques. Plus de 5000 familles ont été concernées par ces bourses. La délégation a fourni des exemples précis d'enfants de travailleurs migrants qui ont pu bénéficier de ces bourses. Des prestations d'assurance vie, d'assurance invalidité sont également prévues pour la durée du contrat des travailleurs migrants.

Les travailleurs migrants étrangers peuvent constituer et s'affilier à un syndicat à condition qu'ils soient en possession d'un permis de travail valable et d'un contrat de travail. Des droits syndicaux sont également reconnus aux étrangers qui résident en Philippines si leur pays d'origine accorde les mêmes droits aux travailleurs philippins. L'exigence de réciprocité a pour but d'accorder une protection aux travailleurs philippins à l'étranger. Néanmoins, cette exclusion ne repose pas sur la nationalité du travailleur étranger mais sur l'absence de bonne volonté de son pays d'origine en matière de liberté syndicale.

Concernant l'Agence philippine pour l'emploi outre-mer, la délégation a précisé qu'elle a été créée par décret en 1982. En 1987, cette administration a été réorganisée et ses fonctions élargies pour prendre en compte la participation du secteur privé dans le recrutement et le placement de travailleurs à l'étranger. Les règlements de la PEOA sont très clairs en matière d'octroi d'une licence aux agences de placement privées. Un demandeur de licence doit s'engager à négocier les meilleures conditions d'emploi possibles. Tous les licenciés sont soumis à des inspections régulières et en cas de plainte afin de s'assurer qu'il n'y a pas de pratique irrégulière. En 2008, 64 licences ont été retirées; certaines agences prélevaient des taxes exorbitantes. Selon la gravité de la violation, les agences sont frappées d'une interdiction définitive ou temporaire de placer des travailleurs à l'étranger. Un certain nombre de programmes ont été mis en place pour prévenir les recrutements illégaux. Des mesures ont été prises pour encourager les victimes à se défendre par le biais d'une assistance financière et juridique; une couverture sociale et des formations sont également prévues à leur intention.

Un expert ayant demandé des informations concernant le vote des personnes vivant à l'étranger, la délégation a fait savoir que la constitution prévoit que le vote peut être exercé par tous les citoyens de Philippines âgés de plus de 18 ans. La personne doit résider six mois aux Philippines pour pouvoir exercer son droit de vote. Pour pouvoir voter depuis l'étranger, un Philippin doit y résider depuis plus d'un an. Les Philippins qui résident en permanence à l'étranger doivent manifester l'intention de retourner aux Philippines pour pouvoir exercer leur droit de vote. La loi prévoit un affidavit d'intention de retour. Cet affidavit ne s'applique pas aux travailleurs migrants temporaires. Lors de l'élection présidentielle de 2004, quelque 65 pour cent des Philippins de l'étranger ont voté.

En réponse à d'autres questions le délégation a souligné que le Gouvernement étant soucieux de défendre la dignité du citoyen tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des Philippines, les travailleurs doivent pouvoir bénéficier de protections économiques et sociales en toutes circonstances.

En réponse à la question relative aux expulsions sommaires, la loi prévoit qu'aucun ressortissant étranger ne pourra être expulsé sans qu'une enquête ait eu lieu. Le ressortissant sera informé de ses droits et aura la possibilité de préparer sa défense, présenter et récuser des témoins. Un recours peut être déposé devant le conseil d'enquête qui décidera du cas dans les quarante-huit heures. Le commissaire de l'immigration peut suspendre tout ordre suite au paiement d'une caution. Concernant l'arrestation d'une personne, il faut un ordre délivré par un tribunal compétant pour procéder à un tel acte. De plus, il est du devoir du fonctionnaire qui procède à l'arrestation d'informer l'accuser de ses droits dans une langue qu'il connaît, si besoin par l'intermédiaire d'un interprète. La coordination avec les institutions gouvernementales est donc nécessaire à cet effet. Quant au droit à une indemnisation pour emprisonnement injustifié, un organe spécialisé est chargé de traiter les demandes de compensation. À titre d'exemple, en 2007, 2927 demandes ont été déposées, un certain nombre de ces demandes ont reçu une réponse favorable.

Concernant les questions relatives au permis de travail des étrangers aux Philippines, la délégation a fait savoir que ce permis avait une validité d'un an. Le Bureau d'immigration émet des visas spéciaux pour trois ans prorogeable jusqu'à expiration du contrat de travail. Il est possible de retrouver un travail avant de devoir quitter le pays. À partir du moment où le visas ou permis est octroyé au travailleur, il est également valable pour sa famille. Tout ressortissant étranger employé localement doit s'assurer et n'est pas à charge de l'État tant qu'il est couvert par la sécurité sociale. L'expulsion des étrangers «à la charge de l'État» s'applique aux touristes. Les étrangers indésirables sont ceux ayant un casier judiciaire, les criminels, les fugitifs.

Au sujet du nombre de cas de traite qui ont fait l'objet d'une condamnation, la délégation a rappelé qu'elle a fourni des chiffres dans le cadre de sa présentation et a fourni de nombreux autres exemples de tels cas aux membres du Comité.

S'agissant des services consulaires et des plans d'urgence, la délégation a souhaité informer le Comité que les diplomates et les fonctionnaires sont formés à l'aide consulaire pour tous les ressortissants philippins, dans toutes les situations. L'aide est centrée sur les ressortissants nationaux sans distinction en ce qui concerne leur statut. De plus, un accord entre les pays de l'ANASE permet de venir en aide aux ressortissants de la région dans les pays où l'un des membres de l'ANASE dispose une représentation diplomatique. La réponse d'urgence à des crises d'envergure compte avec la participation d'organisations non gouvernementales.

En cas d'abus de la part des fonctionnaires de l'émigration, des enquêtes administratives assorties, le cas échéant, de sanctions disciplinaires sont prévues par la loi, a d'autre part indiqué la délégation en réponse à d'autres questions.

Pour ce qui est de l'interdiction de circulation à l'étranger, la délégation a fait savoir au Comité que de telles décisions étaient prises après un examen précis de la situation de la région ou du pays concerné. Le cas du Niger devrait prochainement faire l'objet d'une révision.

Concernant la situation des Philippins qui travaillent dans le Saba, à la frontière avec la Malaisie, la délégation a expliqué que l'ambassade des Philippines à Kuala Lumpur envoie régulièrement des missions sur place pour veiller au respect des droits des travailleurs philippins et apporte une attention particulière à la situation des femmes et des enfants.


Observations préliminaires

M. Prasad Kariyawasam, rapporteur du Comité chargé de l'examen du rapport des Philippines, a remercié la délégation pour le dialogue de qualité qui s'est tenu avec le Comité. Les réponses fournies permettent de mieux comprendre la situation dans les faits et contribueront à l'amélioration de la qualité des services fournis aux travailleurs migrants des Philippines.


Soulignant l'importance qu'il faut accorder à la société civile dans le domaine de la protection des migrants, le rapporteur a encouragé une coopération productive de ses acteurs avec le Gouvernement. Il a également relevé avec satisfaction les nombreuses mesures destinées à lutter contre toutes les formes de traite et informer les migrants de leurs droits s'agissant de leurs conditions de travail, qui sont bien souvent des mesures avant-gardistes. Convaincu que l'on peut toujours améliorer les choses, le rapporteur a estimé que l'accent devait davantage être mis sur la protection des droits des travailleurs et des femmes qui travaillent comme domestiques. Il a en outre encouragé les efforts de promotion de la Convention entrepris par les Philippines.

Relevant le nombre impressionnant d'institutions et de programmes portant sur les migrations, le rapporteur a souhaité avoir à l'avenir davantage de détails concernant l'application des différentes mesures prises.


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