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LE COMITÉ POUR LA PROTECTION DES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS POURSUIT L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA BOSNIE-HERZÉGOVINE

Compte rendu de séance
Il entend les réponses de la délégation aux questions des membres du Comité

Le Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants a achevé, ce matin, l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine en entendant les réponses apportées par la délégation de ce pays aux questions que lui avaient posées hier matin les experts.

Dirigée par la Vice-Ministre par intérim aux droits de l'homme et aux réfugiés, Mme Saliha Djuderija, la délégation de la Bosnie-Herzégovine a notamment donné un aperçu des différentes mesures prises pour lutter contre la traite dans le pays et assurer la protection des victimes. Rappelant que la Bosnie-Herzégovine manque de moyens, elle a présenté au Comité différents plans d'action et mesures prises pour assurer la protection sociale des migrants et celle des réfugiés. La délégation a aussi apporté des précisions concernant les conditions d'obtention et de retrait du permis de travail. En réponse à des questions de membres du Comité, la délégation a fait savoir au Comité qu'un certain nombre de professions considérées comme «essentielles» n'étaient pas soumises aux quotas. Elle a informé le Comité que les travailleurs migrants bénéficient des mêmes droits que les ressortissants bosniaques en ce qui concerne les droits sociaux. En outre, de nombreux accords bilatéraux leur permettent de prétendre à diverses prestations après leur retour dans leur pays d'origine. La délégation a également fourni des renseignements concernant les transferts de revenus depuis l'étranger, la coopération régionale, les procédures d'expulsion ainsi que sur le processus de révision des nationalisations.

M. Azad Taghizade, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a relevé que les migrants qui n'ont pas d'assurance-maladie ne semblaient pas avoir la possibilité d'obtenir une aide médicale d'urgence et a souhaité obtenir des éclaircissements à cet égard ainsi qu'en ce qui concerne le droit à l'éducation. Des précisions ont été demandées par les experts concernant, notamment, les contrats de travail et les permis de travail, le droit syndical et les procédures d'expulsion.

Le Comité adoptera ultérieurement ses observations finales sur le rapport azerbaïdjanais avant de le s rendre publiques d'ici la fin de la session, vendredi 1er mai 2009.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité reprendra l'examen du premier rapport des Philippines (CMW/C/PHL/1), commencé hier après-midi.


Réponses de la délégation

Dirigée par Mme Saliha Djuderija, Vice-Ministre par intérim aux droits de l'homme et aux réfugiés, la délégation de la Bosnie-Herzégovine a notamment répondu aux questions portant sur la traite des êtres humains, précisant que certains des programmes mentionnés dans le rapport sont à présent terminés. Elle a ajouté que la Bosnie-Herzégovine lutte activement contre la traite. Plusieurs plans d'action successifs ont été adoptés. Un système de collecte de données concernant les victimes de la traite a été mis en place. De plus en plus de ressortissants bosniaques sont impliqués dans des activités de traite, a déploré la Vice-Ministre. Un mécanisme transnational a été mis en place avec dix pays de la région afin de surveiller ce problème de la traite et de poursuivre les criminels. Des activités didactiques de formation sont destinées aux procureurs et pour le personnel chargé de la lutte contre la traite. Le gouvernement collabore avec sept organisations non gouvernementales qui ont fourni des abris pour les étrangers victimes de traite. Depuis 2008, les organisations non gouvernementales bénéficient d'un soutien financier de l'État, du Gouvernement norvégien et de l'Organisation internationale pour les migrations pour assurer la réinsertion des jeunes filles et des femmes victimes de la traite. Un mécanisme transnational devrait prochainement être mis en place pour procéder à l'échange d'informations sur les victimes de la traite originaires de la région. La délégation a estimé qu'une telle coopération pourra entraîner une meilleure protection des victimes, bien que des problèmes subsistent, notamment pour ce qui est des ressources disponibles.

Un expert ayant demandé des renseignements au sujet des migrations illégales, la délégation a évoqué devant le Comité la stratégie adoptée en la matière depuis 2006. Cette stratégie est décrite dans le rapport pour la période 2004-2008. Son principal résultat a été la création d'un centre d'immigration financé par les autorités. Un mémorandum d'accord a été signé avec les organisations non gouvernementales et un bilan des services fournis par ces dernières est établi chaque année. Entre 2004 et 2008, un Département des personnes étrangères a également été mis sur pied et a permis d'unifier l'application de la loi dans l'ensemble des Entités du pays. La délégation a néanmoins reconnu que ce département manquait de personnel pour mener à bien sa tâche.

Au sujet des permis de résidence, la délégation a fait savoir que toutes les données les concernant seront enregistrées dans une base de données, dont le fonctionnement a été détaillé précédemment, qui est actuellement à l'essai. Un organe de coordination relevant du Conseil des ministres a été institué. Il rassemblera les divers ministères et se réunira mensuellement pour discuter des problèmes qui se posent actuellement dans le domaine des migrations et des demandes d'asile. La délégation a en outre reconnu qu'il était important d'informer les migrants des possibilités de résidence légales en Bosnie-Herzégovine, c'est pourquoi une brochure sera disponible sur Internet en plusieurs langues.

En réponse à une autre question, la délégation a précisé qu'un certain nombre de catégories d'emplois n'étaient pas soumises à des quotas, notamment les emplois de haut niveau, les services dits «essentiels», les enseignants, les sportifs et les conjoints de travailleurs migrants. D'autres catégories sont même dispensées de demander un permis de travail, comme les professeurs d'université, les experts, les enseignants d'institutions culturelles, les représentants religieux, les artistes, les journalistes.

L'harmonisation de la législation avec les conventions internationales et les règlements de l'Union européenne est également à l'ordre du jour des travaux du Gouvernement, a fait savoir la délégation. Des échanges d'expériences avec d'autres pays ont été organisés, a précisé la délégation, qui a ajouté être à la disposition du Comité pour répondre à toute question complémentaire.

Un expert ayant demandé des précisions concernant les «migrations à haut risque» mentionnées dans le rapport bosniaque, la délégation a fait savoir que différents critères s'appliquent à la délivrance d'un visa qui prennent en compte la situation politique du pays d'origine du demandeur. Parmi les pays à haut risque figurent notamment l'Albanie et le Kosovo. Pour ces pays, la délivrance de visas est soumise à un régime spécial. Pour les ressortissants d'autres pays tels que la Turquie ou les États de l'Union européenne, aucun visa n'est requis, la carte d'identité suffit pour entrer en Bosnie-Herzégovine. La délégation a indiqué que la plupart des mesures mises en place sont basées sur des normes ambitieuses qui incluent l'obligation d'adopter des normes supplémentaires; en outre, l'Union européenne exige de la Bosnie-Herzégovine un renforcement de la coordination entre ses différents services. La délégation a en outre fait savoir que, si de nombreux progrès ont été accomplis depuis plusieurs années, avec l'aide de l'Organisation internationale pour les migrations et de l'Union européenne, le manque de moyens demeurent néanmoins une entrave.

Répondant à la question relative aux permis de travail et aux frais y afférents, la délégation a déclaré que ceux-ci était soumis au même régime pour l'ensemble du territoire. Les frais d'émission d'un permis de travail varient en fonction des secteurs par les bureaux de l'emploi et sont à la charge de l'employeur. La législation prévoit en outre des amendes pour l'emploi d'un migrant sans contrat. La durée des permis de travail est ne peut excéder un an. Si le contrat de travail expire ou est rompu, le permis est annulé. À l'expiration de son contrat, le migrant a droit à une allocation prévue par la loi qui assure 35 à 45 pour cent du salaire moyen. Lui et sa famille restent en outre couverts par l'assurance-maladie. Au sujet de l'annulation d'un permis de travail, la délégation a précisé qu'il pouvait être invalidé en cas d'infraction de la part du migrant. Celui-ci peut faire appel de cette décision.

Pour ce qui est des droits sociaux, les travailleurs migrants bénéficient des mêmes droits que les ressortissants bosniaques. Ils doivent être enregistrés auprès de la sécurité sociale et bénéficient d'une retraite et de l'assurance chômage. Des accords existent également avec de nombreux pays d'origine de travailleurs migrants. En cas d'accident du travail ou d'incapacité, le migrant peut faire valoir ses droits. Les conditions d'assurance santé sont précisées par la législation locale. Il n'existe aucune discrimination dans la fourniture de soins médicaux. En outre, en Bosnie-Herzégovine, l'ensemble des droits relatifs à la protection de la maternité sont pris en compte pour les travailleuses migrantes.

En ce qui concerne les transferts des gains des migrants, les banques imposent des limites concernant les montant transférés - environ 15 000 euros. Concernant les biens des migrants, il est possible de demander une exemption de droits de douane. La délégation a par la suite précisé que la limite de 15 000 euros correspond à la limite fixée par la loi sur le blanchiment d'argent. Il est néanmoins possible de demander l'autorisation d'envoyer des montants supérieurs.

Concernant les droits des réfugiés, la délégation a indiqué qu'ils pouvaient bénéficier d'une protection sociale et sanitaire en vertu d'un récent règlement. Les centres sociaux relevant des autorités sont chargés de déterminer les droits des réfugiés. Ils peuvent également prétendre à une allocation mensuelle d'environ 62 euros. Le système de protection des enfants de réfugiés prévoit leur scolarisation obligatoire. Rappelant que la Bosnie-Herzégovine est un pays pauvre, la délégation a souligné qu'il était difficile de traiter tous les problèmes.

La délégation a informé le Comité d'un projet financé par l'Union européenne et l'Organisation internationale pour les migrations en collaboration avec l'Organisation internationale du travail pour aider les ressortissant bosniaques désireux de partir étudier à l'étranger. La délégation a présenté des brochures éditées à cette fin et disponibles dans les bureaux de l'emploi. Le personnel des bureaux de l'emploi a reçu une formation afin de préparer les candidats au départ.

Au sujet de la migration de transit, la délégation a rappelé que le rapport fait état d'une gestion intégrée des frontières depuis 2005. Une étroite collaboration est nécessaire avec les services douaniers et autres services d'inspection intervenant aux frontières. Les autorités compétentes sont également chargées d'empêcher le franchissement illégal des frontières. Depuis octobre 2006, des contrôles internes sont également effectués par le Ministère de l'intérieur.

Concernant les accords avec la Serbie et le Monténégro, la délégation a confirmé l'existence d'accords signés avant la partition de la Serbie et Monténégro. À la fin de 2007 un nouvel accord a été signé avec la Serbie; pour le Monténégro, des négociations ont permis d'aboutir à un accord temporaire en décembre 2008. Une disposition de ce dernier accord permet le renvoi immédiat des clandestins.

Lorsqu'un étranger résidant illégalement en Bosnie-Herzégovine est appréhendé, il est autorisé à s'adresser à l'Organisation internationale pour les migrations pour être rapatrié volontairement dans son pays d'origine. Le manque de ressources ne permet pas à la Bosnie-Herzégovine d'avoir son propre programme de rapatriement. Lorsqu'une mesure d'expulsion est requise, le migrant peut introduire un recours et l'autorité doit se prononcer dans les vingt-quatre heures. Des lieux d'hébergement temporaire sont prévus pour l'accueil du migrant dans l'attente de la décision définitive.

Divers responsables de ministères ou de la police ont bénéficié de programmes de formation concernant la convention. La délégation a dit espérer que d'autres services pourront bénéficier de telles formations.

Au sujet de la révision des naturalisations, la délégation a indiqué que cette procédure fait partie des accords de paix de Dayton. Les citoyens naturalisés ont reçu une note détaillant les pièces à fournir pour ce réexamen. Au sujet de ceux dont la demande a été rejetée, la délégation a fait savoir que cette révocation ne dépendait pas d'un critère racial mais tenait principalement à l'obtention frauduleuse la citoyenneté bosniaque. Il était possible de contester la décision pendant une période de soixante jours.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a reconnu qu'il existait des difficultés dans le versement des cotisations sociales par les employeurs mais a affirmé que les cas de soins d'urgences étaient toujours traités. Pour les pays avec lesquels la Bosnie-Herzégovine n'a pas d'accords bilatéraux, le gouvernement assure certains droits, notamment les pensions de retraites correspondant à la période travaillée dans le pays. Si le Gouvernement manque de fonds pour le versement de prestations sociales, migrants et ressortissants nationaux sont traités sur un pied d'égalité, a assuré la délégation. Concernant le droit à l'éducation, l'accès des enfants de migrants à l'école publique ne pose aucun problème, car la scolarité y est gratuite.

Concernant le lien entre contrat de travail et permis de travail, la délégation a précisé que les contrats sont conclus pour la période de validité du contrat. Un migrant ne sera pas expulsé s'il perd son travail du fait de l'employeur mais que son permis est encore valide, tous les droits applicables aux ressortissants nationaux en pareils cas s'appliquent également aux travailleurs migrants. Des recours sont également possibles en cas de licenciement abusif d'un travailleur migrant. Si le permis de travail expire avant la fin du contrat, l'employeur peut intervenir pour obtenir sa prolongation.

Toute personne employée a le droit d'adhérer à un syndicat organisé en fonction de principes territoriaux. Le gouvernement n'intervient pas dans l'organisation des syndicats.

Apportant des précisions sur les poursuites pénales en cas de traite, la délégation a informé le Comité que la traite était un délit pour lequel le Code pénal prévoit de six mois à cinq ans d'emprisonnement. La délégation a fourni au Comité des données concernant les différentes enquêtes, mises en examen et condamnations concernant des cas de traite. Le nombre de ces délits est en baisse, sans doute grâce au fort engagement des forces de l'ordre qui ont été très actives.

Au sujet des délais de la procédure d'expulsion, ceux-ci sont strictement définis par la loi. Ils vont de vingt-quatre heures à trente jours. La personne expulsée ne peut rentrer en Bosnie-Herzégovine pendant une période allant de un à cinq ans si elle y résidait illégalement ou y a commis un délit, a précisé la délégation. La personne frappée d'expulsion à vingt-quatre heures pour interjeter appel, et la décision doit être rendue dans le même délai.

En ce qui concerne le terme de «migrants illégaux», la délégation a estimé qu'il s'agissait d'une erreur de traduction. Il serait plus judicieux de parler de «phénomène de migrations illégales».

La Bosnie-Herzégovine a signé, avec les pays voisins et les pays de l'Union européenne, des accords de réadmission et a co-signé une convention sur la coopération policière en Europe du sud-est qui comporte un système d'alerte précoce.

Le Comité ayant demandé des précisions quant un tableau (8) figurant dans le rapport, la délégation a reconnu que les termes employés étaient inhabituels. Elle a précisé que près de 75% des demandes recevaient une réponse favorable. En cas de refus, un réexamen de la demande demeure possible.

Pour ce qui est de la possibilité de créer des associations de ressortissants étrangers, la délégation a signalé qu'ils avaient la possibilité de former des associations, au même titre que les ressortissants bosniaques. Il arrive que le gouvernement offre des subventions à ces associations. Le Ministère de la justice prépare une stratégie de développement du secteur des ONG, dont font parties de telles associations. Une loi à cette fin est en cours d'examen. La délégation a également mentionné des associations organisées par des minorités nationales. La Bosnie-Herzégovine apporte également un soutien aux associations de bosniaques à l'étranger.


Fin de l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine

M. Azad Taghizade, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Bosnie-Herzégovine, a salué l'importance que le pays accorde aux droits de l'homme et que traduit l'importante délégation présente aujourd'hui. Le Comité comprend mieux à présent les problèmes que les autorités ont rencontré dans la mise en œuvre des dispositions de la convention. Un travail immense a été accompli avec succès dans une période de temps très courte. La structure complexe du pays, héritée d'une situation historique, nécessite une grande prudence dans la mise en place de structures unifiées pour l'ensemble du territoire qui doit toujours tenir compte des spécificités de chaque Entité.

Reconnaissant la situation migratoire particulière de la Bosnie-Herzégovine, avec son importante diaspora et sa situation géographique qui en fait un pays de transit, le rapporteur a encouragé la délégation à trouver les solutions les meilleures pour garantir les droits des travailleurs migrants et de leurs familles.

Les travailleurs migrants et leur famille constituant un groupe vulnérable, la démarche égalitaire en matière de protection sociale peut être un facteur discriminatoire. Il faudra donc, à l'avenir, tenir compte de différents éléments.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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