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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU RWANDA

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui les mesures prises par le Rwanda pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport de son pays, Mme Jeanne d'Arc Mujawamariya, Ministre du genre et de la promotion de la famille du Rwanda, a souligné que le Rwanda, malgré les déboires qu'il a traversés, n'en dispose pas moins d'une véritable vision pour un avenir démocratique et prospère. Les autorités rwandaises poursuivent une politique et des stratégies inclusives pour la défense des droits des femmes, a-t-elle déclaré. Hommes et femmes, garçons et filles rwandais de toutes les générations jouissent ainsi des mêmes droits dans tous les secteurs, grâce notamment à l'élimination des stéréotypes et de comportements traditionnels néfastes, a assuré la Ministre. Le Gouvernement a mis en place une série de mesures de soutien aux victimes survivantes du génocide, dans le cadre d'une action générale de défense des droits de toutes les personnes victimes de violence, en particulier les femmes, a par ailleurs indiqué la Ministre.

La délégation rwandaise était également composée de Mme Venetia Sebudandi, Représentante permanente de Rwanda auprès de l'Office des Nations Unies à Genève; de Mme Aquiline Niwemfura, coordinatrice du "Secrétariat Beijing"; de Mme Marie Christine Umubyeyi, de la Commission nationale des droits de la personne; ainsi que de M. Alphonse Kayitayire et Mme Cynthia Kamikazi, de la Mission permanente du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève. La délégation a répondu aux questions du Comité portant, entre autres, sur le cadre général d'application de la Convention; sur la lutte contre les stéréotypes, la violence, la traite et l'exploitation de la prostitution des femmes; sur la lutte contre la discrimination dans l'éducation; sur la représentation des femmes dans la vie politique, économique et sociale du pays; et sur l'accès des femmes - en particulier des femmes rurales - aux services de santé.

Concluant le dialogue, la Présidente du Comité, Mme Naéla Gabr, a espéré trouver dans un prochain rapport davantage de renseignements et l'indication de progrès accomplis par le Rwanda dans des domaines tels que l'éducation et la santé des femmes. D'autre part, il appartient à l'État rwandais d'améliorer encore la situation des femmes rurales et de prendre des mesures contre la violence sociale et la violence domestique contre les femmes, a-t-elle souligné.

Des observations et recommandations du Comité, qui seront adoptées au cours de séances privées, seront adressées au Rwanda et paraîtront par la suite sur la page internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme consacrée aux travaux de la session.

Le rapport du Rwanda était le dernier à l'ordre du jour de la présente session. Le Comité doit clore vendredi 6 février les travaux de sa session, à l'issue de laquelle doivent être rendues publiques les observations finales sur l'ensemble des rapports examinés durant cette session. Un communiqué final rendant compte des travaux de la session sera publié vendredi.



Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, dont elle dirige la délégation, MME JEANNE D'ARC MUJAWAMARIYA, Ministre du genre et de la promotion de la famille du Rwanda, a rappelé qu'il s'agit du premier rapport présenté par le Rwanda depuis le génocide de 1994. Malgré les déboires qu'il a traversés, le Rwanda n'en dispose pas moins d'une véritable vision pour un avenir démocratique et prospère, a-t-elle assuré. Ses autorités poursuivent en effet une politique et des stratégies inclusives pour la défense des droits des femmes, a-t-elle précisé. Hommes et femmes, garçons et filles rwandais de toutes les générations jouissent ainsi des mêmes droits dans tous les secteurs, notamment grâce à l'élimination des stéréotypes et de comportements traditionnels néfastes, a déclaré la Ministre. Le Gouvernement s'efforce par ailleurs d'intégrer une dimension sexospécifique à toute son action dans le domaine du développement, a-t-elle ajouté. Il a par ailleurs mis en place une série de mesures de soutien en faveur des victimes survivantes du génocide, dans le cadre d'une action générale de défense des droits de toutes les personnes victimes de violence, en particulier les femmes, a souligné la Ministre.

Mme Mujawamariya a présenté une série de tableaux et graphiques montrant en particulier que la participation des femmes dans la vie politique atteint 56% au Parlement, 36% dans l'exécutif, 50% à la Cour suprême et 40% au niveau des autorités locales. Au plan économique, a-t-elle poursuivi, le Rwanda a mis en place des fonds de crédits pour les femmes et encourage la constitution de coopératives de femmes. Au plan institutionnel, pour défendre les droits des femmes, les autorités rwandaises ont mis en place - outre le Ministère du genre et de la promotion de la famille - un Conseil national des femmes, un Office de contrôle de l'intégration de la dimension sexospécifique et un Ombudsman national. Il existe en outre un forum parlementaire féminin, indépendant du Gouvernement, a ajouté la Ministre. Par ailleurs, a-t-elle rappelé, la Constitution garantit le principe d'égalité entre les sexes et les lois sur la nationalité et sur le statut personnel ont été expurgées - en 2004 et 2003 respectivement - de leurs dispositions discriminatoires envers les femmes. Enfin, le Gouvernement a adopté, en 2004, une politique nationale de promotion de la participation des femmes dans la vie politique, publique, sociale et économique, prévoyant notamment la création de points focaux dans tous les ministères et institutions publiques, ainsi que l'intégration de la perspective sexospécifique dans les structures administratives décentralisées.

Le rapport du Rwanda, qui réunit en un seul document (CEDAW/C/RWA/6) les quatrième à sixième rapports périodiques du pays, souligne que des lois ont été adoptées dans le but de mieux protéger les droits de la femme et des enfants. Ces lois sont, par ordre chronologique, la loi relative aux régimes matrimoniaux, aux libéralités et successions; la loi relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences; et la loi portant répression des crimes de discrimination et pratiques de sectarisme. Ces lois reconnaissent à la femme certains droits dont elle était privée auparavant et notamment le droit de succéder dans le patrimoine de sa famille d’origine, celui de transmettre sa nationalité à son enfant quelle que soit sa filiation paternelle et de le faire inscrire sur sa carte d’identité. En outre, en vue d’accélérer le processus visant à aboutir à l’égalité de fait entre l’homme et la femme, des mesures à caractère constitutionnel et législatif ont été prises dans le domaine de la composition des organes de prise de décisions. Ainsi, la Constitution du 4 juin 2003, la loi relative aux élections aux échelons administratifs de base et celle relative aux élections législatives et présidentielles attribuent-elles aux femmes un quota déterminé de postes. La composition actuelle du Gouvernement, du Sénat et de la Chambre des députés en est la manifestation assez éloquente. Lors de la désignation des membres du pouvoir judiciaire dans le cadre de la réforme judiciaire, le poste de président de la Cour suprême est revenu à une femme, et sur les huit juges de cette Cour, quatre sont des femmes.

Le rapport indique en outre que le trafic des femmes est jusqu’aujourd’hui inconnu dans la criminalité au Rwanda. Cependant, au regard de la situation qui prévaut dans d’autres pays, une mesure de répression de ce genre d’infraction a été prise à travers la loi relative aux droits et à la protection de l’enfant contre les violences qui a été également adoptée pour lutter spécifiquement contre les violences sexuelles commises contre les enfants - dont la recrudescence est devenue inquiétante depuis quelques années. En outre, des lois à caractère pénal répriment les différentes sortes de violences contre les femmes, qu'elles soient physiques ou sexuelles et quel qu’en soit l’auteur. Dans ce cadre, la population a été invitée à surmonter certains tabous hérités de la coutume dans tout ce qui a trait au sexe. Une unité de police chargée des infractions liées aux violences basées sur le genre, spécialement les violences sexuelles, a été créée. Les victimes bénéficient également de l’exemption de devoir payer préalablement des frais pour l’obtention des rapports d’expertise médicale devant servir de preuve des infractions commises à leur encontre. Enfin, des jugements ont été prononcés pour punir des coupables. Les audiences se tiennent là où ces violences sexuelles ont été perpétrées et les condamnations prononcées par les juridictions font l’objet de diffusion à la radio et à la télévision en vue d’informer la population de la gravité de tels agissements. Les actes de violences et tortures sexuelles qui ont été commis pendant le génocide de 1994 ont fait et continuent de faire l’objet d’une répression spécifique à travers les lois organiques particulières de répression du crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité qui ont été commis en 1994.

Le système d’éducation au Rwanda ne connaît aucune mesure législative ou factuelle discriminatoire à l’égard de la fille, poursuit le rapport. Les conditions d’admissibilité à l’école et les programmes d’enseignement sont les mêmes tant pour les garçons que pour les filles. L’entrée à l’école primaire est ouverte à tout enfant ayant atteint l’âge requis. L’accès aux écoles d’enseignement secondaire publiques ou libres subventionnées et à l’enseignement supérieur public dépend de la note obtenue à l’examen national et du nombre de places disponibles. Le taux d’abandon et de déperdition élevé chez les filles, ainsi que leur taux de réussite limité, se concrétisent par le déséquilibre entre les garçons et les filles dans les écoles secondaires et supérieures publiques, où le nombre de filles est inférieur à celui des garçons. Cependant, le nombre des filles scolarisées a augmenté ces derniers temps avec l’éclosion des écoles privées, surtout au niveau de l’enseignement supérieur où le nombre de filles est supérieur à celui des garçons.


Examen du rapport

Cadre général d'application de la Convention, mesures temporaires spéciales et mesures prises suite au génocide

Un membre du Comité a félicité le Rwanda pour le grand nombre de femmes siégeant au Parlement du pays. Cette experte a demandé des précisions sur la place de la Convention dans l'ordre juridique interne rwandais. Elle a souligné que, contrairement au Plan d'action de Beijing, sur l'application duquel le Gouvernement rwandais a orienté son action, la Convention a des effets juridiques contraignants en rapport avec toutes les formes de discrimination énoncées en son article premier. Aussi, est-il difficile de comprendre dans ce contexte comment, alors que le Rwanda est partie à la Convention, des dispositions discriminatoires peuvent subsister dans certains codes rwandais (notamment le Code de la famille et le Code du commerce). Il faudrait par ailleurs que le Rwanda veille à intégrer dans sa Constitution une définition de la discrimination qui soit conforme à l'esprit de la Convention.

Une experte a voulu savoir quelles poursuites ont été engagées contre des auteurs de crimes commis durant le génocide et dans quelle mesure les femmes ont été associées à ces démarches. Des dédommagements et un soutien à long terme sont-ils accordés aux femmes victimes de tortures et de viols, mutilées, privées de ressources suite au génocide? À également été soulevée la question des enfants soldats.

Une experte a relevé la complexité du système de protection des droits de l'homme mis en place par le Rwanda et s'est enquise du financement et de l'organisation des efforts déployés en faveur de la parité entre les sexes.

Une autre experte s'est félicitée que les autorités rwandaises aient recours à des mesures temporaires spéciales au profit de la participation des femmes dans la vie politique et a demandé si des mesures similaires étaient prévues pour assurer, par le biais de quotas par exemple, une présence accrue des femmes dans les entreprises du secteur privé. De telles mesures sont-elles envisageables dans le domaine de l'éducation, a demandé la même experte, jugeant important d'accélérer l'action en matière d'éducation, compte tenu de son importance pour l'évolution des mentalités, surtout face à la résistance des perceptions traditionnelles? L'experte a aussi voulu connaître le nombre de femmes ayant bénéficié des fonds de garantie au crédit mis en place par les autorités ainsi que les mesures prises au profit des femmes rurales.

La délégation a indiqué que l'intégration, dans la Constitution, des dispositions des instruments internationaux ratifiés par le Rwanda - au nombre desquels figure la présente Convention - est automatique. Toutes les lois adoptées en matière de lutte contre la discrimination l'ont été après la ratification de la Convention, a-t-elle souligné. Manquent encore des données statistiques concernant l'application de ses dispositions, a admis la délégation, assurant que des précisions chiffrées seraient communiquées à cet égard dans le prochain rapport du pays.

L'obligation du respect des dispositions de la Convention est énoncée explicitement à l'article 9 de la Constitution rwandaise, a précisé la délégation. Le processus de ratification du Protocole facultatif à la Convention a été lancé en 2007 et suit son cours, a-t-elle en outre fait savoir.

Pour mieux faire connaître la Convention, le Gouvernement a fait en sorte qu'elle soit traduite -comme tous les autres instruments internationaux ratifiés par le Rwanda - dans les langues vernaculaires rwandaises, à l'intention de personnes ne maîtrisant ni l'anglais ni le français.

Pour ce qui est de la préparation du présent rapport, la délégation a fait savoir qu'elle s'était faite sous la coordination du Comité national pour la mise en œuvre du programme de Beijing - Comité qui intègre des organisations non gouvernementales et religieuses, des bailleurs de fonds étrangers ainsi que des représentants du Gouvernement.

La loi sur la parité entre les sexes et la Constitution interdisent toute discrimination à l'égard des femmes, dans tous les secteurs de la société, a par ailleurs rappelé la délégation. Le Rwanda estime que les droits des femmes font pleinement partie des droits de l'homme, a-t-elle ajouté.

Il existe toujours un fossé entre le recrutement des hommes et celui des femmes au niveau du secteur privé, a poursuivi la délégation. Néanmoins, le Gouvernement a pris des mesures pratiques de soutien aux femmes (notamment en matière de crédits), dans l'espoir, précisément, qu'elles intégreront alors plus facilement la vie économique du secteur privé. Les femmes n'ont plus besoin de la signature de leur mari pour obtenir un crédit, a précisé la délégation. Le Gouvernement est convaincu de l'impact que la situation économique des femmes peut avoir sur l'amélioration du niveau de développement général du pays, a-t-elle souligné.

La délégation a par ailleurs indiqué que le Gouvernement rwandais a mis sur pied un Ministère de la parité entre hommes et femmes ainsi qu'un département chargé plus spécifiquement de la condition de la femme. Les deux organes coordonnent leur action avec celle des autres ministères. Tous rendent compte devant le Premier Ministre. La volonté politique est forte d'assurer la parité, même s'il est vrai qu'un budget plus important permettrait certes de renforcer l'action menée à cette fin au plan national. Chacune des quatre institutions chargées de la promotion des droits de la femme a ses attributions propres. La plate-forme de Beijing sert de base au programme de mise en œuvre de la Convention appliqué par les autorités et qui se concrétise par l'activité du "secrétariat Beijing", rattaché au cabinet du Premier Ministre. Quant à l'Observatoire du genre, il a d'ores et déjà commencé ses activités, assurant notamment des formations et proposant des amendements aux textes législatifs qui devraient passer sans difficulté étant donné la forte sensibilisation des parlementaires - hommes et femmes - à l'importance de l'égalité entre les sexes, a indiqué la délégation.

La délégation a ajouté que les élections ne sont organisées qu'une fois atteinte la proportion imposée d'un minimum de 30% de candidates inscrites.

Le Gouvernement a également pris des mesures à long terme - et non plus seulement temporaires - pour promouvoir la scolarisation des jeunes filles: création de foyers, organisation de cours de soutien et de cours du soir, mise en place de services de transport scolaire, par exemple.

L'implication de femmes est important au niveau de l'enseignement primaire; il l'est moins dans le secondaire, où elles sont moins nombreuses, a ensuite indiqué la délégation. L'éducation des femmes au Rwanda n'a été assurée qu'avec 40 années de retard sur celle des hommes, pour des raisons historiques liées à la colonisation, a-t-elle expliqué. Les femmes rwandaises, longtemps cantonnées dans des enseignements stéréotypés, doivent par conséquent rattraper un retard important, notamment dans les branches scientifiques. On compte une moitié d'étudiantes dans les universités privées, où elles peuvent suivre des cours du soir, a ajouté la délégation.

Il est certain que l'ensemble des mesures, temporaires et à long terme, prises en faveur de la promotion des femmes devra être renforcé afin de garantir la place des femmes dans toutes les sphères de la société rwandaise, a déclaré la délégation.

Les femmes ont certainement été les principales victimes du génocide de 1994, a par ailleurs déclaré la délégation. Le Rwanda a donc choisi de les impliquer dans le processus de jugement des auteurs du génocide, comme en témoigne leur présence dans l'appareil judiciaire. Onze nouveaux procureurs viennent d'être recrutés, dont sept sont des femmes, a indiqué la délégation. Les femmes sont probablement plus intègres et difficiles à corrompre que les hommes, a-t-elle fait observer.

Les tribunaux ont mis en place des modalités spéciales pour le traitement des plaintes pour viol, avec auditions privées des victimes, a poursuivi la délégation. Les mesures de soutien aux victimes du génocide consistent en la fourniture d'une aide médicale, de conseils et de prestations matérielles, a-t-elle ajouté. Une organisation non gouvernementale soutenue par le Gouvernement est spécifiquement vouée à la prise en charge des femmes victimes du génocide. Des logements sont construits à l'intention de ces dernières, a également fait valoir la délégation.

Le Rwanda n'utilise pas d'enfants soldats, a par ailleurs assuré la délégation. Les fillettes engagées il y a quinze ans dans des milices sont aujourd'hui impliquées dans la vie économique du pays et bénéficient à ce titre des mesures économiques générales en faveur des femmes, a-t-elle précisé.

Les enfants étrangers réfugiés sur le sol rwandais bénéficient de l'enseignement gratuit dispensé par le système scolaire normal, a par ailleurs indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que les budgets destinés à promouvoir la participation des femmes au développement du pays sont transversaux. Les ministères sont aussi tenus de faire apparaître la part de leurs budgets destinée aux femmes.

Lutte contre les stéréotypes, contre la violence, la traite et l'exploitation de la prostitution des femmes

Un membre du Comité a relevé que des stéréotypes existent toujours au Rwanda en ce qui concerne l'emploi des femmes. Aussi, conviendrait-il pour ce pays de mener une action coordonnée avec la société civile, les médias et les organismes régionaux et internationaux afin de lutter contre de tels stéréotypes. Quant à la violence domestique contre les femmes, elle fait bien l'objet d'un effort correctif louable - au plan législatif notamment - mais une action plus ferme est sans doute requise, a-t-il été souligné. Des mesures doivent aussi être prises contre la pratique des mariages précoces.

Un autre membre du Comité a insisté sur l'importance de la présence des femmes dans les pouvoirs exécutif et législatif, espérant que la bonne situation du Rwanda à cet égard perdurerait. La lutte contre les stéréotypes passe notamment par la nomination de davantage de femmes dans l'enseignement secondaire et universitaire, a-t-il été souligné. Il importe que les femmes soient intégrées aux changements.

Une experte s'est félicitée des efforts consentis par le Rwanda pour assurer la participation des femmes. En revanche, la traite des femmes dans ce pays reste un problème mal documenté, a-t-elle relevé. Un rapport international note que le Rwanda accueille plus de 30 000 femmes réfugiées ou demandeuses d'asile, la traite, dans ce contexte, restant un problème. Le rapport du Rwanda devrait fournir davantage de renseignements sur l'ampleur de ce problème et sur les mesures prises pour en prévenir l'occurrence et en corriger les effets, a estimé l'experte.

Une autre experte a demandé des précisions sur les programmes de réduction de la pauvreté orientés sur les femmes. Elle a préconisé qu'une étude soit réalisée sur la question de la traite des êtres humains et que des informations soient fournies quant au contenu du projet de loi dans ce domaine. Pour ce qui est de la prostitution, la police dispose-t-elle d'une unité chargée des affaires impliquant des femmes? L'État a-t-il prévu des mesures de réinsertion à l'intention des femmes souhaitant abandonner la prostitution?

La délégation a confirmé que des mesures énergiques doivent être adoptées pour mettre définitivement un terme aux violences contre les femmes. Le Rwanda coopère avec les États voisins de l'Afrique de l'Est à la résolution de ce problème, en partageant les meilleures pratiques et en créant les conditions de leur application, a-t-elle indiqué. Au niveau national, la loi devra être révisée et précisée, pour mieux distinguer les différents types de violence contre les femmes, a-t-elle ajouté.

Le Rwanda ne dispose pas encore de statistiques sur la traite de personnes, a par ailleurs indiqué la délégation; l'action du pays vise donc dans un premier temps la prévention et la mise au point d'une stratégie d'action. Un comité d'action a été mis sur pied pour vérifier l'existence ou non de tels trafics, en coopération avec les autorités de police et les institutions de protection des droits des femmes, a poursuivi la délégation. D'autre part, l'État a pris des mesures en faveur de la réinsertion des «travailleuses du sexe», en instaurant des groupes de soutien, des coopératives de financement et des fonds de crédit à l'appui de leur réintégration et de leur réorientation vers une activité professionnelle.

Les demandeurs d'asile viennent en premier lieu du Burundi, à la recherche temporaire de meilleures conditions de vie, ce qui entraîne certaines préoccupations en matière de sécurité, a par ailleurs indiqué la délégation. Des statistiques plus précises quant à la composition démographique des demandeurs d'asile restent à établir, a-t-elle ajouté.

Aux experts qui s'étaient enquis des lois et sanctions prévues pour réprimer les violences sexuelles, le harcèlement sexuel et la discrimination à l'encontre des femmes, la délégation a indiqué que des projets de loi intéressant ces questions sont en cours d'examen. D'ici leur adoption, des mesures intérimaires sont prises, notamment dans le domaine de la lutte contre la violence, a-t-elle ajouté. Il est vrai que le concubinage est pénalisé, pour la simple raison que cet état entraîne très souvent, dans la pratique, des abus contre les droits des femmes et des enfants, a expliqué la délégation. Si la prostitution est, elle aussi, interdite par la loi, il n'en demeure pas moins que les autorités prennent des mesures en faveur de la réinsertion des personnes concernées, a-t-elle par ailleurs indiqué. Le Rwanda criminalise aussi l'avortement, notamment parce que l'on considère qu'il est en fait le résultat d'un autre comportement illégal (prostitution, par exemple). Le harcèlement sexuel sera également pénalisé en vertu d'un projet de loi qui va être signé sous peu, a également indiqué la délégation.

Participation à la vie politique, statut personnel

Un membre du Comité s'est félicité de l'excellente participation des femmes rwandaises au Parlement national, grâce à l'adoption de quotas, suggérant en revanche que la représentation des femmes au niveau local soit améliorée, tant il est vrai que les femmes élues aujourd'hui localement sont les futures représentantes des citoyens au Parlement national. Au niveau de la justice, les femmes commencent à être représentées sur un pied d'égalité à la Cour suprême, a fait observer cette experte, avant de s'enquérir de l'aide internationale dont le Rwanda avait bénéficié pour mettre en œuvre son action dans le domaine de représentation des femmes dans la justice.

D'autres membres du Comité ont posé des questions au sujet de la situation de la femme rwandaise qui se marie avec un ressortissant étranger.

La délégation s'est dite d'accord avec les experts du Comité pour déplorer la faiblesse de la représentation des femmes dans la vie politique locale, qui sera traitée par des mesures incitatives en direction des femmes rurales.

La délégation a par ailleurs indiqué que l'aide internationale promise ne se concrétise que rarement.

Concernant la nationalité, la délégation a expliqué qu'une femme rwandaise peut transmettre sa propre nationalité à ses enfants, même lorsqu'elle est mariée à un ressortissant étranger, lequel peut d'ailleurs aussi obtenir la nationalité rwandaise.

Lutte contre la discrimination dans l'éducation, l'emploi, la santé

Un membre du Comité a relevé que l'éducation joue un rôle central dans la lutte contre les préjugés et pour l'insertion des femmes dans tous les aspects de la vie publique. Cette experte a demandé des précisions sur la durée et l'universalité de la scolarité obligatoire, faisant observer que le taux d'abandon scolaire après le primaire est important et demandant dans quelle mesure les filles sont particulièrement concernées par ce phénomène. D'une manière générale, on doit se poser la question de la présence des filles dans l'enseignement secondaire et supérieur, compte tenu de la persistance de préjugés défavorables à l'encontre de la scolarisation des filles. Enfin, les universités publiques ne comptent que 25% d'étudiantes, à comparer à une proportion de 50% dans les universités privées.

Un autre expert a relevé que le secteur agricole, qui revêt une importance déterminante pour le Rwanda, se féminise de plus en plus. Combien de travailleurs de ce secteur bénéficient-ils d'un contrat en bonne et due forme et d'une couverture sociale, a demandé l'expert, qui a aussi demandé des précisions sur la lutte contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail. D'autres questions ont porté sur l'absence de pouvoir des femmes dans les négociations professionnelles, sur la composition essentiellement masculine de la fonction publique, sur les mesures prises pour éliminer les licenciements discriminatoires envers les femmes, sur l'existence de services de conseils et de placement professionnels à l'intention de femmes et sur la promotion des micro-entreprises créées par des femmes.

Une experte a relevé que, selon ce qu'indique le rapport, 85% des femmes rwandaises bénéficient de soins prénataux. Or, les statistiques pour 2005 montrent que le taux de mortalité maternelle reste très élevé au Rwanda. Combien de maternités et hôpitaux disposent-ils d'un personnel qualifié? Les sages-femmes sont-elles correctement formées? Cette experte a aussi voulu savoir si les contraceptifs sont bien accessibles aux femmes, aux couples mais aussi aux jeunes filles qui en ont besoin. L'experte a également relevé le faible taux de vaccination chez les femmes et le risque de malnutrition que courent certaines femmes enceintes. Les femmes et les filles enceintes suite à un viol ont-elles la possibilité d'avoir recours à l'avortement, a encore demandé l'experte? Des questions ont également été posées sur les projets du Gouvernement en matière d'extension de la couverture sociale, sur les conditions d'accès au système de sécurité sociale et sur l'existence d'un régime de protection maladie et vieillesse à l'intention des travailleurs du secteur privé.

Une experte a demandé des précisions sur les droits des femmes en matière de possession et de transmission d'un patrimoine foncier. Cette experte a aussi voulu savoir si les programmes de coopératives destinés aux femmes rurales ont rencontré un succès au Rwanda, compte tenu de l'échec de telles initiatives dans d'autres pays. La même question se pose au sujet des mutuelles de santé mises sur pied également au profit des femmes rurales, étant donné la persistance d'un taux élevé de mortalité maternelle.

La délégation a indiqué que l'éducation primaire est obligatoire et gratuite, de même que les trois premières années du secondaire, l'objectif à long terme étant la gratuité de l'intégralité du système scolaire. L'éducation de base dure jusqu'à l'âge de 15 ans et vise à doter les élèves des moyens d'accéder à une formation adaptée à leurs possibilités. Le Rwanda ayant besoin de travailleurs rapidement productifs, il propose à ces jeunes un enseignement technique, a expliqué la délégation. Le phénomène de l'abandon scolaire est relativement important, a admis la délégation, en particulier dans certaines régions. Les causes de l'abandon scolaire sont en partie imputables au génocide, nombre des enfants concernés étant nés durant cette période. Les autorités s'efforcent d'intervenir pour chacun des cas d'abandon scolaire. La disparité de la présence féminine dans les universités est imputable à des raisons historiques. Les femmes n'ont retrouvé de rôle et de place dans l'université que depuis une quinzaine d'années, a indiqué la délégation. Nombre de femmes suivent des cours du soir, a-t-elle ajouté. L'illettrisme touche surtout des femmes plus âgées; il reste faible chez les jeunes qui, pour la plupart, savent lire et écrire.

Les enfants handicapés, les jeunes adultes et les filles aux besoins spécifiques en matière d'enseignement bénéficient de mesures particulières visant leur faire rattraper leur retard scolaire. La scolarisation des enfants réfugiés intervient dans des écoles situées à côté des camps d'accueil. Ces écoles, supervisées par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, scolarisent également des enfants rwandais, a indiqué la délégation.

Le congé maternité est accordé aux employées du secteur privé comme public, a poursuivi la délégation. Une nouvelle loi énoncera plus rigoureusement l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, les inégalités flagrantes en matière salariale entraînent des sanctions, a assuré la délégation. Les postes à responsabilité sont encore attribués de préférence aux hommes, pour des questions de perception de la disponibilité familiale, a-t-elle expliqué. Des mesures ont été prises dans l'organisation des appels à candidatures pour remédier à cette forme de discrimination. Le harcèlement sexuel va faire l'objet d'une nouvelle disposition du Code pénal, a également indiqué la délégation.

L'accès des femmes rurales au crédit est garanti par un fonds mis sur pied par le Gouvernement, a poursuivi la délégation. Les coopératives de femmes sont de différentes natures, agricoles, artisanales (briqueteries notamment). Les microcrédits fonctionnent sur le modèle introduit au Bangladesh, a souligné la délégation.

Le taux de mortalité maternelle 2008 ne peut encore être officiellement divulgué, mais il a évolué de manière positive depuis 2005, a assuré la délégation. Les statistiques sur les soins prénatals seront aussi actualisées dans le prochain rapport. Il a été précisé que le Rwanda s'efforce d'attirer des travailleurs étrangers qualifiés dans la gestion et la fourniture des services de santé. La formation des sages-femmes (y compris des praticiennes traditionnelles) est assurée dans des écoles spécialisées, a par ailleurs souligné la délégation. L'Organisation mondiale de la santé et le Fonds des nations Unies pour l'enfance accordent une aide financière pour cette formation, a-t-elle précisé. L'accès des femmes aux contraceptifs se fait par le biais des centres médicaux et des dispensaires communautaires, a-t-elle en outre indiqué. Cependant, la croissance démographique reste élevée du fait que l'utilisation des moyens contraceptifs ne rencontre pas l'approbation des partenaires masculins des femmes, a-t-elle expliqué. Une action éducative est nécessaire à cet égard. Le Gouvernement mène des campagnes de sensibilisation au problème des maladies sexuellement transmissibles et à la question du contrôle des naissances, a poursuivi la délégation. Il faut relever à cet égard que mêmes les églises commencent à organiser des programmes d'information sur ce dernier sujet, compte tenu de l'importance pour le Rwanda de la maîtrise de sa démographie.

L'incidence du viol n'est pas quotidienne au Rwanda, a assuré la délégation, il faut donc aborder ce problème avec prudence. Les filles victimes d'un viol sont prises en charge par les services compétents. Sur un autre plan, l'avortement reste un meurtre et il appartient aux parents d'éduquer leurs enfants pour éviter les grossesses indésirables, a déclaré la délégation.

Le régime d'assurance vieillesse s'adresse à tous les employés des secteurs privé et public, a par ailleurs assuré la délégation. Plusieurs programmes de lutte contre la pauvreté ont été lancés par le Gouvernement en direction des femmes rurales, a-t-elle en outre indiqué. L'un de ces programmes vise l'élimination de la malnutrition par un renforcement de la production laitière (projet "une culture par famille").

La réussite du Rwanda n'est pas universelle et des lacunes existent dans son action. Cependant, la volonté politique existe d'améliorer la situation des femmes, a fait valoir la délégation.

Des membres du Comité ont voulu savoir si les autorités rwandaises ont conscience de l'existence d'un lien entre la mortalité maternelle et la pratique d'avortements clandestins. Il a été demandé quelles mesures sont prises pour la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant. Une experte a observé que certains facteurs socioculturels rendent les femmes plus vulnérables au VIH et que le préservatif n'est utilisé que par 3% de la population. Une experte a relevé que l'Organisation mondiale de la santé recense plus de cent mille viols par an au Rwanda, chiffre à comparer aux 500 annoncés dans le rapport. D'autres questions ont porté sur le chômage des femmes rurales et l'accès aux congés maternité pour les femmes employées dans le domaine agricole, ainsi que sur les mesures prises pour que les filles des zones rurales aient effectivement accès à l'enseignement scolaire gratuit.

La délégation a indiqué que les femmes subissant des complications d'un avortement bénéficient des soins médicaux dispensés dans les hôpitaux. Par ailleurs, les programmes de lutte contre la transmission des maladies sexuellement transmissibles, dont le sida, sont dispensés par le système de santé national. La stratégie de prévention du sida passe notamment par l'utilisation du préservatif et par l'interdiction de la polygamie, a indiqué la délégation. Les personnes vivant avec cette maladie bénéficient d'un système de soins et de soutien, a-t-elle ajouté. Les obstacles au dépistage sont le financement insuffisant, le manque de médecins et de travailleurs sociaux et la géographie du pays, très montagneux, a précisé la délégation.

Les femmes incarcérées au Rwanda pour avortement et adultères ne font pas l'objet de recensement, a ensuite indiqué la délégation. Par ailleurs, le Rwanda ne connaît pas la pratique des mutilations génitales féminines, a-t-elle précisé.

La délégation a par ailleurs rappelé que toute l'infrastructure du pays a été détruite lors du génocide et que le Rwanda a dû tout reprendre à zéro.

Les chiffres du rapport concernant le paludisme sont dépassés, a poursuivi la délégation : un programme d'éradication des moustiques, d'assainissement et de distribution de pesticides a donné d'excellents résultats, a-t-elle fait valoir. Le Rwanda compte encore peu de spécialistes du cancer du sein et de l'ostéoporose, un effort de formation devant être consenti dans ce domaine avec l'aide de partenaires internationaux, a-t-elle poursuivi. Les taux de mortalité et d'avortements clandestins ne font pas encore l'objet de statistiques et il est difficile d'établir le lien de cause à effet entre les deux, a par ailleurs déclaré la délégation. La qualité des services hospitaliers est la priorité des autorités, de même que la formation du personnel soignant, a-t-elle indiqué. La couverture du fonds de sécurité sociale a été étendue à toutes les catégories de travailleurs, a-t-elle également souligné.

Égalité devant la loi, statut personnel et mariage

Des experts du Comité ont demandé des précisions sur l'obligation d'enregistrement du mariage et sur les effets du non-respect de cette disposition du point de vue de l'exercice des droits des femmes. Des questions ont aussi porté sur l'incidence de l'union libre et des mariages coutumiers au Rwanda et sur le délai pour l'abolition des dispositions discriminatoires de la législation sur le statut personnel.

Il existe trois régimes matrimoniaux: communauté des biens, communauté réduite aux acquêts et séparation des biens, a rappelé la délégation. L'adoption du premier régime entraînait l'obligation de résidence au domicile du mari, ce qui a été aboli, a-t-elle indiqué. Les mariages doivent désormais être dûment enregistrés, a-t-elle en outre fait valoir, précisant que la démarche dans ce domaine relève de la compétence des autorités locales. Il n'y aura plus de problèmes de succession dans la mesure où les mariages illégaux seront interdits, a ajouté la délégation.

Concluant le dialogue, MME JEANNE D'ARC MUJAWAMARIYA, Ministre du genre et de la promotion de la famille du Rwanda, a assuré que son Gouvernement a la volonté politique de faire respecter les droits des femmes. Elle s'est engagée à donner effets aux délibérations et aux recommandations du Comité. Le prochain rapport reflétera les observations du Comité, a-t-elle assuré.

La Présidente du Comité, MME NAÉLA GABR, a pour sa part remercié la délégation pour sa coopération, espérant trouver dans un prochain rapport davantage de renseignements sur des sujets tels que l'éducation et la santé de la femme, en particulier dans le domaine de la sensibilisation des femmes au problème des maladies sexuellement transmissibles et du VIH. La violence sociale et la violence domestique contre les femmes doivent être combattues et la situation des femmes rurales améliorées, a-t-elle ajouté.



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CEDAW09012F