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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DU GUATEMALA

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui les mesures prises par le Guatemala pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport de son pays, Mme Sonia Escobedo, Secrétaire présidentielle à la condition féminine du Guatemala, a déclaré que la violence contre les femmes est le principal obstacle à leur autonomisation. C'est ainsi que ce qu'il faut bien qualifier de "féminicide" place le Guatemala dans une situation alarmante, a-t-elle reconnu. L'État doit donc veiller à la sécurité des femmes, en particulier au sein même de leur foyer. L'administration a tenu compte des recommandations de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et élaboré, sur cette base, un projet de loi-cadre de réduction de la violence, qui a abouti à la loi contre le féminicide adoptée en avril 2008 par le Congrès national.

Conduite par M. Carlos Ramiro Martínez Alvarado, Représentant permanent du Guatemala auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, la délégation guatémaltèque était également composée de représentantes et représentants de la Cour suprême, de l'Institut public de défense pénale, de la Commission présidentielle de coordination des politiques en matière de droits de l'homme, de la Coordination nationale pour la prévention de la violence au sein de la famille et contre les femmes, ainsi que de deux représentantes d'organisations non gouvernementales et de plusieurs fonctionnaires du Ministère des affaires étrangères. La délégation a répondu aux questions des experts portant, notamment, sur le cadre général d'application de la Convention; la lutte contre les stéréotypes sexistes; la discrimination et la violence dont sont souvent victimes les femmes rurales et autochtones en particulier, ainsi que sur les mesures prises par le Gouvernement pour favoriser la participation de ces femmes dans la vie économique et politique.

Concluant le dialogue avec la délégation, la Présidente du Comité, Mme Naéla Gabr, a notamment souligné que le Comité attend que le Gouvernement fasse davantage encore pour assurer le respect des droits des femmes, en dépit des conditions difficiles que traverse le pays. Il faut à cet égard espérer que les lois antidiscriminatoires actuellement à l'étude seront rapidement adoptées et que les femmes rurales et autochtones feront l'objet d'une attention particulière.

Des observations et recommandations du Comité, qui seront adoptées au cours de séances privées, seront adressées au Guatemala et paraîtront par la suite sur la page internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme consacrée aux travaux de la session.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Rwanda (CEDAW/C/RWA/6).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de son pays, MME SONIA ESCOBEDO, Secrétaire présidentielle à la condition féminine du Guatemala, a souligné que la réalité guatémaltèque est complexe: l'économie du pays repose sur un secteur agricole régulièrement soumis à des crises et marqué par des inégalités, au détriment des populations rurales et féminines, entraînant une pauvreté extrême. L'État vise le développement intégral de l'être humain et se propose pour cela de mettre en œuvre un modèle de développement qui soit de nature à permettre à toutes et à tous de vivre dans la dignité. La nouvelle administration nommée en 2008 est chargée de l'application de ce plan, qui cible des secteurs fondamentaux tels que la santé, l'éducation et l'habitat. Il reste cependant beaucoup à faire et les femmes sont toujours soumises à d'importantes discriminations, a admis Mme Escobedo. Le Gouvernement du Guatemala est fortement engagé à résoudre ces discriminations en plaçant les droits des femmes au cœur de ses politiques, a-t-elle assuré. Une politique nationale de promotion et de développement intégral des femmes et d'égalité des chances a ainsi été adoptée en guise d'axe d'intervention majeure, a-t-elle précisé. Des mesures transversales ont été adoptées au profit notamment des femmes autochtones, a poursuivi Mme Escobedo. L'État veille à la continuité et à la coordination des activités des organes de protection des droits de la femme, a-t-elle souligné. Le Secrétariat présidentiel à la condition féminine a déterminé cinq axes d'action stratégiques: renforcement de la coopération avec la société civile, comprenant l'organisation de conférences et de visites communes; constitution d'un bureau national du dialogue autour des questions féminines, avec l'organisation d'une vaste consultation; action auprès des membres du Parlement, pour garantir les dotations budgétaires adéquates; action dans le domaine du recueil de statistiques.

D'autre part, la structure du Conseil national de cohésion sociale, qui dépend du pouvoir exécutif, a été renforcée pour favoriser la lutte contre la pauvreté ainsi qu'une meilleure redistribution des richesses, a poursuivi Mme Escobedo. Une attention particulière est accordée à toutes les personnes qui se trouvent dans des situations de fragilité et de vulnérabilité particulières, au premier rang desquelles les femmes et les femmes autochtones. L'action va se concentrer sur certaines régions prioritaires, a souligné Mme Escobedo, précisant qu'elle prendrait la forme d'un programme de nutrition au bénéfice de 1200 communautés, de mesures d'octroi de crédits et de bourses rurales aux mères qui sont chefs de famille. En outre, des transferts directs destinés à alléger la pauvreté et l'extrême pauvreté sont consentis aux femmes, a ajouté la Secrétaire présidentielle. Le Gouvernement guatémaltèque a également organisé un programme de cantines solidaires et gratuites à l'intention, notamment, des enfants des rues. Le Ministère de l'agriculture organise de son côté des actions d'autonomisation des femmes, dans le cadre du programme de cohésion sociale et de développement rural PRORURAL orienté sur un certain nombre de provinces prioritaires. Quant au département chargé des femmes du Ministère du travail, il organise des formations et des campagnes d'insertion dans le monde du travail à l'intention des femmes et jeunes filles. Des bourses d'études sont par ailleurs destinées aux femmes, a souligné Mme Escobedo.

La violence contre les femmes est le principal obstacle à leur autonomisation, a ensuite fait observer Mme Escobedo. C'est ainsi que ce qu'il faut bien qualifier de "féminicide" place le Guatemala dans une situation alarmante, a-t-elle déclaré. L'État doit donc veiller à la sécurité des femmes, en particulier au sein même de leur foyer. La Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, Mme Yakin Ertürk, qui s'est rendue au Guatemala, a présenté un rapport où elle recommande en particulier un renforcement des institutions publiques chargées de la protection des femmes et l'amélioration de la coordination de leur action, a par ailleurs rappelé Mme Escobedo. La novelle administration a tenu compte de ces recommandations et élaboré, sur cette base, un projet de loi-cadre de réduction de la violence, qui a abouti à la loi contre le féminicide adoptée en avril 2008 par le Congrès national. La loi sur la violence domestique, adoptée en 1996, n'a pas la portée de ce nouveau texte, qui concerne tous les aspects de la sécurité des femmes et est conforme aux dispositions de la Convention, a insisté Mme Escobedo. Toujours sur la base des recommandations de Mme Ertürk, un organisme de coordination de l'action des organes exécutifs et législatifs guatémaltèques en faveur des femmes a été mis sur pied, dans le prolongement de l'adoption de la loi, a-t-elle fait valoir.

L'expérience ainsi acquise par le Guatemala lui a montré que la voie à suivre pour la lutte contre la violence contre les femmes est celle non seulement d'un engagement politique résolu, mais aussi d'une étroite coopération entre l'État, le Parlement, la justice et les organisations de la société civile, a conclu Mme Escobedo.

Le rapport du Guatemala (CEDAW/C/GUA/7, réunissant en un seul rapport les troisième et quatrième rapports périodiques) a été établi par le Secrétariat présidentiel à la condition féminine (SEPREM), en tant que mécanisme national chargé au plus haut niveau de la promotion de la femme et en tant qu’organe directeur de l’Exécutif chargé de la promotion des politiques publiques en faveur de l’équité et de l’égalité entre les sexes. Parmi les compétences du SEPREM, le rapport souligne celles consistant à veiller à l’application des lois, des conventions et des traités et à la coordination entre les institutions. Le règlement interne du SEPREM exige qu’il adopte des mécanismes de consultation et de dialogue avec les organisations de femmes.

Au niveau de la législation sexospécifique, il existe des domaines qui appellent une amélioration, dont certains sont visés dans des projets de loi soumis au Congrès de la République, poursuit le rapport. Ces initiatives, fruit d’un consensus entre les organisations de femmes de la société civile et les institutions de l’État, sont, pour un grand nombre d’entre elles, en attente d’un examen par le Congrès de la République réuni en session plénière. Des propositions de réformes dans le domaine pénal visent à adapter les textes de caractère pénal de fond, à éliminer les textes discriminatoires à l’égard des femmes et à réglementer certains délits pénaux, notamment la violence familiale, l’exploitation sexuelle à des fins commerciales et les adoptions frauduleuses. En 2007 la Commission des droits de l’homme du Congrès la République a approuvé en première lecture un projet de loi sur le "féminicide" qui vise à criminaliser certains actes pour protéger les femmes et à renforcer au plan institutionnel les instances qui veillent au respect des droits fondamentaux des femmes. D'autres propositions de réformes concernent le domaine du travail: harcèlement sexuel (compris comme étant une conduite sexuelle indésirable) et travail chez les particuliers (pour remédier à l’absence de législation en faveur des employées de maison).

Le rapport précise qu'au Guatemala, la violence familiale n’est pour l’instant pas considérée comme un délit relevant de la législation pénale. Bien que ce type de violence ne puisse pas faire l’objet de poursuites pénales, le Ministère public reçoit les dénonciations et les traite. Il accueille la victime, prend sa déclaration et demande au Tribunal aux affaires familiales de prendre des mesures de sécurité. Concernant la formation du personnel judiciaire, dans le cadre du programme de formation initiale des élèves juges, le thème de la violence familiale est l’un de ceux les plus souvent abordés, car ce sont généralement des cas de ce type auxquels l’on a le plus affaire dans les tribunaux. Dans le cadre de ces activités de formation continue de ses fonctionnaires et employés (hommes et femmes), l’Organisme judiciaire organise des cours de formation auxquels ont participé les fonctionnaires et membres agréés du personnel judiciaire.

Dans le domaine de la santé, les autorités sanitaires ont mis au point un ensemble de matériel pédagogique tels que guides pour les soins à la femme enceinte, les soins pendant l’accouchement, les soins post natals et les urgences obstétriques; manuel de formation sur le cancer du col de l’utérus et la coloscopie; mini-guide de planification familiale; manuel de formation pour les adolescents; et protocole pour les victimes de violence sexuelle.

Examen du rapport

Cadre général d'application de la Convention, mesures spéciales temporaires

Un membre du Comité a constaté que si la Convention est directement applicable dans le droit interne guatémaltèque, on ne dispose pas de jurisprudence en faisant mention. Par ailleurs, malgré l'adoption de la Convention, il semble qu'il reste des éléments de lois discriminatoires dans l'ordre juridique guatémaltèque, dans le Code pénal mais aussi dans les parties concernant les femmes de plusieurs autres codes. Un calendrier précis devrait être préparé pour l'élimination de ces vestiges discriminatoires, a recommandé ce membre du Comité.

Une experte a relevé que certains mandats des mécanismes nationaux de promotion de la femme, tels que présentés dans le rapport, semblent faire double emploi, notamment dans le domaine de l'action en faveur des populations autochtones. La question se pose donc de la coordination de l'action de ces mécanismes et de la nature des processus décisionnels et de surveillance y afférents. L'experte a aussi constaté que les ministères n'ont pas encore défini les objectifs en matière de parité: comment, dans ces conditions, peut-on orienter efficacement l'action de l'État?

Plusieurs membres du Comité se sont enquis des mesures temporaires spéciales prises par le Guatemala.

La délégation guatémaltèque a indiqué que l'harmonisation de la loi nationale avec les dispositions de la Convention reste l'un des principaux défis qui se posent au Guatemala, société patriarcale au sein de laquelle prévaut encore la soumission des questions féminines aux objectifs à court terme des membres du Parlement en majorité masculins. L'objectif est donc actuellement de rassembler un bloc de parlementaires et de responsables politiques ouverts à la problématique des droits des femmes et prêts à faire tout le nécessaire pour adapter, progressivement, le droit guatémaltèque. Des initiatives doivent aussi être lancées pour sensibiliser les populations, a ajouté la délégation.

Une certaine confusion règne parmi les mécanismes nationaux de promotion des droits de la femme, a admis la délégation. Ces mécanismes sont certes chapeautés par le Secrétariat présidentiel à la condition féminine, mais la coordination de leur action dépend étroitement de la volonté de participation de chacune de leurs directions. Le Secrétariat présidentiel, pour sa part, a passé des protocoles d'accord avec, par exemple, les organes chargés des femmes autochtones, et tente de formuler des méthodes de travail communes, a précisé la délégation. Par ailleurs, l'organe de coordination des politiques publiques de lutte contre la violence à l'encontre des femmes (CONAPREVI), constitué d'organes de l'État mais aussi d'organisations non gouvernementales, s'efforce de modifier les perceptions sociales par le biais d'un plan national lancé 2004. Son plan opérationnel annuel prévoit notamment l'établissement d'un diagnostic de la violence contre les femmes et la formulation d'une stratégie d'action, a indiqué la délégation.

La mise en œuvre de programmes spécifiques est du ressort des plans d'action établis par les différents ministères, a poursuivi la délégation. La politique nationale de promotion des droits de la femme menée par le Secrétariat présidentiel à la condition féminine autorise, dans la limite de la volonté des fonctionnaires, l'application d'une politique interministérielle s'agissant des questions sexospécifiques. Le programme présidentiel "Gouverner avec le peuple" consiste, lui, en une stratégie explicite au profit des femmes, axée sur une application au niveau des subdivisions administratives par le biais du renforcement des bureaux municipaux de la promotion des femmes.

Lutte contre les stéréotypes, contre la violence, contre la traite et contre l'exploitation de la prostitution des femmes

Une experte du Comité a relevé que la société guatémaltèque est encore fondée sur des valeurs patriarcales, imposant des préjugés sexistes mais aussi raciaux. Dans ce contexte, les mesures de lutte contre la discrimination ne semblent pas atteindre les populations rurales et autochtones, a-t-elle déploré. Elle a voulu savoir quelles mesures spécifiques et systématiques sont prises par les autorités pour toucher la population d'origine africaine en utilisant sa langue.

Une autre experte a souhaité savoir si les ressources budgétaires nécessaires ont été dégagées pour assurer l'application effective de la loi contre le féminicide.

Une experte a évoqué les problèmes de la société guatémaltèque en soulignant que le tissu social du pays a été brisé par les conflits et en faisant observer que 722 femmes (autochtones pour la plupart) ont été assassinées au Guatemala depuis le dépôt du rapport. Ce problème est aggravé par l'impunité quasi-totale dont jouissent les auteurs de ces crimes, 98% des meurtres de femmes n'étant jamais élucidés, ainsi que par la peur qu'éprouvent les familles et qui les empêche de porter plainte, a rappelé l'experte.

Une experte a déclaré que le Guatemala est un pays de transit pour la traite des êtres humains et a relevé des carences, dans le rapport, au sujet des politiques nationales de lutte contre ce problème. On manque de données statistiques sur l'ampleur du phénomène et sur les mesures prises par le Gouvernement pour poursuivre les responsables de ces crimes contre les femmes et les fillettes, a précisé l'experte. La loi prévoit-elle des sanctions plus lourdes en cas de complicité de fonctionnaires de l'État, a-t-elle demandé?

La délégation a fait savoir que le Guatemala est effectivement confronté à un état d'esprit patriarcal que les autorités s'efforcent d'infléchir par une communication axée notamment sur les communautés autochtones qui en sont les premières victimes. Le problème dépasse celui des simples manuels scolaires: il englobe aussi la formation des enseignants, qui doivent être aptes à dispenser un enseignement exempt de stéréotypes. Le Secrétariat présidentiel à la condition féminine collabore avec des organisations de femmes dans le cadre d'alliances stratégiques ayant déjà permis d'améliorer la couverture du système scolaire, rendu universellement gratuit en 2008.

L'application des lois reste la grande difficulté pour le Guatemala, a indiqué la délégation. La loi contre le féminicide et la violence contre les femmes n'est pas assortie d'une ligne de crédit budgétaire qui lui soit propre, de sorte que sa mise en œuvre dépend encore, pour l'instant, des ministères. Un important effort de sensibilisation a dû être consenti - notamment en direction des fonctionnaires du Ministère de la justice - au terme duquel a été créé un mécanisme de coordination des instances concernées par la mise en œuvre de cette loi.

La loi sur le féminicide a été appliquée pour la première fois il y a peu, entraînant une première condamnation; elle prévoit des mesures de réparation à l'intention des victimes, a par ailleurs fait savoir la délégation. La stratégie d'application de la loi sur le féminicide permet aussi l'incrimination des faits de violence contre des femmes ou de disparition forcée, a-t-elle ajouté. L'Institut public de défense pénale s'est de son côté porté partie civile dans trois cas de viols. Les cas de violence domestique sont traités par les cours civiles et pénales en vertu de la loi sur le féminicide, a poursuivi la délégation. Les femmes peuvent bénéficier immédiatement de mesures visant à garantir leur sécurité, voire leur survie. Le pouvoir judiciaire a pris note du fait que les femmes ont besoin de voir la justice se rapprocher d'elles: trois tribunaux mobiles sont donc déployés dans les régions, au contact direct des populations. Les autres tribunaux ont vu leurs attributions renforcées. Enfin, les femmes désemparées disposent d'un certain nombre de places dans des foyers d'accueil et bénéficient d'un soutien matériel et psychologique. Enfin, on s'efforce de recruter des fonctionnaires parlant les langues autochtones, a souligné la délégation. Toutes ces mesures visent à renforcer la confiance des femmes dans le processus judiciaire et, donc, à les encourager à porter plainte.

La traite des êtres humains n'est pas visible au Guatemala, dans le sens où les statistiques ne disent rien de l'ampleur du problème, a poursuivi la délégation. Les défis sont donc nombreux. Cependant, la police civile étant pour la première fois dirigée par une femme, on peut s'attendre à des réformes radicales au sein de cette institution, auparavant souvent accusée de violations des droits des femmes. Le problème de la traite des personnes concerne l'ensemble de l'Amérique centrale et doit être traité à cette échelle, a en outre rappelé la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné que le système du patriarcat n'est pas propice à la reconnaissance de la diversité, d'une manière générale, et de la diversité sexuelle en particulier, la violence étant très forte à l'encontre des minorités homosexuelles et transsexuelles. Il est actuellement impossible d'aborder ce thème au niveau de la fonction publique et encore moins au niveau législatif, a indiqué la délégation.

La lutte contre la discrimination à l'encontre des femmes autochtones passe par une action résolue auprès des fonctionnaires publics, dont les comportements sont à modifier, a également reconnu la délégation. Le Bureau de défense des femmes autochtones a traité plusieurs centaines de dossiers en 2008, a-t-elle précisé. Un programme institutionnel d'aide aux femmes autochtones prévoit la mise à leur disposition de conseils juridiques gratuits, a-t-elle ajouté. Toujours dans le secteur public, des mesures ont été prises pour sanctionner les comportements de harcèlement sexuel; mais il faut aussi prévoir des mesures pour faire changer les mentalités, a souligné la délégation. En outre, rien n'est prévu pour le secteur privé, a-t-elle fait observer.

Lutte contre la discrimination dans la vie politique

Un membre du Comité a relevé que les statistiques contenues dans le rapport laissent entrevoir un déficit dans la participation des femmes du Guatemala à la vie politique de leur pays, non seulement au niveau des mandats électifs (12% de femmes au maximum), mais aussi dans le simple exercice du droit de vote: en effet, nombre de femmes sont encore dépourvues de toute carte d'identité, pourtant indispensable à l'exercice de leurs droits civiques.

La délégation a admis que la problématique de la participation des femmes à la vie politique constitue l'une des grandes préoccupations du Guatemala - et aussi l'un des grands défis du pays. Au niveau local, on enregistre d'importants progrès dans ce domaine. Néanmoins, on compte beaucoup plus d'hommes que de femmes inscrits sur les listes électorales - phénomène que la loi de décentralisation s'efforce de contrecarrer en accordant une place plus importantes aux femmes dans les organes politiques locaux. Une réforme de l'état civil devrait modifier complètement les conditions d'émission des documents d'identité, actuellement marquées par la corruption, a par ailleurs indiqué la délégation. Plusieurs femmes occupent toutefois des fonctions importantes dans l'administration guatémaltèque, comme en témoigne la composition de la présente délégation devant le Comité, a-t-il été ajouté. Au niveau du Ministère des affaires étrangères, la présence des femmes est régie par une loi datant des années 1960 qui, bien qu'obsolète, n'a jamais pu être amendée pour des motifs politiques. Sur 34 ambassadeurs, sept ou huit sont des femmes, a précisé la délégation.


Lutte contre la discrimination dans l'éducation, dans l'emploi et dans la santé

Un membre du Comité a demandé des précisions chiffrées sur la place des filles dans l'enseignement primaire et secondaire, tant dans les villes que dans les campagnes. Le rapport fait état de la mise en place de mécanismes destinés à favoriser la scolarisation des enfants; mais on compte néanmoins un fort taux d'abandon scolaire, notamment chez les filles, pour lesquelles le taux d'analphabétisme est élevé, a relevé ce membre du Comité. D'autres experts ont souhaité en savoir davantage au sujet des écoles assurant un enseignement bilingue au profit des populations autochtones et au sujet de la formation professionnelle à l'intention des filles. Ne serait-il pas en outre possible de réviser les manuels scolaires pour en supprimer les stéréotypes sexistes, a-t-il été demandé?

Une experte s'est inquiétée du harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes dans le cadre de leurs activités professionnelles, estimant que les autorités devraient prendre des mesures rigoureuses dans ce domaine. Les autorités guatémaltèques devraient également prendre des mesures pour assurer l'employabilité des femmes, ceci afin de freiner la très forte émigration de ces dernières. D'autres experts ont soulevé des questions en rapport avec les conditions de travail et la protection sociale des femmes dans le secteur du textile ainsi qu'avec la situation des femmes et filles travaillant comme domestiques. Un rapport récent du Programme des Nations Unies pour le développement signale que la productivité des femmes autochtones a fait de grands progrès: or, les données du Ministère du travail indiquent que les salaires versés à ces femmes stagnent, a-t-il été relevé. Ce même Ministère fait état de la présence de 450 000 enfants sur le marché du travail: quelles mesures sont-elles donc prises pour remédier à cette situation? Une experte a demandé des précisions sur les mesures de protection prises en faveur des femmes immigrées au Guatemala victimes d'abus et notamment d'exploitation sexuelle.

Une experte a souhaité en savoir davantage sur les mesures prises par le Guatemala en matière de prévention de la mortalité maternelle, dont le taux reste élevé. Le rapport indique qu'au moment de l’accouchement, 60 % des mères qui décèdent sont pourtant aidées par une sage-femme, une parente voire les deux; il s'agit là d'un chiffre alarmant qui amène à s'interroger sur le type de formation que reçoivent les sages-femmes, s'est inquiétée l'experte. Quelles stratégies sont-elles envisagées pour contrecarrer le processus de féminisation du sida qu'attestent certaines statistiques, a-t-il également été demandé ? Les membres du Comité se sont également enquis des mesures prises pour favoriser l'accès des femmes aux traitements antirétroviraux et pour lutter contre la stigmatisation et la discrimination des femmes vivant avec le VIH/sida.

Si le rapport donne des renseignements sur l'accès des femmes aux crédits bancaires et aux prêts hypothécaires, il ne dit rien, en revanche, quant à leur participation à l'activité des petites et moyennes entreprises, a observé une experte. D'autre part, la richesse nationale est répartie de manière inégale dans la population, comme le montrent le rapport et d'autres sources concordantes. Quelles mesures le Gouvernement prend-il en faveur de la participation dans la vie économique des femmes rurales et autochtones, a-t-il été demandé à la délégation? En outre, a-t-il été souligné, des problèmes demeurent du fait du non-respect du droit des peuples autochtones à la propriété de la terre et des ressources naturelles, avec des conséquences particulièrement sensibles pour les femmes autochtones. Le prochain rapport devrait contenir des informations détaillées et concrètes sur la situation des peuples Xinca et Garifuno, entre autres, a-t-il été recommandé.

Le rapport indiquant que 85% des femmes travaillant dans le secteur agricole ne bénéficient d'aucune protection sociale, des experts ont demandé quelles mesures correctives le Gouvernement entend prendre dans ce domaine.

La délégation a rappelé que l'éducation au Guatemala a été longtemps très limitée tant du point de vue de la couverture que de la qualité. C'est ainsi que la gratuité de l'enseignement (tout comme celle de la santé, d'ailleurs) n'a été instituée qu'en 2008, a précisé la délégation. Le mois dernier, a commencé une nouvelle année scolaire pour 4 230 000 élèves, ce nombre attestant d'une nette amélioration de la couverture scolaire. Un peu plus de 49% des écoliers sont des filles, a ajouté la délégation. Le Gouvernement actuel verse aux familles des subventions directes qui sont conditionnées par le suivi scolaire effectif des enfants. Du point de vue de la qualité de l'enseignement, un effort important a été consenti pour recruter des enseignants dûment contractualisés, ce qui constitue un autre progrès à mettre à l'actif des autorités, a poursuivi la délégation. D'autre part, le Ministère de l’éducation a ouvert un certain nombre de classes bilingues. L'analphabétisme des peuples autochtones oscille entre 7% et 14% en moyenne, suivant la région, ce fléau ayant diminué jusqu'en 2006, date des dernières statistiques disponibles, a par ailleurs fait valoir la délégation.

En matière d'emploi, on constate une contraction du système étatique et une augmentation parallèle du secteur informel, qui emploie une majorité de femmes, a poursuivi la délégation. Une étude a été commandée sur la situation des femmes travaillant dans le secteur informel au regard de la protection sociale et les résultats de cette étude seront communiqués dans le courant de l'année. Par ailleurs, le Parlement a reporté à plusieurs reprises l'adoption d'une loi régissant le travail des jeunes filles et des femmes employées comme domestiques et dans le secteur agricole, a fait savoir la délégation. Le projet de loi prévoyait l'instauration de prestations sociales au bénéfice de ces travailleuses.

L'une des grandes erreurs commises au Guatemala est sans conteste l'absence de couverture sociale des paysans, a par ailleurs estimé la délégation. Cette situation, qui s'explique par des raisons historiques, a des conséquences directes sur la vie des femmes rurales et autochtones, a-t-elle reconnu.

Il n'existe pas de consensus au niveau national sur les articles de la Constitution relatifs aux droits à la propriété des peuples autochtones, a en outre indiqué la délégation, faisant par ailleurs état d'une polarisation entre les grandes exploitations terriennes et les petits entrepreneurs agricoles. Le Guatemala a besoin d'une impulsion politique plus forte pour la prise en compte des droits des femmes et des femmes autochtones, a admis la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'existence d'une série de programmes axés sur la création de petites et moyennes entreprises. Cependant, compte tenu de l'étroitesse du marché guatémaltèque, ces initiatives ne conduisent pas aux résultats escomptés et ont même entraîné le surendettement de nombreuses femmes, a souligné la délégation. Elle a d'autre part indiqué que le Ministère du travail s'est fixé comme priorité le renforcement des inspections du travail, avec l'aide de l'Organisation internationale du travail. Par ailleurs, l'appareil judiciaire a été saisi de la question des conditions de travail dans les maquiladoras, des sanctions ayant été imposées aux entreprises contrevenantes aux lois, notamment aux lois prévoyant l'octroi de prestations sociales minimales aux femmes concernées.

Le plan de santé génésique mis en place par le Guatemala vise une diminution du taux de mortalité maternelle, a poursuivi la délégation. Dans certaines communes prioritaires, des centres sanitaires ont été ouverts en permanence.

La délégation a par ailleurs indiqué que la Commission nationale de lutte contre le sida est chargée de préparer un plan de prévention et de lutte contre cette maladie. L'action de cette même Commission comporte également un volet de prévention de la violence domestique, tant il est vrai que des femmes qui, du fait de la violence, ne peuvent négocier l'utilisation de préservatifs, peuvent être contaminées par leur conjoint.

Répondant à un membre du Comité qui s'inquiétait de la dangerosité des pratiques d'avortement au Guatemala, alors que l'avortement serait à l'origine d'un quart de la mortalité maternelle, la délégation a affirmé que les femmes sont parfois contraintes d'avoir recours à des méthodes traditionnelles peu efficaces ou dangereuses, qui posent la question de la nécessité de dispenser une éducation sexuelle de qualité. Aussi, un "kit" de formation a-t-il été diffusé à cet effet. Le problème de l'avortement est compliqué par le refus de toute éducation sexuelle inspiré par des mouvements religieux très conservateurs, a expliqué la délégation. En réalité, le Guatemala devrait se doter d'une véritable politique d'État dans ce domaine, a admis la délégation.

Il est incontestable que des efforts sérieux ont été consentis pour la prise en compte des droits des peuples autochtones, a assuré la délégation, notamment en ce qui concerne les Mayas (auxquels appartiennent les Xincas et les Garifunos).

La délégation a ensuite précisé que les conflits relatifs à la propriété de la terre et des ressources naturelles sont gérés par le Ministère de l'agriculture, qui est chargé de trouver des solutions juridiques et cadastrales aux problèmes des populations autochtones menacées d'expulsion et de spoliation. Une assistance juridique gratuite est octroyée aux paysans concernés, a ajouté la délégation. Plusieurs conflits ont été tranchés à la satisfaction de ces derniers, a-t-elle assuré.

Égalité devant la loi

Une experte du Comité a relevé la persistance dans la loi guatémaltèque de dispositions discriminatoires à l'encontre des femmes, notamment en matière de mariage. Le Guatemala doit encore consentir de grands efforts avant d'envisager la possibilité même d'une équité entre les sexes, a affirmé cette experte.

La délégation a assuré que le projet de loi sur la paternité responsable allait remédier à un certain nombre de problèmes liés au statut personnel des femmes. En effet, l'application de tests ADN permettra de déterminer immédiatement la paternité et ainsi de garantir les droits des enfants, a-t-elle précisé. Par ailleurs, l'infidélité n'est plus un motif juridique de divorce, a ajouté la délégation. Elle a toutefois reconnu que les droits dits reproductifs des femmes doivent être considérablement renforcés. Compte tenu de la position très forte des églises, la tâche n'est pas aisée, a-t-elle souligné. Des progrès ont néanmoins été enregistrés en matière d'accès aux moyens de contraception et d'accès aux interventions de stérilisation. Les femmes autochtones sont victimes de préjugés culturels les empêchant de réclamer des moyens contraceptifs dans les centres médicaux, a souligné la délégation.

La délégation a conclu la discussion en assurant que les autorités du Guatemala se sont engagées dans une action stratégique en faveur du respect des droits des femmes. Dans le cadre de cet engagement, les questions et observations des membres du Comité s'avèreront particulièrement utiles, a-t-elle souligné.

MME NAÉLA GABR, Présidente du Comité, s'est félicitée de la ratification sans réserve de la Convention par le Guatemala. Le Comité est en outre satisfait de la déclaration officielle de la délégation concernant l'application des dispositions de cet instrument en droit interne guatémaltèque. Le Comité attend néanmoins du Gouvernement qu'il fasse davantage encore pour assurer le respect des droits des femmes, en dépit des conditions difficiles que traverse le pays - comme d'autres pays en voie de développement. Aussi, a précisé Mme Gabr, le Comité espère-t-il que les lois antidiscriminatoires actuellement à l'étude seront rapidement adoptées. Par ailleurs, a ajouté la Présidente, le Comité est très attentif à la situation des femmes autochtones, lesquelles doivent bénéficier d'une action renforcée de la part des pouvoirs publics. De même, les femmes rurales doivent faire l'objet d'une attention particulière, a ajouté Mme Gabr. Dans le domaine des droits de santé génésique des femmes, une prise de conscience doit intervenir par le biais de l'éducation et des médias, a-t-elle poursuivi. D'autre part, il convient de combattre le harcèlement sexuel, surtout dans le secteur informel où travaille une majorité de femmes. Le Comité est, au final, confiant quant aux bonnes intentions de la délégation du Guatemala, a conclu la Présidente.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CEDAW09011F