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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES EXAMINE LE RAPPORT DE L'ALLEMAGNE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui les mesures prises par l'Allemagne pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Présentant le rapport de son pays, Mme Eva Maria Welskop-Deffaa, cheffe du Département de l'égalité au Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse de l'Allemagne, a notamment affirmé que l'Allemagne peut se targuer d'un succès étonnant en matière de lutte contre les stéréotypes. Elle a souligné qu'en 1998, l'Allemagne comptait pour la première fois 30% de femmes au Bundestag (Parlement fédéral). Actuellement, six ministres fédéraux sur quatorze sont des femmes, sans compter - naturellement - l'élection pour la première fois d'une chancelière.

Dirigée par M. Max Scharinger, Représentant permanent adjoint de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève, la délégation allemande était également composée de représentantes et représentants du Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse; du Ministère fédéral de l'intérieur; du Ministère du travail et des affaires sociales; et du Ministère fédéral de la santé.

La délégation a répondu aux questions des experts portant, notamment, sur les conditions générale d'application de la Convention; la lutte contre les stéréotypes; la lutte contre la violence domestique et contre la traite de personnes; la protection des femmes et jeunes filles migrantes et demandeuses d'asile; ainsi que la participation des femmes dans la vie professionnelle et politique.

Concluant le dialogue, la Présidente du Comité, Mme Naéla Gabr, a notamment exprimé l'espoir que le prochain dialogue avec l'Allemagne témoignerait de progrès dans le domaine de la présence des femmes aux postes décisionnels de l'administration.

Des observations et recommandations du Comité, qui seront adoptées au cours de séances privées, seront adressées à l'Allemagne et paraîtront par la suite sur la page internet du Haut-Commissariat aux droits de l'homme consacrée aux travaux de la session.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport périodique du Guatemala (CEDAW/C/GUA/7).


Présentation du rapport

Présentant la délégation de son pays, M.KONRAD MAX SCHARINGER, Représentant permanent adjoint de l'Allemagne auprès des Nations Unies à Genève et chef de la délégation, a assuré le Comité de la volonté du Gouvernement allemand de collaborer avec cet organe, ajoutant que l'Allemagne est, aujourd'hui même, soumise également à l'Examen périodique universel.

Présentant le rapport de son pays, MME EVA MARIA WELSKOP-DEFFAA, cheffe du Département de l'égalité au Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse de l'Allemagne, a convenu que la Convention n'est pas très bien connue dans le pays, y compris au sein des milieux de défense des droits des femmes ; c'est pourquoi son Département a engagé une collaboration avec l'Institut allemand des droits de l'homme afin, notamment, d'assurer la diffusion d'une brochure contenant des explications concises sur la Convention, son Protocole facultatif et les recommandations du Comité. Le premier tirage de ce document est déjà épuisé, a indiqué Mme Welskop-Deffaa. Par ailleurs, le Gouvernement fédéral se félicite de l'attention que la Commission des droits de l'homme du Parlement fédéral a accordée à la Convention, contribuant ainsi à promouvoir une meilleure visibilité de cet instrument. Conscient de l'importance des rapports alternatifs, le Gouvernement fédéral soutient l'action de nombreuses organisations de femmes - notamment par le biais du financement du rapport alternatif de l'Alliance des organisations de femmes allemandes (Allianz der Frauenorganisationen), qui regroupe une trentaine d'organisations, a ajouté Mme Welskop-Deffaa.

L'Allemagne peut se targuer d'un succès étonnant en matière de lutte contre les stéréotypes, a également déclaré la cheffe du Département de l'égalité. L'introduction de subventions parentales en lieu et place d'allocations pour enfants a entraîné un changement radical : les soins aux enfants ne sont plus automatiquement et exclusivement assumés par la mère, a-t-elle expliqué. Les pères de 16% des enfants nés en 2007 sont déjà bénéficiaires de la subvention, alors que seuls 4% des pères prenaient l'ancien congé paternité. De nombreuses études montrent par ailleurs que les jeunes hommes veulent jouer un rôle plus actif en tant que pères, ce que permet précisément désormais le nouveau cadre institutionnel. Les autorités fédérales ont aussi pris des mesures visant à encourager les jeunes hommes à envisager de nouveaux modèles de comportement. L'introduction du service civil, en remplacement du service militaire, a par ailleurs ouvert de nombreux jeunes hommes à de nouvelles perspectives professionnelles dans le secteur social ou dans le secteur des soins infirmiers, par exemple.

En 1998, a poursuivi Mme Welskop-Deffaa, l'Allemagne comptait pour la première fois 30% de femmes au Bundestag (Parlement). Actuellement, six ministres fédéraux sur quatorze sont des femmes, sans compter - naturellement - l'élection pour la première fois d'une chancelière. La représentation des femmes au niveau municipal est moins importante, avec moins de 25% au niveau des mairies et des administrations de districts. Les autorités fédérales ont par conséquent lancé une série d'initiatives visant à faciliter l'entrée des femmes dans la vie politique locale. À cet égard, on relèvera que 86% des femmes actuellement engagées à ce niveau étaient déjà actives dans la société civile, a fait observer Mme Welskop-Deffaa.

En matière d'emploi, Mme Welskop-Deffaa a relevé la persistance d'une discrimination au niveau des salaires, notamment, avec un écart de 23% au détriment des femmes. Le Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse prépare un plan d'action visant à remédier aux trois causes principales de cet écart, soit la ségrégation verticale et horizontale perceptible dans le secteur du travail; les interruptions de carrière plus fréquentes chez les femmes, pour des raisons familiales notamment; et l'infériorité des salaires payés dans les professions traditionnellement féminines. Les mesures envisagées pour y remédier visent notamment à encourager les jeunes hommes et femmes à aborder l'emploi avec un esprit ouvert, afin de transcender les divisions habituelles du marché du travail, a indiqué Mme Welskop-Deffaa. Elle a également donné des précisions sur l'action du Gouvernement allemand en matière de lutte contre la violence à l'égard des femmes, insistant en particulier sur le deuxième plan d'action publié à cette fin en 2007, qui accorde une place importante à la situation des femmes migrantes et au problème de la violence domestique, notamment lors de séparations.


Le sixième rapport périodique de l'Allemagne (CEDAW/C/DEU/6) indique notamment que le Gouvernement fédéral favorise l’égalité en introduisant et en surveillant les questions politiques concernant l’égalité des sexes au sein de l’administration fédérale, par exemple grâce à la promulgation de mesures législatives; en appuyant des projets exécutés aux fins de la promotion de l’égalité et les institutions sociales actives dans ce domaine; en finançant des études et des projets types; en appuyant des réseaux nationaux, y compris des projets en ligne, et en servant comme organe de coordination et centre de compétences; en collaborant avec les Länder et les autorités locales, ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales et les milieux d’affaires; et en plaidant en faveur de l’égalité au sein des organisations internationales.

Dans ce contexte, l’accord conclu entre le Gouvernement fédéral et les principales entreprises du secteur privé qui vise à promouvoir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans ce secteur est réexaminé régulièrement. De tels examens ont été conduits en 2003 et 2005, précise le rapport, qui fait état d'un troisième examen pour 2008. Ils ont révélé une tendance manifeste : l’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans le secteur privé a été favorisée par les institutions politiques et économiques. D’après les principales conclusions de l’examen conduit en 2005 (qui mettait l’accent sur les femmes occupant des postes d’encadrement), la part des femmes occupant de tels postes est passée de 21 % en 2000 à 23 % en 2004. Une femme sur trois (32 %) travaille pour une entreprise qui est partie à un accord ou participe à une initiative de promotion de l’égalité des chances; une entreprise sur quatre s’emploie activement à faire avancer les jeunes travailleuses.

Le rapport souligne que la violence dans toutes ses manifestations – violence familiale, mariages forcés et traite des êtres humains – empêche des femmes de mener une vie normale et représente une grave violation des droits de l’homme. Cette violence est également une réalité quotidienne en Allemagne, poursuit le rapport. Dans le cas des migrantes, des femmes plus âgées et des femmes handicapées, cette violence revêt des formes particulières, précise-t-il. Les mesures prises par le Gouvernement fédéral visent à offrir aux femmes concernées une protection efficace et à tenir les auteurs de violences responsables de leurs actes. En élaborant le premier programme d’action de lutte contre la violence à l’encontre des femmes, le Gouvernement a créé un cadre global à l’intention de tous les organismes officiels et non officiels.

Toutes les activités du Gouvernement fédéral s’inspirent d’une politique d’égalité des chances qui considère la réalisation de l’égalité des droits comme une tâche pratique et globale. Cette stratégie repose sur la reconnaissance du fait que face à la diversité des conditions de vie des hommes et des femmes, il n’existe pas de réalité où le problème de l’égalité des sexes serait absent. Elle oblige les acteurs politiques à analyser et à prendre en considération les besoins et intérêts différents des femmes et des hommes dans tous les projets. Cela contribue à son tour à un ciblage précis de mesures politiques concrètes et à l’acceptation de leurs résultats par la population en général.

Sur le plan international, la question de l’égalité des chances ne se limite souvent pas à l’égalité des sexes, mais est également envisagée par rapport à des caractéristiques comme l’origine ethnique et l’âge. Une mission importante du Gouvernement fédéral consiste à signaler que la question de l’égalité des sexes ne peut pas être séparée des autres caractéristiques; au contraire, elle y est liée indissolublement. Il ne s’agit pas de questions séparées de « diversité » ou « d’égalité des sexes », mais plutôt d’une question concernant la diversité des hommes et des femmes. Le rapport indique à cet égard que le Bureau de la lutte contre la discrimination, organisme indépendant, a été créé en 2006 par le Ministère des affaires familiales, du troisième âge, de la condition de la femme et de la jeunesse en application de la loi sur l’égalité de traitement de 2006 et se consacre à cette cause.


Examen du rapport

Conditions générales d'application de la Convention

Une experte du Comité a souligné que les rapports alternatifs sont édifiants et constituent une précieuse contribution pour le Comité. Les dispositions de la Convention sont-elles directement applicables dans le droit du travail allemand, notamment dans le secteur privé, a-t-elle demandé? Étant donné que la délégation admet l'existence de lacunes dans la connaissance que le public a de la Convention, quelles mesures concrètes sont-elles prises et envisagées pour améliorer la visibilité de cet instrument?

Comment le Gouvernement a-t-il l'intention d'intégrer sa politique en faveur de l'égalité dans le cadre de sa politique familiale, qu'il considère comme centrale, a demandé un autre membre du Comité? D'autre part, comment le Gouvernement fédéral peut-il obliger un des Länder (États) fédérés à se conformer pleinement aux dispositions de la Convention? La Loi fédérale sur l'égalité, qui s'applique uniquement au niveau fédéral, est-elle complétée par des lois analogues au niveau des Länder?

Certains membres du Comité ont évoqué la situation très difficile des jeunes femmes et adolescentes, notamment d'origine étrangère, détenues dans des prisons pour adultes et se sont enquis des mesures de prévention prises pour éviter la délinquance des jeunes filles. Il a également été demandé à la délégation d'en dire davantage au sujet des mesures pratiques et des politiques sociales mises en avant pour assurer la protection contre la violence domestique à l'encontre des femmes et jeunes filles migrantes et demandeuses d'asile.

D'autres questions ont porté sur la coordination de l'action contre la discrimination entre le Ministère fédéral et ses homologues au niveau des Länder, ainsi que sur les mécanismes institutionnels de promotion de la parité existants dans les Länder.

La délégation a indiqué que l'Allemagne utilise encore l'expression "gender mainstreaming" (intégration d'une démarche sexospécifique) dans sa communication institutionnelle auprès de la population, contrairement à d'autres pays où le concept est traduit et adapté aux conditions locales. Les autorités doivent faire face à des critiques sur la dimension prétendument idéologique de cette expression anglaise qui explique la résistance qui se fait jour dans une partie de la population.

La Convention et son Protocole facultatif dépassent largement, sur certains points, la loi allemande, a admis la délégation, indiquant que les textes allemands ne reprennent qu'une partie des dispositions de la Convention. Il n'en demeure pas moins que ces deux instruments ont incontestablement gagné en visibilité par rapport à il y a quelques années. La loi fondamentale a été amendée et prévoit désormais l'obligation de l'État de garantir non seulement l'égalité juridique entre les sexes, mais aussi l'égalité de fait, a poursuivi la délégation. Quant à la Cour suprême, elle a - en se fondant sur la Convention - rendu des jugements contre les discriminations à l'embauche au détriment de femmes, avec imposition d'amendes pour les entreprises contrevenantes. Les Länder sont aussi tenus d'appliquer les dispositions de la Convention, faute de quoi l'État fédéral pourrait leur imposer de prendre des mesures; mais il n'a jamais eu à le faire car il n'existe probablement aucune politique en place qui soit contraire à la Convention, a indiqué la délégation. Il serait extrêmement compliqué de coordonner toutes les structures officielles allemandes qui travaillent pour la parité: il y a en effet seize Länder, chacun doté de sa propre Constitution et de ses propres institutions et mécanismes, a en outre fait savoir la délégation. Néanmoins, les conférences sur l'égalité des sexes organisées par les Länder permettent aux autorités fédérales et locales de coopérer efficacement autour de la thématique de la promotion de la parité entre les sexes à tous les niveaux, a-t-elle souligné. La politique de parité a fait d'importants progrès, au point de ne plus entrer en contradiction avec certains aspects de la politique familiale allemande, a-t-elle ajouté.

La portée de la loi sur l'égalité de traitement est sujette à des remises en cause constantes, a par ailleurs indiqué la délégation. La Cour européenne de justice va se prononcer sur certains aspects de la question, notamment du point de vue de la charge de la preuve, a-t-elle ajouté.

La délégation a d'autre part souligné qu'en principe, l'Allemagne ne détient pas les jeunes filles en prison, mais dans des foyers spéciaux.

Par ailleurs, a indiqué la délégation, les personnes requérantes d'asile bénéficient de toutes les prestations médicales nécessaires à leur état de santé. Les foyers pour femmes en détresse sont financés et gérés par les municipalités, a-t-elle en outre fait savoir; ils ont pour vocation d'accueillir toutes les femmes victimes de violence, indépendamment de leur statut au regard de la loi sur le séjour en Allemagne, de sorte que des femmes demandeuses d'asile peuvent aussi y être accueillies.

Il existe déjà des commissariats à l'égalité au niveau de toutes les administrations locales et fédérales, a par ailleurs indiqué la délégation.

Lutte contre les stéréotypes, contre la violence, contre la traite

Une experte du Comité s'est félicitée des consultations menées par le Gouvernement allemand auprès des organisations non gouvernementales aux fins de la présentation du rapport, relevant toutefois que de nombreuses organisations de personnes intersexuelles et transsexuelles déplorent néanmoins une absence totale de communication avec les autorités fédérales.

Plus aucune réunion ne s'est penchée depuis 2007 sur le plan d'action fédéral de protection contre la violence sexuelle, a relevé une experte. Quelles mesures seront-elles prises pour revitaliser ce plan d'action? En outre, dans quelle mesure le Gouvernement fédéral est-il tenu de prévoir des places en foyer d'accueil à l'intention des femmes handicapées, en particulier?

Tout en se félicitant des mesures prises par l'Allemagne en matière de lutte contre la traite d'êtres humains, une experte s'est enquise de la qualité des statistiques recueillies par le pays en ce qui concerne les femmes victimes et les auteurs de tels délits. Quelles mesures, en termes de conseils fournis et de protection accordée, sont-elles prises par les autorités fédérales en faveur des femmes victimes de violence?

Un membre du Comité s'est enquis des mesures qui avaient été prises après qu'il fut découvert que des soldats allemands engagés dans les forces de maintien de la paix dans les Balkans, notamment au Kosovo, avaient été impliqués dans l'exploitation des femmes à des fins de prostitution.

Les problèmes des personnes intersexuelles et transsexuelles sont beaucoup plus souvent évoqués dans les médias aujourd'hui qu'il y a encore dix ans, a souligné la délégation. La reconnaissance institutionnelle de certains groupes prend toujours un certain temps, a-t-elle ajouté, soulignant que les rapports alternatifs permettent souvent de témoigner d'une prise de conscience en cours. S'agissant des personnes susmentionnées, des problèmes existent pour ce qui est de la procédure de changement de prénom et d'établissement du sexe, a admis la délégation. Des contacts ont donc été pris avec les organisations concernées pour préparer un projet d'amendement à la loi sur les personnes transsexuelles, qui régit précisément ces questions de changement de prénom et de sexe.

La délégation a par ailleurs assuré que l'Allemagne a été très attentive à la manière dont les Pays-Bas ont appliqué la résolution 1325 du Conseil de sécurité (sur les femmes, la paix et la sécurité), notamment du point de vue de la sensibilisation des membres des missions de maintien de la paix, et que le pays entendait suivre cet exemple. D'ores et déjà, les soldats sont formés aux problématiques liées aux femmes, a précisé la délégation.

Pour ce qui est de la lutte contre la violence, l'objectif de l'assistance précoce, prônée par l'Allemagne, est d'assurer une prévention de tous les instants en matière de violence contre la jeunesse, a poursuivi la délégation. À l'échelle nationale, les foyers d'accueil relèvent de la responsabilité des Länder et leur financement de la responsabilité des autorités locales, a-t-elle rappelé. Ils sont plus de 400 à offrir plus de 5000 places, a-t-elle précisé. Il y a toujours matière à améliorer les choses, a admis la délégation; mais l'Allemagne estime néanmoins avoir bien agi dans ce domaine.

En ce qui concerne le recueil de statistiques relatives à la violence domestique, l'Allemagne procède par sondage d'échantillons représentatifs et par compilation des interventions policières, a indiqué la délégation. Le problème, dans ce domaine, réside dans le fait que les comportements ne sont pas incriminés de la même manière dans les différents Länder, ce qui rend malaisée toute comparaison et, partant, la formulation de conclusions générales. Par ailleurs, les femmes victimes de la violence ne rapportent pas toujours le problème qui les touche, a souligné la délégation.

La lutte contre la traite et l'exploitation sexuelle des personnes est facilitée par une bonne connaissance des conditions que l'on retrouve généralement à l'origine de ce phénomène, grâce aux nombreuses études qui ont pu être réalisées sur ce sujet, a souligné la délégation. Elle a précisé que les victimes de la traite venaient souvent de pays d'Europe de l'Est ayant récemment adhéré à l'Union européenne. L'Allemagne met en place un système de soutien très perfectionné - indépendant des centres d'accueil - à l'intention des victimes de la traite, a-t-elle ajouté. Les personnes concernées ont accès au statut de victimes et ne sont pas inquiétées quant aux conditions de leur entrée sur le territoire. Par ailleurs, l'Allemagne va adopter une loi sanctionnant le proxénétisme et criminalisant les clients de femmes prostituées contre leur volonté, a indiqué la délégation.

Discrimination dans la fonction publique et dans le monde du travail en général et participation à la vie politique

Un membre du Comité a déclaré qu'il demeure en Allemagne une discrimination verticale dans le travail, à l'encontre des femmes. Elles sont ainsi sous-représentées dans la fonction publique et dans les postes diplomatiques en particulier. Dans ce contexte, quelle place occupent les mesures spéciales temporaires dans les politiques publiques?

Les femmes représentent près de 80% de la main-d'oeuvre à temps partiel, a fait observer une autre experte. Quelles seront, à cet égard, les conséquences de l'actuelle crise économique? L'Allemagne a-t-elle adopté une stratégie globale de lutte contre la précarité de l'emploi féminin?

Une experte a fait état de préoccupations concernant la participation des femmes dans la vie politique et publique, jugeant quelque peu lents les progrès enregistrés au niveau local. Elle s'est inquiété d'un manque de données concernant la représentation des femmes aux plus hauts niveaux de l'administration et des gouvernements des Länder. La délégation a été priée de fournir des informations sur la façon dont est assurée la publicité des bonnes pratiques mises en œuvre dans certains Länder. D'autre part, comment les autorités comptent-elles favoriser la participation des femmes aux organisations de la société civile, dont la délégation a souligné qu'elle constitue le point d'entrée des femmes dans la vie politique? Combien de femmes ont-elles été nommées ambassadrices par le Gouvernement allemand?

Une experte a relevé qu'une seule des cent premières sociétés commerciales privées allemandes a nommé une directrice générale à sa tête. Aussi, cette experte s'est-elle enquise des éventuelles mesures incitatives prises en direction du secteur privé afin de corriger ce déséquilibre.

Les causes profondes de la sous-représentation des femmes doivent être combattues d'abord sur le plan juridique, a souligné un membre du Comité, faisant état de carences à cet égard dans la loi allemande, comme l'ont clairement souligné des organisations non gouvernementales ou encore la Cour européenne des droits de l'homme. Ainsi, est-il surprenant de constater que la loi sur l'égalité de traitement ne parle pas des conditions de licenciement, pas plus qu'elle ne garantit les droits des personnes migrantes. Quelles mesures sont-elles prises pour assurer la conformité de cette loi avec les normes européennes, a voulu savoir une experte, recommandant que des institutions gouvernementales locales soient chargées de contrôler l'application de cette loi.

La présence de femmes dans les postes à responsabilité a fait l'objet d'une évaluation sur l'ensemble du territoire allemand, a indiqué la délégation. Par rapport à d'autres pays, la situation à cet égard est relativement positive, notamment si l'on en juge par la participation des femmes au Parlement, et le crédit en revient sans aucun doute à l'imposition de quotas de femmes. Beaucoup reste à faire, en revanche, dans les échelons supérieurs de l'administration fédérale, où la représentation des femmes est insuffisante au regard de la pratique européenne, a reconnu la délégation. La représentation des femmes dans la vie publique est insuffisante au niveau des municipalités surtout, a ensuite indiqué la délégation. Le Ministère des affaires étrangères a d'ores et déjà pris des mesures pour assurer une meilleure représentation des femmes en son sein, a-t-elle précisé.

La stratégie globale de lutte contre les stéréotypes, qui couvre également les questions d'emploi, est actuellement axée sur la modification des perceptions des hommes, a par ailleurs souligné la délégation. Des mesures temporaires spéciales ont été adoptées par l'Allemagne, la plus connue consistant en l'imposition de quotas, dans les listes des partis politiques par exemple. Qui dit quota ne dit pas obligatoirement parité, a toutefois rappelé la délégation, faisant observer que les femmes restent encore minoritaires dans les médias au niveau des échelons décisionnels. Tant que femmes seront sous-représentées, la loi dispose que les autorités pourront prendre des mesures spéciales à leur intention, a souligné la délégation. Elle a attiré l'attention sur la célébration des "journées des filles", qui fournit l'occasion d'ouvrir les portes des entreprises aux petites filles, afin de les familiariser avec le monde du travail sous tous ses aspects. Le bilan de ces journées va être présenté prochainement, les premières études montrant déjà qu'elles ont amené des entreprises à modifier leur politique d'embauche aux postes techniques en réponse aux questions posées par les jeunes filles. Les femmes bénéficient d'autres mesures ponctuelles, par exemple pour l'obtention facilitée de crédits, a ajouté la délégation. L'Allemagne est toujours à l'écoute des bonnes pratiques réalisées dans les autres pays, a-t-elle indiqué.

Les choix de carrière des filles sont effectivement plus restreints que ceux des garçons, a ensuite reconnu la délégation. Aussi, des mesures d'orientation des jeunes filles sont-elles prises de plus en plus tôt, afin de surmonter les ségrégations basées sur le sexe dans le marché de l'emploi. Les fonctionnaires des service d'orientation professionnelle reçoivent une documentation abondante sur cet aspect, a fait valoir la délégation.

L'Allemagne a promulgué une loi régissant l'emploi à temps partiel, auquel recourent non seulement beaucoup de femmes, comme il a été relevé, mais aussi un nombre croissant d'hommes, a par ailleurs souligné la délégation. La loi aura des effets positifs sur le cycle professionnel, notamment au profit des demandeuses d'emploi, a-t-elle assuré. Contrairement aux craintes exprimées par un membre du Comité, le temps partiel n'est pas nécessairement un obstacle à l'accession à de tels postes, a par ailleurs assuré la délégation.

La délégation a souligné que plusieurs femmes occupent des postes de responsabilité dans l'administration fédérale, dont une Secrétaire d'État à la justice.

La délégation a expliqué que l'Allemagne est en discussion avec l'Union européenne pour déterminer dans quelle mesure sa loi sur l'égalité est en infraction avec les directives européennes, la Cour européenne des droits de l'homme n'ayant pas encore été saisie. Seules les procédures concernant la discrimination en cas de licenciement sont concernées ici, a précisé la délégation.

Éducation et santé et autres questions sociales

Certains membres du Comité ont déploré la sous-représentation des filles dans les filières d'enseignement professionnel et dans les métiers techniques. Quel a été le bilan du plan allemand de lutte contre la ségrégation horizontale dans le marché du travail, mentionné dans le rapport, a-t-il été demandé?

Une experte a voulu savoir si les autorités allemandes ont pris les mesures nécessaires pour remédier à l'écart, constaté par le Comité des droits de l'enfant, entre les exigences de la loi et la réalité de l'éducation des enfants réfugiés; en effet, ces derniers sont souvent privés de scolarisation, avec des conséquences particulièrement graves pour les petites filles.

Une experte s'est félicitée des progrès réalisés par l'Allemagne dans le domaine de l'égalité face à la santé; elle a toutefois regretté que le rapport ne donne pas de précision sur la situation des femmes migrantes et réfugiées à cet égard. Il n'est pas non plus indiqué si les femmes et les filles victimes d'abus ont accès à des services de santé et de soutien spécifiques, a déploré l'experte.

Une autre question a porté sur les politiques fédérales en matière d'impôts, de régime de retraite et de garde familiale, considérées comme décourageant les femmes mariées d'occuper un emploi et renforçant leur dépendance. Par ailleurs, le nouveau régime de pension alimentaire après divorce exige des femmes ayant des enfants de plus de trois ans qu'elles entrent dans la vie active, s'est inquiété un membre du Comité.

D'autres questions ont porté sur l'institution du partenariat enregistré; sur la lutte contre les mariages forcés; sur l'incidence de l'avortement; sur l'accessibilité des services de procréation artificielle; et sur les opportunités en matière de garde d'enfants.

La délégation a affirmé que le nombre d'avortements chez les adolescentes dans la période 2001-2006 est resté très faible.

Des mesures sont prises depuis longtemps en direction des jeunes filles migrantes, a en outre fait valoir la délégation. Par ailleurs, la loi prévoit explicitement l'égalité de traitement en faveur des migrants, a-t-elle rappelé.

Tout en rappelant que les questions d'éducation relèvent des Länder, la délégation a souligné que les autorités fédérales s'efforcent néanmoins de faire en sorte que le droit à l'éducation des migrantes soit effectivement appliqué, par le biais d'un plan d'action national. Le Gouvernement s'est ainsi engagé à donner aux enfants migrants un niveau d'instruction comparable à celui des jeunes Allemands, des cours d'appui en langue allemande étant par exemple organisés à leur intention. Plus de 700 millions d'euros ont été dépensés en 2008 pour l'intégration des femmes migrantes, à l'exclusion de celles qui n'ont pas le statut de résident - mais dont les enfants ont néanmoins le droit d'aller à l'école.

La loi sur le regroupement familial a été amendée en août dernier, a poursuivi la délégation, rappelant que les autorités exigent désormais du candidat qu'il possède une maîtrise minimale de la langue allemande (300 mots). Le test pratiqué à cet égard vise une meilleure intégration sur le territoire allemand et à éviter les mariages forcés (les femmes connaissant au moins un peu d'allemand sont plus indépendantes), ces derniers étant d'ailleurs plus compliqués à opérer du fait de l'imposition d'un âge minimum de mariage à 18 ans. Une évaluation des effets de ces mesures sur deux semestres est en cours, a précisé la délégation.

Quant au système des retraites, a poursuivi la délégation, il prévoit le départ à la retraite après 45 ans de cotisations. Le montant des cotisations payées déterminant la pension versée, les salariés sont incités à prolonger la durée de leur vie professionnelle. Seules 11% des femmes bénéficiaient d'une pension intégrale en 2004, la situation ayant évolué dans un sens positif depuis cette date, a indiqué la délégation.

L'objectif de la politique familiale du Gouvernement n'entre pas en conflit avec le principe de parité, a en outre assuré la délégation. Elle vise au contraire à assurer une égalité entre les sexes pour inciter les femmes à entrer sur le marché du travail, en prévoyant les mesures de soutien nécessaires à cet effet (amélioration des services de garde, par exemple). Par ailleurs, la loi sur la garde des enfants a été amendée en 2008, en se fondant sur le principe supérieur de bien-être de l'enfant.

Sur le plan juridique, on constate une égalité à peu près totale entre les couples mariés et les couples en partenariat enregistré, sauf dans le domaine de la succession, où des différences mineures persistent, a par ailleurs indiqué la délégation. Selon la loi, seul un des deux partenaires d'un couple vivant en partenariat enregistré peut adopter, et non le couple en tant que tel, a ajouté la délégation.

Des questions de suivi ont été posées sur l'existence ou non d'un véritable débat sur la parité à tous les niveaux de la société allemande; sur la prise en compte des principes d'égalité dans les mesures de relance économique actuellement élaborées; sur les violences infligées aux personnes ayant changé de sexe; sur l'application au secteur privé des garanties juridiques relatives à l'égalité entre les sexes dans l'emploi; sur la participation des femmes aux négociations collectives; et sur l'applicabilité directe ou non de la Convention en droit interne. Des précisions chiffrées ont aussi été demandées sur le nombre exact de femmes, y compris de femmes d'origine migrante, présentes dans les administrations et les pouvoirs publics au niveau local.

La délégation a notamment fait savoir que les autorités n'envisagent pas de refonte globale de la loi sur l'égalité s'agissant du secteur privé, mais privilégient les mesures ponctuelles susceptibles d'apporter des résultats concrets.

Les mesures de relance économique ne peuvent faire l'impasse sur la situation des mères de famille isolées, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a en outre indiqué que le Ministère des affaires sociales a pris des mesures afin d'assurer la présence de femmes dans les négociations salariales.

La loi prévoit bien la possibilité d'une action en justice au motif de discrimination dans l'emploi, a également souligné la délégation.

Le deuxième rapport d'ensemble sur l'application des mesures favorables à la parité sera publié en 2010 sur la base d'un programme de recherches, a enfin fait savoir la délégation. Par ailleurs, un "Atlas" de la présence féminine dans les institutions nationales devrait paraître en 2009, fruit d'un travail conjoint des Länder et des autorités fédérales.

Concluant le dialogue, MME EVA MARIA WELSKOP-DEFFAA, cheffe du Département de l'égalité au Ministère fédéral des affaires familiales, du troisième âge, des femmes et de la jeunesse de l'Allemagne, a conclu sa présentation en remerciant les membres du Comité pour l'intérêt qu'ils ont manifesté à cet examen et pour leurs questions; elle les a assurés que l'Allemagne poursuivrait ses efforts en vue de la pleine application des dispositions de la Convention.

La Présidente du Comité, MME NAÉLA GABR, a remercié la délégation allemande et a exprimé l'espoir que le prochain dialogue avec l'Allemagne témoignerait de progrès dans le domaine, en particulier, de la présence des femmes aux postes décisionnels de l'administration. Le Comité se réjouit à l'idée de lire bientôt le résultat des études en cours sur les mariages précoces et la lutte contre les stéréotypes et à l'idée de pouvoir constater l'adoption de mesures favorables à l'égalité des droits des femmes migrantes. Enfin, le Comité espère que la coopération des autorités avec les organisations de la société civile s'intensifiera, a conclu Mme Gabr.


Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CEDAW09010F