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LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES
EXAMINE LE RAPPORT DE L'ARMÉNIE

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a examiné aujourd'hui le rapport de l'Arménie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Dans sa présentation du rapport de son pays, M. Arman Kirakossian, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie et chef de la délégation, a notamment indiqué que la dernière révision de la Constitution arménienne a été menée en tenant compte des dispositions les plus récentes du droit international. La discrimination entre hommes et femmes est interdite et l'égalité des époux dans le mariage est confirmée. Une Commission interministérielle est chargée d'élaborer un programme pour améliorer la situation de la femme dans la vie sociale et d'y intensifier son rôle. Le programme, basé sur les dispositions de la Constitution, contient les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique en faveur des femmes, elles-mêmes fondées sur les engagements pris par l'Arménie en ratifiant la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. D'autre part, si la discrimination est condamnée par la loi, elle demeure ancrée dans certaines mentalités et dans certains aspects de la vie quotidienne. Les autorités ont donc décidé d'agir en coopération avec les organisations non gouvernementales pour modifier petit à petit la perception des droits des femmes et permettre la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, des obligations internationales de l'Arménie dans ce domaine.

La délégation arménienne, forte de neuf membres, comptait notamment dans ses rangs la Directrice du Département des organisations internationales du Ministre des affaires étrangères, ainsi que d'autres représentants de ce ministère et de ceux du travail et des affaires sociales, de la justice, et de la santé. Les services de police étaient également représentés dans la délégation. Cette dernière a répondu aux questions et observations des membres du Comité concernant notamment la discrimination à l'égard des filles dans le système scolaire; le nombre important d'interruptions volontaires de grossesse; la discrimination salariale à l'égard des femmes; la persistance de stéréotypes dans la société arménienne; la situation des femmes en matière d'accès à la justice; ou encore les activités et l'efficacité des différents mécanismes de lutte contre la discrimination à l'égard des femmes.

En fin de séance, la Présidente du Comité, Mme Naéla Gabr, a notamment espéré que la coopération de l'Arménie avec le Comité lui permettra de garantir la pleine application des dispositions de la Convention. Elle a tenu à souligner que l'avortement n'est pas une solution en matière de contrôle des naissances, et le Comité espère que l'Arménie saura prendre des mesures pour améliorer la situation en matière de contraception. Le Comité aimerait aussi que le Gouvernement ouvre le plus vite possible des foyers pour femmes victimes de la traite des êtres humains et de la violence domestique.


À sa prochaine séance publique, lundi prochain à 15 heures, le Comité tiendra une réunion informelle avec des représentants d'organisations non gouvernementales sur la mise en œuvre de la Convention dans les six pays dont la situation reste à examiner pendant la session, soit Haïti, le Cameroun, la Libye, l'Allemagne, le Guatemala et le Rwanda.


Présentation du rapport de l'Arménie

M. ARMAN KIRAKOSSIAN, Vice-Ministre des affaires étrangères de l'Arménie et chef de la délégation, a déclaré que l'Arménie mène un processus de réforme législative intense, qui se concrétise notamment par la poursuite du processus de ratification des instruments internationaux de droits de l'homme. Les lois Arméniennes interdisent la discrimination contre les femmes. La dernière révision de la Constitution a été menée en tenant compte des dispositions les plus récentes du droit international. La discrimination entre hommes et femmes est interdite et l'égalité des époux dans le mariage est confirmée. En 2004, la loi a institué un Défenseur national des droits de l'homme. Une Commission interministérielle est chargée d'élaborer un programme pour améliorer la situation de la femme dans la vie sociale et d'y intensifier son rôle. Le programme, basé sur les dispositions de la Constitution, contient les grandes orientations du Gouvernement en matière de politique en faveur des femmes, elles-mêmes fondées sur les engagements pris par l'Arménie en ratifiant la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes. Le programme prévoit un train de mesures dans les domaines de l'éducation et de la culture.

L'analyse des chiffres montre par ailleurs que les objectifs du Millénaire pour le développement ayant trait à l'éducation sont en passe d'être réalisés en Arménie, a indiqué le Vice-Ministre, faisant valoir les taux élevés de scolarisation primaire et secondaire. Le niveau d'alphabétisation est de 99%. D'autre part, une stratégie nationale pour la période 1995-2005 a permis de favoriser la santé sexuelle et reproductive, avec l'ouverture d'un réseau de centres de planning familial, la publication de documentation scientifique à l'intention du personnel soignant et la diffusion de contraceptifs. La stratégie a été prolongée dans un nouveau plan décennal visant notamment à élargir encore la distribution des contraceptifs et améliorer l'éducation à ce sujet, l'objectif étant de diminuer le nombre des grossesses non désirées. Un autre objectif important des autorités est la réduction du taux de mortalité maternelle: pour ce faire, les moyens financiers des maternités ont été augmentés et une unité de réaction rapide a été chargée d'améliorer le fonctionnement des services d'urgence. Ces mesures et d'autres ont permis une diminution lente mais régulière du nombre des décès à la naissance, actuellement de 24 pour cent mille, soit encore quatre fois la moyenne européenne. Le Ministère engage aussi une action ciblée en direction de la prévention du VIH/sida.

La violence au sein de la famille fait l'objet d'une campagne de sensibilisation organisée tous les ans par les autorités, en écho à une campagne similaire du Conseil de l'Europe. La lutte contre la violence à l'égard des femmes fait aussi partie de la stratégie nationale 2004-2010 de renforcement de la place des femmes dans la société. Des mesures de sécurisation des lieux publics ont aussi été prises par les forces de police, lesquelles ont mis sur pied un Groupe de travail chargé de mettre en œuvre les directives nationales de prévention de la violence à l'égard des femmes. Les autorités font régulièrement le bilan de leur action dans ce domaine à l'occasion de conférences de presse.

Le Vice-Ministre a en outre indiqué que son pays est partie à de nombreuses conventions internationales et européennes de protection de l'enfance et de lutte contre la traite des êtres humains. À cet égard, le Gouvernement a créé un Groupe de travail permanent composé de représentants des ministères et de la société civile et chargé de coopérer avec les institutions internationales de lutte contre la traite des êtres humains. Un programme d'action dans ce domaine a été adopté en 2007: il prévoit des activités au niveau législatif, des mesures de prévention et de sensibilisation et un programme d'assistance aux victimes comportant un important volet de réinsertion, a précisé M. Kirakossian.

Enfin, le Vice-Ministre a donné des précisions sur la participation des femmes dans la fonction publique à des postes élevés, indiquant que si des mesures concrètes ont été prises pour favoriser cette participation, des progrès restent encore à faire au niveau national. Si la discrimination est condamnée par la loi, a conclu le Vice-Ministre, elle demeure ancrée dans certaines mentalités et dans certains aspects de la vie quotidienne. Les autorités ont décidé d'agir en coopération avec les organisations non gouvernementales pour modifier petit à petit la perception des droits des femmes et permettre la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, des obligations internationales de l'Arménie dans ce domaine.

Le rapport périodique de l'Arménie (CEDAW/C/ARM/4, valant troisième et quatrième rapports), rend compte de la période allant de 2002 à 2006. Il indique notamment que la définition de la discrimination qui figure à l'article 1 de la Convention fait partie du droit interne arménien. La législation arménienne, qui comporte toutes les garanties de protection des droits humains et civils, interdit aussi la discrimination à l'égard des femmes. Non seulement la Constitution de 2005 conserve-t-elle les articles interdisant la discrimination à l'égard des femmes et renforçant l'égalité des hommes et des femmes lors de la conclusion et de la dissolution du mariage et dans la vie conjugale, mais elle améliore les dispositions relatives à la protection de la famille, de la maternité et de l'enfance. Le Code du travail entré en vigueur en juin 2005 tient compte de la situation des femmes. Il est interdit de faire travailler des femmes enceintes ou ayant des enfants de moins d'un an dans des conditions nuisibles ou qui présentent un danger pour la santé de la mère ou de l'enfant. Une disposition entièrement nouvelle a été ajoutée pour interdire toute atteinte à l'égalité entre femmes et hommes ainsi que le harcèlement sexuel de collaborateurs ou subordonnés: ce comportement, assimilé à une infraction grave à la discipline du travail, est passible de sanctions. Il existe en outre des procédures définies concernant l'inspection des établissements visant à mettre au jour les infractions aux normes du travail et le contrôle du respect des garanties prévues par la loi, notamment en ce qui concerne les personnes de moins de 18 ans et les femmes. Toute discrimination fondée sur le sexe est interdite lors de l'embauche et des mesures sont prévues pour défendre les droits lésés d'un employé.

Pour assurer la protection de la santé des femmes, un programme de santé en matière de procréation a été mis en œuvre, les soins médicaux préventifs pour les femmes et les mineurs ont été soumis à des critères réglementaires et le montant des fonds publics alloués à l'aide médicale destinée aux femmes et aux enfants a été accru. On s'efforce en particulier d'assurer l'accès des femmes des zones rurales aux services médicaux et d'améliorer la qualité de ces services. Le diagnostic tardif de nombreuses affections tenant essentiellement aux difficultés qu'ont encore de larges couches de la population, notamment les femmes des zones rurales, à avoir accès à ces services, au caractère payant de certains soins de santé primaire et au manque de techniques médicales modernes et des compétences nécessaires à l'exploitation de ces techniques parmi le personnel médical, le Gouvernement a promulgué un décret pour élargir la liste des services de soins de santé primaire gratuits en 2005 et, en 2006, l'aide médicale et les services de soins de santé primaire (ambulatoires/policliniques) sont devenus gratuits pour l'ensemble de la population. D'après l'analyse qui en a été faite de 2002 à 2005, les principales causes de la mortalité maternelle ne sont pas liées à la grossesse. En 2005, environ 60% des décès maternels étaient sans lien avec la grossesse. Intervenus pour une large part dans des agglomérations rurales, ils étaient dus à la médiocrité des infrastructures matérielles et techniques et de l'équipement sur place, ainsi qu'au manque de connaissances et de compétences du personnel médical local. En conséquence, une filière de spécialisation en médecine familiale accessible en priorité aux médecins et infirmiers des zones rurales a été mise en place dans le système de soins arménien, indique notamment le rapport.

Observations et questions des membres du Comité

Cadre général d'application de la Convention

Un membre du Comité a regretté le manque de visibilité de la Convention et de son Protocole facultatif dans le système juridique de l'Arménie, demandant quelles mesures ont été prises à cet égard pour sensibiliser l'opinion publique. L'expert a également voulu savoir si tous les fonctionnaires concernés ont bien conscience de la portée du terme «discrimination» figurant à l'article premier de la Convention, et a demandé s'il ne conviendrait pas d'intégrer une définition plus précise de la discrimination dans la Constitution arménienne. Une experte a demandé des données statistiques concernant le nombre de plaintes déposées auprès du Défenseur des droits de l'homme et sur la proportion de femmes parmi les plaignants. Une experte a relevé qu'une forme de discrimination de jure persiste en Arménie concernant l'âge du mariage des jeunes filles. Des experts ont voulu savoir quel texte l'emporterait, en cas de conflit juridique, entre la Constitution et les traités internationaux.

Dans des questions et observations complémentaires, des experts ont relevé que la notion de discrimination définie par la Convention repose sur l'idée de la nécessité d'une égalité de fond aussi bien que de fait entre hommes et femmes. Une autre experte a ajouté que la Convention impose le principe de l'adoption d'une législation interdisant explicitement et spécifiquement la discrimination fondée sur le sexe: de quel moyen juridique l'Arménie dispose-t-elle pour remédier à une inégalité constatée? Une experte a demandé quel était l'impact de la discrimination contre les femmes appartenant à des minorités ethniques et religieuses. La délégation ayant fait savoir que les problèmes de discrimination liée au divorce et à la garde des enfants étaient réglés devant les tribunaux et non par le bureau du médiateur national, une experte a demandé dans quelle mesure les femmes ont effectivement accès à la justice.

La délégation a répondu aux questions du Comité en indiquant que la société est informée du contenu des instruments internationaux d'abord par la voie du Journal officiel, puis par la diffusion sur Internet via les bases de données juridiques, les sites Internet des Ministères des affaires étrangères et de la justice. Tous les instruments internationaux sont intégrés au droit interne de l'Arménie et ainsi progressivement mis en œuvre, même si la mention explicite n'est pas faite des traités eux-mêmes. En cas de conflit d'interprétation, le texte international l'emporte sur le droit interne, a souligné la délégation, indiquant à cet égard que la ratification des traités est soumise à un contrôle de validité préalable par la Cour constitutionnelle. Dans la pratique, c'est le droit interne que l'on s'efforce d'adapter aux exigences du droit international, a-t-il aussi été précisé. Il a été question d'introduire dans les textes une référence plus spécifique à la discrimination contre les femmes: cependant, les autorités ont renoncé à cette solution, de crainte d'ouvrir la voie à des revendications identitaires et sectorielles contraires au principe d'égalité de chacun devant la loi. D'autre part, la différence dans l'âge légal du mariage des filles (17 ans) et des garçons (18 ans) constitue bien une anomalie, a admis la délégation, faisant savoir que les pouvoirs publics sont en train de procéder à un remaniement complet du droit de la famille, qui abordera entre autres cet aspect particulier.

Répondant à des questions sur les activité et l'efficacité des différents mécanismes de lutte contre la discrimination à l'égard des femmes et de promotion du principe d'égalité entre les sexes, la délégation a indiqué que la coordination de l'action en faveur des femmes est confiée à une cellule du Ministère du travail et des affaires sociales composée de trois personnes. Le mécanisme de coordination intervient dans l'élaboration des programmes. Cette cellule collabore notamment avec l'Institution nationale du travail et des questions sociales, à qui est déléguée un certain nombre d'activités législatives et la réalisation d'enquêtes ciblées. L'Institution a mis en œuvre, avec la participation de tous les ministères et départements provinciaux concernés, un train de mesures législatives notamment en faveur de l'égalité entre les sexes au niveau national. Une experte ayant demandé s'il existe un budget consacré à l'égalité entre les sexes, la délégation a indiqué que les financements sont assurés ponctuellement par les ministères concernés et il n'y a pas d'inscription spécifique au budget de l'État. Les activités des pouvoirs publics en matière d'égalité entre les sexes font l'objet de rapports publics annuels.

La délégation a aussi fait savoir que les organisations non gouvernementales sont très actives en Arménie et ont une bonne connaissance du terrain. Leur contribution est donc recherchée pour la préparation des activités et programmes d'action.

Un membre du Comité ayant relevé, s'agissant des mesures temporaires spéciales prévues par la Convention, que les quotas imposés pour favoriser l'égalité des femmes n'ont pas eu d'effet sur la faible représentation des femmes dans la vie politique, ni sur l'insertion professionnelle des femmes particulièrement défavorisées, la délégation a confirmé que l'instauration de quotas entre bien dans le cadre des mesures qui ont été prises par l'Arménie mais que les mesures en faveur de groupes de femmes spécifiques s'inscrivent dans des programmes généraux de l'action du gouvernement.

Répondant à des questions complémentaires, la délégation a déclaré que la Constitution définit les droits fondamentaux de la personne en général. Les autres textes législatifs - Code du travail, civil, pénal - contiennent tous des dispositions définissant les droits des hommes et des femmes. Le contrôle de l'application des textes est du ressort des autorités à tous les niveaux, des sanctions étant prévues en cas de manquement. Il existe une procédure d'adoption des lois nationales prévoyant une consultation de la société civile pouvant durer plusieurs mois, a précisé la délégation en réponse à des questions du Comité. Tout texte législatif qui concerne les femmes contient une disposition législative concernant l'interdiction de la discrimination contre les femmes.

Aucune discrimination n'est exercée contre les minorités nationales ni religieuses, comme l'a confirmé un rapport du Conseil de l'Europe, a fait valoir la délégation. Les minorités nationales et religieuses ne sont pas considérées comme des groupes cibles de mesures spéciales dans la mesure où elles sont composées de citoyens arméniens jouissant à ce titre de tous les droits prévus par la loi. La délégation a également fait savoir que le bureau de l'ombudsman (médiateur) reçoit effectivement des plaintes de femmes pour discrimination, mais dans une proportion assez faible: l'action des tribunaux ordinaires est en effet jugée satisfaisante. Enfin, la faiblesse de la participation des femmes à la vie politique s'explique par des raisons historiques; leur participation est par contre très importante aux niveaux moyen et supérieur des administrations publiques, a observé la délégation.



Lutte contre les stéréotypes; violence domestique; traite des êtres humains et prostitution

Un membre du Comité a voulu savoir si des études avaient été menées sur les stéréotypes fondés sur le sexe au sein de la société arménienne et si des lignes directrices avaient été adoptées pour encourager les médias et le secteur de la publicité à jouer un rôle actif dans la promotion - ou à tout le moins le respect - de l'égalité entre les sexes et des principes de la Convention. Une autre experte a demandé combien d'affaires de violence domestique au sein du couple sont dénoncées devant les tribunaux et quelles mesures concrètes sont prises pour la protection des femmes victimes de violences domestiques, qui concerneraient un tiers des femmes arméniennes, selon certaines informations. Des questions ont en outre porté sur les sanctions pénales à l'encontre des auteurs des violences et sur le nombre probablement anormalement faible de viols recensés en Arménie, qui s'explique peut-être par une méfiance des femmes victimes vis-à-vis de l'appareil policier et judiciaire.

Une experte a demandé une évaluation des mesures prises par l'Arménie dans le domaine de la prévention de la traite des êtres humains, en termes de résultats obtenus et d'estimation de l'ampleur du phénomène. Des informations font état de lacunes dans la protection des victimes et des témoins, ce qui explique peut-être le faible nombre de cas dénoncés et de condamnations prononcées, a observé l'experte. Un expert du Comité a dit n'avoir trouvé dans le rapport aucune mention de poursuites juridiques engagées pour incitation à la prostitution. Il a aussi souhaité des explications sur la pratique des amendes administratives infligées par la police aux prostituées.

Répondant aux questions du Comité, la délégation a souligné qu'en vertu de la législation arménienne, tout acte de violence, y compris le viol conjugal, est punissable, quel qu'en soit l'auteur. En 2005, une loi d'action sociale a fixé les mécanismes et délais d'action de l'État en faveur des victimes de la violence. Des centres d'accueil de victimes de la violence seront ouverts dès 2010 dans le cadre d'un programme d'action mis au point par les autorités de l'Arménie en collaboration avec les organisations non gouvernementales. En outre, la police a créé, en 2005, un groupe de travail chargé de mettre au point des moyens d'éliminer la violence contre les femmes et les enfants. Le Ministère de l'action sociale a contribué à ce travail. Le Groupe de travail élabore des statistiques mensuelles concernant les plaintes et le nombre d'affaires instruites. Cinq cas de viols sont effectivement montés jusqu'aux tribunaux; mais d'autres affaires de violences sexuelles ont été traitées au titre d'autres lois, portant le total à 29 affaires à connotation sexuelle, a précisé la délégation.

La prostitution n'étant pas réprimée par la loi, le Code pénal est muet à ce sujet. Le Code prévoit cependant des sanctions à l'encontre de personnes obligeant des mineurs à se prostituer. Depuis 2002, la police coopère étroitement avec les organisations non gouvernementales internationales spécialisées dans la lutte contre la traite des êtres humains. La police a mis sur pied à cet effet une division spéciale dont l'action en matière de lutte contre la traite des êtres humains, mais aussi de protection des femmes contre la violence domestique par exemple, est relayée par les forces de l'ordre au niveau local. La délégation a ajouté que la population est sensibilisée au problème et des statistiques précises sont établies. Elle a précisé que l'Arménie est un pays d'origine et que l'assistance due aux victimes rapatriées de l'étranger est clairement définie par les textes. Les victimes ne sont pas criminalisées, a assuré la délégation. Un mécanisme de protection des témoins, dernier maillon manquant du dispositif, sera bientôt mis en place: il devrait permettre une augmentation des dénonciations.

La délégation a reconnu que les stéréotypes sexistes perdurent effectivement en Arménie, mais pas au niveau du système éducatif, a-t-elle assuré. En témoigne la liberté dans le choix des matières par les deux sexes. Les stéréotypes opèrent notamment dans l'intégration des femmes à la vie politique arménienne, comme le révèle une étude récente. La délégation a enfin indiqué, en réponse à la question d'un expert, que la pratique d'enlèvements de fiancées en milieu rural n'est pas attestée en tant que telle en Arménie.

Participation à la vie publique et politique

Un membre du Comité a relevé le faible nombre de femmes dans les échelons supérieurs de l'administration et du pouvoir exécutif: l'Arménie ne compte ainsi qu'une seule femme ambassadeur. Il a relevé que le rapport ne fournit pas de chiffres sur la participation des femmes dans le secteur privé.

La délégation a précisé qu'un quota de 15% est imposé s'agissant des listes électorales des partis mais pas en ce qui concerne les élus. Le Ministère des affaires étrangères compte en effet une seule ambassadrice et 86 fonctionnaires féminines des services généraux. Le nombre de femmes juges est de 34 sur un total de 172. Les violences contre des femmes journalistes, telles qu'évoquées par un expert du Comité, sont couvertes par les articles du Code pénal concernant l'entrave au métier de journaliste: ils prévoient de fortes amendes et des peines de réclusion. Toutes les plaintes d'enlèvement ou de viols sont dûment enregistrées par la police, a assuré la délégation, ajoutant qu'aucune journaliste n'avait été concernée par l'un de ces deux délits. Deux pour-cent des officiers de police sont des femmes, a précisé la délégation.

Répondant à des questions complémentaires des membres du Comité, la délégation a indiqué que la loi prévoit des recours en cas de violence domestique. Le harcèlement sexuel est criminalisé par le Code pénal, dans le chapitre consacré aux violations de l'immunité sexuelle, ainsi que par le Code du travail. Des campagnes de formation et de sensibilisation sont axées chaque année sur les médias afin de contrecarrer les stéréotypes; le club de la presse d'Erivan a publié un code de conduite dans ce domaine à l'intention des journalistes. Des articles et des émissions sur les questions de la traite des êtres humains et de la violence au foyer sont diffusés par les médias. Les chiffres de la traite des êtres humains sont les suivants (depuis 2003): 14 affaires en 2007 (36 victimes) et 20 affaires en 2008 (39 victimes).

Éducation et emploi

Un membre du Comité a fait état d'informations dénonçant une discrimination de facto dans le système éducatif arménien. Il semble notamment que les parents soient obligés, malgré la gratuité théorique de la scolarité, de payer pour scolariser leurs enfants. D'autre part, le taux d'abandon de l'école est plus élevé chez les filles que chez les garçons, ce qui pose la question des causes de cet abandon et des mesures prises pour y remédier. Une ségrégation est sensible au niveau de l'enseignement supérieur, les femmes s'orientant plutôt vers les sciences humaines; les femmes sont aussi sous-représentées au niveau des études de doctorat, alors qu'elles sont encore majoritaires au niveau du master. D'autre part, la présence des femmes est insuffisante aux échelons supérieurs et décisionnels du Ministère de l'éducation, a-t-il été observé.

Certains membres du Comité ont voulu savoir si l'avortement est toujours utilisé comme moyen de contrôle des naissances dans les régions rurales, comme semblent l'indiquer les statistiques disponibles. Des questions ont aussi porté sur la disponibilité des contraceptifs oraux.

Un expert a soulevé le problème de la discrimination salariale à l'égard des femmes, qui montre que l'Arménie ne respecte pas encore le principe de salaire égal pour un travail de valeur égale, selon la formulation de l'Organisation internationale du travail. Une experte a relevé que la féminisation de la pauvreté touche avant tout les zones rurales, montagneuses et frontalières, ainsi que les populations réfugiées. Le rapport indique à cet égard qu'il n'existe pas de mesures spéciales à l'intention des femmes réfugiées, a déploré l'experte.

La délégation a répondu aux questions du Comité en indiquant notamment que l'enseignement secondaire public est gratuit. La loi prévoit l'octroi d'aides financières et la mise en place de programmes éducatifs spéciaux. L'accès à l'enseignement supérieur se fait sur concours, certains établissements étant payants, d'autres gratuits. La proportion de jeunes filles dans l'enseignement professionnel et secondaire est passée à plus de 63% en 2008, à 54% dans les établissements d'enseignement supérieur publics (gratuits comme payants). Ces proportions augmentent avec le temps. Les filles ne sont donc pas victimes de discrimination dans le domaine de l'éducation. L'amélioration du système scolaire passe notamment par une rationalisation des effectifs, qui s'est accompagnée de l'organisation de formations continues axées sur les femmes et l'octroi d'une aide sociale ponctuelle aux enseignantes. Les classes les plus avancées de l'école publique bénéficient d'un enseignement à la santé génésique.

L'Arménie compte environ 3 millions d'habitants. Dans toutes les classes d'âge, le taux de morbidité est moins élevé chez les femmes que chez les hommes; elles vivent également en moyenne six ans de plus. C'est l'un des premiers pays de la Communauté des États indépendants (CEI) à avoir mis en place un enseignement de santé sexuelle et génésique, l'objectif étant notamment d'éliminer, dès les petites classes, les stéréotypes qui ont été mentionnés. On compte vingt ou trente naissances vivantes chez les adolescentes, dont 6% sont déjà mariées; des chiffres assez élevés, a reconnu la délégation. Quasiment toutes les femmes ont accès à de services médicaux et de planning familial, jusque dans les villages. Le taux de natalité est plus élevé à la campagne que dans les villes. Un effort est consenti en matière d'équipement médical pour les établissements situés en région rurale, le personnel soignant étant incité à y pratiquer grâce à l'octroi de primes spéciales.

La loi stipule l'égalité de salaire pour des tâches équivalentes, a d'autre part confirmé la délégation. Les employés peuvent dénoncer à la justice toute infraction constatée à cette loi. Des mesures sont prises en conjonction avec les autorités et le secteur public en faveur de l'intégration professionnelle des personnes handicapées, a aussi assuré la délégation. Enfin, grâce à l'action sociale menée depuis 1992, l'Arménie a été en mesure de faire reculer la pauvreté sur son territoire, ce qui explique la révision des objectifs dans ce domaine depuis un an.

Égalité devant la loi

Un membre du Comité s'est étonné de ce que les enfants de parents séparés soient confiés à la garde de l'État, comme il a été dit par la délégation, et a demandé des précisions sur les modalités du partage des biens du couple au moment du divorce. Plusieurs membres du Comité sont revenus sur l'inefficacité apparente des campagnes de santé génésique en Arménie, compte tenu de la persistance de la pratique d'interruptions volontaires de grossesse en tant que moyen de contrôle des naissances. Des questions ont aussi porté sur les efforts de prévention et de dépistage de maladies telles que le cancer du col de l'utérus. Les experts ont aussi relevé l'absence d'informations dans le rapport concernant l'accès aux services de santé mentale. Une experte s'est étonnée de la souplesse de la loi en faveur des employeurs qui ne respectent pas les objectifs d'intégration des femmes à la vie professionnelle. D'autres experts ont demandé des précisions sur les causes de l'abandon scolaire des filles et sur le nombre d'enfants non scolarisés.

La délégation, répondant à des questions du Comité concernant l'accès à l'aide juridique, a confirmé le caractère gratuit de cette assistance, au bénéfice des hommes comme des femmes. Après le divorce, conditionné par le consentement mutuel des époux, les allocations sont réparties à égalité entre les ex-conjoints. Il est possible de présenter au tribunal une demande de garde des enfants. L'Arménie ne dispose pas de tribunaux spécialisés dans les affaires familiales. Le divorce peut-être prononcé par un simple bureau de l'état-civil si le ménage n'a pas d'enfants.

En ce qui concerne la situation en matière de divorce, la délégation a indiqué que le code de la famille réglemente exhaustivement le divorce ainsi que la garde des enfants et la répartition des biens en cas de séparation. Les familles vivant sous le seuil de pauvreté peuvent bénéficier des prestations sociales de l'État. L'aide de l'État consiste en la fourniture de toutes les prestations nécessaires à la jeune mère. La répartition des biens ne concerne pas la retraite, puisque cette prestation est par nature individuelle.

L'avortement n'est pas considéré comme une méthode de planning familial par les autorités, a assuré la délégation. Elles estiment au contraire qu'il faut prendre des mesures pour réduire le nombre des interruptions volontaires de grossesse. Les statistiques, officielles et indépendantes, sont encourageantes à cet égard, qui montrent une diminution importante du nombre d'avortements depuis dix ans. Une étude sur l'accès de la population aux informations concernant la santé génésique montre que si la majorité des femmes connaît l'existence de plusieurs moyens de contraception modernes, ces méthodes sont peu employées, au profit de méthodes traditionnelles moins fiables. L'accès à l'aide médicale commence à 15 ans, âge auquel les jeunes filles subissent un examen médical complet (de la même manière que les jeunes gens subissent un examen médical au moment du recrutement pour le service militaire). L'Arménie est par ailleurs le premier membre de la CEI à avoir adopté des mesures gratuites et systématiques de prévention du cancer du col de l'utérus et du cancer du sein, par le biais notamment de quatre centres de dépistage répartis sur l'ensemble du territoire national. Les accouchements se font en clinique. Ils sont gratuits. Le traitement des dépressions et troubles psychiques, fréquents en Arménie suite aux catastrophes naturelles et aux conflits que le pays a subis, est dispensé dans des centres spécialisés. Les femmes sont moins sujettes à la dépression que les hommes, a observé la délégation. L'infection au VIH est dépistée sur la base de tests de dépistage volontaires, suivis par 85% des femmes. On compte en Arménie 600 cas d'infection au VIH, dont 27% de femmes.


Le taux de fréquentation de l'école primaire est de 93%, garçons et filles confondus. Dans la période 2006-2008, on a dénombré 3206 enfants non scolarisés, dont 1293 filles. L'abandon intervient le plus souvent après la huitième année scolaire. Les raisons de l'abandon scolaire sont d'ordre socioéconomique avant tout; une autre raison tient à la non-couverture de besoins pédagogiques spécifiques, lacune que les autorités s'attachent à combler. Au niveau du secondaire, on compte davantage de filles scolarisées que de garçons.

Des foyers pour victimes de la traite des êtres humains puis, dans un deuxième temps, pour victimes de violence domestique, seront ouverts en 2010, a précisé la délégation, avec l'aide de financements d'institutions étrangères.

Conclusion

MME DJIUNIK AGHAJANIAN, chef adjoint de la délégation de l'Arménie, a remercié les membres du Comité de leurs questions et commentaires. Les autorités de l'Arménie accordent la plus grande importance à la place des femmes dans la société, a assuré Mme Aghajanian, indiquant qu'elles s'efforcent prioritairement d'éradiquer les stéréotypes nuisibles à la réalisation des droits de la femme, en coopération avec les organisations non gouvernementales et la société civile.

MME NAÉLA GABR, Présidente du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a remercié la délégation de sa coopération, la félicitant de sa sincérité et de sa clarté. La présidente a espéré que la coopération de l'Arménie avec le Comité lui permettra de garantir la pleine application des dispositions de la Convention. Mme Gabr a aussi espéré que la délégation saurait faire connaître le contenu des débats de ce jour dans son pays et y encourager la mise en œuvre des dispositions de la Convention. L'avortement n'est pas une solution en matière de contrôle des naissances, a d'autre part souligné Mme Gabr, et le Comité espère que l'Arménie saura prendre des mesures pour améliorer la situation en matière de contraception. Le Comité aimerait aussi que le Gouvernement ouvre le plus vite possible des foyers pour femmes victimes de la traite des êtres humains et de la violence domestique.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CEDAW09005F