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COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES: AUDITION D'ONG SUR LA SITUATION DANS LES PAYS À L'EXAMEN

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu, cet après-midi, une réunion publique informelle avec les représentants d'organisations non gouvernementales et d'institutions nationales des droits de l'homme qui ont fourni des informations concernant des pays dont les rapports seront examinés jusqu'à la fin de la présente session: Allemagne, Cameroun, Guatemala, Haïti et Rwanda. Aucune organisation n'est intervenue au sujet de la Libye, dont le rapport sera examiné cette semaine.

L'attention du Comité a notamment été attirée sur la situation des femmes homosexuelles et des transsexuels en Allemagne, victimes selon les intervenants de discrimination, ainsi que sur la question de l'accès à des services de procréation assistée. La participation des femmes à la vie publique au Cameroun a fait l'objet d'autres interventions, ainsi que la violence dont les femmes seraient victimes dans ce pays. En ce qui concerne le Guatemala, des intervenants ont dénoncé une discrimination exercée à l'égard des femmes autochtones, ainsi qu'un phénomène persistant d'assassinats de femmes. La représentante d'une ONG d'Haïti a pour sa part demandé des mesures pour lutter contre les stéréotypes sexistes et les préjugés dans les médias, le système éducatif et la vie politique du pays.

Suite aux présentations des organisations non gouvernementales sur ces questions et d'autres, un dialogue s'est déroulé avec les experts du Comité concernant la situation dans les pays concernés.

Des représentantes des organisations suivantes ont fait des déclarations: Cameroun, Alliance of German Women's Organizations, Human Rights and Transexuality (Allemagne), Association of Intersexed People - XY-Women (Allemagne), Wunschkind e. V. (Allemagne), Movimiento de Mujeres Indigenas Tz'ununija (Guatamala), FIAN International (Guatemala), Organisation pour le développement du réseau Thomonde (Haïti) et un collectif informel d'organisations non gouvernementales rwandaises. Plusieurs représentants d'organisations non gouvernementales ont par ailleurs déploré la difficulté rencontrée par certains de leurs membres d'obtenir des visas d'entrée en Suisse afin d'assister aux réunions du Comité.


Le Comité se réunira demain, à partir de 10 heures, en salle XVI du Palais des Nations, pour examiner le septième rapport d'Haïti (CEDAW/C/HTI/7).


Audition d'organisations non gouvernementales

Sur le Cameroun

MME BETTY LUMA, au nom de Fida Cameroun, a présenté le rapport parallèle mis au point par les organisations non gouvernementales du Cameroun, indiquant que la réalité sur le terrain est que la participation des femmes à la vie publique est réduite à la portion congrue. Le système de quota préconisé par la Conférence de Beijing n'est pas appliqué. Les femmes sont donc très peu présentes dans les listes des partis et elles n'ont jamais détenu de postes élevés dans le pouvoir exécutif. La représentante a aussi dénoncé les lois discriminatoires contre les femmes et de la violence contre les femmes, dont la forme la plus courante est la violence domestique. En effet la société accepte encore facilement que le mari «corrige» sa femme. Le problème est aggravé par le manque de formation des agents de l'État chargés de prendre en charge les victimes de cette violence. D'autre part, les mutilations génitales féminines persistent au Cameroun. Le Comité devrait appeler les autorités du Cameroun à concevoir et appliquer une réforme complète prévoyant notamment l'allocation de ressources à la lutte et à l'éradication de toutes les formes de violence contre les femmes, ainsi que des mesures de protection en faveur des victimes.

Sur l'Allemagne

MME MARION BOKER, représentante de l'Alliance des organisations de femmes allemandes, a dit qu'il fallait condamner la discrimination à l'encontre des femmes homosexuelles au sein de la société, les autorités allemandes n'ayant à cet égard pas suivi les recommandations antérieures du Comité. Le rapport indique bien certaines des actions entreprises par les Länder dans ce domaine, mais ces renseignements sont lacunaires. Une autre lacune demeure dans le domaine de la formation du personnel de l'État. La représentante a déploré que l'État fédéral ait quasiment abandonné sa stratégie de lutte contre la discrimination, compte tenu des restrictions budgétaires imposées. La loi allemande attend encore d'être adaptée, a poursuivi la représentante, qui a ajouté que la loi sur l'égalité de traitement de 2006 n'est pas non plus appliquée. Le Comité devrait donc inciter les autorités allemandes à adapter la législation nationale aux exigences de la Convention. La représentante a encore dénoncé les lacunes réglementaires et législatives s'agissant du droit à l'égalité de traitement pour les femmes migrantes, et à l'application des dispositions sur la parité par le secteur privé. Enfin, des mesures doivent être prises pour lutter contre le mariage forcé.

MME CHRISTINA SCHIEFERDECKER, au nom de Human Rights and Transexuality, a déploré que les femmes transsexuelles allemandes sont traitées comme des hommes souffrant de troubles psychiques, en dépit de découvertes scientifiques attestant du contraire. La représentante a demandé la création d'une institution nationale chargée de veiller au bien-être des femmes transsexuelles, notamment dans le domaine administratif.

MME LUCIE VEITH, de l'Association of Intersexed People, a demandé que soit garantie l'identité sexuelle des personnes intersexuelles et qu'il soit mis fin aux expériences médicales pratiquées sur elles. La représentante a appelé le Comité à prendre des mesures pour assurer la survie de cette catégorie de la population.

MME BEATE TURNER, de l'association Wunschkind, a demandé que la procréation et l'accès aux services d'assistance à la procréation soient traités par l'État allemand comme des droits naturels des femmes. En effet, ces droits ne sont pas garantis dans la loi, entraînant des lacunes dans l'application au niveau pratique, notamment compte tenu de l'action violente de certaines organisations religieuses.

Sur le Guatemala

MME JUANA MATILDE MULUL CASTRO, de l'organisation Movimiento de Mujeres Indigenas Tz'ununija, a déploré la vulnérabilité et la discrimination dont souffrent encore les femmes autochtones du Guatemala, en dépit des engagements pris par les autorités guatémaltèques. En effet, aucune politique du travail ni mesure juridique spécifique n'est mise en œuvre pour promouvoir les droits de ces femmes. La représentante a dénoncé en particulier les poursuites engagées contre des femmes autochtones protestant contre des arrêts d'expulsion les concernant. Elle a en outre demandé que soient définies des politiques de défense des droits des femmes migrantes aux États-Unis par exemple. La représentante a demandé au Comité de prier les autorités du Guatemala de prendre des mesures concrètes pour protéger les droits des femmes autochtones.

MME FLORIDALMA CONTRERAS VÁSQUEZ, au nom du Comité d'Amérique latine et des Caraïbes pour la défense des droits de la femme (CLADEM), a déploré que les assassinats de femmes au Guatemala n'aient en rien diminué, malgré les recommandations adressées précédemment par le Comité. Aucune mesure pratique n'a été prise dans le domaine de l'éducation en particulier. Malgré l'adoption par le Congrès en 2008 d'une loi contre les meurtres de femmes, l'impunité continue de prévaloir compte tenu de l'absence de volonté de mise en œuvre de ses dispositions par le pouvoir judiciaire. Seules 2% des affaires sont en effet résolues par la justice, a précisé la représentante: 722 femmes ont été assassinées en 2008, le plus souvent après avoir été torturées et violées. Les Bureaux de la femme institués par l'État ne disposent pas des budgets nécessaires, souvent détournés par les partis politiques. En outre, la représentation féminine dans la vie politique est encore très faible.

MME CARLY PRICE, de FIAN International-pour le droit à l'alimentation, a déclaré que la crise alimentaire mondiale a encore détérioré la situation des femmes qui, de par leur statut social inférieur, sont trop souvent les dernières à manger. La situation des femmes rurales du Guatemala est compromise en particulier par le manque d'accès aux ressources économiques qui leur permettraient de vivre dignement. L'organisation FIAN signale que les mesures du Gouvernement du Guatemala en matière de droit foncier n'ont malheureusement pas permis de faire évoluer la situation concrète en faveur des femmes. FIAN demande si le nouveau projet de loi prévoit des mesures concrètes en faveur des femmes, en révisant en particulier le concept de chef de famille.

Sur Haïti

MME GERDA BENJAMIN, de l'Organisation du réseau Thomonde, a notamment dénoncé l'absence de définition de la discrimination à l'égard des femmes dans la Constitution haïtienne et le manque d'harmonisation des lois du pays avec les dispositions de la Convention. Mme Benjamin a en outre appelé à la répression par la loi des stéréotypes sexistes et les préjugés dans les médias, le système éducatif et la vie politique haïtiens. La représentante a aussi dénoncé le trafic de petites filles des campagnes vers les villes, où elles sont reléguées à des emplois de domestiques, travaillant 14 heures par jour et souvent victimes d'insultes et de stigmatisation. Le Gouvernement d'autre part prendre des mesures juridiques contre la violence à l'égard des femmes et ouvrir des centres d'accueil à l'intention des victimes de violence domestique. La représentante a en outre déploré la très faible représentation des femmes dans la vie publique, qu'il s'agisse des listes présentées par les partis aux élections, ou de leur intégration dans les ministères et dans le système judiciaire. À cet égard, l'adoption d'une véritable politique de parité s'impose. Mme Benjamin a enfin dénoncé les inégalités et les discriminations dont souffrent les femmes rurales, demandant l'application d'un programme national d'éducation à leur intention ainsi que l'adoption de mesures visant au renforcement des infrastructures locales (éducation, santé et microcrédit en particulier).

Sur le Rwanda

MME JUSTINE RUKEBA MBAZAZI, du Collectif informel d'organisations féminines du Rwanda, a dénoncé, en particulier, la recrudescence de la violence domestique contre les femmes du Rwanda. Saluant la loi sur la violence contre les femmes adoptée en 2008, la représentante n'en a pas moins regretté que l'application de cette loi soit encore lacunaire et demandé que soit adopté un mécanisme concret pour venir en aide aux femmes victimes de cette forme de violence. La pénalisation de l'avortement est un autre problème, compte tenu du nombre de jeunes filles poursuivies par la justice et emprisonnées pour ce motif. Nombre d'entre elles sont enceintes des suites d'un viol, ce qui pose en outre la question de l'impunité des auteurs de ces crimes. En matière d'accès à la justice, la représentante a déploré l'incapacité des fonctionnaires de justice à traiter comme il convient les cas de femmes victimes de violence. Une carence demeure en outre dans le domaine de l'octroi de l'assistance juridique au bénéfice de femmes très souvent démunies.

Renseignements complémentaires fournis par les organisations non gouvernementales

Répondant à une question du Comité concernant le Cameroun, il a été précisé que le pays a ratifié le Protocole facultatif en janvier 2005, une très bonne initiative des autorités qui permettra aux victimes de demander justice et d'obtenir, le cas échéant, des indemnités. Cependant, le contenu de la Convention n'a pas été totalement transposé dans le droit national: aussi les organisations non gouvernementales et le Gouvernement ont-ils commencé de travailler à la sensibilisation concernant ses dispositions.

S'agissant de l'Allemagne, la représentante d'une organisation non gouvernementale a déclaré que les questions concernant l'intégration de la sexospécificité à tous les niveaux sont manifestement très agaçantes aux yeux des officiels interrogés. Une autre représentante a fait valoir que l'identité sexuelle ne peut faire l'objet d'un enseignement; dans ce contexte, la manière dont les personnes concernées par l'intersexualité sont traitées montre le chemin qui reste à parcourir en Allemagne, notamment par les autorités. Les organisations préfèrent à cet égard l'utilisation du terme de transsexualité, qui n'a rien à voir avec l'orientation sexuelle. Depuis 1981, la Cour suprême allemande a publié un certain volume de jurisprudence qui n'a cependant pas suffi à régler les problèmes qui se posent encore. Le problème fondamental réside dans l'absence de prise en compte du fait que le sexe du cerveau est au moins aussi important pour la construction de l'identité sexuelle que les marqueurs sexuels physiques. Au plan pratique, les personnes intersexuelles rencontrent des problèmes d'emploi et d'établissement de documents d'identité, par exemple. Une représentante a précisé par ailleurs que la loi autorise l'adoption d'un enfant par un membre d'un couple du même sexe; cependant, dans la pratique, cette loi n'est jamais appliquée. D'autre part, les couples de lesbiennes ont accès aux traitements contre la stérilité mais pas à la procréation in vitro.

L'impact de la crise financière sur l'emploi des femmes est important, a souligné une représentante allemande, indiquant que les femmes entrepreneurs ont de plus en plus de mal à exercer leur activité professionnelle. Les autorités allemandes ont alloué d'importantes sommes aux grandes entreprises du secteur privé, ce qui diminue d'autant les sommes disponibles pour le secteur social, a-t-elle ajouté.

L'avenir de la loi sur l'égalité de traitement reste flou et les organisations non gouvernementales allemandes craignent que ce texte, notamment la disposition concernant la discrimination positive, soit employé à mauvais escient par les autorités et les employeurs.

Les organisations non gouvernementales allemandes présentes n'ont été invitées à participer à aucun dialogue permanent avec le Gouvernement au sujet de la rédaction du rapport, a-t-il été précisé.

Répondant à des questions sur la situation au Guatemala, la représentante d'une organisation non gouvernementale a indiqué que la courbe des assassinats de femmes est allée croissante depuis la signature de l'accord de paix et en dépit de l'adoption de la «loi contre le féminicide». L'État ne s'est pas doté en réalité des moyens pratiques pour mettre un terme à ces crimes. Les femmes sont de fait agressées à cause de leur simple appartenance au sexe féminin. La loi sur le féminicide n'a été adoptée que sous la forte pression des organisations de femmes et son inefficacité tient avant tout au manque d'accès des femmes au système judiciaire, a-t-il été observé. De même, si l'on enregistre bien une légère augmentation de la représentation des femmes dans le pouvoir exécutif, on constate simultanément un fort mouvement d'intimidation contre les femmes, parfois du fait de fonctionnaires de police haut placés.

Les femmes autochtones du Guatemala ne bénéficient d'aucune protection particulière, notamment en raison de barrières linguistiques très fortes, a aussi expliqué une représentante. Des institutions autonomes d'aide juridique devraient être mises sur pied à leur bénéfice.

Au sujet d'Haïti, la représentante d'une ONG a précisé que les stéréotypes sont très fréquents dans les manuels scolaires, les hommes étant nettement représentés d'une façon nettement plus favorable que les femmes. La Constitution ne contient pas de définition juridique de la discrimination, ce qui compromet toute action efficace dans ce domaine. La représentante a donc insisté sur la nécessité d'harmoniser la loi nationale et le droit international. D'autre part, l'accès des femmes à la justice est limité d'une part du fait des dysfonctionnements du système lui-même, et d'autre part du fait des stéréotypes qui empêchent encore les magistrats de prendre sérieusement en compte les plaintes déposées par des femmes. Cependant, le Gouvernement a, effectivement, renforcé les dispositions contre les viols, prévoyant notamment des peines de détention de quinze ans, qui étaient absentes des dispositions antérieures, a confirmé la représentante.

La traite d'enfants domestiques en Haïti est très préoccupante, a affirmé la représentante d'une ONG: la brigade de protection des mineurs et l'Institut du bien-être social ont failli à leur mission de protection envers ces enfants, qui ne disposent en outre pas de foyers d'accueil ni de programmes de réinsertion. La représentante a aussi indiqué que son organisation n'avait pas été informée du projet de loi de lutte contre la traite des enfants déposé par le Gouvernement. Dans ce projet de loi, la femme non mariée bénéficiera de certains avantages autrefois réservés à la femme mariée, notamment en matière de partage des biens après le divorce. Un problème demeure concernant l'utilisation des moyens contraceptifs, compte tenu de leur prix et des conceptions patriarcales concernant la procréation. Enfin, l'État haïtien ne met pas de programme de microcrédit directement à la disposition des femmes: l'accord du mari est indispensable.

S'agissant du Rwanda, la représentante du collectif d'organisations non gouvernementales a précisé que le Code pénal aussi bien que la loi sur la protection des enfants criminalisent l'avortement. Le Gouvernement devrait, selon elle, réfléchir à la manière dont ces jeunes filles tombent enceintes et prendre des mesures adaptées car, compte tenu du nombre de viols, nombre de jeunes filles sont de facto privées de toute protection juridique et sociale. Depuis la Conférence mondiale de Beijing, les mouvements de la société civile s'efforcent très activement de promouvoir l'égalité de la représentation féminine dans la vie politique, dans le cadre d'une loi qui leur réserve des sièges au Parlement, a indiqué la représentante.

Il existe une volonté politique au Rwanda d'encourager l'action de la société civile, a ajouté la représentante. L'augmentation de la représentation des femmes est ainsi «partie du haut», permettant par exemple la présence de 30% de femmes parmi les ministres du gouvernement. L'État rwandais doit cependant être encouragé à faire des progrès dans la participation des femmes dans la diplomatie. Au niveau national, une campagne de sensibilisation menée par les organisations de femmes a permis l'amendement des lois, notamment celle portant sur l'héritage. Le travail maintenant consiste à faire connaître à toute la population les droits ainsi garantis.


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CEDAW09006F