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LE COMITÉ TIENT UN DIALOGUE AVEC LA COMMISSION DES MIGRATIONS DE L’ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DU CONSEIL DE L’EUROPE

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a tenu, cet après-midi, un dialogue avec des membres de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ainsi qu’avec un spécialiste des migrations de l’Organisation internationale du travail (OIT).

M. Abdelhamid El Jamri a présenté les travaux du Comité, qu’il préside, M. Mevlut çavusoglu présentant quant à lui ceux de la Commission susmentionnée, dont il préside le sous-comité des migrations. Le représentant de l’OIT s’est pour sa part attaché à rappeler le contexte actuel des migrations ainsi qu’un certain nombre de normes de droit international applicables à tous les travailleurs migrants.

Faisant observer que quatre pays membres du Conseil de l’Europe – la Turquie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et l’Azerbaïdjan – font partie des 39 États ayant ratifié la Convention à ce jour, M. El Jamri a indiqué attendre de la présente discussion qu’elle permette d’engager un partenariat avec le Conseil de l’Europe s’agissant de toutes les questions ayant trait aux droits des migrants.

La discussion de cet après-midi s’est concentrée sur les perspectives d’application de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille dans les États membres du Conseil de l’Europe.


Le Comité rencontrera demain matin, à 10 heures, la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navanethem Pillay.


Aperçu de la discussion

Le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Abdelhamid El Jamri, a rappelé que le Comité a été mis en place en 2004 suite à l’entrée en vigueur, l’année précédente, de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Le Comité est composé de dix membres élus qui sont des experts autonomes provenant d’États ayant ratifié la Convention. Le Comité est en charge de veiller à la promotion de la Convention et au respect de ses dispositions. Il examine les rapports qui lui sont présentés par les États parties à la Convention, dont le nombre est actuellement de 39, a précisé M. El Jamri. Il a souligné que le Comité a un partenariat naturel avec d’autres institutions internationales comme l’Organisation internationale du travail (OIT) ou l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Les membres du Comité participent également à un certain nombre de réunions et colloques tenus à travers le monde concernant les questions qui intéressent les migrations et les travailleurs migrants, a poursuivi M. El Jamri. Aucun « État du Nord », c’est-à-dire aucun des pays industrialisés accueillant généralement la main-d’œuvre étrangère, ne figure parmi les 39 pays qui ont à ce jour ratifié la Convention, a fait observer le Président du Comité. Il apparaît que les migrants, à travers le monde, font face à des difficultés s’agissant du respect de leurs droits, dont certains touchent à leur intégrité physique, a indiqué M. El Jamri.

Faisant observer que quatre pays membres du Conseil de l’Europe – la Turquie, la Bosnie-Herzégovine, l’Albanie et l’Azerbaïdjan – font partie des États ayant ratifié la Convention à ce jour, M. El Jamri a indiqué attendre de la présente discussion qu’elle permette d’engager un partenariat avec le Conseil de l’Europe s’agissant de toutes les questions ayant trait aux droits des migrants.

M. Mevlut çavusoglu, Président du sous-comité des migrations de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a indiqué que la Commission des migrations, des réfugiés et de la population est composée de 84 membres provenant des parlements nationaux des 47 États membres du Conseil de l’Europe. Cette Commission possède trois sous-comités traitant distinctement de chacune des trois questions que constituent les migrations, les réfugiés et la population. Son mandat englobe également le droit humanitaire et les questions humanitaires, y compris la question des personnes portées disparues, a précisé M. çavusoglu. Cette Commission travaille en étroite coopération avec diverses organisations européennes et internationales, ainsi qu’avec les organisations non gouvernementales (ONG), a-t-il poursuivi. Elle a également des contacts avec les parlements nationaux et avec le Parlement européen. La Commission présente des rapports et émet des avis sur différents sujets, au nombre desquels la détention des requérants d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe ; l’amélioration de la qualité et de la pertinence des décisions prises dans les États membres du Conseil de l’Europe ; ou encore les droits de l'homme et les préoccupations démocratiques sous l’angle de l’intégration des migrants.

Les trois principales priorités de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population - basées sur la Déclaration et le Plan d’action adoptés à Varsovie en mai 2005 lors du troisième Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe – sont le renforcement des droits des migrants, des réfugiés, des requérants d’asile et des personnes déplacées ; la promotion du dialogue interculturel, de la tolérance et de l’intégration des communautés migrantes dans les sociétés d’accueil ; ainsi que la gestion des migrations, régulières ou non.

M. çavusoglu a par ailleurs souligné que le Conseil de l’Europe s’est doté d’un certain nombre d’instruments juridiques, au nombre desquels figure la Convention européenne de 1977 relative au statut juridique du travailleur migrant, ratifiée à ce jour par onze pays, à savoir l’Albanie, la France, l’Italie, le Moldova, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, la Turquie et l’Ukraine. Toutefois, a souligné M. çavusoglu, cette Convention ne s’applique qu’aux seuls travailleurs migrants qui sont ressortissants de l’un des États membres du Conseil de l’Europe et qui sont autorisés à travailler sur le territoire d’un autre État membre du Conseil ; ainsi, les migrants irréguliers ne sont-ils pas protégés par cet instrument. M. çavusoglu a précisé qu’un comité consultatif est chargé d’examiner périodiquement les rapports soumis par les parties contractantes concernant leur mise en œuvre de cette Convention. Il a également attiré l’attention sur l’important instrument que constitue la Charte sociale européenne révisée du Conseil de l’Europe, à ce jour ratifiée par 39 États membres. L’article 19 de cette Charte traite des droits des travailleurs migrants qui sont ressortissants de l’une des parties à la Charte et des membres de leur famille. La Charte contient une disposition sur la non-discrimination, a souligné M. çavusoglu. Il a par ailleurs rappelé que l’article premier de la Convention européenne des droits de l'homme stipule que les États membres sont engagés à respecter et protéger les droits civils et politiques de quiconque se trouve sous leur juridiction, ce qui comprend donc les travailleurs migrants et les membres de leur famille, qu’ils se trouvent ou non en situation régulière.

De plus en plus de preuves existent qui attestent qu’aujourd’hui, de nombreuses agences d’emploi temporaire que l’on pourrait qualifier de « voyous » pratiquent des méthodes totalement inacceptables par lesquelles elles embauchent des travailleurs originaires de pays à forts taux de chômage et à faibles salaires en leur faisant accepter des salaires inférieurs à ceux dont bénéficient la main-d’œuvre locale, de sorte que ces travailleurs sont exposés à des conditions de travail qui ne seraient jamais proposées aux syndicaux locaux – et encore moins acceptées par eux, a déclaré M. çavusoglu. Il a enfin invité les membres du Comité à assister à toutes les futures réunions de la Commission, précisant que la prochaine se tiendrait aux îles Canaries (Espagne), les 11 et 12 décembre prochain, pour se concentrer sur les questions liées à l’arrivée de « boat people ».

M. PATRICK TARAN, spécialiste des migrations à l’Organisation internationale du travail (OIT), a souligné que souvent, les lois et leur pratique sont le reflet du contexte dans lequel elles s’inscrivent. Cela est particulièrement vrai en matière de migration, a-t-il ajouté. La mobilité humaine, à l’échelle internationale, est devenue un élément essentiel pour répondre aux défis qui se posent en termes économiques et en matière de main-d’œuvre et de productivité dans une économie globalisée, a-t-il précisé. Les migrations servent d’outil d’ajustement sur les marchés du travail, tant du point des compétences et de l’âge de la main-d’œuvre que du point de vue de la composition sectorielle des marchés nationaux et régionaux.

L’OIT estime qu’environ 95 millions des près de 200 millions de personnes qui vivent en dehors de leur pays de naissance ou de citoyenneté sont économiquement actives, c’est-à-dire engagées dans le monde du travail, a poursuivi M. Taran. Dans les pays d’Europe occidentale, a-t-il précisé, la proportion de personnes nées à l’étranger dans la main-d’œuvre totale n’est jamais inférieure à 10% ; elle atteint même 15% en Irlande voire 40% au Luxembourg. D’après les projections actuelles, la population de l’Italie sera, en 2050, inférieure de 25% à ce qu’elle était en 2000 ; quant à la population de l’Ukraine, elle reviendra, en 2025, au niveau qui était le sien en 1900, a ajouté M. Taran. Les taux de fécondité dans la plupart des pays de l’Union européenne ne sont plus en mesure d’assurer le remplacement des générations, ou ne le seront bientôt plus, la France étant l’une des rares exceptions en la matière, a-t-il insisté. Selon les projections actuelles, a-t-il précisé, alors que la dépendance en termes de sécurité sociale se situe actuellement en moyenne à deux personnes retraitées pour sept personnes économiquement actives, ce ratio passera à quatre pour sept d’ici 2050. Dans ce contexte, la prévention de l’exploitation et la promotion de l’égalité de traitement constituent des éléments essentiels pour asseoir la prospérité, la cohésion sociale et la gouvernance démocratique des sociétés, a souligné M. Taran. L’expérience historique montre que la réglementation assurant la protection des travailleurs migrants ne saurait être laissée aux seuls mécanismes du marché, a-t-il déclaré. De plus en plus, l’une des caractéristiques essentielles des sociétés occidentales réside dans la tension entre des travailleurs hautement qualifiés et bien payés et une main-d’œuvre flexible et bon marché, a-t-il ajouté. Aux Etats-Unis, a-t-il insisté, la main-d’œuvre qualifiée de bon marché représente 37% de la main-d’œuvre totale ; ce taux est de 43% en Allemagne et de 34% en Suède, selon le Financial Times.

Le manque d’options disponibles pour les migrations légales nourrit les canaux de migration irrégulière qui deviennent ainsi la seule alternative face aux pressions migratoires, a poursuivi M. Taran. Il a en outre attiré l’attention sur le fait que les recherches menées par l’OIT montrent que l’existence de canaux de migration légale pour le travail contribue à réduire le trafic d’enfants, de femmes et de migrants. Les migrants sont davantage en mesure de contribuer au développement des économies des pays d’origine et des pays d’accueil lorsque leurs droits fondamentaux, y compris le droit du travail, sont protégés et respectés, a par ailleurs souligné M. Taran.

M. Taran a fait part d’un certain nombre de notions fondamentales qui caractérisent les protections accordées aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille dans le droit international existant. La première a trait à l’égalité de traitement qui doit prévaloir, dans le domaine de l’emploi et du travail, entre travailleurs migrants et travailleurs nationaux. Une autre porte sur le fait que les droits de l’homme universels fondamentaux s’appliquent à tous les migrants, quels que soient leur situation ou leur statut, ce qui est en particulier établi par la Convention n°143 de l’OIT sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires, 1975). Cette Convention compose, avec la Convention n°97 de l’OIT sur les travailleurs migrants (1949) et la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, une véritable « charte des migrations », a souligné M. Taran. En 2004, a-t-il ajouté, en adoptant une approche globale afin d’analyser les défis associés aux migrations contemporaines pour le travail et en établissant un Plan d’action global sur les travailleurs migrants, la Conférence internationale du travail avait reconnu l’urgente nécessité d’un cadre politique global. L’objectif du cadre multilatéral non contraignant ainsi défini est de fournir aux gouvernements et aux organisations d’employeurs et de travailleurs une orientation pratique en matière d’élaboration, de renforcement, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques mises en place aux niveaux national et international en matière de migrations liées au travail. Ce cadre multilatéral de l’OIT constitue le seul recueil complet de principes et de directives sur la politique et la gestion migratoires qui soit solidement basé sur les instruments internationaux et les meilleures pratiques – et donc basé sur les droits, a conclu M. Taran.

Chacun s’accorde pour dire que les migrations jouent un rôle important pour le développement tant des pays d’accueil que des pays d’origine, a-t-il été souligné durant la discussion qui a suivi ces trois présentations.

La question a été soulevée de la raison pour laquelle les pays membres du Conseil de l’Europe rechignent tant à ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille. Quels sont les obstacles majeurs à une telle ratification par ces pays, alors même qu’ils vont devoir, du fait notamment du vieillissement de leur population, faire appel à une main-d’œuvre étrangère accrue ?

Un parlementaire croate ayant pris part à la discussion s’est engagé à agir auprès de son gouvernement afin que son pays ratifie la Convention.

Un intervenant s’est enquis de ce que recouvrait, du point de vue du Comité, la notion de famille. La conception de la famille retenue par le Comité lorsqu’il examine la mise en œuvre de la Convention dans un pays donné se réfère à la conception en vigueur dans le pays concerné, qu’il s’agisse de mariage, de PACS ou de toute autre union reconnue légalement comme constituant une famille, a précisé le Président du Comité, M. El Jamri.

M. El Jamri a par ailleurs souligné que l’argument qu’opposent certains pour expliquer leur non-ratification de la Convention en affirmant qu’ils veulent garder le contrôle de leur politique migratoire ne tient pas. En effet, il est clair que la détermination de la politique migratoire d’un État ne relève pas de la Convention ; cette politique est effectivement décidée par chaque pays. Ce que demande en revanche le Comité, c’est que les politiques migratoires qui ont été décidées respectent les dispositions de la Convention.

Au regard de ce qui s’est passé au cours de la décennie écoulée, les migrants sont en train de perdre leurs droits, s’est inquiété un intervenant, membre du Comité. Les migrants en situation irrégulière voient leurs droits fondamentaux violés, même dans les États membres de l’Union européenne ; ils ne peuvent pas toujours fonder une famille, sont victimes de discrimination et n’ont pas droit à la sécurité sociale, a-t-il souligné.

Chacun est d’accord pour « aller vers plus de droits en faveur des migrants » et pour promouvoir une ratification accrue de la Convention, a conclu le Président du Comité, M. El Jamri, à l’issue de la discussion.


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