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COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: AUDITION D'ONG SUR LES PAYS EXAMINÉS À LA PRÉSENTE SESSION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé, cet après-midi, à l'audition d'organisations non gouvernementales qui ont fourni des informations concernant la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dans des pays dont les rapports seront examinées au cours de la présente session.

S'agissant du Nicaragua, les interventions ont porté sur la politique alimentaire du Gouvernement; sur l'avortement, interdit même pour des raisons thérapeutiques; sur le droit du travail; ainsi que sur les questions de logement et d'accès à l'eau.

En ce qui concerne la Suède, les interventions ont porté en particulier sur la situation des personnes handicapées ainsi que sur la situation des toxicomanes, souvent exposés à la transmission de l'hépatite C.

Les interventions sur le Kenya ont porté sur la situation en matière de logement; sur les violations des droits des femmes et des jeunes filles en matière de droit à la propriété et de droits successoraux; ainsi que sur l'exclusion et la marginalisation qui frappent de nombreuses communautés.

En ce qui concerne les Philippines, les interventions ont notamment porté sur la pénalisation de l'avortement; sur les activités minières entreprises sans tenir compte des besoins des populations affectées; sur la situation en matière de logement, s'agissant plus particulièrement des expulsions forcées; sur les violences contre les dirigeants syndicaux et les défenseurs des droits de l'homme; et sur la nécessité d'assurer le droit à l'alimentation et de mener à son terme le programme de réforme agraire.

S'agissant enfin du Kosovo, dont la situation sera examinée sur la base d'un document soumis par la MINUK, c'est la problématique de la restitution de biens qui a surtout retenu l'attention.

La situation en Angola, dont le rapport sera également examiné à la présente session, n'a pas fait l'objet d'une intervention de la part d'organisations non gouvernementales.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport du Nicaragua (E/C.12/NIC/4, disponible uniquement en anglais, russe et espagnol).



Aperçu des déclarations

Au sujet de divers pays à l'examen

Une représentante du Centre for Reproductive Rights a indiqué que son organisation avait transmis au Comité trois lettres concernant les situations au Kenya, au Nicaragua et aux Philippines. Elle a déploré l'abolition des avortements thérapeutiques au Nicaragua, qui remet en question le droit des femmes à la santé et à vie. Pour ce qui est du Kenya, la représentante a attiré l'attention du Comité sur les violations des droits des femmes dans les centres sanitaires du pays, s'agissant en particulier des femmes atteintes par le VIH/sida. En ce qui concerne les Philippines, la représentante a dénoncé le manque voire l'interdiction d'accès à des contraceptifs modernes dans ce pays; elle a également déploré que l'avortement y soit considéré comme un délit pénal.

Un représentant de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT) a attiré l'attention sur les rapports concernant le Kenya et les Philippines qu'a rédigés son organisation en collaboration avec d'autres organisations non gouvernementales. Ces rapports sont empreints d'une conviction commune selon laquelle la torture et les autres traitements cruels, inhumains et dégradants sont souvent étroitement liés au manque de respect à l'égard des droits économiques, sociaux et culturels. Par conséquent, pour éliminer de tels phénomènes, il faut d'abord s'attaquer à leurs causes économiques, sociales et culturelles. Le représentant a souligné que l'OMCT avait élaboré un rapport concernant le Kenya en vue du très prochain examen de ce pays par le Comité contre la torture. En ce qui concerne les Philippines, le représentant a attiré l'attention sur la politique de libéralisation du commerce suivie par ce pays pour obtenir des capitaux étrangers et accélérer son développement économique; ainsi, des activités minières ont-elles été développées sans que soient pris en compte les besoins des populations concernées par ces activités. Le représentant a en outre dénoncé la violence contre les syndicats et les dirigeants syndicaux et contre les défenseurs des droits de l'homme d'une manière générale aux Philippines.

Un représentant du Center on Housing Rights and Evictions (COHRE) a indiqué que son organisation souhaitait attirer l'attention du Comité sur les droits des femmes au logement dans le contexte des taudis au Kenya, sur les problèmes liés au droit au logement – et notamment les expulsions forcées – aux Philippines, ainsi que sur la problématique de la restitution des biens au Kosovo. Le Gouvernement philippin a eu recours à la violence pour étouffer les revendications de la population, a notamment souligné le représentant.

S'agissant du Nicaragua

Une représentante de FIAN International - pour le droit à l'alimentation, a préconisé que le Nicaragua promeuve une stratégie de lutte contre la faim qui aille au-delà du programme actuel «Faim Zéro», en veillant à la promotion du développement durable en faveur des populations concernées et en accompagnant cette action d'une réforme agraire. Il faut que le Nicaragua adopte le projet de loi de souveraineté alimentaire, a ajouté la représentante. En outre, a-t-elle poursuivi, la question du logement doit constituer une priorité pour les pouvoirs publics. Il faut aussi que le Nicaragua se dote d'une politique de l'eau efficace qui assure un accès adéquat de toute la population à une eau de qualité et gratuite.

Un représentant du Centre nicaraguayen des droits de l'homme a aussi attiré l'attention du Comité sur le droit à l'alimentation et à un niveau de vie décent au Nicaragua et sur le droit au travail et le droit du travail dans ce pays. Il a déploré le manque d'égalité des chances au Nicaragua, ainsi que le manque d'investissements internationaux dans ce pays, la situation globale au Nicaragua alimentant de nombreuses migrations, touchant surtout les autochtones. Le représentant a ajouté que les contrats de travail sont très flexibles et que le pays connaît les licenciements massifs et le travail des enfants. Il faudrait en outre un réel débat dans la société nicaraguayenne concernant la question de l'avortement, qui est désormais interdit.

Le Président du Comité, M. Philippe Texier, ayant souhaité savoir si le plan «Faim Zéro» (Hambre Cero) qui a été lancé dans le pays il y a bientôt deux ans marquait une évolution fondamentale de la politique alimentaire suivie au Nicaragua jusqu'ici, la représentante d'une ONG a répondu que ce plan n'a pas eu le résultat escompté, notamment pour les plus nécessiteux.

S'agissant de la Suède

Une représentante de la Swedish Disabilities Federation a attiré l'attention du Comité sur la situation des personnes handicapées en Suède. Elle a déclaré que le Gouvernement suédois n'a pas vraiment répondu à la question que lui a adressée le Comité (ndlr: question 26 de la liste des questions écrites préalablement adressées à la délégation suédoise) s'agissant des mesures prises pour combler les écarts qui persistent entre la législation et la pratique concernant les droits des personnes handicapées, en particulier de celles qui sont des sans-abri. En Suède, le Gouvernement légifère mais la mise en œuvre des lois dépend des collectivités locales, a rappelé la représentante. Ainsi, la Suède dispose-t-elle d'une bonne législation mais qui ne se concrétise pas dans la pratique, en raison, notamment, d'un manque de sensibilisation, mais aussi d'un manque de coopération des parties prenantes, notamment des municipalités qui invoquent le manque de ressources. En Suède, les écoles libres peuvent ne pas accepter des personnes handicapées sous prétexte qu'elles auraient des besoins particuliers; la représentante a estimé que cela est tout à fait contraire au Pacte.

Un représentant de l'International Harm Reduction Association a dénoncé la loi en vigueur en Suède qui interdit aux pharmaciens de vendre des seringues. Il a souligné que les autorités locales en Suède peuvent faire cesser les activités des centres d'échange de seringues, faisant observer qu'aucun centre de ce type n'a été créé ces dernières années. Aujourd'hui, les toxicomanes en Suède meurent bien davantage de l'hépatite C que du sida, a souligné le représentant. Une autre représentante a aussi déploré qu'en Suède les toxicomanes n'aient pas accès à des seringues stériles, de sorte qu'ils ont beaucoup de mal à se protéger contre la transmission de l'hépatite C.

Un membre du Comité s'est enquis de la base sur laquelle le Comité pourrait intervenir auprès de la Suède au sujet de cette question de la disponibilité de seringues stériles pour les toxicomanes; en effet, a-t-il précisé, tout en se disant conscient de la composante sanitaire de cette question, aucune disposition du Pacte ne prévoit le droit du toxicomane de se droguer.

Un représentant d'ONG a alors fait valoir le droit des toxicomanes de rester en bonne santé et de se protéger d'infections potentielles, droit qui leur est refusé en Suède pour des raisons de moralité. La Suède est le seul pays de l'Union européenne qui interdit aux pharmacies de vendre, même sur ordonnance, des seringues, a souligné ce représentant.

S'agissant du Kenya

Une représentante de la Federation of Women Lawyers, s'exprimant également au nom de International Women's Human Rights Clinic, Georgetown University Law Center, a attiré l'attention des experts sur les violations des droits des femmes et des jeunes filles en matière de droit à la propriété et de droits successoraux. En vertu du droit coutumier, les femmes ne peuvent contrôler la terre, ce qui les empêche de jouir de nombre de leurs droits économiques, sociaux et culturels, a-t-elle insisté. Elle a en outre dénoncé la discrimination dont souffrent les femmes divorcées et veuves. En cas de divorce, a-t-elle notamment précisé, les femmes ne peuvent pas récupérer leurs biens et doivent tout simplement quitter leur foyer. Environ un cinquième des femmes divorcées et veuves sont touchées par le VIH/sida, a fait observer la représentante, ce qui est bien supérieur à la moyenne nationale.

Une représentante du Centre for Minority Rights Development a mis l'accent sur le rapport existant entre le déni ou les violations des droits économiques, sociaux et culturels et les différentes formes de violence, y compris la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants. Exclusion et marginalisation entraînent des situations telles que les personnes marginalisées vivent dans des conditions très dures, a-t-elle souligné. Les minorités et les pauvres constituent à cet égard des populations particulièrement vulnérables, a-t-elle ajouté, dénonçant en outre la tendance croissante à la criminalisation des pauvres dans les villes. La question de la propriété ou de l'absence de propriété entraîne de fréquents actes de violence à travers le pays, a poursuivi la représentante. Bon nombre de communautés au Kenya sont exclues des bénéfices que pourraient leur procurer diverses activités économiques, en particulier minières, a-t-elle ajouté, déplorant que ces communautés soient alors souvent acculées à quitter leurs territoires. Marginalisation et exclusion sont particulièrement marquées dans la partie septentrionale du pays, a précisé la représentante.

Un membre du Comité s'est enquis de la manière dont certaines communautés telles que les Masai pouvaient, du fait de leur mode de vie nomade, jouir effectivement de leurs droits économiques, sociaux et culturels. Un autre expert a souhaité savoir pourquoi la nouvelle Constitution qui a été soumise à référendum a finalement été rejetée par le peuple. La représentante d'une ONG a expliqué que le projet de Constitution qui a finalement été soumis au peuple kényan ne prévoyait aucune restitution du pouvoir au peuple, contrairement à ce qui était le cas dans le projet initial qui avait finalement été abandonné par le gouvernement.

S'agissant des Philippines

Une représentante de FIAN International - pour le droit à l'alimentation a évoqué la situation aux Philippines au regard du droit à l'alimentation en rappelant le devoir du Gouvernement philippin de protéger ce droit, conformément au Pacte. Le Gouvernement admet dans son rapport qu'il subsiste un grand nombre de pauvres dans le pays, a-t-elle relevé. Le droit de ne pas souffrir de la faim n'est pas respecté aux Philippines, où aucune réforme n'a été menée qui aurait permis d'assurer une meilleure répartition des ressources, a insisté la représentante. Elle a attiré l'attention sur la nécessité de mener à son terme le programme de réforme agraire, pour lequel 1,2 million d'hectares restent encore à couvrir.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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