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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS TIENT UNE DISCUSSION SUR L'APPLICATION DU PRINCIPE DE NON-DISCRIMINATION

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a tenu, cet après-midi, une discussion sur le paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, qui stipule que les États parties s'engagent à garantir que les droits qui y sont énoncés «seront exercés sans discrimination aucune fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l'opinion politique ou toute autre opinion, l'origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation». Cette discussion s'inscrit dans le cadre des efforts d'élaboration d'une observation générale sur la question que le Comité a engagés il y a quatre ans.

Le Président du Comité, M. Philippe Texier, a souligné que cette disposition est particulièrement importante et s'applique en fait à chacun des articles du Pacte et des droits qui y sont mentionnés. Ce paragraphe est transversal, ce qui signifie que l'obligation qu'il énonce s'applique à tous les droits, a également souligné un représentant du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.

Au cours de la discussion, à laquelle ont pris part les représentants de plusieurs organisations non gouvernementales et institutions spécialisées, il a notamment été souligné que le droit à la non-discrimination impose des obligations de facto, notamment en matière de recours, et qu'il n'existe pas de corrélation directe entre la croissance économique et la réduction des inégalités. Un intervenant a attiré l'attention sur les régimes de traitement différencié qui sont appliqués aux non-ressortissants. Un autre a dénoncé les discriminations en matière de droits économiques, sociaux et culturels dont sont victimes les populations autochtones et les membres des minorités. Plusieurs ont insisté sur la nécessité d'adopter des mesures positives spécifiques pour pallier les discriminations dont sont victimes différents groupes. L'accent a également été mis sur la nécessité de veiller à ce que l'observation générale traite de manière adéquate de l'orientation sexuelle en tant que motif de discrimination. L'un des principaux motifs de discrimination du point de vue de l'éducation reste la pauvreté, a-t-il également été souligné.

En tant que corapporteur du Comité chargé de l'élaboration d'un projet d'observation générale sur le paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, M. Eibe Riedel a indiqué qu'il avait été décidé de prolonger au 15 décembre prochain la date limite pour la soumission des propositions d'amendements concernant ce texte, après quoi un petit comité de rédaction sera chargé d'examiner les propositions d'amendements et de soumettre un nouveau projet pour adoption à la session du mois de mai 2009 du Comité. Mme Barbara Elaine Wilson, corapporteuse, a insisté sur le caractère immédiat de l'obligation d'interdiction de la discrimination qui incombe aux États parties en vertu du Pacte. Le Président du Comité a pour sa part ajouté qu'il sera très important, dans ce texte, de recommander l'inversion systématique de la charge de la preuve en matière de discrimination, car on se trouve dans un domaine où la preuve est particulièrement difficile à établir pour les victimes de la discrimination.

Le Comité doit clore les travaux de sa quarante et unième session vendredi prochain, 21 novembre, en rendant publiques ses observations finales concernant les rapports des États parties examinés durant cette session.



Aperçu de la discussion

Présentations

M. EIBE RIEDEL, rapporteur du Comité chargé, avec Mme Barbara Elaine Wilson, de l'élaboration d'un projet d'observation générale sur le paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, a rappelé que c'est un ancien membre du Comité, M. Giorgio Malinverni qui avait commencé les travaux d'élaboration de ce projet d'observation générale avant d'être nommé juge à la Cour européenne des droits de l'homme. Le nouveau projet, tel qu'il existe aujourd'hui, a été discuté par le Comité en mai dernier et ensuite envoyé, le mois suivant, à toutes les institutions spécialisées et aux organisations non gouvernementales; il fut alors décidé de tenir une autre demi-journée de discussion générale sur certaines des questions les plus importantes en rapport avec le paragraphe 2 de l'article 2 du Pacte, en particulier sur les termes «toute autre situation» tels que figurant dans ce paragraphe. M. Riedel a indiqué que Mme Wilson et lui-même avaient décidé de prolonger au 15 décembre prochain la date limite pour la soumission des propositions d'amendements concernant le présent projet d'observation générale, après quoi un petit comité de rédaction sera-t-il chargé d'examiner les propositions d'amendements et de soumettre un nouveau projet pour adoption à la session du mois de mai 2009 du Comité.

Un représentant de Social Rights Advocacy Centre a rappelé que les personnes qui vivent dans la pauvreté ont rarement accès à des voies de recours. Aussi, serait-il judicieux que le Comité apporte des solutions à cet égard, a-t-il indiqué. Il convient de prendre des mesures positives afin de rééquilibrer les désavantages dont pâtissent certaines personnes, a-t-il souligné. Le droit à la non-discrimination impose des obligations de facto, notamment en matière de recours, a-t-il insisté.

Un représentant du Centre norvégien des droits de l'homme de l'Université d'Oslo a souligné qu'une étude de la Banque mondiale a montré qu'il n'existe pas de corrélation directe entre la croissance économique et la réduction des inégalités, notamment en matière de revenus. Par ailleurs, le Comité doit encourager les États à être très clairs en ce qui concerne ce qu'ils entendent par «critères raisonnables et objectifs» dans le contexte des traitements différenciés considérés comme acceptables.

Un représentant de l'Unité des droits de l'homme et des questions économiques et sociales du Haut-Commissariat aux droits de l'homme a rappelé que le paragraphe 2 de l'article 2 est transversal, ce qui signifie que l'obligation qu'il énonce s'applique à tous les droits. Cet orateur a notamment souligné la nécessité de préciser quelque peu les notions de non-discrimination et d'égalité qui sont utilisées indifféremment dans le texte actuel du projet d'observation générale. L'interdiction de la discrimination comprend des obligations positives et négatives, a par ailleurs souligné le représentant du Haut-Commissariat.

Un représentant de l'Organisation internationale du travail a attiré l'attention sur un certain nombre de défis auxquels sont confrontés les non-ressortissants en matière d'application des principes de non-discrimination et d'égalité. Des régimes de traitement différencié des non-ressortissants, en particulier pour ce qui est des travailleurs migrants, existent depuis longtemps et se manifestent désormais sous de nouvelles formes, a-t-il souligné. La terminologie de «migrant illégal» ou d'«étranger illégal» est souvent associée à des pratiques qui, tout simplement, ne reconnaissent pas l'accès aux droits universels, notamment ceux énoncés dans le Pacte, a insisté l'orateur.

Un représentant de l'Unité des peuples autochtones et des minorités du Haut-Commissariat aux droits de l'homme a souligné que d'une façon générale, les populations autochtones et les membres des minorités sont confrontés à des discriminations en matière de droits économiques, sociaux et culturels. L'espérance de vie des autochtones est généralement inférieure à la moyenne de la population et ces groupes subissent des discriminations en matière d'accès à l'éducation, à l'emploi, à la santé et à la sécurité sociale. Ces groupes sont souvent perçus comme devant servir les intérêts des groupes dominants de la société, a insisté le représentant. Il faut donc que l'État adopte des mesures positives spécifiques face à ces désavantages, a-t-il ajouté.

MME BARBARA ELAINE WILSON, rapporteuse chargée, avec M. Riedel, de l'élaboration du projet d'observation générale, a rappelé le caractère immédiat de l'obligation d'interdiction de la discrimination qui incombe aux États parties. Ainsi, toutes les lois et pratiques existantes contenant des dispositions discriminatoires doivent-elles être amendées, abolies et abrogées immédiatement, a-t-elle insisté. Si les États parties au Pacte disposent d'une certaine marge de discrétion, c'est-à-dire d'une certaine marge de manœuvre, pour l'application de certains droits, une telle marge n'existe pas pour ce qui est de l'obligation de non-discrimination, a souligné Mme Wilson. Des mesures temporaires peuvent s'avérer nécessaires pour corriger certaines discriminations anciennes, inscrites par exemple dans le tissu social et culturel, a-t-elle ajouté. La question de savoir si ces mesures peuvent devenir permanentes reste délicate; en effet, ces mesures sont réputées légitimes tant qu'elles sont nécessaires, de sorte qu'une fois l'objectif atteint, elles doivent être levées. Par ailleurs, il incombe aux États parties de fournir des voies de recours aux personnes qui se plaignent d'être victimes de discriminations, a par ailleurs rappelé Mme Wilson.

Échange de vues

Au cours de l'échange de vues qui a suivi ces déclarations, plusieurs membres du Comité ont pris la parole. L'un d'eux a souligné que le traitement différencié des non-ressortissants est acceptable au regard des dispositions du paragraphe 3 de l'article 2 du Pacte qui précise que «les pays en voie de développement, compte dûment tenu des droits de l'homme et de leur économie nationale, peuvent déterminer dans quelle mesure ils garantiront les droits économiques reconnus dans le présent Pacte à des non-ressortissants».

Les discriminations dont sont victimes les non-ressortissants, les immigrants et les autochtones, ainsi que la question de l'identité sexuelle, doivent être approfondies dans le texte de la future observation générale que le Comité est appelé à adopter, a pour sa part souligné un autre membre du Comité.

Un autre expert a déclaré que pour lui, le texte du projet d'observation générale tel qu'actuellement soumis au Comité est un texte pour un nouveau protocole facultatif au Pacte mais en aucun cas un texte pour une observation générale.

La non-discrimination débouche-t-elle automatiquement sur l'égalité, s'est interrogée une experte? Faut-il dans ce contexte établir une distinction entre ces deux notions? Il convient effectivement d'approfondir cette question, a concédé un autre membre du Comité.

Il sera très important, dans le texte de la future observation générale, de recommander l'inversion systématique de la charge de la preuve en matière de discrimination, car on se trouve dans un domaine où la preuve est particulièrement difficile à établir pour les victimes de la discrimination, a souligné le Président du Comité, M. Philippe Texier.

Une représentante d'Amnesty International a notamment insisté sur la nécessité de veiller à ce que le texte du projet d'observation générale que le Comité se propose d'adopter traite de manière adéquate de l'orientation sexuelle en tant que motif de discrimination. Il conviendra également de veiller à lutter contre la stigmatisation des personnes atteintes par le VIH/sida.

Un représentant de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) a attiré l'attention des experts sur la Convention de 1960 de l'UNESCO sur la lutte contre la discrimination dans le domaine de l'éducation, qui énumère nombre de motifs de discrimination spécifiquement prohibés. L'un des principaux motifs de discrimination du point de vue de l'éducation reste la pauvreté, a souligné cet orateur.

Un représentant du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) a relevé que le texte du projet d'observation générale indique que tout traitement différencié doit répondre à des critères raisonnables et objectifs; dans ce contexte, il est absolument indispensable de préciser ce que l'on entend par «critères raisonnables et objectifs». Plusieurs dizaines de pays continuent d'imposer des restrictions à l'entrée, au séjour et à la résidence des personnes qui vivent avec le VIH/sida, a en outre souligné cet orateur.

Un représentant de la Commission internationale de juristes a déploré que rien ne figure dans le texte du projet d'observation générale concernant l'interdiction de la discrimination dans le contexte des relations économiques internationales entre États. Il faut remédier à cette lacune, a-t-il estimé.


Un représentant de l'Organisation internationale du travail a souligné que certaines mesures de protection peuvent être permanentes, notamment pour ce qui concerne les minorités, les autochtones et les gens du voyage. Il sera en effet toujours nécessaire de protéger les terres ou encore les langues des autochtones, a-t-il insisté. Même si ces mesures deviennent permanentes, elles ne devront en aucun cas être considérées comme discriminatoires, a-t-il ajouté.

Un consultant en droits de l'homme, indiquant s'exprimer en son nom propre, a relevé que le texte du projet d'observation générale ne parle plus de «droits» ni de «droits de l'homme», de sorte que l'on est en droit de se demander si le Comité envisage de se départir de la position selon laquelle les droits mentionnés à l'article 2 sont bien des droits.

Conclusion

M. RIEDEL, corapporteur, a jugé très riche la discussion qui s'est nouée cet après-midi autour de l'une des dispositions conventionnelles les plus importantes en matière de droits de l'homme. Il a indiqué avoir pris bonne note de tous les commentaires qui ont été faits cet après-midi et a assuré qu'il en serait tenu dûment compte par les rédacteurs du projet d'observation générale. M. Riedel a notamment relevé que la communauté internationale dispose désormais de la Convention sur les droits des personnes handicapées et a souligné que cette dernière prévoit des mesures spéciales qui ne peuvent pas être temporaires mais sont bel et bien permanentes. Le fait – mentionné par un intervenant cet après-midi - que la discrimination entrave l'intégration pourrait être repris dans le préambule du projet d'observation générale, a estimé M. Riedel. La question de l'identité sexuelle pourrait être abordée sous forme d'exemple, car elle ne relève pas d'un droit spécifique, a-t-il en outre déclaré.

MME WILSON, corapporteuse, a pour sa part souligné l'importance de la question des voies de recours pour les victimes de discrimination; l'obligation pour l'État d'offrir un tel recours est immédiate, a-t-elle insisté. Le droit de recours est d'ailleurs un droit transversal qui s'applique à tous les droits de l'homme, a-t-elle ajouté. Les mesures positives doivent être suspendues lorsqu'elles ne sont plus nécessaires, a poursuivi Mme Wilson; ainsi, les mesures positives peuvent-elles être temporaires ou permanentes. Tout le monde a le droit de ne pas être victime de discrimination s'agissant de tous les droits énoncés dans le Pacte, a par ailleurs souligné Mme Wilson.


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