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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DES PHILIPPINES

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, hier et ce matin, le rapport des Philippines sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il présentera en fin de session des observations finales concernant ce rapport.

Présentant le rapport, Mme Erlinda F. Basilio, Représentante permanente des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, a notamment souligné que les Philippines ont adopté en 1997 la loi sur les droits des peuples autochtones, qui cherche à reconnaître les domaines et terres ancestraux des petits groupes autochtones, à préserver leur identité culturelle distincte et à promouvoir et protéger leurs droits de l'homme, y compris leurs moyens de subsistance. En outre, le Gouvernement philippin a créé la Région autonome du Mindanao musulman et la Région autonome Cordillera. En dépit de ressources limitées, les Philippines sont parvenues à atteindre un certain succès pour ce qui est de la réalisation progressive de meilleurs niveaux de vie, a poursuivi Mme Basilio, mais la pauvreté reste un défi important puisque 36% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En outre, les Philippines souffrent de deux insurrections actives – celle de rebelles gauchistes et celle de séparatistes musulmans – qui détournent l'attention et les ressources du Gouvernement.

L'imposante délégation philippine était également composée, entre autres, de représentants du Comité présidentiel des droits de l'homme; du Ministère des affaires étrangères; du Ministère du bien-être social et du développement; du Ministère du travail et de l'emploi; du Ministère de la justice; du Ministère de l'intérieur et du gouvernement local; et de la Mission permanente des Philippines auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, notamment, la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels aux Philippines; l'impact des activités minières dans le pays; la situation des Philippins travailleurs migrants; la situation dans les centres d'évacuation de Mindanao; les allégations d'assassinats extrajudiciaires liés à la réforme agraire; les questions relatives au travail et à l'emploi et la situation dans les zones économiques spéciales; le travail des enfants; la pauvreté; la lutte contre le trafic de personnes; les questions autochtones; ainsi que les questions de santé et d'éducation.

Contrairement à ce que disent les médias, il n'y a pas de crise humanitaire ou alimentaire dans les centres d'évacuation de Mindanao, a notamment assuré la délégation, précisant qu'une grande partie de ces centres ont été fermés. Elle a par ailleurs indiqué que le décret présidentiel pour la relance de l'industrie extractive aux Philippines est fondé sur les principes d'extraction minière écologique et responsable. Elle a précisé que les avantages socioéconomiques de l'extraction sont partagés entre toutes les parties prenantes et que la notion de consentement préalable éclairé des autochtones est respectée. La délégation a par ailleurs reconnu que la pauvreté s'était aggravée entre 2003 et 2006.

La Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines est également intervenue pour souligner, notamment, que les pouvoirs de cette Commission en matière de droits économiques, sociaux et culturels ont été considérablement restreints par la jurisprudence qui a confirmé que le mandat de cette Commission se limitait aux violations des droits civils et politiques.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du premier rapport de l'Angola (E/C.12/ANG/3).

Présentation du rapport

MME ERLINDA F. BASILIO, Représentante permanente des Philippines auprès des Nations Unies à Genève, a rappelé que tout au long de leur histoire, les Philippines ont été engagées en faveur du respect de la gouvernance démocratique et des droits de l'homme. La grande majorité de la population philippine appartient aux groupes autochtones, a-t-elle ajouté. Elle a néanmoins précisé que si la majorité de ces derniers aient adopté des modes de vie modernes, quelques petits groupes autochtones ont choisi de conserver leurs modes de vie traditionnels. Reconnaissant cet état de fait, les Philippines ont adopté en 1997, la loi sur les droits des peuples autochtones en tant que mesure d'action affirmative visant à promouvoir et respecter les droits de l'homme des petits groupes autochtones dans un monde en mutation rapide, qui cherche à reconnaître les domaines et terres ancestraux des petits groupes autochtones, à préserver leur identité culturelle distincte et à promouvoir et protéger leurs droits de l'homme, y compris leurs moyens de subsistance, a indiqué Mme Basilio. Depuis l'adoption de cette loi, le Gouvernement a publié un total de 71 certificats de domaines ancestraux bénéficiant à quelque 333 848 autochtones et 180 certificats de terres ancestrales bénéficiant à quelque 2947 individus membres de groupes autochtones, a-t-elle ajouté. La Commission nationale sur les peuples autochtones est responsable de répondre aux besoins des groupes autochtones et d'assurer leur bien-être, a par ailleurs fait savoir Mme Basilio. Elle a en outre souligné que le Gouvernement philippin a créé la Région autonome du Mindanao musulman et la Région autonome de la Cordillère.

En dépit de ressources limitées, les Philippines ont obtenu un certain succès pour ce qui est de la réalisation progressive de meilleurs niveaux de vie, a poursuivi la Représentante permanente. Les Philippines se situent au 90ème rang sur 177 pays couverts par l'Indice de développement humain et font ainsi partie des pays de la catégorie moyenne en termes de développement humain, a-t-elle indiqué. Le seul domaine dans lequel les femmes, aux Philippines, sont défavorisées par rapport aux hommes est celui du revenu perçu estimé. Sinon, l'espérance de vie des femmes est de 73,3 ans et celle des hommes de 68,9 ans. Quant au taux d'alphabétisation chez les adultes, il est de 93,6% chez les femmes et de 91,6% chez les hommes.

Les catastrophes naturelles ont un impact négatif sur le développement, a poursuivi Mme Basilio. À cet égard, la pauvreté reste un défi important puisque 36% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. En dépit des ravages de la nature, les Philippines sont parvenues à améliorer de manière respectable la vie de leur population en termes d'espérance de vie accrue et de réduction de la mortalité infantile, cette dernière se situant désormais à 25 pour mille, a-t-elle souligné. Le taux de scolarisation brut combiné se situe quant à lui à 81,1%. En outre, 91% des enfants d'un an sont totalement immunisés contre la tuberculose et 72% de la population ont accès à un assainissement amélioré. Entre 1990/1992 et 2002/2004, les Philippines sont parvenues à réduire l'incidence de la malnutrition au sein de la population de 26 à 17%.

Les Philippines souffrent de deux insurrections actives – celle de rebelles gauchistes et celle de séparatistes musulmans – qui détournent l'attention et les ressources du Gouvernement de la tâche plus importante qui consiste à améliorer le niveau de vie de sa population, a rappelé Mme Basilio. Bien entendu, des violations de droits de l'homme se sont produites dans le contexte des insurrections en cours, a-t-elle ajouté. Aussi, le Gouvernement a-t-il activement poursuivi des négociations de paix avec toutes les parties au conflit armé, a-t-elle indiqué. En dépit de ces insurrections, les Philippines restent concentrées sur l'objectif qui consiste à apporter un meilleur niveau de vie à leur population. Les dépenses militaires représentent moins de 1% du PIB, alors que l'éducation représente 2,7% du PIB et la santé 1,4%.

Soixante ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on peut affirmer que les Philippins jouissent du progrès social et de meilleurs niveaux de vie, ainsi que de libertés plus larges, a conclu Mme Basilio, ajoutant que beaucoup reste à faire en matière de promotion et de protection des droits de l'homme du peuple philippin.

Le rapport périodique des Philippines (E/C.12/PHL/4, document réunissant les deuxième à quatrième rapports) indique qu'il a été estimé que le pays comptait 88,5 millions d'habitants en 2005 et souligne qu'il compte 110 groupes ethnolinguistiques qui parlent au moins 70 langues répertoriées. Il y a huit langues principales; les langues de travail officielles sont le philippin, qui est la langue nationale, et l'anglais. Quatre-vingt-cinq pour cent des Philippins sont chrétiens, en grande majorité catholiques romains. Un peu plus de 10 % de la population pratique l'islam et le reste appartient à d'autres confessions ou à des sectes.

Le sous-emploi a posé un problème très épineux, puisque ce phénomène est d'une plus grande ampleur que celui du chômage, poursuit le rapport. En octobre 2004, le taux du sous-emploi s'établissait à 16,9 %; parmi les personnes touchées, 61 % étaient des ruraux. Le déficit fiscal est apparu comme le principal problème macro-économique, ajoute le rapport. Depuis 1986, indique-t-il, le Gouvernement a axé plus explicitement ses efforts de développement national sur la lutte contre la pauvreté. En 1988, 45,5 % des Philippins étaient frappés par la pauvreté, soit 3,8 % de moins qu'en 1985. En 2003, l'incidence de la pauvreté avait diminué pour s'établir à 30,4 %.

Le Code de la famille contient des dispositions sur le mariage, la séparation légale, les relations entre possédants, les droits et obligations du mari et de la femme, la famille et le foyer. Des dispositions particulières du Code islamique du statut personnel s'appliquent aux musulmans, précise le rapport. La loi de la République n° 7658 interdit d'embaucher des enfants âgés de moins de 15 ans dans une entreprise publique ou privée, sauf dans le cas où l'enfant est placé sous la responsabilité exclusive de ses parents ou de son tuteur et si l'entreprise emploie exclusivement des membres de la famille de l'employeur, indique par ailleurs le rapport. Selon des données concernant l'année 2001 issues de l'OIT et de l'Enquête du Bureau national de statistique, sur les 24,9 millions d'enfants et de jeunes Philippins appartenant à la tranche d'âge des 5-17 ans, 16,2 % (soit 4,2 millions d'enfants) travaillent.

Les principaux éléments de la réforme agraire sont la réforme foncière ou le transfert
du contrôle et de la propriété des terres agricoles aux petits exploitants et aux travailleurs agricoles sans terres; un ensemble coordonné de services d'appui visant à renforcer ou faciliter l'accès des bénéficiaires aux ressources naturelles, aux financements, aux services de vulgarisation, à la technologie et l'information, aux infrastructures rurales, aux moyens de stockage, de gestion après récolte et de commercialisation; et les infrastructures sociales associées à la réforme agraire, souligne en outre le rapport.


Examen du rapport

Questions des membres du Comité

Un membre du Comité a demandé quel était le statut du Pacte dans l'ordre juridique interne des Philippines. Les arrêts rendus par les tribunaux laissent beaucoup à désirer du point de vue du respect des droits économiques, sociaux et culturels. Pourtant, la Constitution stipule que les Philippines adoptent les principes du droit international auxquels le pays a adhéré en vertu des instruments qu'il a ratifiés. À ce jour, il semble que seules deux affaires portées devant les tribunaux philippins ont porté sur les droits économiques, sociaux et culturels.

Un autre expert a souligné que certaines organisations non gouvernementales émettent des critiques au sujet de la commission nationale des droits de l'homme, dont elles affirment qu'elle n'est pas indépendante. Il a demandé des précisions sur les garanties d'indépendance de cette institution. L'expert a rappelé qu'il y a dans le pays des groupes rebelles et un véritable conflit armé engagé depuis longtemps, ce qui donne lieu à des déplacements de populations; aussi a-t-il souhaité connaître les mesures prises par les Philippines pour intégrer ces populations souvent déplacées par la force.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir si la commission nationale des droits de l'homme s'occupait aussi des droits économiques, sociaux et culturels.

Une experte a relevé que selon certaines informations, des sociétés minières étrangères sont autorisées à exploiter des mines dans les régions où vivent des autochtones, c'est-à-dire sur des terres ancestrales autochtones. Aussi, l'experte a-t-elle souhaité en savoir davantage au sujet des modalités de concessions minières. Elle s'est en outre inquiétée des disparitions forcées de défenseurs des droits de l'homme, de syndicalistes, d'autochtones et autres militants, et de l'impunité dont jouissent les responsables de ces actes.

Un autre expert a fait observer que les Philippines appliquent aux musulmans le Code personnel islamique qui autorise le mariage des filles avant 18 ans. En outre, le pays autorise également la polygamie. Il existe un islam progressiste et un islam régressif; or les Philippines semblent appliquer un islam régressif, a ajouté cet expert, soulignant que l'islam moderne ne tolère pas la polygamie, a-t-il souligné.

Les Philippines sont considérées comme étant le pays le plus corrompu de la région, a fait observer un autre membre du Comité. Certes, il existe une loi contre la corruption; mais il ne semble pas y avoir d'engagement politique pour lutter contre la corruption. Or, cette dernière, chacun le sait, entraîne un gaspillage des ressources publiques – gaspillage qui, ces dernières années, aurait atteint les 40 milliards de dollars.

La pauvreté est deux fois supérieure à la moyenne nationale dans la Région autonome du Mindanao musulman, a fait observer une experte. En matière d'éducation, les chiffres sont également inférieurs à la moyenne nationale dans cette Région autonome. L'exploitation minière semble être considérée par les autorités philippines comme le seul instrument de développement permettant de remédier au chômage; or, il semble que cette exploitation se fasse sans consultation des collectivités autochtones directement concernées, s'est en outre inquiétée l'experte.

La question d'actualité dans le pays est celle des terres, du régime foncier, a pour sa part souligné un expert.

Il serait judicieux que les Philippines ratifient la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les droits des peuples autochtones et tribaux, a fait observer un autre membre du Comité.

Un expert s'est enquis des conditions de travail des femmes philippines employées comme domestiques à l'étranger. Au Moyen-Orient, par exemple, les travailleurs domestiques étrangers sont exclus de toute prestation sociale; aussi, des accords bilatéraux sont-ils envisagés afin de remédier à cette situation? D'après les chiffres du Ministère philippin du travail et de l'emploi, a par ailleurs relevé cet expert, 45% des travailleurs aux Philippines se trouvaient en 2006 dans le secteur informel. Il semble en outre que le salaire minimum ne permette pas d'avoir un niveau de vie suffisant, sans compter que de nombreuses entreprises – 318 au total – n'appliquent même pas ce salaire minimum puisqu'elles ont vu leur demande d'exemption à cet effet acceptée. L'expert s'est aussi enquis de la situation des travailleurs employés dans les zones économiques spéciales aux Philippines.

Plusieurs sources indiquent qu'il n'y a pas d'inspection du travail indépendante dans les zones économiques spéciales, s'est inquiété un autre membre du Comité. Il semblerait que les établissements de plus de 200 salariés soient exemptés de toute inspection du travail, s'est inquiété un expert.

Il semble que le nombre de syndiqués, voire même de syndicats, soit moindre qu'auparavant, s'est étonné un membre du Comité.

Un autre expert a demandé à la délégation d'expliquer en détail les mesures adoptées par les Philippines pour prévenir et sanctionner les infractions aux droits syndicaux, en donnant notamment des renseignements à jour sur les efforts entrepris pour enquêter sur les meurtres, enlèvements et autres attaques dont ont fait l'objet plusieurs dirigeants et sympathisants syndicaux depuis septembre 2005. Les conditions associées au droit de grève rendent semble-t-il très difficile l'exercice de ce droit et ne semblent pas correspondre aux normes de l'Organisation internationale du travail en la matière, a ajouté cet expert.

Quelle est la proportion de la population qui est couverte par les prestations de vieillesse, le chiffre absolu pour 2003 s'établissant à 900 000, a demandé un expert?

Le budget social est également bien moindre que ce qu'il était il y a quelques années, alors même que la pauvreté sévit à grande échelle dans le pays, a relevé un autre expert. La crise financière mondiale actuelle va inévitablement toucher les Philippines, ne serait-ce que par son impact du point de vue des migrations et des salaires transférés dans le pays par des travailleurs migrants philippins vivant à l'étranger, a souligné ce même expert, avant de s'enquérir de l'existence d'éventuels programmes de retour volontaire à l'intention des migrants.

Un autre membre du Comité s'est enquis des éventuelles mesures prises par les autorités philippines afin d'inciter les employeurs à engager des travailleurs handicapés. Il a demandé quels sont les recours dont disposent les travailleurs en cas de faute de leurs employeurs à leur encontre.

Un expert a jugé quelque peu étrange la clause légale selon laquelle en cas de viol, la peine du violeur est réduite si sa demande de pardon est acceptée par la victime.

Un autre expert a relevé qu'environ un tiers de la population vit dans des logements informels. Il est nécessaire de prononcer un moratoire sur les expulsions forcées en attendant que des directives appropriées aient été adoptées s'agissant de cette question, a-t-il été souligné.

Plusieurs membres du Comité ont demandé à la délégation si les Philippines avaient l'intention d'adopter une législation pour légaliser le divorce et, dans le cas contraire, d'expliquer pourquoi.

Un membre du Comité s'est étonné que les Philippines aient mis l'accent sur l'entreprise privée pour résoudre les problèmes de logement, alors que les logements sociaux devraient être une préoccupation des pouvoirs publics.

Un autre expert s'est inquiété des nombreuses difficultés rencontrées dans le domaine de l'enseignement primaire et secondaire, s'agissant notamment des forts taux d'abandon scolaire et de la faible qualité de l'éducation.

Il semble qu'un tiers des enfants qui entrent dans le cycle d'enseignement primaire n'achèvent pas leur cursus, c'est-à-dire qu'ils quittent le système éducatif avant l'âge de 12 ans, s'est inquiété un autre membre du Comité. Quelles mesures sont-elles donc prises afin d'assurer le caractère obligatoire de l'éducation primaire ? Existe-t-il à cet égard un lien entre les forts taux d'abandon scolaire et le travail des enfants ?


Réponses de la délégation

S'agissant des voies de recours disponibles pour qui veut porter plainte pour violation des droits économiques, sociaux et culturels, la délégation a souligné que certains droits relevant du Pacte, comme ceux associés au droit du travail (qui sont traités dans le Code du travail), ont déjà été invoqués devant les tribunaux, alors que d'autres droits relevant du Pacte, comme le droit au logement, n'ont pas encore été mis à l'épreuve devant les tribunaux.

Il faut veiller à ne pas confondre des terroristes, comme les membres du groupe terroriste Abu Sayyaf, avec des défenseurs des droits de l'homme, a souligné la délégation. Quant aux allégations de disparitions forcées et d'assassinats extrajudiciaires, la délégation a affirmé que la plupart des cas ont déjà été éclaircis par le simple fait que ces allégations étaient infondées.

Deux institutions gouvernementales assurent la promotion et la protection des droits de l'homme aux Philippines, a indiqué la délégation. L'une d'elle, a-t-elle précisé, est la Commission nationale des droits de l'homme, organe indépendant qui assume de nombreuses fonctions, au nombre desquelles l'examen de plaintes; l'adoption de règles et de directives conformément aux décisions des tribunaux; la protection des droits des citoyens dans le pays ou à l'étranger; les visites dans les centres de détention ou les prisons; l'élaboration de recommandations au Congrès concernant des mesures efficaces de promotion des droits de l'homme ainsi que des mesures de réhabilitation des victimes. La seconde institution assurant la promotion et la protection des droits de l'homme est la Commission présidentielle des droits de l'homme, qui coordonne l'ensemble des départements (ministères) intervenants dans ce domaine, a ajouté la délégation.

Intervenant à la demande de la délégation Philippines, la Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines, Mme LEILA M. DE LIMA, a souligné que les pouvoirs de la Commission qu'elle préside en matière de droits économiques, sociaux et culturels ont été considérablement restreints par la jurisprudence qui a confirmé que le mandat de cette Commission se limitait aux violations des droits civils et politiques. La raison principale en est que la Constitution actuellement en vigueur aux Philippines a été élaborée après le régime dictatorial, à une période où l'on s'attendait à ce que l'attention se concentre sur les violations les plus graves des droits de l'homme. Des menaces constantes pèsent encore sur l'indépendance de la Commission nationale des droits de l'homme, a poursuivi sa Présidente, évoquant le problème de l'autonomie fiscale de cette institution. En effet, a-t-elle précisé, la Cour suprême a statué que seule la Cour suprême et l'ombudsman jouissent aux Philippines d'une autonomie fiscale totale, la Commission nationale des droits de l'homme ne bénéficiant quant à elle que d'une autonomie fiscale limitée. La Présidente de la Commission a par ailleurs expliqué que si les Philippines appliquent le principe de l'incorporation selon lequel les dispositions du droit international ratifié par le pays font partie intégrante du droit interne, subsiste néanmoins un problème pour ce qui est de la justiciabilité des droits économiques, sociaux et culturels en vertu du principe selon lequel «il n'y a pas de crime sans loi». Il n'en demeure pas moins que la Commission nationale des droits de l'homme traite d'un certain nombre d'affaires ayant trait à des problèmes environnementaux et à des problèmes agraires sous l'angle de la violation des droits civils et politiques que constitue l'assassinat de certaines personnes.

La Commission nationale des droits de l'homme a également traité un certain nombre de plaintes ayant trait à des expulsions forcées, poursuivi sa Présidente, ajoutant que le 6 novembre dernier a été adoptée une résolution demandant un moratoire sur les expulsions d'occupants informels en attendant l'adoption d'une loi ou de directives appropriées qui garantissent le respect des dispositions contraignantes de la loi sur le logement. S'agissant de la question des déportés de Sabah (Malaisie), des plaintes ont été déposées concernant les conditions inhumaines qu'auraient subi des ressortissants philippins à Sabah, dont certains auraient été victimes de passages à tabac et de mauvais traitements. Pour sa part, la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines a envoyé une mission spéciale pour vérifier ces allégations. La Présidente de la Commission nationale des droits de l'homme des Philippines a demandé au Comité des droits économiques, sociaux et culturels s'il ne pourrait pas encourager le Comité conjoint philippino-malaisien mis en place pour se pencher sur cette question à travailler en coopération avec les commissions nationales des droits de l'homme des deux pays. Elle a en outre plaidé en faveur de l'octroi d'une autonomie fiscale absolue – et non pas relative – à la Commission nationale des droits de l'homme philippine.

Interrogée sur la situation des Philippins travailleurs migrants sans papiers déportés de Sabah en Malaisie, la délégation a assuré que le Gouvernement philippin ne ménage aucun effort pour aider ses ressortissants à l'étranger. Jusqu'ici, aucune preuve de mauvais traitements de déportés dans les centres de Malaisie n'a été recueillie, a-t-elle ajouté. Des services d'aide sont apportés aux déportés lorsqu'ils arrivent au port de Mindanao afin d'assurer leur réintégration dans la société philippine, a par ailleurs souligné la délégation.

Pour ce qui est de l'impact de la crise financière mondiale sur le transfert dans le pays de fonds émanant des travailleurs migrants philippins vivant à l'étranger, la délégation a indiqué que depuis quelques années, on constate dans les pays du Golfe, notamment dans le domaine de la construction, une relance qui fait appel d'air pour l'envoi de travailleurs migrants. En outre, l'évolution démographique mondiale, avec un vieillissement marqué de la population, est favorable à l'embauche de personnels de santé, dont bon nombre sont des Philippins.

Le Décret présidentiel de 2004 pour la relance de l'industrie extractive aux Philippines est fondé sur les principes d'extraction minière écologique et responsable, a par ailleurs fait valoir la délégation. Du point de vue de la responsabilité sociale, les avantages socioéconomiques de l'extraction sont partagés entre toutes les parties prenantes, a assuré la délégation. Dans le contexte des activités d'extraction minière envisagées, la notion de consentement préalable éclairé des autochtones est respectée, a-t-elle ajouté.

S'agissant des droits des groupes autochtones, la délégation a rappelé qu'à l'heure actuelle, seule une vingtaine de pays ont ratifié la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les peuples indigènes et tribaux, soulignant que la loi actuellement en vigueur aux Philippines va au-delà de ladite Convention puisqu'elle intègre les notions de domaines et de terres ancestraux, alors que la Convention n°169 ne parle que de zones collectives. Aussi, les Philippines ne jugent-elles pas utile de ratifier cette Convention n°169 de l'OIT car elles estiment que leur propre loi est supérieure à cet instrument.

Répondant à d'autres questions sur la situation des autochtones, la délégation a notamment souligné que l'autodétermination n'est pas synonyme de sécession des autochtones. Elle a aussi indiqué que la Loi sur les droits des autochtones porte notamment sur les droits de propriété intellectuelle et sur les systèmes et pratiques des autochtones en matière foncière. En fait, cette Loi accorde aux autochtones quatre groupes de droits, a précisé la délégation. Il s'agit des droits sur les domaines ancestraux (afin de garantir la sécurité foncière des autochtones); du droit à l'autodétermination (autonomie); du droit relatif à la justice sociale et aux droits de l'homme (afin, en particulier, de garantir le respect du principe de non-discrimination dans tous les domaines); ainsi que du droit à l'intégrité culturelle (qui porte notamment sur la préservation des cultures et traditions autochtones et sur la propriété intellectuelle). Une commission nationale sur les populations autochtones a été créée avec mandat de promouvoir et protéger les droits et intérêts des populations autochtones, a par ailleurs indiqué la délégation. Les plans de développement durable des domaines ancestraux servent plus particulièrement à préserver l'environnement de ces domaines autochtones, a-t-elle ajouté.

La délégation a fait part de certaines mesures prises par les autorités philippines en faveur des personnes déplacées à Mindanao et plus largement en faveur du développement de cette région. Elle a notamment fait état de l'existence d'un programme de surveillance des déplacements dans les régions touchées par le conflit.

Contrairement à ce que disent les médias, il n'y a pas de crise humanitaire ou alimentaire dans les centres d'évacuation de Mindanao, a assuré la délégation. Une grande partie de ces centres ont été fermés, a-t-elle souligné. Les centres restants s'occupent de 63 000 familles alors qu'elles étaient auparavant plus de 140 000, a fait valoir la délégation.

Il n'y a pas de lien entre les assassinats extrajudiciaires et la réforme agraire, a assuré la délégation. Il y a des assassinats extrajudiciaires aux Philippines et la justice s'en saisit, mais aucun lien n'a été établi entre ces derniers et la réforme agraire, a insisté la délégation.

En ce qui concerne les allégations d'assassinats de dirigeants syndicalistes, certains responsables militaires présumés responsables de tels assassinats ont été arrêtés, a indiqué la délégation.

L'exigence de disposer de plus de 50% de voix en faveur d'une grève afin que celle-ci ne puisse être prononcée est somme toute assez démocratique, a par ailleurs estimé la délégation en réponse à la question d'un membre du Comité.

Un projet de loi qui a été déposé au Congrès afin de transposer dans la loi la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes propose de faire passer de 60 à 120 jours la durée des congés maternité, a par ailleurs indiqué la délégation. Nous reconnaissons que les travailleurs domestiques sont particulièrement vulnérables, a-t-elle poursuivi, faisant état d'un autre projet de loi qui entend promouvoir la protection des travailleurs domestiques. La délégation a par ailleurs fait état de l'existence d'accords bilatéraux avec certains pays tiers, au nombre desquels le Qatar et l'Arabie saoudite. En vertu de certains de ces accords, par exemple, pour une infirmière philippine «exportée», neuf infirmières doivent être formées aux Philippines. Des systèmes de protection ont été mis en place à l'intention des travailleurs migrants philippins, tout comme ont été mis en place des mécanismes favorisant leur réintégration lors de leur retour aux Philippines.

La délégation des Philippines a ensuite indiqué, en ce qui concerne les questions relatives au travail et à l'emploi, qu'il existe à travers le pays seize bureaux régionaux d'inspection du travail qui emploient 208 inspecteurs du travail, dont un certain nombre assument également d'autres tâches que l'inspection du travail in situ à proprement parler. Pour l'année 2007, 24 000 entreprises ont été inspectées et, pour le premier semestre 2008, ce nombre s'établissait à 13 000, a précisé la délégation. Des inspections de routine sont menées ainsi que sur plaintes, a-t-elle expliqué. Ces dernières impliquent qu'un plaignant a porté plainte auprès du directeur régional au sujet d'une violation alléguée du droit du travail. Les inspections sur plainte, bien sûr, priment sur les inspections de routine, a indiqué la délégation. Si un inspecteur constate qu'une norme du travail a été violée, il en informe le responsable de l'entreprise incriminée qui dispose de cinq jours pour se mettre en conformité, à défaut de quoi, le directeur régional a le pouvoir d'émettre un mandat pour contraindre le directeur de l'entreprise à se mettre en conformité avec la loi.

Quant aux zones économiques spéciales (ou zones franches), elles ont été créées pour encourager les investisseurs étrangers à faire des affaires aux Philippines, où ils bénéficient d'avantages tels que des allègements fiscaux, a poursuivi la délégation. On ne peut pénétrer dans ces zones sans avoir au préalable subi un contrôle d'identité pointilleux, a-t-elle indiqué. Si une violation y est constatée, c'est l'administration de la zone qui en informe le Ministère de l'emploi qui peut alors faire procéder à une inspection. Nous ne pensons pas que le bureau administratif chargé de la zone cherche à cacher des violations du droit du travail, a ajouté la délégation. Pour toute entreprise de plus de 300 employés, il faut qu'il y ait une infirmière, un dentiste et un médecin, a-t-elle en outre indiqué. Si elles bénéficient certes de conditions favorables, ces zones économiques spéciales sont bien couvertes par la loi, y compris pour ce qui est du droit de s'organiser en syndicat et de faire grève, a assuré la délégation.

Interrogée sur le travail des enfants, la délégation expliqué qu'un enfant peut être employé à condition que ses parents aient donné leur accord et à condition que cela ne mette pas en péril sa santé physique et mentale. À titre d'exemple, si une mère venue de la campagne travaille comme domestique à Manille, elle peut y amener sa fille qui sera scolarisée en ville, sans préjudice de la possibilité pour la mère de demander à sa fille de l'aider dans certaines tâches, notamment pour aller faire des courses. En revanche, bien entendu, si une mère demande alors à sa fille de se prostituer, elle sera poursuivie pour abus contre son enfant. Une mère vivant à la campagne ne pourrait pas non plus envoyer sa fille travailler à Manille, par exemple, a ajouté la délégation. Voilà ce qu'il faut donc entendre par exemption dans le contexte de l'interdiction du travail des enfants, a conclu la délégation sur ce thème.

La délégation a indiqué que 32,9% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. La pauvreté s'est aggravée entre 2003 et 2006; c'est pourquoi le gouvernement est intervenu pour procéder à des investissements socioéconomiques, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation, du logement et de la lutte contre la famine. La délégation a par ailleurs indiqué que l'incidence de la faim dans le pays se situait à 18,4%.

La délégation a par ailleurs indiqué que 14,3% des ménages à Manille n'ont pas accès à l'eau potable. Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de fournir de l'eau potable à toute la population dans le pays d'ici 2010, a-t-elle précisé.

La libéralisation du commerce, à l'échelle mondiale, n'a pas réellement d'impact sur la situation des petits agriculteurs philippins, a indiqué la délégation. Qu'il y ait libéralisation ou non, cela ne change guère leur situation, a-t-elle insisté. En revanche, a-t-elle souligné, ce qui a un impact considérable sur leur situation dans tous les pays en développement, ce sont les subventions dont bénéficie l'agriculture dans les pays développés.

Répondant à des questions sur la violence à l'égard des femmes, la délégation a expliqué qu'avant que la loi spécifique sur le viol ne soit édictée en 1997, ce crime était considéré comme un crime contre la chasteté. Désormais, le viol est considéré comme un crime contre la personne.

En ce qui concerne le trafic de personnes, la délégation a indiqué que le Conseil interinstitutions contre le trafic d'êtres humains dispose d'un plan stratégique en faveur du rapatriement de personnes faisant l'objet de trafic. Il existe aussi une coalition d'organisations non gouvernementales contre le trafic de personnes qui mène des campagnes de sensibilisation afin, notamment, d'agir du côté de la demande pour réduire la prostitution.

La délégation a par ailleurs fait état de la première tentative des Philippines de poursuivre un étranger pour traite de personnes. Elle a en outre indiqué que 556 plaintes ont été déposées en justice en 2008 pour trafic de personnes; 36,51% de ces dossiers ont déjà été remis aux tribunaux, qui devraient bientôt prononcer leur jugement, alors que les autres sont toujours entre les mains du parquet, qui doit encore poursuivre les enquêtes afin de tirer les choses au clair. Au total, 11 condamnations pour trafic de personnes ont d'ores et déjà été prononcées (ce qui représente 2% des plaintes à ce stade), dont 3 concernaient des cas où les victimes étaient des enfants et le reste des cas où les victimes étaient des femmes. Les deux principaux destinataires de ces victimes de la traite sont le Moyen-Orient et la Malaisie, a précisé la délégation.

Entre 1993 et 2006, la mortalité maternelle est passée de 209 pour 100 000 à 162 pour 100 000, a par ailleurs souligné la délégation. Les autorités se sont fixé pour objectifs d'obtenir d'ici 2010 un taux de prévalence des contraceptifs de 60% (contre 39% en 2003), a-t-elle indiqué. L'interdiction des contraceptifs imposée par un maire à Manille a provoqué la protestation de nombreuses femmes et les tribunaux ont été saisis de l'affaire, leur sentence n'étant pas encore intervenue, a fait savoir la délégation.

S'agissant des questions d'éducation, la délégation a souligné que le Ministère de l'éducation reçoit la part du lion des affectations budgétaires de l'État. En outre, l'infrastructure éducative, c'est-à-dire la construction d'établissements scolaires, est financée par le Ministère des travaux publics. Le taux d'abandon scolaire a sensiblement diminué entre 2005 et 2007; un facteur important de cette chute est le programme d'alimentation à l'école qui a été mis en place et qui a encouragé nombre d'enfants à fréquenter l'école, a fait valoir la délégation.



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