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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE UN DOCUMENT PRÉSENTÉ PAR LA MISSION DES NATIONS UNIES AU KOSOVO

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, aujourd'hui, un document qui lui a été présenté à sa demande par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) concernant l'application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels au Kosovo, sous autorité provisoire de la MINUK conformément à la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Le Comité présentera à la fin de la session des observations finales concernant ce document.

Présentant le document de la MINUK, M. Ernest U. Tschoepke, chef du bureau des affaires juridiques de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo, a indiqué que la MINUK resterait au Kosovo en vertu de la résolution 1244 et que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe continuerait son travail de surveillance et de promotion des droits de l'homme. Il a ajouté que la Mission «État de droit» au Kosovo de l'Union européenne (EULEX) doit prochainement être déployée et opérer sous autorité des Nations Unies et conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité. Pour sa part, la MINUK est engagée à promouvoir au Kosovo un cadre juridique et politique propice au respect des droits de l'homme. Bien que les réalisations soient nombreuses, le Kosovo ne peut pas ignorer la gravité des défis actuels, en particulier pour ce qui est de la réduction de la pauvreté et de la création d'emplois, ainsi que des problèmes persistants en matière de fourniture de services de santé et d'éducation, a poursuivi M. Tschoepke. Il a en outre évoqué les progrès réalisés et les défis persistants en ce qui concerne la question du retour durable et en toute sécurité des personnes déplacées.

En prélude au débat, le Président du Comité, M. Philippe Texier, a rappelé le contexte de la demande de présentation du présent document de la MINUK. Le Comité a également entendu M. Feodor Starèeviæ, Vice-Ministre au Ministère des affaires étrangères de la Serbie, qu i a notamment déclaré que d'une manière générale, la situation des droits de l'homme au Kosovo et Metohija est très grave. Ce qui est extrêmement inquiétant, a-t-il précisé, c'est la discrimination largement répandue qui prévaut à l'encontre des groupes ethniques non albanais, en particulier les membres des communautés serbe et rom.

La délégation de la MINUK intégrait également des représentants du Bureau consultatif sur la bonne gouvernance au bureau du Premier Ministre, ainsi qu'un représentant de l'OSCE. Elle a fourni aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, la distribution des fonds provenant de l'aide internationale; la collecte de données; les questions relatives au retour des personnes déplacées; les questions d'emploi; le droit de grève et les syndicats; la situation des personnes handicapées; la violence au foyer; la traite de personnes; les questions de santé et d'éducation; et de nombreuses questions en rapport avec le respect du principe de non-discrimination.

À l'issue de cet examen, le Président du Comité a indiqué que le Comité considérait comme clos l'examen du rapport de la République de Serbie, engagé en 2005, et de l'annexe à ce rapport présenté aujourd'hui par la MINUK.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen des deuxième à quatrième rapports périodiques des Philippines (E/C.12/PHL/4).

Déclaration préliminaire du Président du Comité concernant le contexte de l'examen du document de la Mission d'administration intérimaire de l'ONU au Kosovo

M. PHILIPPE TEXIER, Président du Comité, a rappelé que les 2 et 3 mai 2005, le Comité avait examiné le rapport initial de la République de Serbie qui s'appelait alors Serbie-et-Monténégro. La Serbie s'était alors proposé de présenter un rapport supplémentaire sur la province du Kosovo et Metohija. Le 13 mai 2005, le Comité avait pris note, dans ses observations finales, «des explications que l'État partie a données quant à son incapacité de rendre compte des mesures adoptées et des progrès réalisés concernant le respect des droits reconnus dans le Pacte dans la province du Kosovo-Metohija, où l'autorité civile est exercée par la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK) en vertu de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. L'État partie a suggéré au Comité d'inviter la MINUK à lui présenter un rapport complémentaire sur l'application du Pacte au Kosovo. Le Comité demande toutefois à l'État partie de prier le Secrétaire général de lui communiquer les informations recueillies par la MINUK, conformément au paragraphe 11 j) de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, sur l'exercice des droits reconnus dans le Pacte au Kosovo depuis 1999 et, sur cette base, de présenter au Comité, sans préjudice du statut juridique du Kosovo, un complément d'information au rapport initial».

En octobre 2007, a poursuivi le Président, la MINUK a communiqué des informations concernant l'application du Pacte dans la province du Kosovo et Metohija; il s'agit donc aujourd'hui d'examiner un supplément au rapport de la République de Serbie, le Comité étant lié par ses observations finales, dans la mesure où la résolution 1244 est toujours en vigueur. Il est évident que le Comité est informé des événements survenus depuis mai 2005 et notamment de la proclamation unilatérale de l'indépendance du Kosovo et de sa reconnaissance par 51 États mais pas par l'Assemblée générale de l'ONU. Le Comité n'est en rien compétent pour opiner sur le statut du Kosovo, qui relève des organes politiques de l'ONU – Assemblée générale et Conseil de sécurité. Par conséquent, le Comité n'acceptera aucune déclaration à caractère politique de la part de quiconque.

Déclaration de la Serbie

M. FEODOR STARÈEVIÆ, Vice-Ministre au Ministère des affaires étrangères de la Serbie, a rappelé que le Comité avait demandé à la Serbie-et-Monténégro, en 2005, de prier le Secrétaire général de lui communiquer les informations recueillies par la MINUK concernant la jouissance au Kosovo, depuis 1999, des droits reconnus par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, afin de compléter le rapport initial soumis au Comité par la Serbie-et-Monténégro. Toutefois, a poursuivi le Vice-Ministre, le Secrétaire général, dans sa réponse, avait indiqué que la MINUK avait engagé le processus de préparation de l'information concernant l'application du Pacte au Kosovo et Metohija et était disposée à la présenter directement au Comité. Aussi, la République de Serbie n'a-t-elle pas été en mesure de respecter la date limite pour la présentation de cette information complémentaire (qui avait été fixée à juin 2006 par le Comité), a indiqué M. Starèeviæ. Néanmoins, a-t-il ajouté, nous souhaitons remercier la MINUK, en tant que détentrice du pouvoir d'administration dans la province conformément à la résolution 1244(1999) du Conseil de sécurité, pour la soumission de son document qui rend possible la conclusion de l'examen de la mise en œuvre du Pacte en Serbie, qui est État partie à cet instrument. Comme la République de Serbie n'a pas été en mesure d'agir conformément à la recommandation du Comité, sa délégation a soumis la semaine dernière des commentaires écrits concernant le document de la MINUK, a précisé M. Starèeviæ.

Du point de vue de la Serbie, a poursuivi M. Starèeviæ, la situation des droits de l'homme au Kosovo et Metohija doit être appréhendée en tenant compte des faits suivants. En premier lieu, la MINUK et la force armée multinationale de l'OTAN dans le Kosovo (KFOR) administrent la province et en assurent la sécurité depuis neuf années. Par ailleurs, la situation des droits de l'homme au début de cette période, en 1999, était extrêmement difficile. Malheureusement, peu de progrès ont été réalisés depuis, en dépit de toutes les ressources à disposition des Nations Unies et des autres organisations internationales impliquées dans la mise en œuvre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité.

Ces neuf dernières années, plus précisément depuis 2003, les droits de l'homme au Kosovo et Metohija ont été traités sous l'angle de la mise en œuvre des normes et ont été grandement politisés, a ajouté le Vice-Ministre serbe. Malheureusement, les normes n'ont pas été appliquées, c'est-à-dire que les droits de l'homme n'ont pas été protégés ni respectés, a-t-il déclaré. L'initiative initialement engagée sous l'angle «les normes avant le statut» s'est transformé en initiative visant «les normes et le statut» avant de dégénérer en initiative «les normes après le statut», ce qui envoyait le message suivant: la situation des droits de l'homme s'améliorera peut-être à l'avenir, mais seulement si un certain statut est garanti à la province. «Pour la Serbie, il s'agissait là d'une proposition inacceptable», a déclaré M. Starèeviæ. «Le respect des droits de l'homme ne peut pas être conditionné à une quelconque solution politique au Kosovo et Metohija», a-t-il ajouté. Malheureusement, a poursuivi le Vice-Ministre serbe, «le rapport de la MINUK reflète cette situation». Il a affirmé que ce rapport ne présentait pas la véritable situation sur le terrain ni ne fournissait d'information concernant l'application pratique du Pacte. Toutefois, a-t-il relevé, nombre d'autres rapports pertinents, émanant des Nations Unies elles-mêmes – notamment du Représentant spécial du Secrétaire général, M. Kai Eide – ainsi que de l'ancien médiateur pour les droits de la personne du Kosovo et Metohija, M. Marek Nowicki, ou encore du Haut-Commissariat pour les réfugiés, de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de nombreuses organisations non gouvernementales telles qu'Amnesty International et Human Rights Watch, fournissent un tableau plus réaliste.

«D'une manière générale, la situation des droits de l'homme au Kosovo et Metohija est très grave», a poursuivi M. Starèeviæ. Le niveau général de protection des droits de l'homme de tous les habitants du Kosovo et Metohija se situe encore en-deçà des normes internationales minima, a-t-il déclaré. Ce qui est extrêmement inquiétant, a-t-il insisté, c'est la discrimination largement répandue qui prévaut à l'encontre des groupes ethniques non albanais, en particulier les membres des communautés serbe et rom. Cela est vrai pour quasiment tous les droits garantis par le Pacte, a ajouté le Vice-Ministre serbe. Les droits les plus fréquemment violés au Kosovo et Metohija sont le droit à la vie, le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit à la liberté de mouvement, a-t-il précisé. L'analyse indique que de nombreux problèmes existent dans des domaines tels que la discrimination, les droits de propriété et les droits économiques et sociaux. En vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, la MINUK était mandatée pour protéger et promouvoir les droits de l'homme; «nous considérons que la MINUK, dans de nombreux aspects, n'est malheureusement pas parvenue à faire respecter ces droits», a déclaré M. Starèeviæ. Il a ajouté que sur les plus de 230 000 personnes - essentiellement serbes, roms et autres personnes non albanaises – qui avaient été forcées de fuir la province après juin 1999, en dépit de neuf années de présence internationale, seuls quelques milliers d'individus sont retournés au Kosovo et Metohija. La protection des droits de propriété au Kosovo et Metohija reste l'un des plus graves problèmes, a souligné le Vice-Ministre serbe. Depuis 1999, tous les non-Albanais ont été expulsés de 98% des usines et de diverses institutions, ce qui représente un total de 77 735 employés. Dans le système éducatif actuellement en place au Kosovo, les enfants d'origine ethnique différente ne sont quasiment jamais en contact, a ajouté M. Starèeviæ.

En conclusion, le Vice-Ministre serbe a dit espérer que la MINUK et les Nations Unies prendront des mesures immédiates afin d'appliquer des mesures juridiques et autres visant à assurer la mise en œuvre des recommandations que le Comité adoptera à l'issue de l'examen du document soumis par la MINUK, de manière à assurer un meilleur respect du Pacte au Kosovo et Metohija.

Présentation du document de la MINUK

M. ERNEST U. TSCHOEPKE, Chef du bureau des affaires juridiques de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), a rappelé les propos du Représentant spécial actuel du Secrétaire général des Nations Unies, M. Lamberto Zannier: «après neuf années, la situation a changé au Kosovo, ce qui signifie que la MINUK, elle aussi, doit changer». La capacité de la MINUK de s'acquitter de l'essentiel des tâches qui lui ont été assignées en tant qu'administration intérimaire s'est fondamentalement trouvée confrontée à un défi, en raison des mesures prises par les autorités à Pristina et par les Serbes du Kosovo tout au long de l'année. Le Secrétaire général des Nations Unies a reconnu cette évolution sur le terrain ainsi que la nécessité pour la MINUK de s'adapter à la nouvelle donne, a ajouté M. Tschoepke. Néanmoins, la MINUK restera au Kosovo en vertu de la résolution 1244 du Conseil de sécurité, et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) – l'un des piliers de la MINUK – continuera son travail de surveillance et de promotion des droits de l'homme. Du fait de la reconfiguration de la MINUK, on s'attend à ce que le rôle de l'OSCE devienne plus central, en particulier sur le terrain et par le biais de ce que l'on peut appeler «l'intervention légère» - une combinaison de services de conseils, de médiation et de bons offices.

La Mission «État de droit» au Kosovo de l'Union européenne (EULEX) doit prochainement être déployée et opérer sous autorité des Nations Unies et conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité, a par ailleurs rappelé M. Tschoepke. Cette nouvelle mission comporte un volet droits de l'homme et peut jouer un rôle essentiel en matière de promotion et de protection des droits de l'homme au Kosovo, lorsque nécessaire, a-t-il fait valoir. Pour sa part, la MINUK est engagée à promouvoir au Kosovo un cadre juridique et politique propice au respect des droits de l'homme. En témoignent la Cadre constitutionnel ainsi que diverses réglementations de la MINUK telles que celles établissant la loi contre la discrimination, la loi sur l'égalité entre les sexes et le Groupe consultatif sur les droits de l'homme. Ce dernier Groupe, organe indépendant, fournit un mécanisme pour l'examen de plaintes concernant des questions qui relèvent de la responsabilité de la MINUK, a précisé M. Tschoepke. Le Groupe consultatif sur les droits de l'homme est devenu opérationnel cette année et a reçu 56 plaintes, dont 43 restent pendantes alors que 13 ont été déclarées irrecevables. Quatre de ces plaintes concernent des questions liées à l'emploi et 36 plaintes ont trait aux droits de propriété. Certaines plaintes portent en outre sur les droits sociaux, l'une d'elles émanant de 185 plaignants roms au sujet de l'empoisonnement au plomb (saturnisme) dans des camps de personnes déplacées internes au nord de Mitrovica et à Zveçan.

M. Tschoepke a rendu hommage à l'importante contribution de l'OSCE dans la surveillance et la création de capacités institutionnelles en matière de droits de l'homme au Kosovo, attirant notamment l'attention sur la création de telles capacités au sein du Gouvernement du Kosovo. Précisant que la préparation du présent document avait bénéficié de la contribution technique de ces unités de droits de l'homme, il a indiqué que le Bureau consultatif sur la bonne gouvernance est dûment représenté par la présence, ici, aujourd'hui, de deux de ses membres en tant que partie intégrante de la délégation officielle de la MINUK. Ce Bureau consultatif, avec le soutien de la communauté internationale, est sur le point de publier la Stratégie et la plan d'action du Kosovo pour les droits de l'homme; cet ambitieux document détaille notamment les objectifs et projets destinés à améliorer la fourniture de droits aux communautés non albanaises, aux femmes, aux jeunes, aux personnes handicapées et aux autres groupes marginalisés.

Bien que les réalisations soient nombreuses, le Kosovo ne peut pas ignorer la gravité des défis actuels, en particulier pour ce qui est de la réduction de la pauvreté et de la création d'emplois, ainsi que des problèmes persistants en matière de fourniture de services de santé et d'éducation, a déclaré M. Tschoepke. En témoignage de leur engagement politique à répondre à ces défis, les autorités du Kosovo ont cette année fait part de leur engagement officiel en faveur des objectifs du Millénaire pour le développement, a-t-il ajouté.

M. Tschoepke a par ailleurs évoqué les progrès réalisés et les défis persistants en ce qui concerne la question du retour durable et en toute sécurité des personnes déplacées, en faisant observer que les autorités ont adopté une approche de cette question des retours basée sur les droits. L'enquête menée par le Haut-Commissariat pour les réfugiés au Kosovo atteste d'un très fort pourcentage (84,45%) de retours durables, a-t-il souligné, ajoutant que l'attitude des communautés d'accueil continue de s'améliorer. Pour autant, le nombre de retours opérés depuis 1999 reste faible, a ajouté M. Tschoepke. Les raisons en sont multiples, a-t-il précisé, citant les faibles capacités du Ministère des communautés et des retours, le manque d'emplois ou encore les incertitudes quant au climat politique.

Le Kosovo a besoin de ressources financières considérables pour répondre aux besoins pressants en matière de développement socioéconomique ainsi qu'aux besoins qui sont les siens en matière d'édification institutionnelle. La MINUK se réjouit de l'assistance apportée par la communauté internationale et encourage à sa poursuite afin de consolider les réalisations qui ont été faites pour assurer un Kosovo stable et sûr pour toutes ses communautés, a conclu M. Tschoepke.

Le volumineux document présenté par le MINUK (E/C.12/UNK/1) souligne que si, au cours des premières années, l'aide internationale a essentiellement porté sur l'aide humanitaire d'urgence et la reconstruction, progressivement, le financement des donateurs internationaux s'est de plus en plus orienté vers l'appui au développement économique. Le principe de non-discrimination fait partie des lois fondamentales du règlement de la MINUK n° 1999/24 relatif au droit applicable au Kosovo et du Cadre constitutionnel. Le principe de non-discrimination est aussi réaffirmé dans l'article 2 de la loi antidiscrimination, ainsi libellé: «L'égalité de traitement signifie qu'il ne peut y avoir de discrimination directe ou indirecte à l'encontre de quiconque pour des raisons de sexe, d'identité sexuelle, d'âge, de statut marital, de langue, de handicap mental ou physique, d'orientation sexuelle, d'appartenance ou de conviction politique, d'origine ethnique, de nationalité, de religion ou de croyance, de race, d'origine sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.»

La loi habilite les tribunaux non seulement à accorder des indemnités pour les dommages subis par les victimes de traitement discriminatoire, mais aussi à infliger des amendes pouvant aller jusqu'à 2 000 euros à toute institution violant la loi antidiscrimination, poursuit le rapport. En outre, elle autorise le Médiateur du Kosovo à recevoir des plaintes pour discrimination et à leur donner suite. Il importe de noter que cette loi encourage le recours à des mesures positives pour assurer une véritable égalité au quotidien. Ces mesures visent à prévenir ou à pallier les désavantages dont pâtissent les personnes appartenant à certains groupes comme les handicapés, les femmes, les personnes déplacées ou les rapatriés.

En 2005, selon les informations reçues par le Ministère de la justice, 38 personnes ont été inculpées pour traite d'êtres humains, alors que 17 seulement ont fait l'objet d'une condamnation pour ce type de délit et que deux personnes ont été acquittées.


Examen du rapport

Questions des membres du Comité

Un membre du Comité a rappelé que depuis 1999, le Kosovo a reçu une aide internationale – dont il vit pratiquement – venant de l'Union européenne et d'institutions internationales; or cette aide peut parfois mener à des situations de discrimination, voire de corruption, eu égard notamment à l'absence d'une administration fiscale dans ce territoire. Entre 1999 et 2004, 2,7 milliards d'euros d'aide ont ainsi été apportés au Kosovo, dont une grande partie a été «déboursée au titre de l'appui budgétaire sans objet désigné»; cela devient préoccupant au regard d'un éventuel détournement de cet argent. La question de la discrimination reste posée au Kosovo, notamment en ce qui concerne la question de la représentation proportionnelle des différentes communautés, a poursuivi l'expert. Quel est l'obstacle majeur à la prise de mesures de discrimination positive, eu égard au fait que la représentation proportionnelle est quasiment inexistante, a-t-il demandé ?

Un autre membre du Comité a rappelé qu'au Kosovo, le Représentant spécial du Secrétaire général a publié une règle selon laquelle tous les instruments internationaux de droits de l'homme s'appliquent directement au Kosovo. La MINUK doit veiller à ce que cette règle soit appliquée, a souligné l'expert. Il faut que la MINUK exerce l'autorité qui est la sienne pour garantir le respect des droits économiques, sociaux et culturels dans la région, a-t-il insisté. Il s'est par ailleurs inquiété de l'absence de données démographiques fiables à cet égard. En l'absence de données chiffrées, il est très difficile d'évaluer la manière dont les droits économiques, sociaux et culturels sont gérés et respectés, a-t-il souligné.

Une experte a fait observer que si la question de la discrimination est un problème dans nombre de situations, elle est particulièrement pertinente dans un contexte post-conflit. La représentation des femmes au sein des municipalités, notamment, se situe bien en-deçà de ce à quoi l'on serait en droit de s'attendre, a-t-elle déploré.

Un autre expert a demandé qui est aux commandes au Kosovo pour ce qui est de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Il a aussi souhaité en savoir davantage sur le fonctionnement du bureau des plaintes. Cet expert s'est en outre enquis des mesures prises pour lutter contre la double discrimination dont sont victimes les femmes de communautés non albanaises.

Une experte s'est inquiétée du faible nombre de rapatriements et de réinstallations de personnes déplacées internes depuis 1999. Comment les autorités encouragent-elles ces personnes à retourner chez elles ? Comment ces retours s'organisent-ils et comment est garantie la sécurité physique des personnes ainsi rapatriées, a demandé l'experte? Comment s'explique le manque de recours utiles permettant d'invoquer la loi contre la discrimination devant les tribunaux, a-t-elle en outre demandé? Un autre expert a demandé quels recours sont à disposition des personnes dont les droits seraient violés par la MINUK elle-même, compte tenu de l'immunité dont jouit son personnel.

Un membre du Comité s'est enquis des principales difficultés rencontrées en matière d'administration de la justice, s'agissant plus particulièrement de faire respecter les droits énoncés dans le Pacte, notamment en matière de non-discrimination.
Un autre membre du Comité a fait observer que le taux de chômage atteint les 70% au sein de la communauté serbe et qu'il est encore plus élevé au sein de la communauté rom ou ashkali où il atteindrait les 90%. Dans ce contexte, on est en droit de se demander si les mesures de discrimination positive ont été suffisantes.

Une experte s'est inquiétée de l'absence de loi introduisant un salaire minimum. Pour un même emploi, les hommes gagnent en moyenne 20% de plus que les femmes, a fait observer cette experte.

Un membre du Comité s'est enquis des mesures prises pour réintégrer les personnes déplacées qui travaillaient dans des entreprises d'État maintenant qu'elles sont privatisées. En effet, au moment de la privatisation de ces entreprises, un délai avait été fixé durant lequel les anciens employés pouvaient postuler à un emploi dans l'entreprise nouvellement privatisée; or, bien entendu, du fait de leur déplacement, les personnes déplacées n'ont pu postuler dans les délais. Plusieurs experts se sont enquis de l'impact des privatisations d'entreprises publiques sur l'emploi et le chômage.

Y a-t-il ou non des grèves et, le cas échéant, comment se passent-elles, a demandé un autre membre du Comité?

Aucune sanction pénale ne semble être prévue pour violence au sein de la famille, s'est inquiétée une experte, affirmant qu'il semble exister au Kosovo une culture de la violence au sein de la famille. Cette même experte s'est en outre inquiétée du niveau de tolérance du système judiciaire à l'égard des délits liés à la traite de personnes.

Il semble y avoir un problème très grave pour ce qui est du travail des enfants, certains enfants commençant à travailler dès l'âge de 5 ans, s'est pour sa part inquiété un expert. Le travail des garçons, afin d'aider leurs familles, est souvent la cause de l'abandon scolaire, a souligné un membre du Comité. Est-il dans ce contexte prévu d'accorder une aide aux familles nécessiteuses, afin qu'elles puissent envoyer leurs enfants aller à l'école ?

Un membre du Comité s'est enquis de l'avenir du patrimoine culturel et religieux au Kosovo.

Réponses de la délégation de la MINUK

S'agissant de la distribution des fonds provenant de l'aide internationale apportée au Kosovo, la délégation de la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo a souligné que tout financement attribué à la MINUK a toujours été versé au budget consolidé pour le Kosovo. Les fonds donnés peuvent donc être retracés à la lecture des lois budgétaires. Si environ 190 millions d'euros n'ont pas été attribués à des projets concrets, il faut comprendre que cette somme réapparaît nécessairement quelque part dans la loi budgétaire.

Le règlement 1999/24 de la MINUK concernant le droit applicable au Kosovo, reste en vigueur, a indiqué la délégation.

La délégation a rappelé qu'un mécanisme a été créé par la MINUK pour surveiller de très près son modus operandi du point de vue des droits de l'homme. Jusqu'à ce jour, la MINUK a eu le sentiment que ce mécanisme a été très pertinent pour veiller au respect du mandat de la MINUK de ce point de vue.

En ce qui concerne les données démographiques, la délégation de la MINUK a indiqué qu'une législation complète sur le recensement existe; mais que cette législation n'a pas encore été mise en oeuvre. La délégation a fait état du lancement de deux projets pilotes visant à tester la validité du mécanisme de recensement mis en place.

Les objectifs du Millénaire pour le développement en matière de santé et d'éducation sont considérés comme réalisables au Kosovo, a indiqué la délégation de la MINUK.

Pour ce qui est de savoir qui est aux commandes au Kosovo pour la période couverte par le présent rapport, la réponse est simple: c'est la MINUK, a déclaré la délégation de la Mission des Nations Unies. La MINUK est toujours aux commandes, mais la lettre adressée par le Secrétaire général des Nations Unies au Conseil de sécurité le 12 juin 2008 a pris note de l'évolution sur le terrain, a ajouté la délégation. Aussi, la MINUK est-elle priée de s'adapter car il y a des domaines de la mise en œuvre de son mandat dont elle n'a plus le contrôle, car il existe d'autres acteurs, y compris internationaux, qui en ont désormais le contrôle.

Le taux de retour des personnes déplacées interne reste faible, mais le taux de succès des retours opérés est en revanche très élevé, puisque 90% des personnes qui sont retournées chez elles ont pu rester au Kosovo et n'ont pas eu à quitter de nouveau leur foyer, a par ailleurs fait observer la délégation.

Le système des tribunaux au Kosovo est en pleine mutation, a souligné la délégation de la MINUK. La sensibilisation des personnels judiciaires aux dispositions de la loi contre la discrimination reste encore insuffisante, a-t-elle reconnu.

S'agissant des personnes handicapées, la délégation a précisé que la loi sur la lutte contre la discrimination qui a été publiée prévoit notamment un enseignement en langue braille. En outre, le Gouvernement du Kosovo a proclamé le mois de septembre dernier «mois de la lutte contre la discrimination», y compris s'agissant des personnes handicapées.

La délégation a également souligné que des mécanismes concernant les droits de l'homme existent au sein d'une quinzaine de ministères. Il a précisé que le Gouvernement vient d'élaborer une stratégie générale des droits de l'homme, ainsi qu'une stratégie pour l'intégration des communautés roms.

Une loi régissant l'égalité entre les sexes existe au Kosovo, a ajouté la délégation. En dépit des efforts déployés à cette fin, il n'y a malheureusement pas eu d'augmentation sensible du nombre de femmes prenant part au processus de prise de décision au Kosovo, a-t-elle indiqué.

Un problème subsiste, il est vrai, en matière d'enregistrement de certaines populations civiles, a reconnu la délégation, tout en faisant valoir que de nombreux Roms, entre autres, ont pu être enregistrés et que les résultats liminaires de certaines études qui ont été menées font apparaître que le problème au Kosovo n'est pas plus grave que dans d'autres pays de la région.

En règle générale, ce ne sont pas les lois mais leur mise en œuvre qui pose problème, a souligné la délégation.

À l'heure actuelle, le taux de chômage est de 43%, a indiqué la délégation. Le cadre législatif mis en place par la MINUK pour la privatisation aborde en particulier la question des droits des salariés qui se seraient trouvés sur la liste des employés de plein droit dans les entreprises privatisées s'ils n'avaient pas été victimes de discrimination. La chambre spéciale créée à cet effet est confrontée à un certain nombre d'affaires (réclamations) et travaille efficacement dans ce domaine, a affirmé la délégation.

Il n'existe pas actuellement de salaire minimum, mais le Gouvernement du Kosovo est en train de rédiger un projet de loi sur la question du salaire, a indiqué la délégation. En ce qui concerne le droit de grève, elle a admis ne pas avoir enregistré beaucoup de grèves. Néanmoins, le cadre constitutionnel mais aussi la nouvelle Constitution du Kosovo prévoient le droit de grève, a-t-elle souligné. Les syndicats au Kosovo sont relativement forts, a ajouté la délégation.

Le problème de la pollution au plomb (saturnisme) concernait des membres de la minorité rom établis dans des zones où étaient pratiquées des opérations de fusion du plomb à l'échelle industrielle, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne la violence au sein des familles, la délégation a fait part de l'existence d'unités de lutte contre la violence au foyer, dont les objectifs visent la prévention, les poursuites et la protection. La délégation a précisé que 273 cas de violences familiales ont été traités par les travailleurs sociaux; ces cas incluaient 11 victimes de traite et 19 victimes de violences sexuelles.

D'après les informations disponibles, notamment celles émanant d'Interpol, il existe au Kosovo un réseau de traite de personnes qui fonctionne bien, avec des trafiquants qui opèrent dans des pays comme la République de Moldova, l'Ukraine et la Roumanie. En 2007, un deuxième plan national de lutte contre la traite de personnes a été élaboré au Kosovo, a précisé la délégation. Le Kosovo n'est pas à l'origine de la traite mais est plutôt un pays de transit, les pays d'origine étant plutôt les pays susmentionnés, a précisé la délégation.

La délégation a fait part de l'existence d'une stratégie-cadre pour les droits de l'enfant au Kosovo, afin notamment d'empêcher les pires formes de travail des enfants. Nombre d'enfants des rues proviendraient de pays voisins tels que l'Albanie ou l'ex-République yougoslave de Macédoine, a par ailleurs souligné la délégation.

La délégation a indiqué que la réduction de la pauvreté figure au nombre des priorités du Gouvernement du Kosovo pour les années 2008-2011.

La délégation a fait part de l'intention des autorités de prendre des mesures afin de sensibiliser les membres de la communauté rom à l'importance qu'il y a pour eux à procéder à l'enregistrement des naissances de leurs enfants.

Certains accusent l'Agence de propriété du Kosovo, mise en place par la MINUK, et la commission qui se prononce sur les plaintes foncières, de partialité; or, on a du mal à comprendre comment les membres de cette commission, recrutés sur le plan international, pourraient se rendre coupables d'une telle partialité, a déclaré la délégation. En fait, un tel parti pris n'existe pas, a-t-elle assuré. Néanmoins, si un plaignant allègue d'avoir été victime de partialité, il peut porter plainte auprès de l'équipe spéciale consultative en matière de droits de l'homme, qui chapeaute la MINUK pour tout ce qui a trait à des allégations de violations des droits de l'homme.

Les chiffres du VIH/sida sont relativement faibles au Kosovo, ce qui est positif, mais ne signifie pas que la situation n'évoluera pas à l'avenir, a indiqué la délégation. Elle s'est dite disposée à penser que la structure sociale du Kosovo ne se prête pas à une propagation de la maladie comme ont pu en connaître d'autres pays en développement.

La délégation a par ailleurs fait part des mesures prises par le Gouvernement du Kosovo afin de réduire les taux de mortalité infantile et maternelle.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a assuré que toutes les communautés sont bien intégrées dans le système éducatif au Kosovo, où elles peuvent suivre un enseignement dans leur langue maternelle. Le Kosovo compte 28 écoles élémentaires mixtes et 14 lycées également mixtes où étudient ensemble des membres de différentes communautés.

L'abandon scolaire est certes un problème très grave et le Ministère de l'éducation l'a pris à bras le corps afin de le résoudre, a déclaré la délégation. Pour 2007, il y a eu 2431 cas d'abandon scolaire (61% de ces cas concernaient des filles) dans l'enseignement primaire, obligatoire, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs attiré l'attention sur l'existence de nombreux projets ciblés concernant la promotion du dialogue interculturel au Kosovo. Pour ce qui est du patrimoine culturel, elle a souligné qu'il n'y a pas plus de postes statiques de surveillance autour des sites culturels; seules des patrouilles mobiles surveillent ces sites. L'une des réussites obtenues en matière de patrimoine réside dans la reconstruction du monastère de Pristina, a ajouté la délégation.

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