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LE COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS EXAMINE LE RAPPORT DU NICARAGUA

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a examiné, dans la journée d'hier et ce matin, le troisième rapport périodique du Nicaragua sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Le Comité adoptera au cours de la session des observations finales sur ce rapport et les rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 21 novembre 2008.

Présentant le rapport de son pays, le Représentant permanent du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève, M. Carlos Robelo Raffone, a indiqué que le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale s'est fixé pour objectif de surmonter la pauvreté et de transformer le Nicaragua grâce à la promotion d'un modèle de développement plus juste et une structure de pouvoir plus démocratique. Il a en outre fait part des importantes mesures qui ont été prises pour accélérer les procédures appliquées en matière d'examen administratif des requêtes déposées en vertu des lois sur la propriété et le droit au logement social afin de légaliser les titres de propriété. M. Raffone a par ailleurs admis une certaine lenteur dans les progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté et a souligné que le Plan national de développement humain 2008-2012 doit permettre de restaurer les droits économiques, sociaux et culturels du peuple nicaraguayen, de surmonter l'exclusion et de libérer le potentiel de développement humain des exclus – notamment les pauvres, les femmes, les jeunes, les peuples originaires ou autochtones, les afrodescendants et les handicapés. La sécurité et la souveraineté alimentaires constituent l'un des principaux axes du Plan national de développement humain, a-t-il précisé.

La délégation nicaraguayenne était également composée de représentants du Ministère des relations extérieures et des Missions permanentes du Nicaragua auprès des Nations Unies à New York et à Genève. Elle a fourni aux experts des compléments d'informations en ce qui concerne, entre autres, la lutte contre la pauvreté; la situation des populations autochtones et afrodescendantes; le droit du travail et les conditions de travail dans le secteur agricole, dans les zones franches et pour les travailleurs domestiques; la liberté syndicale; l'indépendance de la justice; l'attitude des autorités s'agissant de la discrimination à l'égard des homosexuels; les questions de santé et d'éducation; la situation carcérale; ou encore le logement. À cet égard, la délégation a admis un déficit de près d'un million de logements au Nicaragua. Moins du quart des logements existants se trouvent en bon état, a précisé la délégation.

Plusieurs membres du Comité se sont inquiétés du recul que constitue l'interdiction absolue de l'avortement au Nicaragua, y compris pour ce qui est de l'avortement thérapeutique, qui n'est désormais plus permis. Alors que le pays se prévaut d'un programme «Faim Zéro», un enfant sur trois souffre de malnutrition chronique au Nicaragua selon les données du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a fait observer un expert. Des inquiétudes ont également été exprimées s'agissant de l'indépendance de la justice qui, ont affirmé certains experts, semble être menacée par les pressions politiques et la corruption.

Le Président du Comité, M. Philippe Texier, a indiqué que le Comité rencontrerait la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, dans le cadre d'une séance privée au cours de la troisième et dernière semaine de la session.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport périodique de la Suède (E/C.12/SWE/5).


Présentation du rapport du Nicaragua

M. CARLOS ROBELO RAFFONE, Représentant permanent du Nicaragua auprès des Nations Unies à Genève, a remercié le Comité pour l'esprit de coopération et la souplesse dont il a fait preuve face au retard de plus de dix ans accumulé par le Nicaragua dans la présentation de ses rapports périodiques. Pour mettre un terme à ce retard, le Nicaragua a dû mettre en place, au sein du Ministère des relations extérieures, une Unité de suivi des conventions internationales. Le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale s'est fixé pour objectif de surmonter la pauvreté et de transformer le Nicaragua grâce à la promotion d'un modèle de développement plus juste et d'une structure de pouvoir plus démocratique, a indiqué M. Raffone. Cela requiert une démocratisation du pouvoir, de la culture, des relations sociales, du développement économique et de la protection de l'environnement, a-t-il souligné. Étant donné l'ampleur de l'incidence de la pauvreté, la profondeur de la pauvreté extrême et la gravité de la malnutrition chronique au Nicaragua, la lutte contre la pauvreté ne peut être menée à bien dans le cadre du modèle de développement global actuel, a insisté M. Raffone. Aussi, convient-il d'éliminer les causes structurelles liées au système de gouvernance de l'économie mondiale qui destine l'essentiel des ressources de la planète à une minorité de la population, a-t-il déclaré, attirant l'attention non seulement sur le scandale de la faim, mais aussi sur les urgences environnementales et énergétiques.

Le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale a réitéré son engagement à renforcer les droits de l'homme au Nicaragua en mettant un accent particulier sur les droits économiques, sociaux et culturels des Nicaraguayens, a poursuivi M. Raffone. Rappelant qu'en 1994, le Comité avait fait part de sa préoccupation concernant, essentiellement, le manque de cohérence et d'efficacité des programmes destinés à régulariser la propriété foncière et à traiter de manière adéquate les problèmes de logement, M. Raffone a fait part des mesures importantes qui ont été prises pour accélérer les procédures appliquées en matière de révision administrative des requêtes déposées en vertu des lois n°85 et n°86 sur la propriété et le droit au logement social afin de légaliser, en fin de compte, les titres de propriété. Pour l'année 2008, a précisé M. Raffone, le Gouvernement a prévu d'attribuer des titres sur 30 812 lots de terre. L'Intendance de la propriété, organisme décentralisé du Ministère de l'exploitation agricole et du crédit public, a notamment pour mission de résoudre les demandes d'octroi de titres sur des biens de l'État et de ses institutions, a indiqué M. Raffone. L'Intendance de la propriété est ainsi parvenue à dynamiser le processus de régularisation par le biais d'un plan opérationnel fondé sur les objectifs de la loi n°278 sur la propriété urbaine et agraire réformée. Ces vingt derniers mois, a indiqué le représentant nicaraguayen, 20 000 titres ont été attribués à des propriétaires de terrains et de maisons pour lesquels l'Intendance de la propriété a pris et appliqué les mesures nécessaires afin de garantir la sécurité de la propriété et des titres correspondants.

Rappelant que le Comité s'était également dit préoccupé par l'impact des mesures d'ajustement structurel et de la privatisation des biens de l'État sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels et par les chiffres attestant d'une détérioration alarmante du niveau de vie, M. Raffone a admis une certaine lenteur dans les progrès réalisés en matière de lutte contre la pauvreté depuis lors. En effet, en 1993, 50,3% des foyers nicaraguayens connaissaient des conditions de pauvreté et 19,4% une situation d'extrême pauvreté; or, en 2001, les chiffres étaient respectivement passés à 45,8% et 15,1%. Entre 1990 et 2006, plus de deux millions de personnes sont entrées dans la pauvreté extrême et plus de 4,2 millions – soit 82% de la population – vivaient en dessous du seuil de pauvreté. Aussi, M. Raffone a-t-il souligné que le Plan national de développement humain 2008-2012 doit permettre de restaurer les droits économiques, sociaux et culturels du peuple nicaraguayen, de surmonter l'exclusion et de libérer le potentiel de développement humain des exclus – notamment les pauvres, les femmes, les jeunes, les peuples originaires ou indigènes, les afrodescendants et les handicapés. La sécurité et la souveraineté alimentaires constituent l'un des principaux axes du Plan national de développement humain, a précisé le Représentant permanent.

La Constitution politique du Nicaragua reconnaît le rang juridique constitutionnel accordé au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, a poursuivi M. Raffone. Il a en outre fait part de l'adoption de plusieurs textes législatifs, parmi lesquels le Code de l'enfance et de l'adolescence de 1998, qui a permis la mise en place de juges pour adolescents – actuellement au nombre de 15 dans le pays. Depuis 1996, a-t-il poursuivi, le Code du travail contient un article spécifiquement consacré au travail des enfants, qui fut par la suite révisé et interdit désormais le travail des enfants de moins de 14 ans. M. Raffone a par ailleurs attiré l'attention sur la promulgation, en 1996, de la loi de promotion et de protection des droits de l'homme face au sida, qui établit le droit au travail des personnes vivant avec le VIH/sida – lesquelles ne peuvent pas être licenciées.

S'agissant des progrès réalisés en matière de droits des peuples autochtones et afrodescendants, M. Raffone a rappelé l'adoption, en 1993, de la loi sur l'usage officiel des langues des communautés de la Côte atlantique et, en 2002, de la loi sur le régime de propriété communale des peuples autochtones et des communautés ethniques des régions autonomes de la Côte atlantique et des rivières Bocay, Coco, Indio et Maiz. En 2003, a-t-il ajouté, furent mis en place des bureaux de procureurs spéciaux pour les peuples autochtones de la Côte atlantique. Le Représentant permanent du Nicaragua a en outre souligné que son pays avait ratifié en 2007 la Convention sur les droits des personnes handicapées. Le Code pénal, adopté en 2007, prévoit le délit de discrimination ainsi que la discrimination comme circonstance aggravante du délit, a par ailleurs fait valoir M. Raffone. Il a en outre attiré l'attention sur une loi additionnelle au Code du travail, approuvée en juin dernier, qui a pour objet de garantir les droits des personnes employées comme domestiques. En avril dernier, a également indiqué M. Raffone, un Secrétariat pour les affaires des autochtones et des afrodescendants a été créé, avec rang de vice-ministère, au sein du Ministère des relations extérieures; ce Secrétariat aura pour principale fonction de coordonner toutes les questions liées aux affaires autochtones.

Le rapport du Nicaragua (E/C.12/NIC/4 - deuxième à quatrième rapports périodiques disponible uniquement en anglais, russe et espagnol) porte son attention en particulier sur le domaine de l'emploi, que le Gouvernement considère comme crucial pour la réduction et l'élimination de la pauvreté. Le rapport examine les tendances de l'emploi, du chômage et du sous-emploi, la liberté de choix et de non-discrimination, la productivité et de l'assistance internationale. Le droit à un niveau de vie suffisant est abordé à travers des indicateurs sur le développement humain, la réforme agraire, l'alimentation, le logement, l'eau potable et l'urbanisation, notamment. Le rapport fournit également des indicateurs sur la santé et l'éducation, et insiste sur les difficultés résultant de l'absence de développement économique, et le manque de ressources humaines et matérielles.


Examen du rapport

Questions et commentaires des membres du Comité

Plusieurs membres du Comité ont demandé à la délégation si les droits économiques, sociaux et culturels énoncés dans le Pacte ont été directement invoqués devant les tribunaux nicaraguayens. Un expert a ajouté que si l'article 46 de la Constitution protège et promeut implicitement les droits économiques, sociaux et culturels, il faut effectivement espérer que ces droits peuvent être invoqués devant les tribunaux.

Des experts ont fait part de préoccupations de ce que le pouvoir judiciaire semble très politisé et marqué par le népotisme et la corruption. Selon des informations recueillies par le Comité, si l'indépendance de la justice est proclamée dans la Constitution et dans d'autres textes, cela ne se traduit pas dans la pratique, l'indépendance de la justice semblant être menacée par des pressions politiques, voire par la corruption. Quelles sont les mesures prises par l'État pour assurer dans les faits l'indépendance de la justice, a demandé un expert? Il semblerait que la confiance que les Nicaraguayens placent dans la justice de leur pays soit relativement faible, a souligné un autre expert, s'interrogeant sur les raisons de ce défaut de confiance.

D'après un rapport d'Amnesty International datant de 2007, il y aurait au Nicaragua un certain nombre de comportements gouvernementaux tout à fait discriminatoires à l'égard des homosexuels, a souligné un membre du Comité. Il semblerait notamment que le pays, qui pénalise encore les comportements homosexuels entre adultes, ait entrepris de dresser une liste du personnel gouvernemental homosexuel en vue de licencier les personnes figurant sur cette liste. Il semblerait que les attitudes discriminatoires continuent d'exister dans le pays, a insisté un autre expert.

Les 20 000 titres fonciers attribués récemment concernent-ils également les peuples autochtones, a pour sa part demandé un membre du Comité? Y a-t-il une possibilité de recours face aux décisions prises en matière de titres fonciers?

Il semble que la situation des femmes soit difficile au Nicaragua, s'est inquiété un membre du Comité, faisant état d'inégalités de salaires entre hommes et femmes à travail égal, de difficultés d'accès à l'emploi pour les femmes par crainte de l'employeur qu'elles ne tombent enceintes, ainsi que de différentes sources selon lesquelles le harcèlement sexuel serait fréquent dans le cadre du travail.

Un autre membre du Comité s'est inquiété de la tendance à l'augmentation du taux de chômage dans le pays et de la place importante qu'occupe le travail informel, ce qui pousse de nombreux Nicaraguayens à émigrer. Il y aurait eu, selon diverses informations, des cas de licenciements de femmes enceintes, ce qui est, bien entendu, particulièrement grave et contraire aux conventions internationales, notamment celles de l'Organisation internationale du travail, a souligné cet expert. En outre, s'est-il inquiété, la formation de syndicats semble être soumise à des conditions particulièrement difficiles.

Plusieurs experts se sont dits préoccupés par le problème des enfants des rues, en particulier à Managua, et par le problème des bandes de jeunes (pandillas) dont le nombre serait d'une centaine dans la seule capitale. Ces enfants des rues connaissent des situations de violence et ne vont pas à l'école, s'est inquiété un expert.

Qu'en est-il des mesures prises en matière de lutte contre la traite de personnes, a demandé un membre du Comité? Un autre expert s'est inquiété des informations contenues dans un rapport du Département d'État des États-Unis datant de mars 2007 selon lesquelles la prostitution serait légale au Nicaragua à partir de l'âge de 14 ans.

Des inquiétudes ont été soulevées par plusieurs experts s'agissant du recul que constitue l'interdiction absolue de l'avortement au Nicaragua, y compris pour ce qui est de l'avortement thérapeutique, qui n'est désormais plus permis.

Alors que le pays se prévaut d'un programme «Faim Zéro», un enfant sur trois souffre de malnutrition chronique au Nicaragua, selon les données du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a fait observer un expert.

Un expert a insisté pour en savoir davantage au sujet des mesures prises pour promouvoir l'éducation bilingue.

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité sur le cadre d'application du Pacte, la délégation a rappelé que conformément à l'article 27 de la Constitution, toutes les personnes, au Nicaragua, sont égales devant la loi. Sur la base de cet article, le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale a promu une plus large participation et représentation des peuples autochtones à tous les niveaux de l'État, a assuré la délégation. Elle a fait état d'une bonne communication entre le Gouvernement central et les gouvernements des régions autochtones ainsi que les dirigeants autochtones de la région caraïbe.

Les programmes d'éradication de la pauvreté insistent tout particulièrement sur la région caraïbe, qui rassemble les plus pauvres d'entre les Nicaraguayens, a poursuivi la délégation. Cette région est particulièrement vulnérable, y compris aux aléas climatiques, a-t-elle insisté.

La délégation a en outre fait part des programmes d'éducation bilingue et d'alphabétisation menés dans les régions peuplées d'autochtones à travers le pays. Les autorités nicaraguayennes sont soucieuses de préserver la diversité culturelle, a ajouté la délégation. Pour ce qui est du retard pris dans l'adoption du projet de loi sur les peuples autochtones du nord et de la Côte atlantique, elle a souligné qu'il y a une différence, fondée sur l'histoire, entre les peuples autochtones de la région caraïbe et ceux des autres régions du Nicaragua. Ceux de la région caraïbe ont traditionnellement vu leurs coutumes reconnues, alors que les peuples du Pacifique, par exemple, ont été confrontés à une réalité différente, du temps de la domination espagnole, qui a fait qu'il y a moins de caractéristiques autochtones chez ces derniers - ce qui ne signifie aucunement que les autorités actuelles ne reconnaissent pas le caractère autochtone de ces peuples-là. Si le projet de loi susmentionné est adopté, un certain nombre de décrets de 1902 et 1908 seront abrogés, a notamment indiqué la délégation.

La délégation a par ailleurs indiqué que le processus de démarcation de terres et d'attribution de titres aux autochtones fait partie intégrante du plan national de développement humain 2008-2012. À ce titre, vingt territoires autochtones et afrodescendants ont été identifiés et démarqués, a-t-elle indiqué.

La délégation nicaraguayenne a aussi fait part de l'intention du Gouvernement actuel de ratifier la Convention n°169 de l'Organisation internationale du travail sur les droits des peuples indigènes et tribaux et a précisé que le Gouvernement attend tout simplement la fin du processus de consultation mené à ce sujet.

S'agissant des informations reprises par un membre du Comité à partir d'un rapport d'Amnesty International de 2007, la délégation a souligné que l'esprit du Gouvernement actuel est de promouvoir l'égalité de tous devant la loi. Aussi, ce Gouvernement ne saurait-il approuver une quelconque discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. D'ailleurs, dans le nouveau Code pénal, aucune disposition ne pénalise les comportements homosexuels, a insisté la délégation. Pour ce qui est des allégations d'Amnesty International concernant l'établissement d'une liste du personnel gouvernemental ayant des comportements homosexuels, la délégation a souligné que le Président du Nicaragua de 2006 n'était pas le même que le Président actuel.

En ce qui concerne la promotion des droits des femmes, la délégation a fait part de l'objectif de 50% de femmes aux postes de la fonction publique que s'est fixé le Gouvernement actuel.

La loi organique du pouvoir judiciaire et la loi sur la carrière judiciaire énoncent les normes garantissant l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire, a souligné la délégation. En ce qui concerne les sanctions disciplinaires, la délégation a précisé que ces dernières années, des amendes, parfois assorties d'un blâme, ont été prononcées contre 8 juges et un certain nombre de magistrats, quelques juges ayant en outre été suspendus ou destitués.

Les droits consacrés dans le Pacte peuvent être invoqués devant les tribunaux, conformément à la Constitution et ont, de fait, rang constitutionnel, a souligné la délégation.

Répondant à des questions sur le droit du travail et l'accès à un emploi, la délégation a indiqué que le Ministère du travail avait récemment créé le Bureau de l'égalité et de la non-discrimination pour répondre aux besoins des personnes qui sont victimes de discrimination en matière d'accès à l'emploi. Les travailleurs domestiques jouissent des mêmes droits fondamentaux que les autres travailleurs, a par ailleurs souligné la délégation, faisant état de garanties particulières énoncées à leur intention dans le Code du travail. Le salaire minimum des travailleurs domestiques ne saurait être inférieur au salaire minimum légal, a précisé la délégation, ajoutant que ceux-ci ont également droit aux congés payés. Le 10 décembre de chaque année a été proclamé journée des travailleurs domestiques, a en outre indiqué la délégation.

Conformément au Code du travail, le salaire est librement agréé entre les parties mais ne saurait être inférieur au minimum légal, lequel est garanti par la Constitution, a souligné la délégation. Le salaire minimum est fixé tous les six mois et ajusté sur le pouvoir d'achat, c'est-à-dire sur le taux d'inflation tel qu'établi par la Banque centrale du Nicaragua.

Pour ce qui est des conditions de travail dans le secteur agricole, y compris pour les travailleurs migrants, des inspections du travail périodiques sont menées dans ce secteur, a poursuivi la délégation; en 2006, a-t-elle précisé, plus de 3500 inspections ont ainsi été effectuées couvrant un total de plus de 16 000 travailleurs et les inspections menées en 2007, encore plus nombreuses, ont couvert quelque 25 000 travailleurs. Entre 2007 et 2008, le salaire minimum du secteur agricole a cru d'environ 200 cordobas, soit une augmentation de près de 20%, a fait valoir la délégation.

En ce qui concerne les conditions de travail dans les zones franches où travaillent opèrent les maquilladoras (entreprises de sous-traitance), la délégation a indiqué que sous le gouvernement précédent, il existait effectivement des zones franches industrielles qui fonctionnaient comme des enclaves économiques non respectueuses de la législation interne. Dans certaines d'entre elles, les salaires en vigueur étaient inférieurs au salaire minimum et les droits du travail ainsi que les droits syndicats étaient restreints. Désormais, les nouvelles politiques promues par le Gouvernement actuel sont axées sur le Code du travail dont l'article 2 stipule expressément que le Code est d'application obligatoire pour toutes les personnes, physiques ou morales, établies ou à établir au Nicaragua, de sorte qu'il n'existe plus de régime exclusif pour les zones franches, auxquelles sont désormais applicables toutes les lois en vigueur - y compris les conventions de l'OIT ratifiées par le pays.

La délégation a par ailleurs insisté sur la priorité qu'accorde le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale à la nécessité d'assurer la liberté syndicale en éliminant le pouvoir discrétionnaire qui existait jadis concernant la reconnaissance des syndicats par le Ministère du travail. Ainsi, 17 nouvelles organisations syndicales ont-elles été enregistrées dans le pays, a fait valoir la délégation.

Répondant à la question sur la situation des enfants des rues, la délégation nicaraguayenne a indiqué que des études ont évalué leur nombre à 25 000. Elle a indiqué à cet égard qu'un programme a été lancé pour restituer leurs droits aux enfants et adolescents de la rue, notamment leurs droits à l'éducation et à la santé. Au Nicaragua, a ajouté la délégation, les bandes de jeunes ne sont pas un phénomène trop important si on le compare avec la situation dans d'autres pays de niveau économique similaire. Il n'en demeure pas moins que des mesures sont nécessaires pour réintégrer dans leur famille et dans la société les jeunes de la rue, a admis la délégation.

En ce qui concerne les questions de santé, la délégation a notamment souligné que le Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale a supprimé la privatisation des services de santé et proclamé la gratuité desdits services.

Répondant à une question sur la pandémie du VIH/sida, la délégation a indiqué que quelque 3400 de personnes atteintes du sida ont été répertoriées depuis le premier cas déclaré dans le pays, en 1987. Selon une enquête nationale menée auprès des femmes en âge de procréer (15-49 ans), 76% des personnes affirment connaître la maladie, 44% ont entendu parler du test de dépistage et savent où le pratiquer, et quelque 97% connaissent au moins une méthode de prévention.

En ce qui concerne l'avortement et les raisons pour lesquelles un changement a été apporté à la législation nicaraguayenne dans ce domaine, puisque même l'avortement thérapeutique n'est désormais plus autorisé, la délégation a rappelé qu'il n'existe pas de position universelle à ce sujet. Certains avancent l'argument de la liberté de choix qui doit exister pour les femmes alors que d'autres ont une opinion contraire en invoquant le droit à la vie, a-t-elle rappelé. Néanmoins, il convient de préciser qu'à aucun moment il n'est interdit à un médecin nicaraguayen d'apporter une aide à une femme qui arriverait dans une situation d'urgence dans son cabinet, par exemple parce que sa vie serait en péril, a assuré la délégation. Elle a précisé que l'avortement au Nicaragua est passible d'une peine pouvant aller jusqu'à huit ans d'emprisonnement, en cas d'avortement pratiqué en ayant eu recours à l'intimidation – sans compter d'éventuelles peines de suspension d'exercice de la médecine pour le médecin ayant procédé à l'avortement. Jusqu'à présent, les citoyens considèrent que le droit à la vie de l'enfant à naître est prioritaire et que l'avortement n'est pas un moyen approprié de contrôle des naissances, a insisté la délégation. La possibilité existe de modifier la législation dans ce domaine, mais cela dépendra du souhait de la majorité de la législation, a-t-elle ajouté.

Le Nicaragua s'est doté en 2007 d'une loi générale sur l'utilisation de l'eau, a poursuivi la délégation. Une commission de l'eau potable et de l'assainissement a été créée qui est chargée d'élaborer les politiques publiques dans ces deux domaines, a-t-elle précisé. Certes, la loi à elle seule ne va pas résoudre tous les problèmes qui peuvent se poser dans ce secteur, tels que la rareté, la pollution ou le gaspillage de l'eau, a admis la délégation; mais elle doit permettre de veiller au respect de la garantie constitutionnelle selon laquelle tous les habitants du Nicaragua ont le droit de jouir de l'usage et des bénéfices des ressources naturelles et d'un environnement sain.

Le Nicaragua n'est pas partie à la convention n°102 de l'Organisation internationale du travail sur la sécurité sociale, a reconnu la délégation. Néanmoins, le pays dispose de tout un arsenal législatif pour garantir les droits liés à la sécurité sociale au Nicaragua et les textes insistent en la matière sur les données relatives à la femme.

Malheureusement, il est un fait que le salaire minimum ne couvre pas le panier de la ménagère au Nicaragua, a reconnu la délégation. Le Gouvernement cherche donc à mettre en œuvre des programmes permettant de pallier quelque peu à cette carence, de manière à couvrir les besoins minima de la population, a-t-elle indiqué.

La délégation a fait état de chiffres selon lesquels le nombre de personnes vivant avec un revenu de moins de deux dollars par jour – et donc considérées comme pauvres - s'élève à 3 006 902, le nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté – avec moins d'un dollar par jour – s'élevant quant à lui à 2 061 963.

La délégation a par ailleurs souligné que les budgets de l'éducation et de la santé ont été sensiblement augmentés pour 2009, comme ils l'avaient été pour cette année. Pour 2008 également, la part du budget consacrée au service de la dette publique a représenté quelque 6,1% du budget global – la dette publique interne ayant représenté en 2007 quelque 21% du PIB.

En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a souligné que pendant les seize années de gouvernement néo-libéral qu'il a connues, le Nicaragua a perdu beaucoup des acquis sociaux de la révolution sandiniste de 1979. La délégation a rappelé que l'analphabétisme, qui se situait à 54% avant 1979, avait beaucoup diminué, par la suite, durant les années 1980. Récemment, plus d'une trentaine de municipalités ont été déclarées territoires exempts d'analphabétisme, a fait valoir la délégation. Elle a fait part des mesures prises en faveur de l'éducation des personnes handicapées, citant notamment les efforts déployés en matière de promotion du braille.

L'éducation est traitée comme un élément clef de la politique gouvernementale, ce qui se retrouve dans le plan national de développement humain, a insisté la délégation, ajoutant que le dernier budget de l'éducation représente 15% du budget national, soit deux points de plus que l'année précédente. La délégation a également attiré l'attention sur les ressources allouées à la promotion de l'éducation interculturelle bilingue, à l'intention plus particulièrement des peuples autochtones.

Durant les seize années de gouvernement néo-libéral qu'a connues le Nicaragua, il y a eu discrimination économique à l'encontre des élèves issus de familles très pauvres, qui n'avaient pas tous accès à l'éducation publique. Les gouvernements qui se sont succédé durant cette période voulaient couper dans les finances publiques et avaient donc promu l'autonomie des établissements, ce qui revenait en fait à privatiser l'école, a expliqué la délégation. Aujourd'hui, les écoles primaires et secondaires du Nicaragua sont toutes gratuites et l'enseignement primaire est obligatoire, a-t-elle indiqué. Actuellement, trois mille écoles sont en cours de construction. Il s'agit d'écoles dont la construction avait été décidée par le gouvernement nicaraguayen en fonction au début des années 2000 mais n'avait pu être achevée pour diverses raisons. Aussi, le Gouvernement actuel a-t-il repris ce projet à son compte et entend-il le mener à terme avec l'aide gracieusement offerte par Cuba, a indiqué la délégation.

La question de la situation dans les prisons est un problème qui a récemment été traité par la Commission interaméricaine des droits de l'homme, a fait observer la délégation, précisant que le mois dernier, une audience publique s'est tenue dans cette instance, durant laquelle le Nicaragua a présenté des informations concernant la situation des prisons dans le pays. La délégation a admis l'existence d'un problème dans la région autonome de l'Atlantique sud, où il n'y a pas de centre pénitentiaire et où les personnes ayant commis un délit sont donc détenues dans une institution policière, ce qui est contraire à la loi en vigueur au Nicaragua. La construction d'un établissement pénitentiaire dans cette région est donc une priorité pour le Gouvernement, a assuré la délégation.

D'autre part, la délégation a admis un déficit de près d'un million de logements au Nicaragua (956 981 unités exactement). Moins du quart des logements existants (environ 22%) sont en bon état; 47% sont dans un état moyen et 31% dans un mauvais état, a précisé la délégation.

À court terme, le Nicaragua n'a pas la possibilité de se sortir à lui seul, avec son seul budget, de la pauvreté, a souligné la délégation.

La délégation a conclu en insistant sur l'importance que revêt à ses yeux le dialogue avec le Comité. Elle a souligné que la lutte contre la pauvreté et pour la liberté restera le pilier de la politique du Gouvernement de réconciliation et d'unité nationale.

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