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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA LITUANIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, cet après-midi, l'examen du deuxième rapport périodique de la Lituanie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Arūnas Kazlauskas, Secrétaire général du Ministère de la justice de la Lituanie et chef de la délégation, a indiqué que le pays a adhéré à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1991 et assume depuis lors son obligation de lutter sans réserve contre ces pratiques. La Lituanie maintient la position ferme que la lutte contre la torture doit passer par une analyse de cette pratique sous l'angle des droits de l'homme. Le pays estime que la majorité des dispositions de la Convention est intégrée dans son ordre juridique interne. Une attention croissante est accordée au renforcement de la coopération internationale efficace et à la définition du statut juridique des justiciables, notamment sur la base de la jurisprudence européenne, a ajouté M. Kazlauskas. L'objectif est de garantir le droit à un procès équitable. La Lituanie est consciente de la nécessité de conjuguer les efforts de tous les agents de l'État pour mieux lutter contre la torture, a conclu le chef de délégation.

La délégation lituanienne était également composée du Représentant permanent de la Lituanie auprès des Nations Unies à Genève ainsi que de représentants des Ministères de la justice, des affaires étrangères et de l'intérieur.

M. Luis Gallegos Chiriboga, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lituanie, a salué les efforts consentis par le pays au plan des réformes législatives, qui lui ont permis de faire de très importants progrès. Cependant, le Comité constate un manque d'informations précises au chapitre des garanties fondamentales et relève des restrictions à l'application de la Convention à cet égard. Des précisions devraient en outre être données sur l'application des mesures de rétention administrative et sur les procédures de traitement des demandeurs d'asile, notamment dans le domaine des expulsions. D'autre part, la lecture du rapport montre que la Lituanie ne dispose pas d'une définition opérationnelle du viol. M. Gallegos Chiriboga a rappelé les conclusions du Comité sur les droits de l'homme relatives aux problèmes rencontrés par les Roms et les demandeurs d'asile. Le corapporteur pour la Lituanie, M. Alexandre Kovalev, a pour sa part noté un problème persistant s'agissant des conditions de détention dans les prisons lituaniennes, et a demandé si des sanctions avaient été imposées à des fonctionnaires chargés de l'application des lois pour violation des droits des détenus. Des précisions devraient être données également sur les suites données aux plaintes pour mauvais traitements et sur les dédommagements consentis par l'État. D'autres membres du Comité ont également posé des questions à la délégation.

La délégation lituanienne répondra demain, à 15 heures, aux questions posées ce matin par les experts. Demain matin à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de la Serbie (CAT/C/SRB/1).


Présentation du rapport de la Lituanie

M. ARŪNAS KAZLAUSKAS, Secrétaire général du Ministère de la justice de la Lituanie et chef de la délégation, a indiqué que la Lituanie a adhéré à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1991 et assume depuis lors son obligation de lutter sans réserve contre ces pratiques. La Lituanie maintient la position ferme que la lutte contre la torture doit passer par une analyse de cette pratique sous l'angle des droits de l'homme. La Lituanie estime que la majorité des dispositions de la Convention est intégrée dans son ordre juridique interne. Dans son rapport, la Lituanie fournit des informations sur la définition de la torture en droit pénal et sur le droit à rencontrer un avocat, ainsi que sur le nombre de personnes détenues et sur les dédommagements prévus par l'État, notamment. Le document présente en outre des statistiques détaillées. Le Code pénal lituanien protège explicitement les personnes contre la torture, indépendamment de leur sexe, de leur nationalité ou de leur appartenance à un groupe de personnes ou à un autre. Suite à une recommandation du Conseil de l'Europe en 2005, le Code pénal a été amendé dans le sens d'un alourdissement de la responsabilité pénale vis-à-vis d'actes de torture commis contre des personnes au nom de leur appartenance à tel ou tel groupe particulier.

Une attention croissante est accordée au renforcement de la coopération internationale efficace, à la définition du statut juridique des justiciables, notamment sur la base de la jurisprudence européenne, a ajouté M. Kazlauskas. L'objectif est de garantir le droit à un procès équitable. La Lituanie coopère au plan international dans le domaine de la lutte contre la torture, avec des résultats positifs. Par ailleurs, les recommandations du Comité contre la torture constituent une inspiration importante de l'action de la Lituanie dans ce domaine, tout comme le sont les décisions du Conseil de l'Europe. La Constitution lituanienne énonce l'objectif l'instauration d'un État de droit et pose le principe de la lutte permanente contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'application de la Convention est assurée par le Ministère de la justice, a conclu représentant lituanien, ce qui explique l'orientation de la présentation du rapport. Cependant, la Lituanie est consciente de la nécessité de conjuguer les efforts de tous les agents de l'État pour mieux lutter contre la torture.

Le deuxième rapport périodique de la Lituanie (CAT/C/LTU/2) indique notamment que le Centre de formation du Département de l'administration pénitentiaire a organisé, en 2004, plusieurs séminaires de formation portant notamment sur les indices de torture physique et psychologique et sur les normes internationales de traitement des détenus et sécurité des droits de l'homme dans les institutions pénales, à l'intention du personnel médical et des psychologues des établissements de détention. Soixante et un jours de formation sur les normes internationales de traitement des détenus et sécurité des droits de l'homme dans les institutions pénales ont été organisés à l'intention des chefs des gardes et agents de sécurité ainsi que les agents pénitentiaires de rang intermédiaire. D'autre part, en 1998, l'Université «Mykolas Romeris» a ouvert une faculté de travail social qui comprend un département de droit et activités pénitentiaires, qui forme des spécialistes pour les institutions pénales et les services de probation. L'interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est enseignée aux étudiants en tant que sujet distinct faisant partie du cours «Normes internationales de traitement des condamnés». Il y a 240 heures de cours du niveau licence et 120 heures du niveau maîtrise.

Le nouveau Code pénal lituanien définit des infractions liées à la torture en lien avec l'incitation à des actes illicites à l'égard d'un groupe de résidents appartenant à une nation, à une race, à une ethnie, à une religion ou à l'égard d'un autre groupe, avec le meurtre, l'incitation ou aide au suicide et l'atteinte grave à la santé, notamment. D'autre part, en 2002, le «Seimas» (Parlement) a approuvé le Code de l'application des peines remplaçant le précédent Code de rééducation par le travail. Le nouveau Code définit la procédure, les conditions et les principes régissant l'application des peines. Le Code de l'application des peines énonce l'interdiction de la torture et des traitements cruels ou dégradants d'une manière plus claire que le Code de rééducation par le travail. L'entrée en vigueur du Code de l'application des peines a été suivie par l'adoption des ordonnances du Ministre de la justice portant approbation du nouveau Règlement intérieur des établissements pénitentiaires et du e nouveau règlement des établissements pénitentiaires. Aux termes du Règlement intérieur des établissements de détention provisoire, un détenu souffrant d'une blessure, quelle qu'elle soit, doit être examiné par un membre du corps médical de l'établissement et un certificat donnant une description détaillée de la nature de la blessure et des circonstances dans lesquelles elle a été subie et indiquant le lieu et l'heure de l'incident doit être établi. Les détails de l'examen médical doivent être consignés dans un registre spécial et portés à la connaissance du directeur adjoint de l'établissement responsable de la surveillance et de la sécurité des détenus. Les règlements garantissent que tous les détenus et les condamnés fassent l'objet, en cas de violences/tortures ou de tout autre mauvais traitement subis pendant leur transfèrement ou leur séjour dans des centres de détention, d'un examen médical effectué par un praticien dans les meilleurs délais, que lesdits actes de violence/de torture ou autre mauvais traitement soient consignés dans un registre et que l'incident soit notifié aux responsables du lieu de détention et au parquet régional, que l'incident fasse l'objet d'une enquête de la part des organismes compétents et que les mesures prévues par la loi soient appliquées aux personnes reconnues coupables de tels actes.

D'autre part, la loi sur l'indemnisation du préjudice résultant d'actes illégaux commis par des institutions dépositaires de l'autorité publique (2002) définit la procédure extrajudiciaire d'indemnisation du dommage causé par des mesures d'exécution illégale et prévoit l'application des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme et du Comité des droits de l'homme, ainsi que d'autres instances internationales. La victime du dommage a le droit de demander réparation de celui ci dans le cadre d'une procédure extrajudiciaire dans un délai maximum de trois ans à compter du moment où elle a eu connaissance ou aurait dû recevoir notification du fait que sa condamnation, mise en détention provisoire (arrestation), ou incarcération, l'application de mesures d'exécution ou l'imposition de sanctions administratives ont été déclarées illégales au regard de la procédure établie par la loi. Le dommage devant être indemnisé conformément aux procédures judiciaires est défini par le Code civil.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. LUIS GALLEGOS CHIRIBOGA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Lituanie, a salué les efforts consentis par la Lituanie au plan des réformes législatives, qui lui ont permis de réaliser des progrès très importants. Il importe que la définition que la Convention donne de la torture figure dans les textes fondamentaux, en l'espèce dans la Constitution de la Lituanie, a relevé M. Gallegos Chiriboga, observant en outre que le rapport ne donne pas de statistiques précises sur les cas recensés de torture. Le Comité constate aussi un manque d'informations précises au chapitre des garanties fondamentales qui supposent des restrictions à l'application de la Convention.

Le rapporteur a souhaité obtenir des précisions sur l'application des mesures de rétention administrative, sur les procédures de traitement des demandeurs d'asile, notamment dans le domaine des expulsions, sur les «chambres de détention préventive» situées dans les hôpitaux. Des informations manquent aussi sur l'étendue du problème de la violence entre détenus, a observé l'expert. Le rapport indique qu'il est difficile d'y évaluer la violence interpersonnelle faute de preuves. Cette affirmation est troublante: il doit bien en effet exister des cas documentés de violence, a observé l'expert.

En matière de dédommagement, le rapport est ambigu, a noté M. Gallegos Chiriboga: le dédommagement d'un particulier par un autre est prévu, mais rien n'est dit sur le dédommagement dû par l'État en cas de faute de l'un de ses agents. D'autre part, la lecture du rapport montre que la Lituanie ne dispose pas d'une définition opérationnelle du viol. Le rapporteur a rappelé les conclusions du Comité sur les droits de l'homme relatives aux problèmes rencontrés par les Roms et les demandeurs d'asile. Les centres d'enregistrement des étrangers sont-ils équipés pour détecter d'éventuelles victimes d'actes de torture, a demandé l'expert. Il a aussi demandé des précisions sur la protection accordée aux personnes victimes de traite des êtres humains.

M. ALEXANDRE KOVALEV, corapporteur pour l'examen du rapport de la Lituanie, a relevé que le Rapporteur spécial sur la lutte contre le racisme a recommandé la formulation de directives claires à l'intention des personnes chargées de l'interrogatoire des personnes accusées. Les mesures prises par les autorités lituaniennes sont-elles suffisantes à cet égard, a demandé l'expert, voulant savoir si un institut national avait été ouvert pour assurer la formation des agents de l'État - policiers et médecins notamment - concernés par le recueil des informations dans les procédures juridiques. Qui adopte les règles concernant les méthodes d'interrogatoire et à quelle fréquence ces règles sont-elles révisées, a encore demandé M. Kovalev. L'expert a aussi noté un problème persistant au plan des conditions de détention dans les prisons lituaniennes, demandant combien de fonctionnaires chargés de l'application des lois ont été sanctionnés au motif de violations des droits de personnes détenues. D'autre part, le rapport ne donne pas d'information sur la procédure suivie lors d'une dénonciation pour mauvaises conditions de détention. Des précisions devraient être données sur les suites données aux plaintes pour mauvais traitements et sur les dédommagements consentis par l'État.

M. Kovalev a également voulu savoir quelles sanctions sont prises contre les agents de l'État complices du crime de traite de femmes et d'enfant, la Lituanie étant un pays de transit. Combien d'affaires de ce type ont-elles été entendues en justice et de quelle aide matérielle et juridique leurs victimes bénéficient-elles, a voulu savoir l'expert? Enfin, des organisations non gouvernementales signalent la pratique de tortures psychologiques contre certains détenus; d'autres informations font état de mauvais traitements infligés à des personnes requérantes d'asile dans le centre d'enregistrement national - établissement unique qui ne dispose notamment pas des locaux propres à l'accueil de personnes ayant des besoins spécifiques, a observé M. Kovalev.

Un autre membre du Comité s'est félicité de la qualité du rapport présenté par la Lituanie. Cette experte a demandé des précisions sur les conditions précises d'imposition de l'état d'urgence en Lituanie, rappelant que le Pacte international des droits civils et politiques a un caractère contraignant à cet égard: dans ce contexte, la Lituanie prévoit-elle des aménagements à l'exigence de porter un document d'identité, sous peine d'emprisonnement? L'experte a observé que certaines «infractions administratives» peuvent entraîner la mise en détention, une peine qui semble disproportionnée et qui ne répond pas aux critères internationaux du procès équitable. Elle a aussi déploré que femmes et hommes demandeurs d'asile soient abrités dans les mêmes locaux, avec les risques que cette situation entraîne pour la sécurité des premières. De la même manière, des précisions doivent être données quant aux «circonstances exceptionnelles» qui autorisent la mise en détention de mineurs dans des prisons pour adultes.

Une experte a insisté sur la fragilité des personnes placées dans les centres pour demandeurs d'asile, demandant quelles mesures sont prises pour assurer la sécurité des femmes seules, particulièrement menacées.

Un membre du Comité a demandé si la peine maximale en cas de violence domestique était toujours fixée à deux ans de détention par les codes lituaniens. Cette peine semble légère pour sanctionner l'une des formes les plus brutales de la violence. L'expert a déploré que les codes n'établissent pas de typologie permettant de distinguer ce type de violence. Il a aussi voulu savoir combien d'enquêtes ont été ouvertes contre des violences visant des personnes homosexuelles et a demandé quelle protection les forces de l'ordre accordent aux organisateurs de manifestations en faveur de la tolérance envers ces personnes. D'autres questions se posent quant aux conditions de détention dans les prisons lituaniennes, à la limite fixée à la mise en détention des demandeurs d'asile et à l'application effective de la loi interdisant l'exploitation en justice de preuves obtenues dans des conditions contraires aux principes de la Convention.

Un autre expert a demandé des précisions sur le contrôle de gardes à vue prolongées dans les commissariats de police. La future loi sur la détention préventive accordera-t-elle davantage de garanties aux personnes détenues? L'expert a aussi demandé dans quelle mesure le code pénal lituanien donne une définition formelle du viol. Par ailleurs, est-il exact que les personnes représentant un «danger pour la sécurité de l'État» sont expulsables en dépit du principe non-refoulement en cas de risque de torture dans le pays de renvoi. L'expert a enfin voulu savoir quel est le rôle des organisations non gouvernementales en matière de contrôle des conditions de surveillance dans les prisons lituaniennes.

Un membre du Comité, a demandé quel suivi avait été donné aux recommandations antérieures du Comité, notamment en matière d'accès de personnes détenues au personnel médical qualifié. Combien de médecins peuvent-ils être consultés par des personnes détenues, a voulu savoir l'experte, et combien de personnes détenues ont-elles demandé et obtenu des consultations avec ces médecins? L'experte a en outre demandé si la Lituanie envisageait de prendre des mesures législatives visant à garantir la protection juridique des personnes détenues et l'accès à des mécanismes de plaintes. Elle a constaté avec satisfaction que les allégations de torture en cours de détention sont examinées par des magistrats indépendants du personnel pénitentiaire mis en cause. Des précisions devraient être fournies par la Lituanie au sujet des activités de l'ombudsman du Parlement dans ce domaine. Enfin, l'experte a demandé des renseignements sur les suites données aux 18 procédures entamées à la suite d'actes de harcèlement subis par des conscrits (bizutage).

Une autre membre du Comité a déploré que des personnalités politiques et des médias lituaniens aient exprimé publiquement des incitations à la discrimination raciale, demandant quelles sanctions juridiques avaient été prises à cet égard.


Réponses préliminaires de la délégation

M. KAZLAUSKAS, Secrétaire général du Ministère lituanien de la justice, a fait savoir que son pays a engagé, depuis l'an dernier, un débat autour d'une éventuelle ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

S'agissant des conditions de détention, au stade actuel, une loi autonome existe bel et bien depuis 2008 qui traite de ce sujet, a assuré M. Kazlauskas. Cette loi est conforme aux dispositions de la Convention en ce qui concerne les personnes détenues. Des statistiques détaillées seront présentées lors de la prochaine réunion avec le Comité, a conclu le chef de délégation.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT08023F