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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE TIENT UNE RÉUNION AVEC LE
RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LA QUESTION DE LA TORTURE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a tenu ce matin une réunion avec M. Manfred Nowak, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Rapporteur spécial a notamment expliqué que ses missions consistent notamment à examiner la situation dans les prisons, où les conditions de détention sont très souvent préoccupantes: hygiène, alimentation, accès à l'eau potable, et le problème de la garde à vue prolongée. La tendance générale est au mauvais traitement des détenus, a déploré M. Nowak, observant que la majorité des personnes concernées sont souvent innocentes mais ont le tort d'être pauvres. Un autre objectif de ses missions est d'établir une coopération durable avec les gouvernements des pays visités, ce qui dépend entièrement des intentions des pouvoirs publics. Le Rapporteur spécial est à cet égard toujours prêt à offrir son aide aux gouvernements souhaitant modifier leurs lois et règlements. Cependant, le point faible du mandat réside dans le suivi des recommandations: le règlement des Nations Unies impose un nombre maximal de déplacements, ce qui empêche les visites de suivi. Le Rapporteur spécial a participé à la réalisation de rapports communs sur la situation des droits de l'homme au Darfour et sur la prison de Guantánamo. Les deux derniers rapports de M. Nowak abordent la question de la torture du point de vue de groupes particuliers, et traitent notamment du problème des mutilations génitales féminines et de la violence domestique.

M. Claudio Grossman, Président du Comité contre la torture, a indiqué que la rareté des ressources impose au Comité des choix parfois pénibles dans le traitement des urgences. Dans ce contexte, il serait utile d'établir une typologie des États, en distinguant ceux qui ne consentent aucun effort - et qu'il faut dénoncer - de ceux manquant de ressources, mais prêts à coopérer avec les institutions internationales. D'autres membres du Comité ont relevé la nécessité d'une prise de conscience des problèmes particuliers que rencontrent les personnes handicapées dans les systèmes carcéraux. Certains se sont félicités de l'approche sexospécifique du Rapporteur spécial, observant à cet égard que si la famille est particulièrement protégée par les lois, c'est néanmoins dans les foyers que se commettent souvent les plus grandes violences.


Le Comité clôturera la présente session demain après-midi à 15 heures, en tenant, avec des organisations non gouvernementales, un débat sur le suivi de ses observations et recommandations, et en présentant le programme de travail de ses prochaines sessions. Le Comité tiendra demain matin à 10 heures, en salle III du Palais des Nations, une conférence de presse pour présenter ses observations finales sur les rapports de pays examinés lors de la session.


Déclaration liminaire du Rapporteur spécial

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, a rappelé qu'au moment de sa nomination, en 2004, il s'était imaginé qu'après six ans de mandat il serait en position de mieux comprendre le phénomène de la torture. Aujourd'hui, la constatation est qu'il faut tenir systématiquement compte des conditions locales. À ce titre, il est envisagé la compilation d'un véritable «atlas de la torture» permettant de mieux cerner l'action nécessaire. D'autre part, il faut poser un constat quelque peu décourageant: la torture est pratiquée dans pratiquement tous les pays.

Le Rapporteur spécial a expliqué que ses missions comportent notamment un volet consacré à l'examen de la situation dans les prisons, où les conditions de détention en tant que telles sont très souvent préoccupantes: hygiène, alimentation, accès à l'eau potable, garde à vue prolongée. La tendance générale est au mauvais traitement des détenus, a déploré M. Nowak, observant que la majorité des personnes concernées sont souvent innocentes mais ont le tort d'être pauvres. Un autre objectif des missions est d'établir une coopération durable avec les gouvernements des pays visités, ce qui dépend entièrement des intentions des pouvoirs publics. Le Rapporteur spécial est à cet égard toujours prêt à offrir son aide aux gouvernements souhaitant modifier leurs lois et règlements.

Le point faible du mandat réside dans le suivi des recommandations, a poursuivi M. Novak. Le règlement des Nations Unies impose un nombre maximal de déplacements, ce qui empêche les visites de suivi. Quoi qu'il en soit, le Rapporteur spécial a pu accomplir quatre missions par an. La plupart des missions ont eu lieu en Asie, en Afrique et en Europe. Le Rapporteur spécial a aussi participé à la réalisation de rapports communs sur la situation des droits de l'homme au Darfour et sur le camp de détention de Guantánamo. Des études de fond ont été rédigées sur le principe de non-refoulement et sur les garanties diplomatiques, ces dernières constituant une protection efficace contre la peine de mort mais pas contre la torture, laquelle se pratique toujours à huis clos, a relevé M. Nowak. Le Rapporteur spécial a indiqué s'être penché également sur les châtiments corporels et sur l'application de la peine de mort. Les deux derniers rapports de M. Nowak abordent la question de la torture du point de vue de groupes particuliers. C'est ainsi qu'il a abordé, dans son rapport sur la Guinée équatoriale, le problème des mutilations génitales féminines et autres pratiques traditionnelles néfastes et, dans son rapport sur le Moldova, celui de la violence domestique.

Des séminaires ont été organisés autour de la torture et des personnes handicapées, avec le concours d'organisations non gouvernementales actives dans ce domaine, a encore indiqué M. Nowak. Les personnes handicapées sont très vulnérables du fait, en particulier, de l'absence totale de formation des personnels pénitentiaires à cet égard. Le Rapporteur spécial a en outre étudié le problème des conditions de détention en hôpitaux psychiatriques. Il a aussi indiqué que certains détenus torturés souffrent de séquelles physiques ou mentales, comme il l'a constaté en Guinée équatoriale, par exemple. La détention au secret entraîne elle aussi des séquelles mentales, ainsi qu'il a été montré dans son rapport sur sa visite au Danemark, a ajouté M. Nowak. Dans d'autres rapports, le Rapporteur spécial a montré le sort terrible réservé à des prisonniers condamnés à mort, en attente de leur châtiment pendant parfois vingt ans, dans des conditions de détention au secret très difficiles.

M. Nowak a enfin indiqué que sa propre pratique est largement inspirée des observations et des recommandations du Comité contre la torture, ainsi que de ses interprétations de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.


Débat avec le Rapporteur spécial

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité contre la torture, a indiqué que la rareté des ressources impose au Comité des choix parfois pénibles dans le traitement des urgences. Dans ce contexte, il serait utile d'établir une typologie des États, en distinguant ceux qui ne consentent à aucun effort - et qu'il faut dénoncer - de ceux manquant de ressources, mais prêts à coopérer avec les institutions internationales.

Un autre membre du Comité a relevé la nécessité d'une prise de conscience des problèmes particuliers que rencontrent les personnes handicapées dans les systèmes carcéraux. L'expert a observé que les organisations non gouvernementales des droits de l'homme se concentrent en général sur la lutte pour les droits de l'homme de manière assez individualiste: il faut espérer que des approches plus ouvertes permettront d'aborder la situation des personnes handicapées sous un angle neuf. On ne peut pas changer le monde uniquement en appliquant des lois et des normes: il faut en passer simultanément par un changement social, a dit l'expert.

Plusieurs expertes se sont félicitées de l'approche sexospécifique du Rapporteur spécial, observant à cet égard que si la violence domestique est particulièrement protégée par les lois, c'est néanmoins dans les foyers que se commettent certaines des pires violences. Le Comité a modifié depuis quelques années sa position sur cette question, comme il apparaît dans ses recommandations et observations générales.

Un autre expert a estimé qu'il faut se pencher sur les conditions d'application de la peine de mort, notamment la situation des condamnés en attente d'exécution de leur peine.

Un expert a demandé si le Rapporteur spécial avait l'intention de se rendre dans les pays du Moyen-Orient actuellement en proie à de vives tensions. Un autre a évoqué le lien entre la stabilité et la paix et l'absence de torture.

Une experte a relevé que le Comité, dans ses propres observations, fait souvent mention des rapports du Rapporteur spécial. Elle a encouragé M. Nowak à continuer de se pencher sur les réparations dues aux victimes de la torture. Le droit à la réhabilitation devrait être fixé par la loi, même dans les pays où la torture ne se pratique pas. De même, des questions se posent sur la situation dans les hôpitaux, en particulier les hôpitaux psychiatriques, mais les informations sont difficiles à récolter: peut-être le Rapporteur spécial pourra-t-il agir aussi dans ce domaine.

Un expert a demandé au Rapporteur spécial d'indiquer quelle était l'attitude des pays européens vis-à-vis des demandes de transferts illégaux de personnes (rendition). L'expert a déploré que le Rapporteur spécial perçoive certaines situations de manière trop tranchée.

Une autre experte a déclaré que la condamnation à mort est, en soi, un acte dégradant, une position qui n'est cependant pas partagée par tous les États. Quel est l'avis du Rapporteur spécial sur cette question? Le problème des réparations n'a pas été abordé par les États de manière satisfaisante, a ajouté l'experte.

Répondant aux questions des membres du Comité, le Rapporteur spécial, M. NOWAK, a fait savoir qu'il ne se rend en visite que dans des pays qui lui garantissent des entretiens privés avec des détenus. C'est pourquoi les visites en Russie et à Guantánamo n'ont pu être réalisées.

L'évaluation de l'importance des violences domestiques pose le problème de la contradiction entre la protection publique et le respect de la sphère privée familiale, a souligné M. Nowak. Cependant, cette forme de violence est généralement assez bien reconnue par les gouvernements et il est relativement facile d'accéder aux victimes, dont le traitement ne risque pas de constituer une atteinte à la souveraineté des États.

La lecture traditionnelle de la Convention est qu'un État n'est contraint d'octroyer des réparations que s'il est lui-même l'auteur de torture, a relevé M. Nowak. Cependant, une lecture plus dynamique du texte peut obliger les pouvoirs publics à prévoir des modalités de réhabilitation pour toutes les victimes de tortures, où qu'elles aient été commises. Des projets de loi dans ce sens sont examinés au Royaume-Uni et aux États-Unis, a précisé M. Nowak. Rares sont les États où se pratique la torture qui financent eux-mêmes des centres de rééducation des victimes, a observé M. Nowak, l'initiative dans ce domaine relevant généralement du secteur privé.

La plupart des États prévoient, même s'ils ne l'appliquent pas toujours, le principe de juridiction universelle. La doctrine de l'immunité de l'État complique singulièrement les poursuites contre des gouvernements. Par contre, il est possible de poursuivre des individus, ministres responsables par exemple, a dit M. Nowak.

Le Rapporteur spécial a visité trois pays d'Europe (Géorgie, Danemark et Moldova), soit davantage que de pays d'Amérique latine. Tous les pays européens ou presque ont participé aux transferts de prisonniers vers un État tiers (rendition), à des degrés divers, a estimé le Rapporteur spécial. Un rapport du Conseil de l'Europe a fait le bilan sur cette question, a rappelé M. Nowak, établissant aussi que des lieux de détention secrets avaient été ouverts dans plusieurs pays. L'Union européenne a elle aussi fait rapport sur cette question, avec des conclusions très similaires à celles du Conseil de l'Europe. Interrogés directement, les gouvernements concernés ont refusé de divulguer nombre des informations en leur possession. Cependant, avec le changement de présidence aux États-Unis, on peut espérer que la lumière sera faite sur certains aspects de la lutte contre le terrorisme qui ne concernent d'ailleurs pas que des pays européens.

La détention au secret relève clairement du mandat du Rapporteur spécial, a observé M. Nowak, estimant que le caractère «inhumain et dégradant» des traitements peut très bien être déterminé sur une base strictement médicale. D'autre part, certaines conditions de détention sont objectivement déplorables, entraînant des séquelles psychologiques et matérielles médicalement constatables. La jurisprudence concernant la caractérisation des châtiments corporels est en train d'évoluer dans un sens plus restrictif, a aussi dit M. Nowak.

La violence domestique, la traite des êtres humains ou certaines pratiques traditionnelles soumettent leurs victimes à une dégradation morale, une sujétion et une crainte vis-à-vis de leurs tortionnaires, qui les distinguent clairement des formes de détention classiques, a observé M. Nowak en réponse aux questions d'une experte.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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