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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTEND LES RÉPONSES DE LA SERBIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de la Serbie aux questions que lui avaient adressées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Conduite par M. Svetozar Čiplić, Ministre des droits de l'homme et des minorités, la délégation serbe a notamment fourni des éclaircissements sur la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye, soulignant que cette coopération est constructive et fructueuse. La Serbie a en effet pris des mesures législatives et exécutives pour améliorer sa collaboration avec le Tribunal. Toutes les personnes dont l'arrestation avait été demandée par le Tribunal ont été livrées par les autorités serbes, y compris deux anciens chefs d'État et plusieurs très haut responsables civils et militaires. Cette collaboration témoigne de l'intention ferme de la Serbie de remettre au Tribunal les deux dernières personnes dont l'arrestation est encore demandée, en particulier celle de M. Ratko Mladić. La délégation a aussi fourni donné des explications sur les modalités de la surveillance du respect des droits des détenus, sur la procédure de plainte et d'appel en cas de violation des droits d'une personne en détention et sur la mise en détention de personnes dans des établissements psychiatriques, en particulier.

Des membres du Comité se sont félicités des mesures de réparation symbolique prises par la Serbie après le conflit et ont recommandé que des moyens soient dégagés pour accélérer les procédures judiciaires. Un expert s'est étonné de l'apparente absence de dialogue entre les autorités serbes et les organisations non gouvernementales chargées des visites de prison. Les experts ont également voulu savoir si les organisations non gouvernementales chargées de visites du système pénitentiaire sont soumises à autorisation préalable pour l'accomplissement de leur mission.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de la Serbie, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le vendredi 21 novembre prochain.

Demain matin à 10 heures, en salle XII du Palais des Nations, le Comité entamera l'examen des quatrièmes rapports périodiques de la République populaire de Chine et des Régions administratives spéciales de Hong Kong et Macao (CAT/C/CHN/4, CAT/C/HKG/4 et CAT/C/MAC/4 respectivement).


Réponses de la délégation de Serbie

Conduite par M. SVETOZAR ČIPLIĆ, Ministre des droits de l'homme et des minorités, la délégation de la Serbie a répondu aux questions des experts du Comité contre la torture en faisant savoir que le rapport témoigne des efforts de son pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

La délégation a indiqué qu'en 2006, la Serbie a adopté une nouvelle constitution accompagnée d'une série de mesures visant l'instauration d'un nouvel ordre juridique. La Serbie a perfectionné ses bases juridiques grâce à des réformes judiciaires basées sur le modèle français. En tant qu'État, la Serbie est attachée au principe de la protection des citoyens par le juge, a assuré le Ministre. Autrement dit, les violations du droit et la lenteur du droit, autant de défauts dont les autorités serbes étaient conscientes au moment de la préparation de la réforme, ont fait l'objet de mesures correctives. La Serbie entend de plus contribuer à la mise en œuvre de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants sur le territoire du Kosovo-Metohija, à majorité serbe.

La coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye est constructive et fructueuse, a estimé la délégation. La Serbie a en effet pris des mesures législatives et exécutives pour améliorer sa collaboration avec le Tribunal. Tous les documents réclamés par cette instance ont été livrés par les autorités serbes, a précisé la délégation, y compris ceux concernant des activités sensibles, militaires notamment. Tous les témoins dont l'audition a été demandée par le Tribunal ont été libérés de leur secret de fonction et bénéficient de mesures de protection. Toutes les personnes dont l'arrestation avait été demandée par le Tribunal ont été livrées par les autorités serbes, y compris deux anciens chefs d'État et plusieurs très haut responsables civils et militaires. Cette collaboration témoigne de l'intention ferme de la Serbie de remettre au Tribunal les deux dernières personnes dont l'arrestation est encore demandée, en particulier celle de M. Ratko Mladić. La Serbie a aussi décrété que les membres des formations paramilitaires responsables d'exactions contre des civils au cours de la guerre sont passibles de poursuites devant les deux tribunaux spécialement constitués pour juger des crimes de guerre. Cent vingt trois personnes, pour l'essentiel membres d'unités telles les «Scorpions» ou les «Vengeurs», mais aussi des membres des forces régulières, ont été jugées dans ce contexte pour des crimes commis en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et au Kosovo notamment. La Serbie se félicite en particulier du fait que plus de quarante témoins originaires de ces régions aient accepté de se rendre à Belgrade pour y témoigner en personne dans des procédures visant leurs tortionnaires, des ressortissants serbes.

La sanction maximale pour les actes ainsi incriminés est de vingt ans de réclusion, une peine prononcée notamment à l'encontre du responsable d'un massacre de vingt civils; pour avoir tué seize civils musulmans en Bosnie, plusieurs membres de l'unité paramilitaire des «Vengeurs» ont été condamnés à une réclusion de vingt ans; des peines similaires ont frappé d'autres paramilitaires criminels. Les instigateurs politiques de ces actes ont déjà comparu devant le Tribunal de La Haye, a précisé la délégation. Le tribunal spécialisé de Belgrade est saisi d'autres cas encore, suite au renvoi de plusieurs appels par le tribunal d'appel. La Serbie témoigne ainsi de sa volonté de rendre justice aux victimes de la guerre, a fait valoir la délégation, rappelant que son pays avait aussi formulé des excuses publiques aux citoyens croates et bosniaques victimes de crimes de guerre.

La délégation a précisé que la Cour suprême a pris des décisions, reprises dans le Code de procédure pénale (qui entrera en vigueur en 2009), prévoyant que d'anciennes procédures juridiques lancées avant la dissolution de la République fédérale de Yougoslavie pourront faire l'objet de nouvelles procédures judiciaires. Dans ce cadre, des dispositions ont été prises pour assurer le versement de dédommagements.

La Serbie prend des mesures pour renforcer son appareil juridique, comme en témoignent ses innovations techniques visant notamment à accélérer les procédures et à améliorer la formation continue des procureurs et magistrats dans le domaine des droits de l'homme. La Serbie s'apprête à renforcer le rôle des procureurs dans le sens d'un système accusateur.

Le Code pénal ne contient pas encore de définition de la torture telle que stipulée par la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le Code sera donc aménagé, tout au long de 2009, sur la base de la teneur des instruments internationaux ratifiés par la Serbie. Un délai de prescription s'applique encore aux crimes définis par la Convention, sauf les crimes contre l'humanité et le génocide, a précisé la délégation.

La loi prévoit que toute personne détenue a le droit de consulter un médecin de son choix, à défaut un praticien désigné par l'institution responsable de la mise en détention, et à titre gratuit, a indiqué la délégation. Les femmes détenues enceintes peuvent accoucher dans des unités spécialisées. Le temps consacré aux soins des détenus malades est compté dans la durée de la détention. Le nombre des détenus implique la présence de médecins dans les grandes prisons. Des intervenants extérieurs spécialisés sont aussi engagés. L'accès aux soins médicaux d'urgence est possible à tout moment. Les femmes sont détenues dans une prison qui comporte une maternité. Les femmes ayant déjà des enfants peuvent les garder auprès d'elles jusqu'à ce qu'ils aient atteint un an, après quoi ils sont remis à leur famille proche. L'accouchement éventuel dans le cadre de la prison est gratuit.

La responsabilité du médecin qui donnerait des informations volontairement erronées sur l'état de santé d'un détenu est définie par la «loi sur la chambre des experts médicaux». La loi prévoit que le médecin doit respecter les critères en vigueur définis par le conseil de l'ordre. Les familles qui estiment que les examens médicaux sont insuffisants peuvent déposer une plainte devant les tribunaux. Les conséquences d'une faute professionnelle du médecin sont notamment le retrait de l'autorisation de pratiquer.

La procédure de plainte et d'appel en cas de violation d'un droit d'un détenu commise en prison est régie par le Code pénal, qui impose qu'une décision soit rendue dans les quinze jours suivant le dépôt de la plainte. Un recours peut être déposé. Le droit est également assuré de présenter une plainte devant la personne compétente hors de la présence du personnel carcéral concerné. Toutes les personnes détenues ont droit à la protection judiciaire. Le nombre de plaintes et d'appels en 2007 a été de 322 et 62 respectivement. Une personne condamnée peut présenter un appel.

De manière générale, la surveillance des droits des prisonniers est assurée par les tribunaux, a indiqué la délégation. Le juge d'instruction doit veiller aux intérêts du prisonnier. Une fois le jugement rendu, le président du tribunal transfère sa responsabilité à un autre magistrat chargé du contrôle. La protection des droits des mineurs en détention est assurée par un magistrat qui doit impérativement être porteur d'un diplôme sanctionnant une formation spécialisée. Le magistrat doit rendre visite aux mineurs détenus dont il a la charge et rendre des rapports réguliers à leur sujet. Les mineurs en détention provisoire suivent un programme d'enseignement à leur intention, conformément aux dispositions européennes en la matière.

La loi régit les mesures d'ordre et de sécurité dans les prisons, l'alimentation, l'installation matérielle des détenus et leurs activités professionnelles, le cas échéant. En attendant l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale, les autorités serbes ont mis sur pied un organisme central de surveillance du fonctionnement des prisons. Ses membres ont le droit de rencontrer les détenus hors de la présence du personnel carcéral. Si les rapports de l'organisme indiquent qu'une faute a été commise, une plainte est déposée devant le procureur. Enfin, outre une nouvelle Commission de contrôle externe des prisons, la Serbie a chargé un médiateur de prendre des mesures de réparation des irrégularités et de protection des personnes détenues.

La délégation a encore fait savoir que la Constitution définit les conditions de la privation de liberté. Les personnes détenues doivent être immédiatement informées de leurs droits, notamment celui de ne rien dire. La privation de liberté sans décision de justice ne peut excéder 48 heures avant présentation devant une juridiction compétente. Toute personne condamnée au pénal a le droit de choisir librement son défenseur et de le consulter sans limite. Le Code pénal stipule qu'une personne condamnée ne peut être entendue hors de la présence de son avocat. La jurisprudence concernant l'affaire du «groupe Makina» montre que les tribunaux serbes n'acceptent pas de preuves recueillies hors de la présence d'un avocat, a observé la délégation.

Le code de procédure pénale stipule qu'un détenu ayant violé la discipline carcérale est soumis à une cour ad hoc qui peut décider de sa mise à l'isolement disciplinaire pour une durée de quinze jours au maximum, notamment en cas d'acte grave et de risque pour d'autres personnes détenues. La mise à l'isolement s'accompagne obligatoirement d'un examen médical quotidien, dont le résultat est consigné au registre de la prison. En 2007, moins de 25% des 4503 cas de mesures disciplinaires ont consisté en une mise à l'isolement, dont un quart environ pour une durée supérieure à onze jours.

C'est la loi sur la protection sanitaire qui régit la mise en détention de personnes dans des établissements psychiatriques ou neuropsychiatriques, a expliqué la délégation. Une telle décision prise sans le consentement de la personne concernée dépend de l'avis d'un médecin. Au moment de l'internement, le centre psychiatrique doit informer le tribunal compétent dans un délai de 48 heures. Une procédure pénale d'urgence est alors lancée qui impose au juge de procéder à une expertise psychiatrique indépendante. Le juge peut entendre le patient et les membres de sa famille sont prévenus. Le représentant légal du patient peut porter plainte dans un délai de trois jours. La durée maximale de l'internement est d'un an. Le nombre maximal des cas enregistrés de 2006 à septembre 2008 est de 1230 environ par an dans les établissements spécialisés serbes.

La protection des personnes atteintes de handicap mental accueillies dans les établissements de protection sociale serbes a fait l'objet depuis 2001 d'une réforme complète visant une désinstitutionalisation et s'intégrant à la stratégie générale de protection sociale. Un ensemble de mesures a été pris sur la base d'un rapport de travail du Bureau du travail social, entité indépendante du ministère. Il a notamment été décidé de soumettre l'accueil des mineurs handicapés dans ces établissements à l'aval du Ministère des affaires sociales et d'introduire des mesures d'accueil alternatives: accueil de jour (2400 enfants et 1700 adultes accueillis), structures spécialisées dans les besoins des personnes handicapées, création d'un réseau d'établissements plus petits et déplacement des jeunes enfants vers des familles d'accueil spécialisées ou des «sous-institutions» médicalisées.

Enfin, la délégation a indiqué que le contrôle du fonctionnement des services de police, dans l'optique de l'amélioration des mesures de protection contre la torture ou les traitements dégradants au Ministère de l'intérieur, est effectué par une agence de contrôle interne, indépendante des services de police, qui a démarré ses travaux en 2003. Sa mission est de vérifier les activités des policiers pour éviter tout abus. Ce service peut agir sur plainte et requête de personnes morales ou physiques, mais aussi de son propre chef. En 2008, 1012 dénonciations ont été présentées pour abus de pouvoir par des policiers. L'agence peut demander l'application de sanctions disciplinaires ou pénales contre les fonctionnaires incriminés.

Le chef de la délégation a conclu la présentation en faisant valoir que des réponses complémentaires seraient remises par écrit au Comité.

Observations et questions subsidiaires

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, rapporteur du Comité pour le rapport de la Serbie, a remercié la délégation de sa coopération. Il a fait part de son impression que certaines zones du Kosovo-Metohija apparaissent, aux yeux de la Serbie, comme problématiques en matière de respect des dispositions de Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. L'expert a demandé que le Comité reçoive confirmation de l'entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale en 2009. De manière plus générale, les organisations non gouvernementales chargées d'effectuer des visites dans les institutions pénitentiaires sont-elles soumises à autorisation préalable pour l'accomplissement de leur mission, a voulu savoir M. Mariño Menéndez.

M. ABDOULAYE GAYE, corapporteur pour le rapport de la Serbie, s'est félicité des efforts importants consentis par la Serbie pour répondre aux nombreuses questions posées par les membres du Comité. M. Gaye a demandé si la surpopulation carcérale ne peut pas s'expliquer par la durée trop longue des procédures juridiques. Par rapport aux recommandations du Comité à l'occasion du rapport initial de la Serbie, quel bilan peut-on aujourd'hui tirer des efforts de formation des fonctionnaires serbes? L'expert a aussi dit son sentiment que la justice est absente des efforts de contrôle des activités des forces police. M. Gaye s'est aussi étonné de l'apparente absence de dialogue entre les autorités serbes et les organisations non gouvernementales chargées des visites de prison. Des questions demeurent enfin quant aux mesures prises pour lutter contre le commerce d'instruments pouvant servir à la torture et sur la ratification ou non par la Serbie du Protocole facultatif relatif à la Convention.

D'autres experts se sont félicités des mesures de réparation symbolique prises par la Serbie après le conflit. Une experte a demandé si des mesures allaient être prises concernant les allégations graves portées sur les conditions d'accueil des enfants handicapés dans les établissements spécialisés. Une autre experte s'est demandé si les juges avaient la possibilité de faire recours contre les décisions de révocation les concernant et a recommandé que des moyens soient dégagés pour accélérer les procédures judiciaires. Le Comité a aussi voulu savoir si le Gouvernement serbe a incriminé les personnes responsables de violence contre le personnel international travaillant au Kosovo.


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