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LE MONTÉNÉGRO RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation du Monténégro aux questions qu'il lui avait adressées mardi matin s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Conduite par M. Miraš Radović, Ministre de la justice du Monténégro, la délégation a indiqué que tout a été mis en œuvre pour que le Code pénal soit modifié de manière à ce que les crimes de torture, y compris la torture mentale, soient définis conformément aux exigences de la Convention. Les fonctionnaires de l'État ayant commis ou donné leur assentiment à de tels actes sont poursuivis en vertu du Code pénal, tout comme le sont des fonctionnaires qui auraient omis de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la commission de ce crime. L'irrecevabilité des preuves et aveux obtenus sous la torture est garantie au Monténégro, a-t-il aussi précisé. De tels éléments ne sont admis ni par les magistrats instructeurs, ni par les magistrats du siège. Concernant les brutalités commises en 1995 contre des Roms et évoquées par les experts du Comité, la procédure qui avait été engagée à ce propos est désormais close: les personnes victimes de tortures ont été indemnisées à hauteur d'un million d'euros. La délégation a répondu à d'autres questions du Comité s'agissant notamment des conditions d'extradition de ressortissants étrangers, de sa collaboration avec le Tribunal pénal international et des activités des organisations non gouvernementales.

Les rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport du Monténégro, M. Fernando Mariño Menéndez et Mme Myrna Kleopas, se sont dits satisfaits des efforts impressionnants consentis par le Monténégro dans le domaine normatif, qui doivent cependant se poursuivre dans de nombreux domaines, en particulier en matière de mise en œuvre des lois et règlements. Des questions demeurent concernant le statut juridique de milliers de Roms originaires du Kosovo, déplacés sur le territoire monténégrin et menacés d'expulsion. D'autre part, des affaires concernant des crimes de guerre sont encore en jugement, a-t-il été déploré, soulignant que tout retard dans le cours de la justice porte atteinte à la crédibilité du pouvoir judiciaire.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport du Monténégro, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 21 novembre.


Le Comité entamera, demain matin à 10 heures, l'examen du rapport initial du Kenya (CAT/C/KEN/1).


Examen du rapport du Monténégro

Réponses de la délégation

La délégation monténégrine conduite par M. MIRAŠ RADOVIĆ, Ministre de la justice du Monténégro, a indiqué que les traités internationaux ont la primauté sur l'ordre juridique interne, ce qui suppose que les organes nationaux appliquent les disposition du droit international, en particulier de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le cas échéant, la loi nationale est adaptée aux normes internationales pour permettre l'application directe. Tout a ainsi été mis en œuvre pour que le code pénal soit modifié, en 2006, pour que les crimes de torture, y compris la torture mentale, soient définis conformément aux exigences de la Convention. Les fonctionnaires de l'État ayant commis ou donné leur assentiment à de tels actes sont poursuivis en vertu dudit Code pénal, tout comme le sont des fonctionnaires qui auraient omis de prendre les mesures nécessaires pour empêcher la commission de ce crime.

Les principes de l'«habeas corpus» sont prévus par le Code pénal dans la première phase de privation de liberté, avant le jugement (la protection des droits des personnes condamnées et détenues étant garantie par la Constitution). Cette privation de liberté s'accompagne du droit d'avoir recours aux services d'un avocat, qui peut demander au juge de se prononcer sur la limitation de la durée de la détention. La privation de liberté court depuis le moment précis de l'arrestation, dont l'heure est consignée dans le procès-verbal initial. L'indépendance de la justice est garantie par la loi, élaborée avec des représentants du Conseil de l'Europe. La loi définit le mode de désignation du Conseil de la magistrature composé de juges, chargé en particulier des mesures disciplinaires. Elle précise aussi les normes s'agissant des compétences des magistrats. Les juges sont nommés à vie, sauf condamnation pénale ou départ à la retraite. Les autorités judiciaires participent aux décisions affectant le budget de la justice.

Le Code de procédure pénale de 2003 comportait des lacunes en matière d'accès aux défenseurs. Ces lacunes ont été comblées dans le nouveau texte adopté en 2006, qui précise que les justiciables ont le droit de s'entretenir de manière confidentielle avec leur conseil juridique, une surveillance n'étant possible que sous forme visuelle. Les conditions techniques autorisant cette confidentialité ont été progressivement introduites dans les établissements pénitenciers, a précisé le Ministre.

Concernant les brutalités commises en 1995 contre des Roms et évoquées par les experts du Comité, la procédure qui avait été engagée à ce propos est désormais close. Les personnes victimes de tortures ont été indemnisées à hauteur d'un million d'euros.

Le Monténégro est signataire de la Convention sur la protection contre les disparitions forcées. Les obligations internationales contractées à ce titre impliquent la réalisation d'une analyse complète des instruments internationaux permettant au Monténégro de se doter d'un cadre juridique complet. Le Gouvernement a défini ses responsabilités dans le cadre du Groupe de travail sur les disparitions forcées et confirmé son engagement à cet égard. La ratification n'est donc pas jugée prioritaire à ce stade.

La délégation a rappelé que la disparition de quinze personnes à la frontière du Monténégro et du Kosovo, évoquée par des membres du Comité, s'est produite pendant les bombardements de l'OTAN, en 1999. Le Monténégro, membre à cette époque de la République fédérale de Yougoslavie, n'était pas favorable aux politiques qui avaient motivé ces bombardements. De nombreux Monténégrins ont refusé de rejoindre les rangs de l'armée fédérale yougoslave, ce qui a entraîné des tensions au sein du Monténégro mais aussi avec l'armée fédérale. C'est cette dernière qui a très probablement emmené les quinze personnes disparues concernées, a indiqué la délégation, précisant qu'aucun élément nouveau n'est apparu entre-temps. Le Monténégro est prêt à continuer de collaborer avec le Groupe de travail des Nations Unies sur les personnes disparues sur ce thème.

Quant aux déportations de musulmans monténégrins vers la Bosnie-Herzégovine, la délégation a indiqué que le procureur de Podgorica a lancé un avis de recherche concernant 83 personnes soupçonnées d'avoir pris part à ce crime, parmi lesquelles un ancien vice-ministre et d'anciens responsables officiels de la sécurité. Le travail d'enquête et de recherche s'est intensifié au point que l'affaire pourra sans doute être soumise aux tribunaux d'ici à la fin de l'année. Pour ce qui est des crimes de guerre en général, le Procureur général a demandé aux juges compétents qu'ils redoublent d'efforts dans la recherche de la vérité. Cinq procès pour crimes de guerre avec actes de torture sont ouverts à l'heure actuelle, ou en voie de l'être, concernant six personnes.

Le système juridique monténégrin prévoit que l'État est tenu d'indemniser les victimes de crimes prévus par la Convention contre la torture, a indiqué la délégation. Le montant des indemnisations est défini après prise en compte de multiples facteurs, dont l'intensité des violations.

L'irrecevabilité des preuves et aveux obtenus sous la torture est garantie au Monténégro. De tels éléments ne sont admis ni par les magistrats instructeurs, ni par les magistrats du siège. La police procède à l'interrogatoire des suspects en présence de leur avocat. L'absence de l'avocat invalide l'interrogatoire. De plus, les forces de l'ordre ne sont pas habilitées à entendre ou interroger qui que ce soit en-dehors des procédures légales. La mission de la police est de récolter des renseignements. L'agence de la sécurité nationale est régie par une loi qui prévoit que ses fonctionnaires n'ont pas de pouvoirs de police.

Le Monténégro interdit d'autre part de brutaliser et d'humilier les élèves. Cette interdiction est portée dans les contrats de travail des enseignants. La violence familiale est soumise au Code pénal. Un projet de loi, élaboré en concertation avec la société civile, vise la prévention de cette forme de violence et la mise en œuvre d'une série de mesures de prévention et de protection.

L'application de l'état d'urgence en Serbie n'a pas d'incidence sur le Monténégro, a assuré la délégation, en référence notamment au cas Ristić.

Un expert juridique de la délégation a indiqué que le Code de procédure pénale du Monténégro a été révisé en consultation avec des experts internationaux et des Nations Unies. Le passage à un système de procédure moniste est à l'étude.

Le Monténégro a récemment refusé l'extradition d'un ressortissant du Bélarus vers ce pays, compte tenu des menaces pesant sur cette personne en raison de ses prises de position politiques, a-t-il été indiqué. De plus, la loi sur l'asile prévoit le principe de non-refoulement tel qu'il figure dans les instruments internationaux. La personne qui demande l'asile ne peut être reconduite à la frontière d'un État où elle risque de subir des tortures ou un traitement inhumain ou dégradant. La loi prévoit que les personnes au bénéfice du statut de réfugié peuvent obtenir la nationalité monténégrine. Un accord de coopération a été passé avec certains États anciennement membres de la République fédérale de Yougoslavie, les négociations se poursuivant avec la Serbie notamment.

Le Monténégro est un pays respectueux des droits culturels des minorités ethniques qui le composent, a fait valoir la délégation, notamment par le biais de mesures de discrimination positive et d'amélioration de la formation. Le Ministre des droits des minorités est lui-même d'origine albanaise. Les droits des minorités feront l'objet d'autres réponses écrites de la part du Monténégro.

Le Monténégro a passé un accord de collaboration avec le Tribunal pénal international, a-t-il été indiqué. Il a aussi passé un accord avec les États-Unis au sujet du renforcement des procédures de poursuites de justiciables et de remise de prévenus au TPI. L'accord pourra faire l'objet d'une révision et peut être abrogé moyennant préavis d'un an. D'autre part, il n'a pas encore fait l'objet d'une mise en œuvre pratique.

Environ 10% des organisations non gouvernementales enregistrées au Monténégro sont actives, soit près de cinq cents, a précisé la délégation. Les organisations actives dans le domaine des droits de l'homme ont participé à l'élaboration du plan national de renforcement de la société civile. Leurs représentants participent à tous les organes importants du Monténégro, notamment le Parlement. Le secteur non gouvernemental est aussi représenté dans la commission nationale de lutte contre la corruption et la criminalité organisée et dans le comité chargé de veiller au respect des normes de déontologie par les forces de police. Certains projets menés par des organisations non gouvernementales sont financés par des fonds publics centraux ou locaux.

Une personne détenue dans un poste de police et y ayant subi des actes de torture a la possibilité de porter plainte et de saisir la commission de déontologie, a déclaré la délégation. La loi prévoit en outre la protection juridique des personnes dénonçant des faits de torture. Les personnes en détention ont le droit d'accéder à leur dossier médical, qui peut servir, au même titre que le diagnostic médical, de moyen de preuve en cas d'allégation de torture.

La traite des êtres humains est en régression au Monténégro, a fait valoir la délégation. En 2001, le Monténégro a été le premier État de la région à mettre sur pied un plan d'action contre ce phénomène, plan axé sur la prévention, la répression et la protection. Un organe paritaire a été mis sur pied pour l'application de ce plan d'action par la police, la justice et, surtout pour la dimension de protection, deux organisations non gouvernementales de la société civile. La loi sur la protection des témoins notamment contient des dispositions efficaces contre la traite des êtres humains et la police a créé une unité spécialisée dans ce domaine. Un code de conduite relatif à la protection des enfants contre l'exploitation sexuelle a été produit, de même qu'un manuel à l'intention des juges, élaboré en collaboration avec de l'Organisation internationale des migrations.

La procédure disciplinaire et pénale contre un membre des forces de police soupçonné de faits relevant de la Convention contre la torture est lancée le cas échéant par le parquet, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. Le recours est possible devant les cours supérieures. Depuis trois ans, 22 policiers (sur 491 dénonciations) ont été convaincus de délits pénaux, dont quatre relevant de la Convention.

La délégation a enfin assuré que les personnes détenues sont dûment et gratuitement nourries. De même, des soins de santé et des soins psychiatriques sont prodigués soit dans les unités spécialisées des établissements carcéraux, soit, en leur absence, dans les institutions générales.


Observations et questions complémentaires du Comité

M. FERNANDO MARIÑO MENÉNDEZ, membre du Comité et rapporteur pour le Monténégro, s'est félicité de la qualité des réponses fournies par la délégation, observant qu'elles augurent favorablement de l'aboutissement des efforts consentis par ce pays dans le domaine normatif. Des questions demeurent concernant le statut juridique de milliers de Roms originaires, pour l'essentiel, du Kosovo, déplacés sur le territoire monténégrin, non couverts par la loi sur les réfugiés et risquant, peut-être, l'expulsion. L'expert s'est demandé si le financement des organisations non gouvernementales, mentionné par la délégation, ne témoigne pas d'une volonté de «fidélisation» de ces organisations. Quant au Protocole facultatif à la Convention contre la torture, le rapporteur a demandé quelles étaient les attributions du mécanisme national institué pour sa mise en œuvre.

MME MYRNA KLEOPAS, corapporteuse, s'est dite satisfaite des efforts impressionnants consentis par le Monténégro dans le domaine normatif, qui doivent cependant se poursuivre dans de nombreux domaines, en particulier en matière de mise en œuvre des lois et règlements. Par ailleurs, des allégations persistantes font état de violences commises par la police sur des justiciables avant les procès. Les médiateurs, qui pourraient exercer une influence positive sur le déroulement de la garde à vue, n'effectuent pas assez de visites de locaux. Deux affaires concernant des crimes de guerre sont encore en jugement, a observé Mme Kleopas, estimant que tout retard dans le cours de la justice porte atteinte à la crédibilité du pouvoir judiciaire. L'experte s'est dite surprise que l'accès au dossier médical dépende de l'accord d'un tribunal, ce qui semble excessif compte tenu du fait que les informations sur les dossiers appartiennent au patient. Les mesures prises dans la lutte contre le terrorisme risquent-elles de porter atteintes aux droits des détenus, a encore demandé l'experte.

Une autre experte a demandé à la délégation de donner davantage de précisions sur les tenants et aboutissants du cas Ristić, dont les autorités serbes et monténégrines se renvoient mutuellement la responsabilité.

D'autres questions ont porté sur la loi sur l'asile; sur les recours à la disposition d'un justiciable victimes de violation de ses droits lors de l'état d'urgence imposé en Serbie; sur l'équilibre des pouvoirs respectifs du parquet et des magistrats du siège, dans le contexte plus restrictif de la lutte contre le terrorisme; et sur les moyens de vérifier que les systèmes carcéral, judiciaire et policier, notamment, puissent faire l'objet de vérifications indépendantes.


Conclusion de la délégation

M. MIRAŠ RADOVIĆ, Ministre de la justice du Monténégro, a conclu le dialogue avec le Comité en précisant que la réforme de la procédure pénale vise à un rééquilibrage des pouvoirs entre le procureur et les juges sans préjudice du respect des droits de l'homme. Quant à l'affaire Ristić, il s'agit, en effet, d'une question ne relevant pas de la responsabilité des autorités monténégrines. Au sujet des personnes déplacées originaires du Kosovo, la délégation a précisé que l'action du Gouvernement monténégrin à leur bénéfice a consisté notamment en un accueil en centres collectifs, en aide financière directe et indirecte; le fonds de sécurité sociale a assuré les soins médicaux dont ces personnes avaient besoin. La délégation a encore précisé que le droit au travail est octroyé sur une base individuelle aux étrangers autorisés à résider au Monténégro.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel


CAT08033F