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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: LA LITUANIE RÉPOND AUX QUESTIONS

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de la Lituanie aux questions que lui avaient adressées hier après-midi les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Arûnas Kazlauskas, Secrétaire au Ministère de la justice de la Lituanie, la délégation a apporté des éclaircissements, en particulier, sur la définition de la torture, la prévention de la torture, le droit d'asile, le droit à l'assistance juridique, la détention administrative, les conditions de détention et la traite des êtres humains. Elle a notamment assuré que la Lituanie ne tolère aucun comportement inhumain ou cruel, quel qu'en soit l'auteur, et la loi prévoit la possibilité pour un subordonné de refuser un ordre qui contreviendrait à ce principe. Elle a fait état de poursuites dans des cas de délit d'abus de pouvoir par des policiers depuis quelques années. Parmi les mesures préventives dont dispose le pays, la délégation a notamment attiré l'attention sur les dispositions qui prévoient la possibilité pour une personne détenue de bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premières étapes de la procédure. Toute forme de violence est interdite pour obtenir des preuves; toute preuve recueillie en violation de ce principe est irrecevable en justice.

Des experts ont estimé qu'un effort devrait être consenti pour améliorer les conditions de détention, ainsi que pour lutter contre la violence au sein des forces armées. D'autres se sont félicités des réponses très détaillées de la délégation, tout en se demandant s'il est vrai qu'il n'existe aucune discrimination à l'égard des non ressortissants, comme il ressort de certaines déclarations de la délégation. D'autres points positifs à relever sont l'amélioration des conditions de détention dans les hôpitaux et les efforts consentis en matière de formation.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur le rapport de la Lituanie, qu'il rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 21 novembre.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique du Kazakhstan (CAT/C/KAZ/2).


Réponses de la délégation de Lituanie

La délégation de la Lituanie a indiqué que la définition de la torture n'est pas donnée dans un article du code pénal droit lituanien mais qu'elle correspond néanmoins aux normes de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. La torture est aussi définie par la jurisprudence. La Cour suprême applique une notion représentant la pratique bien établie et bien comprise par la population. Le Code pénal a été adapté successivement à la lumière de cette jurisprudence. La Lituanie ne tolère aucun comportement inhumain ou cruel, quel qu'en soit l'auteur. La loi prévoit la possibilité pour un subordonné de refuser un ordre qui contreviendrait à ce principe. Trois délits d'abus de pouvoir par des policiers ont ainsi été déférés en 2005 devant les tribunaux, la sanction consistant en une radiation temporaire des rôles de l'administration (trois cas en 2006 et 2 cas en 2007, un cas au premier semestre 2008). D'autre part, la Constitution pose le principe de l'interdiction de toute forme de discrimination. Le Code pénal a été renforcé dans le sens d'une aggravation des peines encourues pour discrimination au motif de l'appartenance ethnique ou raciale par exemple.

La délégation a fait savoir que la Constitution lituanienne prévoit la possibilité pour une personne détenue de bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premières étapes de la procédure, ainsi que du droit de prendre contact avec le monde extérieur, autrement dit, sa famille ou toutes autres personnes. Les détenus étrangers peuvent alerter la représentation diplomatique de leur pays. Toutes ces dispositions peuvent être considérées comme une forme de prévention de la torture, a estimé la délégation, dans la mesure où elles contribuent à l'information des détenus quant à leurs droits.

La loi lituanienne concernant le droit d'asile est en tout point conforme au droit international, a fait aussi valoir la délégation. Les décisions d'octroi de l'asile sont prises par le Ministère de l'intérieur, après examen d'une demande déposée aux postes frontières, auprès des polices territoriales ou directement auprès du Ministère. Le requérant dispose de nombreux droits; il peut prolonger son séjour au centre d'enregistrement, faire appel aux services d'un interprète et demander l'aide juridique, recevoir des titres de transports publics. Les mineurs ont droit à la scolarisation. Une décision doit être prise sous 48 heures quant à l'examen des requêtes.
L'examen peut être interrompu si le requérant quitte le centre d'accueil sans autorisation, et certains droits sont alors levés. Les requérants bénéficient le cas échéant du statut de réfugié temporaire, certificat à l'appui. Le délai d'examen des demandes d'asile est de trois mois au total, avec possibilité une prolongation de trois mois. L'entraide est accordée s'il est établi que les droits fondamentaux du requérant sont menacés dans son pays d'origine, en particulier au regard de la torture ou de traitements inhumains. Les réfugiés ont droit à des aides à l'intégration, par exemple dans le domaine de la formation et de l'emploi, de la protection sociale et de la santé. La durée de la rétention administrative d'un requérant ne peut excéder deux jours.

L'expulsion de requérants d'asile est interdite si l'État de renvoi risque de les poursuivre pour des motifs discriminatoires notamment. Il n'y a pas eu de cas à ce jour de renvoi vers un pays où le requérant serait menacé. Le renvoi d'une personne représentant une menace pour la sécurité de l'État ferait l'objet d'une attention spéciale. Il n'y a pas eu de cas de transferts de personnes accordés sur garanties diplomatiques, a assuré la délégation. Le cas échéant, des enquêtes approfondies sont menées afin d'évaluer le risque pour la personne concernée si elle était transférée dans le pays qui en a fiat la requête.

Il existe deux centres d'enregistrement des requérants d'asile, l'un pour les hommes, l'autre pour les femmes. Tous deux centres sont surveillés par les forces de maintien de l'ordre. Ils contiennent un poste médical ouvert en semaine. Des repas chauds y sont servis trois fois par jour. Une psychologue et une assistante sociale y exercent. Les centres accueillent actuellement 32 personnes, pour un durée moyenne de séjour de quarante jours.

La loi ne fixe pas de condition de nationalité pour bénéficier de la protection contre la torture, a assuré la délégation. Elle a par ailleurs souligné que les traités internationaux ratifiés par la Lituanie font partie intégrante de l'ordre juridique lituanien.

Conformément au Code de procédure pénale, toute forme de violence est interdite pour obtenir des preuves dans les lieux de détention et de privation de liberté. Toute preuve recueillie en violation de ce principe est irrecevable en justice, quelle que soit la qualité du justiciable, principe confirmé par la jurisprudence de la Cour suprême. La loi interdit d'ailleurs le témoignage d'une personne contre elle-même.

Le droit à l'assistance juridique est consacré par le Code de procédure pénale, et ce dès l'arrestation, a indiqué la délégation. Les lois prévoient la présence obligatoire d'un avocat dans certains cas. La loi prévoit également l'aide juridique au profit des justiciables sans moyens financiers. L'aide juridique de base a été accordée à 130 personnes (dont 43 femmes) en 2007, et à 150 (37 femmes) en 2008. L'aide juridique de second niveau a été accordée à plus de 30 000 personnes à 2007 et à plus de 25 000 au premier semestre 2008 (y compris à un grand nombre de personnes détenues). Les ressources financières consacrées par l'État à l'assistance juridique sont considérées comme suffisantes.

La loi prévoit que toute restriction de liberté en Lituanie implique nécessite le respect de certaines règles, a indiqué la délégation. C'est ainsi que la détention administrative est soumise à une série de critères précis, notamment la notion d'opportunité. En outre, les textes disposent que la décision de détention est consignée dans un procès verbal et peut faire l'objet d'un recours devant le juge. Le procureur doit alors assister à l'audience. La pratique va plus loin, puisque la personne détenue doit aussi bénéficier d'un avocat, selon un arrêt de la Haute Cour administrative. L'arrestation administrative est limitée à trente jours, sans effet suspensif d'un éventuel recours. Un nouveau code des infractions administratives est en cours de rédaction, assorti d'un code de procédure administrative.

La détention préventive est régie par une loi spécifique sur la détention adoptée en 1996, a indiqué la délégation. Le Parlement a revu la formulation de cette loi, et le nouveau texte entrera en vigueur en avril 2009. Il contiendra désormais une interdiction formelle et expresse de toute forme de torture ou de traitement ou châtiment cruel ou humiliant. Le texte prévoit en outre le droit des personnes détenues à communiquer avec leur famille et leurs proches, et contient une formulation plus concrète des droits des détenus en matière de plainte et de recours, exigeant notamment que des réponses soient fournies par les autorités dans un délai de deux semaines.

Le problème du surpeuplement carcéral, relevé par les experts du Comité, est réel, a admis la délégation, le taux d'occupation des principaux établissements pénitentiaires se situant entre 120% et 130%. Les lieux de détention dans les hôpitaux accueillent des détenus de toutes les catégories d'établissements pénitentiaires. Le taux d'occupation dans ces centres hospitaliers est de 117%. Les violences commises entre détenus représentent également un problème, a reconnu la délégation: en 2004, on a compté deux meurtres de prisonniers, quatre en 2008. Les sévices (lourds ou légers) contre des détenus sont en diminution depuis quatre ans (66 cas en 2008). Tous ces cas sont poursuivis au pénal par les services du procureur. Quarante affaires ont été portées au pénal en 2007 et 36 en 2008. Un programme de construction de nouveaux centres de détention est à l'étude, l'objectif étant de disposer des cellules abritant de six à huit détenus au maximum.

La détention de personnes handicapées concerne environ 170 personnes en 2008, a indiqué la délégation. On ne compte pas de cas de violences commises contre ces personnes. Lors de la garde à vue, des conditions de détention améliorée sont prévues, notamment au plan de l'alimentation. L'objectif de centralisation de la détention des personnes handicapées a été abandonné après que des sondages aient montré que ces personnes ne souhaitent pas une telle mesure. L'État a donc procédé à des adaptations matérielles dans les lieux privatifs de liberté.

Les règlements intérieurs des lieux de détention provisoire doivent être avalisés par le Ministère de l'intérieur, a précisé la délégation. Il est prévu d'introduire de nouvelles normes d'hygiène et de traitement des détenus placés à l'isolement. Les mineurs détenus sont placés dans des bâtiments séparés des adultes. Le nombre de place en correctionnelle réservées aux mineurs est de 150 (taux d'occupation: 74%). Les jeunes filles sont détenues dans le même bâtiment que les femmes (408 places). Deux mineures seulement étant actuellement détenues, il n'y a pas de difficulté à les isoler des adultes.

Un programme d'amélioration des conditions de détention dans les lieux privatifs de liberté a été lancé en 2004, avec l'ouverture d'un nouveau centre de détention provisoire qui a permis de décharger les autres établissements. De nouveaux locaux seront ouverts pour les mineurs condamnés à des peines de 15 à 90 jours. Des travaux de mise en état ont été ouverts dans plusieurs autres centres de détention. Des locaux privatifs de liberté seront aussi construits dans un certain nombre d'hôpitaux.

La loi prévoit que, pendant un état d'urgence, la police est en droit de détenir pendant 48 heures une personne incapable de justifier de son identité.

La Lituanie fait face au problème de la traite des êtres humains par des mesures d'ensemble, a expliqué la délégation. La base juridique nécessaire a été adoptée et sera améliorée au gré de l'expérience acquise. Conforme aux dispositions internationales, elle prévoit notamment la responsabilité morale en matière de traite des êtres humains. Des mesures de dédommagement des victimes de ce crime sont aussi prévues. Le statut juridique des étrangers a été modifié pour permettre l'accueil et l'aide par la Lituanie des personnes victimes de la traite. Le programme lituanien dispose en outre d'un volet social et visant à l'intégration des victimes, auquel participent les organisations de la société civile. Le nombre des personnes concernées est tombé de 800 en 2004 à 170 environ en 2007. Trente-deux procureurs spéciaux sont chargés d'instruire les dossiers. Les fonctionnaires de police reçoivent une formation en Lituanie et à l'étranger. Le Département d'État des États-Unis estime que l'action de la Lituanie dans ce domaine est très positive depuis quatre ans, a fait valoir la délégation.

Le Code pénal ne définit pas spécifiquement la violence familiale, a confirmé la délégation, tout acte de violence étant considéré comme un crime et sanctionné de la même manière. Le droit pénal prévoit des mesures de contrainte obligeant le responsable de violences familiales à quitter le foyer, pour éviter une répétition de ces violences, et à suivre des mesures de rééducation. Un groupe de travail a été mis sur pied par le Ministère de la justice afin d'analyser le problème des violences familiale et d'imaginer des procédures de lutte et de dédommagement. Le Ministère de la justice a élaboré, sur cette base, un projet d'amendement de la procédure pénale qui est en cours d'évaluation avec les groupes intéressés. La délégation a encore indiqué que la violence familiale peut entraîner la privation de liberté pendant deux ans ou plus, en fonction de la gravité du délit.

Le bizutage existe effectivement dans les forces armées, a confirmé la délégation. Ces affaires sont très suivies par l'opinion publique, a indiqué la délégation, précisant que le Parquet supervise les enquêtes préliminaires menées par la police militaire. Le Parlement a, cet été, adopté une loi séparée concernant la structure des forces armées entre 2009 et 2014, qui prévoit que l'armée professionnelle n'aura plus recours aux conscrits, ce qui est probablement la meilleure mesure de lutte contre le bizutage.

En matière de lutte contre la discrimination à l'égard des Roms, la Lituanie a adopté une stratégie d'intégration de ces populations dans les domaines de l'éducation, de la santé et du logement. La stratégie prévoit aussi une action au plan du renforcement des capacités juridiques et organisationnelles de la communauté Rom. Les tribunaux ont été récemment saisis d'une demande de réparation émanant d'une jeune femme rom victime de discrimination à l'embauche, l'affaire étant en appel. Les menaces de démolition de maisons appartenant à la communauté rom tiennent en partie au non respect des procédures liées à l'obtention d'autorisation de construire. Cependant, la situation pourra sans doute être résolue par la voie juridique, a estimé la délégation.

La loi prévoit le versement de réparations aux victimes de délits de violence ou d'autres infractions, a assuré la délégation. Un fonds, géré par le Ministère de la justice, a été constitué pour assurer ces prestations. Vingt demandes de dédommagement ont été satisfaites en 2006, 54 en 2007 et 33 au premier semestre 2008. La loi évolue de manière positive, puisqu'elle va être complétée par une extension des conditions d'accès aux prestations. Un autre mécanisme existe pour dédommager les victimes d'actes illégaux commis par des fonctionnaires.

Le refus d'accorder une autorisation de manifestation en faveur des droits des homosexuels a été motivé par le risque de protestations violentes: les organisateurs n'ont pas fait appel de la décision des autorités de Vilnius et il est donc délicat de préjuger de ce qu'aurait décidé la justice en l'espèce, a souligné la délégation. Les poursuites pour génocide commis pendant la deuxième guerre mondiale ont abouti à cinq procès, a précisé la délégation. Les réponses données dans les précédents rapports confirment l'importance qu'accorde la Lituanie aux activités de prévention de la torture, a fait enfin valoir la délégation.


Observations complémentaires d'experts

Un expert a observé qu'il convient de faire la différence entre les violences familiales et d'autres types d'abus et regretté que cette nuance ne soit pas consacrée par le droit lituanien. L'expert a estimé qu'un effort devrait être consenti en matière de conditions de détention. Il faut aussi lutter contre la violence au sein des forces armées et contre l'impunité.

Un autre expert s'est félicité des réponses très détaillées de la délégation, tout en se demandant s'il est vrai qu'il n'existe aucune discrimination à l'égard des non-ressortissants, comme il ressort de certaines déclarations de la délégation. D'autres points positifs à relever sont l'amélioration des conditions de détention dans les hôpitaux et les efforts consentis en matière de formation.


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