Aller au contenu principal

LA BELGIQUE RÉPOND AUX QUESTIONS DU COMITÉ CONTRE LA TORTURE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de la Belgique aux questions qu'il lui avait adressées mercredi matin sur les mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Jean-Yves Mine, Directeur général de la législation et des libertés et droits fondamentaux au Service public fédéral de la justice, et par M. Hugo Brauwers, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, la délégation a notamment précisé que l'État fédéral mène une politique active de lutte contre les violences intrafamiliales, notamment à l'encontre des femmes. Un plan d'action 2008-2012 est en cours d'élaboration dans le sens d'un renforcement des plans adoptés précédemment, en particulier l'extension à l'ensemble de territoire de projets pilotes concernant les secours aux victimes et la prise en charge des responsables, la sensibilisation des jeunes au problème de la violence et la lutte contre les préjugés sexistes dans les médias. De tels projets sont menés dans les communautés wallonne et flamande. La délégation a aussi fait valoir que si le code de déontologie policière belge ne mentionne pas explicitement l'interdiction de la torture en tant que telle, le texte interdit notamment aux policiers de recourir à la violence et aux mauvais traitements pour obtenir des aveux et les oblige à dénoncer de tels agissements, le cas échéant.

M. Claudio Grossman, Président du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport de la Belgique, a déclaré ne pas comprendre pourquoi l'audition d'un mineur ne s'accompagne pas de la mise à disposition immédiate d'un avocat, ni de la possibilité de passer un simple appel téléphonique à ses parents. Le Président a d'autre part suggéré que le code de déontologie policière interdise explicitement la torture. Mme Essadia Belmir, corapporteuse pour la Belgique, a estimé que les réponses fournies sur la formation de la police posent la question de son impact réel sur les comportements de la police. Un travail important reste à faire pour corriger les comportements, notamment dans le domaine d'une formation multidisciplinaire aux droits de l'homme, a dit l'experte.


Demain matin, à 10 heures, le Comité entendra les réponses du Kenya aux questions posées ce matin.



Examen du rapport de la Belgique

Réponses de la délégation

La délégation belge conduite par M. JEAN-YVES MINE, Directeur général de la législation et des libertés et droits fondamentaux au Service public fédéral de la justice, et M. HUGO BRAUWERS, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a répondu aux questions du Comité en indiquant notamment que le délit de torture contient un élément matériel et moral spécifique différent du délit générique de «coups et blessures». L'élément matériel (traitement inhumain provoquant des souffrances morales et physiques) est défini dans le Code pénal; l'élément moral recouvre le but de la torture, qui est d'obtenir de la personne torturée un résultat particulier. En 2007, trente et un procès ont été intentés au motif de mauvais traitements ou torture contre des fonctionnaires de l'administration pénitentiaires et des policiers. La délégation a précisé que la Belgique détient une compétence extraterritoriale en matière de poursuites juridiques. D'autre part, la loi donne compétence au Parquet fédéral de viser toutes les plaintes et dossiers. On estime que l'application de la Convention n'est pas limitée par le changement législatif intervenu récemment et évoqué par le Comité.

Le Code pénal belge n'interdit pas explicitement les châtiments corporels au sein de la famille, a confirmé la délégation. L'obligation de soutien mutuel entre parents pour l'éducation des enfants n'est pas suffisante à cet égard. Le Gouvernement estime qu'une telle interdiction explicite dépend en réalité des autorités locales. Une interdiction des châtiments corporels au sein de la famille portée au Code civil ne permettrait pas de rendre compte de la diversité des formes d'organisation de la famille à notre époque, a fait valoir une experte de la délégation. L'État fédéral mène une politique active de lutte contre les violences intrafamiliales, notamment à l'encontre des femmes. Un plan d'action 2008-2012 est en cours d'élaboration dans le sens d'un renforcement des plans adoptés précédemment, en particulier l'extension à l'ensemble de territoire de projets pilotes concernant les secours aux victimes et la prise en charge des responsables, la sensibilisation des jeunes au problème de la violence et la lutte contre les préjugés sexistes dans les médias. De tels projets sont menés dans la communauté wallonne aussi bien que flamande, a précisé la délégation.

Au chapitre de la procédure, il est vrai que la loi belge ne prévoit pas, s'agissant d'un mineur, la présence d'un avocat au stade policier de la procédure. Cependant, cette phase ne peut dépasser 24 heures, a précisé la délégation. Le fonctionnaire de police doit donner aussitôt que possible une information orale ou écrite aux parents ou tuteurs du mineur concerné. Les auditions sont en principe enregistrées. À sa comparution devant le juge d'instruction, le mineur bénéficie automatiquement de l'assistance d'un avocat.

Les causes de refus de l'extradition ont été revues dans un sens plus large, avec la prise en compte désormais du risque de discrimination ou de torture (cause de refus absolu). Les garanties apportées aux détenus pour faits de terrorisme sont celles du droit commun. Le délai de 24 heures pour la délivrance du mandat d'arrêt est ainsi de rigueur. Les conditions et le contrôle de la détention préventive sont régis par une loi de 2005 améliorant ces deux aspects. La possibilité pour le procureur de se prononcer contre une mesure de libération de détention préventive a été restreinte. La mise en liberté sous condition est possible en Belgique, a confirmé la délégation, cette mesure connaissant un succès croissant.

La Belgique a signé le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2005. Les travaux préparatoires à sa ratification sont en cours. Des discussions politiques ont eu lieu au sujet de la création d'une institution d'application nationale, qui est problématique compte tenu de l'existence de nombreuses institutions de surveillance. Une coalition nationale d'organisations non gouvernementales belges propose, à cet égard, la création d'une Commission nationale des droits de l'homme unique, regroupant tous les organes existants en Belgique dans ce domaine.

Les victimes peuvent obtenir réparation de la part des responsables des tortures dont elles auraient souffert à l'étranger. La Belgique n'est cependant pas compétente pour établir la responsabilité d'États étrangers, a précisé la délégation.

Le code de déontologie policière belge ne mentionne pas explicitement l'interdiction de la torture en tant que telle, a admis la délégation, précisant que ce texte fait toutefois obligation de respecter la loi et le principe d'égalité, ce qui implique l'interdiction de la torture. Le texte interdit aux policiers aussi de recourir à la violence et aux mauvais traitements pour obtenir des aveux et les oblige à dénoncer de tels agissements, le cas échéant.

Le Comité permanent des services de contrôle de services de police, composé en partie d'anciens policiers, comme l'ont relevé des membres du Comité contre la torture, est responsable de la plupart des dénonciations de mauvais traitements, a souligné la délégation. Cet organisme a les attributions proches de celles d'une commission de contrôle autonome, ce qui lui assure une grande latitude d'action et l'indépendance, comme en témoignent les dénonciations de membres du Gouvernement auxquelles elle a procédé ces dernières années. Seul le service d'enquête est d'ailleurs composé d'anciens policiers, sans aucun contact avec les services de police existants. Accuser cet organe d'indulgence avec les policiers semble donc exagéré, a fait valoir la délégation.

La formation des policiers en matière d'usage de la force, en particulier dans le domaine de l'éloignement et le rapatriement de ressortissants étrangers, a fait l'objet de grandes améliorations depuis plusieurs années. Des formations très spécialisées sont ainsi dispensées sur la base de directives et manuels très précis. D'autre part, la loi prévoit désormais un enregistrement plus strict et plus complet des arrestations non judiciaires, dont la pratique est d'ailleurs soumise à la vigilance du Comité permanent évoqué plus haut. Les arrestations judiciaires feront l'objet de nouvelles mesures d'enregistrement, beaucoup plus strictes, aussitôt que les conditions politiques le permettront.

Les infractions au droit international humanitaire commises par des troupes belges engagées en Somalie ont donné lieu à l'ouverture de plusieurs dizaines de procédures. Les infractions constatées au droit militaire ont entraîné des sanctions, a assuré la délégation.

Au chapitre de la politique pénitentiaire, la délégation a fait savoir que pour lutter contre la surpopulation carcérale, la Belgique a choisi de suivre d'une part la piste des peines alternatives, d'autre part la possibilité de renforcer la capacité d'accueil des prisons. À ce titre sont prévues des nouvelles constructions et la réfection de locaux existants. La situation relative à la situation de la libération conditionnelle est compliquée dans la mesure où les textes l'autorisant ont été adoptés très récemment, ce qui empêche d'en évaluer les effets. La détection des violences entre détenus et la réaction à ce problème font partie des tâches du personnel pénitentiaire, qui y est préparé en cours de formation. Celle-ci, modernisée en 2007, dure 17 semaines et est destinée au personnel fixe et d'une partie du personnel contractuel. Le personnel médical des prisons suit lui aussi une formation. Il faut relever que le cadre du personnel pénitentiaire est rempli à 98% et que des recrutements ont été opérés l'an dernier. La question du service minimal est envisagée dans le contexte du service minimal au niveau fédéral.

Pour mieux respecter les droits de la défense, la loi a été aménagée dans le domaine du délai de comparution. Celui-ci sera porté, à terme, à 72 heures, ce qui laissera le temps nécessaire à la convocation des avocats et à une meilleure préparation des dossiers de défense.

Des mesures ont été prises également pour améliorer les conditions d'accueil dans les unités psychiatriques des hôpitaux, soit la construction de nouvelles places et la réfection de locaux existants. Il sera ainsi possible de supprimer les listes d'attente qui allongent indûment le délai de prise en charge. Les unités psychiatriques des prisons sont composées de personnel médical et infirmier compétent, épaulé par du personnel proprement pénitentiaire. L'aide sociale accordée aux personnes détenues, en vue de leur réinsertion notamment, est de la compétence des autorités régionales et non fédérales, a précisé la délégation.

Des mesures de protection obligatoire ne peuvent être prises à l'égard d'une personne malade mentale, sur injonction du juge de paix, que si cette personne représente un danger pour elle-même ou pour autrui, a-t-il été précisé. Le recours et l'appel sont possibles contre une telle décision. Il appartient au magistrat de désigner l'établissement qui accueillera la personne placée en observation, pendant quarante jours au plus. La sortie et le maintien du régime d'observation sont soumis à l'approbation du magistrat, du procureur ou du médecin-chef, selon les cas.

Les critères d'octroi de séjour pour cause humanitaire sont la durée du séjour, les problèmes d'ordre médical et les motifs humanitaires proprement dits, a fait savoir la délégation. L'Office des étrangers a pour devoir de vérifier que le requérant n'a pas commis de délit sur le territoire belge, ou que l'excessive longueur de la procédure de demande d'asile ne lui est pas imputable. Le fonctionnement de la Commission de recours des conditions de vie dans les centres fermés montre que cette institution a été saisie de 200 plaintes, dont 25 ont été acceptées. Trois ont été jugées recevables et ont donné lieu à l'adoption de recommandations.

Le contrôle des modalités d'expulsion est triple: interne, sur demande du Ministère de l'intérieur et par le Comité permanent des services de contrôle de services de police. Ce dernier a traité 80% des plaintes. Sur plus de 11 000 éloignements, seul 1% a entraîné la prise de mesures de contrainte. Les 24 contrôles mentionnés par le Comité portent précisément sur ce faible pourcentage. Si des caméras sont posées dans tous les locaux de la police, l'utilisation des hautes technologies dans le domaine des expulsions reste très limitée.

Quant aux mesures prises suite au décès, en 1998, de Mme Semira Adamu lors d'une tentative d'expulsion, le Gouvernement belge a notamment décidé d'interdire l'utilisation d'armes ainsi que de techniques d'immobilisation risquant de bloquer la respiration. L'ensemble du personnel chargé de ce type d'interventions est formé à sa tâche. En dépit de la faible capacité de l'école fédérale compétente, cette formation se déroule dans des conditions satisfaisantes, a estimé la délégation.

Depuis quelques mois, le Gouvernement a décidé de mesures d'accompagnement et de réinsertion des mineurs en conflit avec la justice. Les mineurs étrangers non accompagnés, requérants d'asile ou démunis de papier, sont placés sous la responsabilité d'un tuteur. Ils sont accueillis dans un centre de tutelle pour une durée de deux fois quinze jours au maximum. Le tuteur entreprend les démarches nécessaires au séjour du tuteur avec l'aide d'un avocat. Il veille à la scolarisation du mineur et cherche une solution durable à sa situation: regroupement familial, retour dans le pays d'origine, accueil en Belgique. Les mineurs victimes de la traite des êtres humains sont directement mis en possession d'un titre de séjour. Enfin, le Ministère de la justice a mis en place une cellule de prise en charge des mineurs européens non accompagnés et dans une situation particulièrement vulnérable.


Observations et questions complémentaires des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, Président du Comité et rapporteur pour la Belgique, s'est félicité du professionnalisme des réponses de la délégation belge. Il a déclaré ne toujours pas comprendre pourquoi l'audition d'un mineur ne s'accompagne pas de la mise à disposition immédiate d'un avocat, ni de la possibilité de passer un simple appel téléphonique à ses parents. Le Président aussi demandé des précisions sur les mesures prises pour lutter contre le terrorisme.

Le Président a suggéré que le code de déontologie de la police devrait explicitement interdire la torture, en Belgique comme dans d'autres pays, relevant que nombre de dispositions du code de la police reprennent pourtant déjà des articles et principes des lois belges. Quant au Comité permanent, la question n'est pas tant celle de son efficacité, qui semble hors de doute, que des sources de sa légitimité, a précisé M. Grossman. Rien n'a d'autre part été dit sur la présence de diplomates belges à l'arrivée de personnes expulsées vers d'autres pays. Les personnes obtenant un statut de protection par l'État belge bénéficient-elles de la sécurité sociale ou de mesures d'intégration sociale, a encore demandé le Président.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse pour la Belgique, s'est demandée si le service de tutelle pour mineurs est de nature administrative ou plutôt juridique, et dans quelle mesure les dispositions de protection risquent d'aller à l'encontre des convictions religieuses des mineurs. Les réponses données sur la formation de la police, a encore déclaré l'experte, posent la question de son impact réel sur les comportements de la police: on recense toujours maintes traces de xénophobie, de coups, d'injures. Un travail important reste à faire pour corriger les comportements, notamment dans le domaine d'une formation multidisciplinaire aux droits de l'homme.


Une autre experte du Comité a voulu savoir si la protection des personnes atteintes de troubles mentaux comprend les mesures de placement involontaire en institutions psychiatriques, relevant que la durée du placement - quarante jours - semble très longue.

Une experte a voulu savoir si la Belgique a l'intention de criminaliser les violences domestiques et les châtiments corporels contre les enfants. Il faut souligner l'importance de l'interdiction de tels comportements et, de l'avis du Comité, de les incriminer pénalement.

Réponses complémentaires de la délégation

M. MINE, Directeur général de la législation et des libertés et droits fondamentaux, a rappelé que la Belgique prévoit que l'arrestation préliminaire par la police est de 24 heures avant la présentation au juge, soit le délai probablement le plus bref au monde. Ceci n'exclut en rien l'obligation d'aviser les proches du mineur éventuellement concerné, ni de l'accès à un médecin, le cas échéant, a assuré M. Mine.

D'autres membres de la délégation ont fait savoir que la présence d'un diplomate lors d'une extradition est très rare: si la Belgique accorde l'extradition, la remise est organisée en principe par des policiers. Dans certains cas, la Belgique a été amenée à demander des garanties par la voie diplomatique et à faire vérifier les conditions de la remise de la personne par l'un de ses propres diplomates.

La loi antiterroriste prévoit des pénalités nouvelles tout en garantissant les droits individuels des personnes concernées, a-t-il aussi été précisé. L'absence de mention de la torture dans le code de déontologie de la police s'explique par une décision du Conseil d'État demandant que les textes juridiques ne répètent pas inutilement les dispositions générales du droit. Il a aussi été confirmé que les personnes obtenant un statut de protection en Belgique bénéficient des prestations sociales et de mesures d'intégration. D'autre part, les tuteurs de mineurs veillent aussi, dans le cadre de leur mandat administratif, à l'accomplissement des rites religieux de leurs pupilles, si besoin est.

Le comportement des forces de police fait en effet l'objet de plaintes pour comportements à caractère raciste, a confirmé la délégation, ajoutant qu'il est rare que les tribunaux donnent suite à ces plaintes. Les soins psychiatriques sont imposés par le biais d'une requête motivée de mise en observation, et sont soumis à une enquête du juge de paix, qui est habilité à demander des contre-expertises. Le délai de quarante jours peut s'expliquer quant à lui par le jeu des expertises et contre-expertises, a estimé la délégation.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT08035F