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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA BELGIQUE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du rapport périodique de la Belgique sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

M. Jean-Yves Mine, Directeur général de la législation et des libertés et droits fondamentaux au Service public fédéral de la justice, a présenté le rapport en attirant l'attention sur l'adoption récente de mesures législatives qui s'inscrivent dans le droit fil des attentes du Comité. La Belgique a adopté une loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus, qui réglemente les principales facettes de l'exécution des peines privatives de liberté. La délégation a en outre signalé, dans ce cadre, l'instauration d'un Conseil central de surveillance pénitentiaire, indépendant de la hiérarchie pénitentiaire, et dont dépendent des commissions de surveillance rattachées à chaque prison. La délégation a aussi indiqué la difficulté pour la Belgique d'adhérer au Protocole facultatif à la Convention, qui prévoit la création d'un mécanisme national de prévention, car toutes les autorités en Belgique doivent parvenir à un accord sur la structure, la composition, le mandat et le financement de ce mécanisme. Il est envisagé de créer un organisme central en charge de toutes les matières relatives aux droits individuels fondamentaux.

La délégation était également composée de M. Hugo Brauwers, Représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève et de représentants des Services publics fédéraux de l'intérieur et de la justice, de délégués des communautés wallonne et flamande de Belgique à Genève, notamment.

M. Claudio Grossman, Président du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport de la Belgique, a pris bonne note du fait que le Code pénal belge dépasse à certains égards les exigences de la Convention contre la torture. Des questions demeurent toutefois en matière de poursuite d'agents de l'État éventuellement coupables d'actes de torture. M. Grossman a aussi insisté sur l'importance de l'accès des justiciables à un avocat dès les premiers moments des procédures. Or, cet accès n'est pas garanti en Belgique. La corapporteuse, Mme Essadia Belmir, s'est inquiétée, pour sa part, de la qualité de la formation des agents des établissements pénitentiaires, l'enseignement n'étant pas multidisciplinaire et d'une durée insuffisante. D'autre part, nombre d'agents des établissements pénitentiaires commencent à travailler sans avoir reçu la formation complète nécessaire et la formation dispensée au personnel chargé de l'expulsion des étrangers n'est qu'insuffisamment axée sur les exigences de la Convention. D'autres experts ont demandé des précisions sur les mesures prises par les autorités belges pour lutter contre la surpopulation carcérale, ses effets et ses causes.


La délégation belge répondra demain après-midi aux questions posées ce matin par les experts. Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses du Monténégro aux questions posées hier matin.




Présentation du rapport de la Belgique

M. JEAN-YVES MINE, Directeur général de la législation et des libertés et droits fondamentaux au Service public fédéral de la justice, et M. HUGO BRAUWERS, représentant permanent adjoint de la Belgique auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, ont présenté le rapport de leur pays en attirant l'attention sur l'adoption, depuis trois ans, de mesures législatives qui s'inscrivent dans le droit fil des attentes du Comité, tel qu'il s'est prononcé dans ses dernières conclusions en 2003. La Belgique a d'abord adopté une loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus. Ce «codex» de 180 articles aborde et réglemente en une dizaine de titres les principales facettes de l'exécution des peines privatives de liberté; soit, pour l'essentiel, les conditions de vie matérielle dans les prisons et les exigences liées à la sécurité. La mise en œuvre de cette législation a été progressive au cours de ces trois dernières années. La délégation en outre a signalé dans ce cadre l'instauration d'un Conseil central de surveillance pénitentiaire, indépendant de la hiérarchie pénitentiaire, et dont dépendent des commissions de surveillance rattachées à chaque prison.

La période récente a en outre vu l'adoption de nombreux autres textes qui concourent à mieux assurer la protection des particuliers contre toute forme de traitement inhumain: exclusion de l'état de nécessité comme justification de la torture, limitation drastique des hypothèses dans lesquelles les ressortissants étrangers peuvent être expulsés de Belgique lorsqu'ils présentent des attaches durables avec le pays, assistance d'un avocat pour toute audition de mineur devant le juge d'instruction, nouveau statut de protection subsidiaire aux ressortissants étrangers lorsque ceux-ci risquent d'être victimes de graves atteintes à leur intégrité en cas de retour dans leur pays, ou encore la réouverture de toute procédure pénale condamnant une personne lorsque la Cour européenne des droits de l'homme a ultérieurement constaté que cette procédure avait violé les droits fondamentaux du condamné.

Au chapitre des difficultés, la délégation a cité le processus d'adhésion au Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, qui se heurte, sur le plan technique, à la mise en œuvre d'un mécanisme national de prévention de la torture. Toutes les autorités doivent en effet parvenir à un accord sur la structure, la composition, le mandat et le financement d'un tel mécanisme national. Cependant, vu la multiplication en Belgique de telles institutions centrales consacrées tantôt au respect de droits de l'enfant, tantôt à la protection des personnes handicapées ou à la prévention de la torture, il est actuellement réfléchi à la possibilité de créer un organisme central en charge de toues les matières relatives aux droits individuels fondamentaux.

Le deuxième rapport de la Belgique (CAT/C/BEL/2) indique notamment que la définition de la torture contenue dans le Code pénal belge vise la douleur aiguë ou de très graves et cruelles souffrances, qui peuvent être physiques ou mentales. Elle couvre donc les comportements visés par la convention et va même au-delà puisqu'elle n'exige pas que la torture soit commise par un agent étatique ni que les actes de torture aient eu un motif bien précis (la Convention fait notamment référence au fait d'obtenir des aveux). D'autre part, en matière pénale, la loi belge prévoit que les éléments de preuve sont libres pourvu qu'ils aient été recherchés et produits suivant certaines formes et suivant certaines règles. Est donc illégale la preuve obtenue non seulement par un acte qui est expressément interdit par la loi, mais aussi par un acte inconciliable avec les règles substantielles de la procédure pénale ou avec les principes généraux du droit et plus particulièrement, avec le respect des droits de la défense. Certaines preuves sont inadmissibles par nature: l'aveu obtenu en suite de l'usage de violence et notamment de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants, mais aussi la menace ou la corruption; d'autres sont inadmissibles en raison des conditions dans lesquelles elles ont été recueillies: provocation policière, preuves recueillies en violation du secret professionnel, perquisitions ou saisies illégales.

L'État fédéral mène depuis 2001, une politique active de lutte contre la violence à l'égard des femmes. Le Plan d'action fédéral 2004-2007 de lutte contre la violence entre partenaires, dont l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes assure la coordination, est la concrétisation de cette politique. Il définit les objectifs stratégiques des différents ministres fédéraux concernés par la lutte contre la violence entre partenaires: justice, intérieur, santé publique et fonction publique, politique des grandes villes, intégration sociale et égalité des chances. Les actions sont déclinées autour de six axes: sensibilisation, formation, prévention, protection et accueil, répression et évaluation. L'ensemble de ce travail est soutenu par un réseau d'experts qui réunit des spécialistes de terrain, des représentants du monde associatif et des experts du monde universitaire, ainsi que des coordinatrices provinciales et les personnes des entités fédérées en charge de l'égalité des femmes et des hommes. Ce réseau analyse les actions menées et rend son avis sur les progrès du Plan. Il constitue aussi un forum où tous les acteurs concernés peuvent présenter leurs préoccupations, échanger informations et bonnes pratiques et interpeller les pouvoirs publics. La notion de violence dans le couple est désormais clairement définie comme couvrant toutes les formes de violence physique, sexuelle, psychologique et même économique entre des époux ou des personnes cohabitant ou ayant cohabité et entretenant ou ayant entretenu une relation affective et sexuelle durable.

À la suite des recommandations du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, du Comité contre la torture et du Comité européen pour la prévention de la torture, le Gouvernement belge a demandé la création et la coordination d'un groupe de travail composé de membres des administrations de la justice et de l'intérieur et de représentants de la police locale et de la police fédérale. Ce groupe de travail a déposé un rapport sur l'exécution de la mission contenant les lignes de force pour une approche humaine et démocratique de la privation de liberté et un canevas pour une approche efficace de la privation de liberté. D'autre part, en matière de modernisation du droit pénitentiaire, la loi de principes concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus, adoptée en 2005, fixe le statut juridique interne des détenus (droits et devoirs), et énonce des dispositions relatives au régime des détenus et à l'instauration d'une procédure de plaintes, traitées par des instances indépendantes: les Commissions locales et le Conseil central de surveillance pénitentiaire.


Observations et questions des membres du Comité

M. CLAUDIO GROSSMAN, président du Comité et rapporteur pour l'examen du rapport de la Belgique, a indiqué que le Comité a pris bonne note du fait que le Code pénal belge dépasse, dans certains chapitres, les exigences de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Des questions demeurent cependant s'agissant de la poursuite d'agents de l'État accusés d'actes de torture. Des statistiques plus détaillées devraient être fournies afin que le Comité puisse se prononcer en toute connaissance de cause. M. Grossman s'est demandé pourquoi le code de déontologie de la police ne contient pas l'interdiction explicite et ferme de la torture et des mauvais traitements. D'autre part, l'accès immédiat au conseil juridique constitue une sauvegarde importante des droits fondamentaux des justiciables: or, la Belgique ne prévoit pas l'accès à un avocat dans les premières vingt-quatre heures de la garde à vue, non plus qu'à un médecin. Les enfants en particulier ne peuvent consulter d'avocat avant leur mise en accusation, s'est étonné M. Grossman, observant également que les familles ne sont pas autorisées à intervenir en leur faveur.

Des rapports d'Amnesty International attestent de la déportation de requérants d'asile déboutés dans des conditions parfois dures ayant entraîné, dans un cas au moins, le décès de la personne concernée, a rappelé l'expert. Quels mécanismes ont-ils été mis en place pour que des plaintes puissent être déposées pour usage excessif de la force dans ces circonstances? Les organisations non gouvernementales estiment que l'établissement de certificats médicaux avant et après l'expulsion peuvent constituer des garanties non seulement pour la personne déportée, mais aussi pour l'État, a observé M. Grossman. Procède-t-on à des examens médicaux systématiques sur ces personnes? La Belgique est-elle par ailleurs consciente de la possibilité d'accorder la protection subsidiaire à une personne risquant d'être tuée ou torturée en cas de retour dans son pays?

La construction du nouveau centre de détention mentionné dans le rapport est-elle envisagée ou en voie d'achèvement, a demandé l'expert, faisant aussi état des inquiétudes d'organisations non gouvernementales quant aux conditions de détention d'enfants de requérants d'asile déboutés. Sur la base du rapport alternatif des organisations non gouvernementales, M. Grossman a demandé des précisions sur le nombre d'expulsions et sur les modalités d'un contrôle externe efficace de l'action des forces de police. La Belgique serait-elle prête à créer un organe externe chargé de la réception et du traitement des plaintes dans ce domaine? Il semble en outre que les policiers bénéficient d'un traitement particulièrement favorable dans les procédures pénales engagées contre eux, a observé M. Grossman.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour le rapport de la Belgique, s'est inquiétée,sur la base de communications de la société civile, de la qualité de la formation des agents des établissements pénitentiaires, l'enseignement n'étant pas multidisciplinaire et d'une durée insuffisante. D'autre part, nombre d'agents des établissements pénitentiaires commencent à travailler sans avoir reçu la formation complète nécessaire et la formation dispensée au personnel chargé de l'expulsion des étrangers n'est qu'insuffisamment axée sur les exigences de la Convention. Des problèmes similaires sont recensés dans la formation du personnel médical au regard des exigences de la Convention.

S'agissant du problème de la surpopulation carcérale, le rapport indique que les autorités belges témoignent du vœu sincère d'améliorer les conditions de détention, notamment par l'introduction d'alternatives à la détention, a observé l'experte. Cependant, les rapports alternatifs font état d'une persistance du surpeuplement carcéral, dû notamment à l'augmentation de la durée des peines, au resserrement des conditions d'octroi de remises de peines et à l'allongement de la durée de la détention préventive, a relevé Mme Belmir. Dans ces conditions, les autorités belges devraient songer à avoir recours de manière plus systématique aux alternatives à l'enferment, comme par exemple le contrôle électronique.

L'experte a évoqué les différentes sanctions pouvant être infligées à des personnes détenues, faisant état, à cet égard, d'allégations selon lesquelles les procédures en matière de recours seraient fantaisistes. Mme Belmir a aussi posé des questions sur les fonds consacrés à l'amélioration des conditions de détention; sur les mesures prises pour prévenir le risque que ne se reproduisent les décès de prisonniers qui se ont eu lieu lors d'une grève de gardiens de prison en 2003; sur l'existence ou non d'un mécanisme de contrôle extérieur indépendant des conditions de détention; sur la qualité - très insuffisante selon certains rapports - de l'accueil et de la prise en charge thérapeutique dans les annexes psychiatriques des établissements de santé et des centres carcéraux. Mme Belmir a aussi demandé des précisions sur les garanties juridiques offertes aux personnes détenues dans le cadre de la lutte antiterroriste en Belgique, en particulier en matière d'extradition.

Un autre membre du Comité a souligné que la directive européenne criminalisant les migrants préoccupe particulièrement le Comité contre la torture. Il semble dans ce contexte que les personnes en attente d'une expulsion au titre des dispositions de Schengen sont toutes placées en détention: est-ce le cas en Belgique?

Une experte a relevé que le problème de la surpopulation carcérale est fréquemment lié à d'autres difficultés. La Belgique a-t-elle constaté une recrudescence, de ce fait, de la violence, et notamment de la violence sexuelle, entre détenus? De quels moyens les autorités se sont-elles dotées pour aborder ces problèmes et quelles sont les possibilités pour un prisonnier de porter plainte?

Les victimes de violations de leurs droits en vertu de la Convention contre la torture commises à l'étranger peuvent-elles obtenir réparation en Belgique, a demandé une experte, et est-il possible de déposer dans ce pays une plainte à cet égard contre un État étranger ou ses agents?

Un expert a fait état de l'existence de moyens alternatifs pour lutter contre la longueur excessive des détentions préventives, un facteur du surpeuplement carcéral. Une autre experte a voulu savoir quelles garanties sont offertes aux personnes détenues sans leur consentement dans des établissements psychiatriques.

D'autres questions ont porté sur les châtiments corporels dans les écoles et la violence domestique, et notamment le viol entre époux.



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