Aller au contenu principal

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DU KENYA

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du premier rapport présenté par le Kenya sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport du Kenya a été présenté par la Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles, Mme Martha Karua, qui a déclaré que le pays s'est engagé dans la mise au point d'un plan d'action en matière de droits de l'homme. Ce plan, qui s'accompagne d'un ensemble de mesures pratiques, vise la formulation d'une véritable feuille de route vers la résolution des problèmes rencontrés par le Kenya en matière de droits de l'homme. D'autre part, les autorités ont lancé un programme de réforme générale du secteur judiciaire, dont l'objectif est l'instauration d'un système de gouvernance et d'administration de la justice efficace, juste et propice au respect, à la promotion et à la protection des droits de l'homme. Le Gouvernement a ainsi fermé la prison de Nyayo, tristement célèbre pour les tortures qui y étaient commises par des agents de l'État sur des prisonniers politiques. La loi pénale a été amendée afin de garantir une meilleure protection des justiciables contre les pratiques de torture. En particulier, les interrogatoires doivent désormais se dérouler en présence d'une tierce personne choisie par l'accusé. Enfin, une commission spéciale et des équipes d'enquête ont été chargées de faire la lumière sur les violences commises par des membres des forces de l'ordre lors des troubles qui ont agité le Kenya à la suite des élections de 2007, a indiqué la Ministre.

La délégation kényane était également composée de la Représentante permanente du Kenya auprès des Nations Unies à Genève, Mme Maria Nzomo, et de représentants des Ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, de la justice, ainsi que du parquet général et des autorités de police.

Mme Nora Sveaass, membre du Comité et rapporteuse pour le Kenya, a déclaré que le Comité est conscient des graves difficultés qui ont secoué le Kenya l'an dernier, ainsi que des graves défis auxquels il est confronté dans le domaines social et économique. Elle a constaté qu'aucune définition de la torture conforme à celle de la Convention n'est donnée par les textes juridiques kényans, ce qui empêche théoriquement les poursuites pénales pour ce motif, et risque donc de favoriser une impunité aux conséquences psychiques et sociales très graves. L'irrecevabilité des aveux obtenus par la torture dépend également d'une définition claire de ces actes. Le corapporteur, M.Wang Xuexian, a notamment relevé l'opposition de la police aux visites de la Commission nationale des droits de l'homme sur les lieux de détention. L'expert a relevé que la lecture du rapport donne le sentiment que les femmes kényanes sont toujours les premières victimes des troubles civils, notamment de violences sexuelles.

En fin de séance, la Ministre kényane, indiquant qu'elle ne pourrait être présente à la réunion de demain matin consacrée aux réponses de la délégation, a répondu à certaines questions des experts en observant que si la Constitution kényane interdit effectivement la torture, il appartient au juge de déterminer les actes qui relèvent de ce chef d'accusation, notamment dans les cas de torture psychologique. D'autre part, la Ministre kényane a indiqué qu'il existe un accord politique tacite avec le Gouvernement des États-Unis s'agissant de l'application des statuts de la Cour pénale internationale. À cet égard, le Kenya réévalue à l'heure actuelle sa législation afin d'éviter de se retrouver, à l'avenir, en contravention du droit international. Mme Karua a d'autre part indiqué que, dans le cadre du suivi des troubles de 2007, les forces armées et de police ont été amenées à agir contre des bandes criminelles armées, la responsabilité primaire du maintien de l'ordre revenant à la police. Les accusations crédibles de torture dans ce contexte font l'objet d'enquêtes, a aussi assuré la Ministre.


Cet après-midi à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la Belgique aux questions posées hier matin par le Comité.



Présentation du rapport du Kenya

MME MARTHA KARUA, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Kenya, a déclaré que le pays s'est engagé depuis 2003 dans une série de réformes institutionnelles consistant notamment à mettre au point un plan d'action en matière de droits de l'homme. Ce plan, qui s'accompagne d'un ensemble de mesures pratiques, vise la formulation d'une véritable feuille de route vers la résolution des problèmes rencontrés par le Kenya en matière de droits de l'homme. D'autre part, les autorités ont lancé un programme de réforme générale du secteur judiciaire, dont l'objectif est l'instauration d'un système de gouvernance et d'administration de la justice efficace, juste et propice au respect, à la promotion et à la protection des droits de l'homme. Le Kenya a également pris des mesures concrètes en vue de l'élimination de la torture et autres traitements cruels et inhumains. Le Gouvernement a ainsi fermé la prison de Nyayo, tristement célèbre pour les tortures qui y étaient commises par des agents de l'État sur des prisonniers politiques. Les pouvoirs publics ont d'autre part amendé les lois pénales afin de garantir une meilleure protection des justiciables contre les pratiques de torture. Auparavant, les confessions de personnes soupçonnées de violations du droit pénal étaient obtenues dans les commissariats par des officiers de police subalternes, une situation donnant lieu à des allégations de torture. Désormais, l'accusé doit être présenté à un juge, à un magistrat ou à un officier de police d'un rang supérieur et détaché de l'enquête; seules ces personnes sont autorisées à recueillir les aveux, lors d'interrogatoires devant se dérouler en présence d'une personne tierce choisie par l'accusé. Parmi d'autres mesures concrètes, Mme Karua a indiqué que son pays avait interdit les châtiments corporels. Le Kenya a aussi lancé des réformes dans la formation des forces de l'ordre et des fonctionnaires, l'accent étant mis sur le respect des droits de l'homme et l'interdiction de la torture.

La Ministre de la justice a également indiqué qu'un moratoire de fait sur l'application de la peine de mort est en vigueur depuis février 2003, moratoire accompagné notamment d'une commutation de peine en faveur de 195 condamnés à mort. Le Gouvernement et la Commission nationale des droits de l'homme du Kenya, en collaboration avec les organisations de la société civile, mènent un travail d'éducation auprès des citoyens au sujet des grandes tendances en matière de peine de mort. Le Gouvernement s'attend à ce que ces efforts portent leurs fruits et permettent de convaincre ses citoyens de la nécessité d'accéder au deuxième Protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques. Le Gouvernement a par ailleurs réformé l'organisation des prisons du pays par l'application de programmes de promotion de la bonne gouvernance et des pratiques démocratiques dans la gestion pénitentiaire. Il convient de relever que les prisons kényanes sont désormais ouvertes au regard du public, la Commission nationale des droits de l'homme ayant, par exemple, le droit de visiter sans restriction tous les lieux de détention.

Enfin, un certain nombre des projets mentionnés dans le rapport ont été menés à bonne fin depuis lors. Ainsi, les autorités ont institué un organe civil de surveillance de la police, afin de renforcer les mécanismes de plainte à l'encontre des forces de l'ordre. De même, un Comité permanent chargé de recevoir les plaintes du public contre les fonctionnaires a débuté ses activités; il jouera le rôle d'ombudsman. Le Kenya est, en outre, sensible au problème de la vulnérabilité des femmes et des enfants à certaines pratiques qui peuvent être qualifiées de torture. À cet égard, la loi interdit et sanctionne les mutilations génitales féminines ainsi que les mariages précoces et forcés. De plus, la plupart des commissariats de Nairobi ont ouvert des unités spécialisées dans le traitement des plaintes de victimes de violences sexuelles. Le Procureur général a diffusé, en complément à la loi sur les crimes sexuels, un manuel de référence contenant des lignes directrices et des bonnes pratiques à l'intention des policiers et des magistrats, des médecins, de la société civile et des justiciables au sens large.

Le rapport initial du Kenya (CAT/C/KEN/1) indique que les actes de torture et les autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants constituent des infractions civiles ou pénales dans le pays. La Commission nationale des droits de l'homme est habilitée à exercer une surveillance et à ouvrir des enquêtes sur les cas de violations des droits de l'homme, que ces violations soient ou non commises par des agents de la fonction publique ou à leur instigation. Ces dispositifs permettent de veiller à ce que le Kenya s'acquitte en toutes circonstances des obligations qui lui incombent au titre de la Convention contre la torture. Le Gouvernement applique le principe selon lequel les actes de torture commis par des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions ne doivent pas être tolérés. Lorsque des allégations de torture sont formulées, ce qui se produit souvent, une enquête est ouverte et, si ces allégations s'avèrent fondées, le Gouvernement applique des sanctions et des mesures disciplinaires internes à l'égard des contrevenants et, dans certains cas, engage des poursuites pénales à leur encontre. Les différents actes constitutifs de torture au sens de la Convention entrent dans le champ d'application de diverses lois. C'est notamment le cas des coups et blessures, du viol, de l'attentat à la pudeur et du meurtre, lorsqu'ils sont commis en présence d'un agent de la fonction publique ou perpétrés par un agent de la fonction publique dans l'exercice de ses fonctions. La victime d'actes de torture peut obtenir une indemnisation du Gouvernement en engageant une action civile en réparation. Le Gouvernement, en collaboration avec des partenaires de développement nationaux et internationaux, travaille actuellement à la réforme du programme de formation à l'intention des membres des forces de l'ordre et des agents de la fonction publique afin de mettre l'accent sur les droits de l'homme et l'interdiction de la torture. Il s'efforce ainsi de s'acquitter des obligations qui lui incombent en vertu des différents instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels il est partie.

Le Kenya a pris des mesures législatives pour empêcher que des actes de torture soient commis dans tout territoire sous sa juridiction. Quoiqu'elle interdise la torture, la Constitution du Kenya en donne une définition dont la portée est bien moindre que celle de la définition énoncée à l'article premier de la Convention. Le paragraphe 1 de l'article 74 dispose que nul ne sera soumis à la torture ni à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants. Selon le paragraphe 2, aucune disposition figurant dans une loi ni aucun acte accompli en application de cette loi ne seront considérés comme incompatibles ou en contradiction avec ledit article si la loi en question autorise l'imposition d'une sanction qui était légale au Kenya au 11 décembre 1963. Une exception est néanmoins prévue, à savoir la peine de mort, applicable à certains crimes définis dans le Code pénal tels que le meurtre, la trahison et le vol avec violence. En outre, ni le Code pénal ni le Code de procédure pénale ne comportent de dispositions définissant expressément le crime de torture. Toutefois, les actes constitutifs de torture peuvent être poursuivis, et l'ont d'ailleurs été, sous les qualifications de coups et blessures, d'agression entraînant des lésions corporelles, d'agression entraînant des lésions corporelles graves, de viol, de sévices sexuels, de meurtre, de tentative de meurtre, etc., qui sont définies dans la loi pénale, la loi sur la police et d'autres lois telles que la loi sur l'enfance.

Dans un certain nombre de cas, des agents de la fonction publique ont été inculpés d'actes constitutifs de torture au sens de l'article premier de la Convention et poursuivis devant une juridiction pénale. En outre, certaines victimes de torture ont intenté des actions civiles en réparation et ont été indemnisées par le Gouvernement. Les actions civiles et les actions pénales sont indépendantes. Une victime de torture peut par conséquent intenter une action civile en réparation, que l'auteur présumé des actes constitutifs de torture en question ait été jugé ou non par une juridiction pénale. Dans les cas où les prévenus ont été reconnus coupables, les tribunaux ont fait droit à la demande d'indemnisation des plaignants. En 2003, la Commission nationale des droits de l'homme a été établie par la loi. Elle est dotée de pouvoirs quasi judiciaires pour enquêter sur les violations des droits de l'homme, notamment les cas de torture. Elle est également habilitée à effectuer des visites inopinées dans les prisons et autres lieux de détention tels que les cellules de garde à vue. La Commission a été appelée à dénoncer le fait que l'accès à certains lieux de détention lui avait été refusé et a fait valoir son droit d'accès aux lieux de détention devant la justice. La High Court a confirmé ce droit et le Gouvernement a adressé un avertissement ferme aux fonctionnaires qui ne l'avaient pas respecté.


Observations et questions des membres du Comité

MME NORA SVEAASS, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport du Kenya, a rappelé que le pays a ratifié la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 1997; elle a par conséquent regretté le retard avec lequel est présenté ce rapport initial. Le Comité souhaite à la fois souligner les évolutions positives enregistrées au Kenya en matière de protection des justiciables, tout en pointant les lacunes en matière de mise en œuvre des textes juridiques. Le Comité relève en outre que le Kenya est conscient des progrès qu'il lui reste à accomplir, ce qui est un point positif. De son côté, le Comité est conscient des graves difficultés qui ont secoué le Kenya l'an dernier, ainsi que des graves défis auxquels il est confronté dans les domaines social et économique.

Mme Sveaass a observé que le rapport mentionne une participation très large de la société civile à la rédaction du rapport kényan, et a demandant quels processus de consultation avaient été mis en œuvre à cet égard. L'experte a déploré que le rapport manque d'informations statistiques. Elle a en outre demandé des précisions sur les structures juridiques et administratives mises sur pied pour donner suite aux obligations contractées par le Kenya suite à la ratification de la Convention contre la torture. Dans ce contexte, il apparaît qu'aucune définition de la torture conforme à celle de la Convention n'est donnée par les textes juridiques kényans, ce qui empêche théoriquement les poursuites pénales pour ce motif, et risque donc de favoriser une impunité aux conséquences psychiques et sociale très graves. L'irrecevabilité des aveux extorqués par la torture dépend également d'une définition claire de ces actes. Quelles dispositions sont-elles envisagées à cet égard?

Mme Sveaass a demandé des informations chiffrées sur les procédures visant des actes de torture, le nombre de sanctions prises contre les personnes incriminées et le montant des indemnités accordées aux victimes. L'experte a par ailleurs souligné l'importance des examens médicaux pour la prévention de la torture. Mme Sveaass a demandé quelles dispositions réglementent le traitement des prévenus et les modalités de plainte à leur disposition, et quels mécanismes existent pour empêcher les arrestations arbitraires ou l'usage excessif de la violence par les forces de police. D'une manière plus générale, quels sont les règlements régissant l'action des forces de l'ordre? La Commission nationale des droits de l'homme sera-t-elle tenue informée des enquêtes diligentées contre des membres des forces de l'ordre accusés de torture? Les organisations non gouvernementales du Kenya ont pu apporter des informations au Comité, ce qui est en soi un signal positif, a relevé l'expert. Cependant, Mme Sveaass a voulu savoir quels sont les droits des défenseurs des droits de l'homme, des informations faisant état de difficultés qu'ils rencontrent dans l'exercice de leur mission.

La responsabilité pénale au Kenya est fixée à huit ans, a observé la rapporteuse. Le Kenya a légiféré contre les mariages précoces et les mutilations génitales féminines, ce qui est un bon point, la question étant de savoir quelle est l'efficacité de la législation dans ce domaine. La difficulté matérielle, pour les femmes, réside souvent dans l'existence ou non de moyens de porter plainte et d'être certaine que sa cause sera dûment traitée. Le Kenya enregistre à cet égard un faible nombre de plaintes pour violences sexuelles, a relevé Mme Sveaass.

L'experte a encore demandé des précisions sur le non-refoulement de personnes réfugiées et le cadre juridique permettant aux autorités de se déterminer sur les cas individuels; sur les conditions de l'extradition dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et sur certaines expulsions récentes vers la Somalie et l'Éthiopie; sur les mesures prises pour que la ratification par le Kenya des statuts de la Cour pénale internationale soit suivie d'effet, entre autres.

M. WANG XUEXIAN, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kenya, a salué la concision et la précision du rapport du Kenya, relevant avec satisfaction que ce pays s'est engagé dans d'importantes initiatives en matière de gouvernance et de réformes judiciaires. L'expert a dit l'importance que le Comité accorde à la formation dans la prévention de la torture. La formation aux dispositions de la Convention organisée par les autorités s'adresse-t-elle bien à toutes les personnes et autorités ayant des contacts avec des détenus, et notamment les membres de l'armée, a voulu savoir M. Wang. Relevant que le rapport fait état du surpeuplement des prisons, l'expert a demandé quelles mesures le Kenya compte prendre pour améliorer la situation dans ce domaine.

Dans la pratique, dans quelle mesure la surveillance des prisons est-elle vraiment assurée, a demandé M. Wang, compte tenu de l'opposition de la police aux visites de la Commission nationale des droits de l'homme.

Plusieurs unités de police spécialisées ont été créées pour traiter d'infractions particulières, a relevé le corapporteur. Cependant, le pays ne compte pas d'établissements de détention spécialisés. D'autre part, les familles des justiciables ne sont pas informées des lieux de détention de leurs proches, ce qui ne favorise pas le respect des droits à l'intérieur des prisons, a souligné l'expert. Les formulaires d'examen médical sont désormais disponibles ailleurs que dans les commissariats de police, ce qui est une excellente chose; cependant, il est fait état, dans des rapports indépendants, du prix particulièrement élevé des formulaires (plus de dix euros), a déploré l'expert. Quant aux conditions d'obtention d'aveux, M. Wang a observé que si les nouvelles dispositions sont en principe positives, la question se pose de l'efficacité de leur mise en œuvre.

M. Wang a demandé si les fonctionnaires accusés de violations de la loi pénale sont mis à pied pendant le temps de l'enquête ou s'ils sont au contraire maintenus dans leurs fonctions. Le rapport indique que 405 personnes sont mortes des suites de violence policières. De très nombreuses violences contre des femmes et des fillettes, y compris des viols collectifs, auraient été commises par des policiers lors des troubles qui ont suivi les élections en 2007, a noté l'expert. M. Wang a demandé quelle était la composition de l'organe de surveillance des forces de police et comment était garanti le droit des citoyens non seulement à déposer plainte, mais encore à voir leurs plaintes dûment instruites. Les organisations non gouvernementales disent que les magistrats refusent souvent de tenir compte des certificats médicaux présentés à l'appui de plaintes et l'expert a souhaité obtenir la réaction de la délégation face à cette allégation. Il a aussi souhaité savoir dans quelle mesure les indemnisations dues aux victimes atteignent vraiment les bénéficiaires ou leurs familles.

M. Wang a déclaré qu'on a le sentiment, à la lecture du rapport, que les femmes kényanes sont toujours les premières victimes lors de troubles civils, notamment de violences sexuelles. Enfin, l'expert a voulu savoir si le moratoire sur l'application de la peine de mort avait été annoncé publiquement.


Un autre expert du Comité a demandé si des enquêtes ont été menées à l'encontre des forces de l'ordre à l'issue des troubles civils survenus en 2007, et si des sanctions seront prises contre les personnes reconnues coupables, et lesquelles. Des précisions ont aussi été demandées sur les indemnisations accordées aux victimes d'abus commis par les forces de l'ordre.

Des experts ont insisté sur la nécessité de garantir l'indépendance de la justice ainsi que l'accès à la justice, qui coûte encore beaucoup trop cher pour les couches les moins favorisées de la société kényane. L'assistance juridique gratuite est-elle prévue par la loi, a voulu savoir un autre expert.

Le traitement des plaintes contre des policiers doit se faire avec le plus grand sérieux, afin de ne pas favoriser l'impunité: ce phénomène est flagrant dans le domaine des violences commises contre les femmes, ont déclaré plusieurs experts.

Des experts se sont interrogés sur les difficultés rencontrées pour superviser efficacement le fonctionnement des prisons, étant donné l'attitude encore très réticente de la police à cet égard. Une experte a observé que les prisons kényanes sont surpeuplées, ce qui entraîne une recrudescence des violences commises contre et par des détenus. Un expert s'est en outre étonné de ce que les personnes handicapées détenues ne sont pas autorisées à avoir de prothèses telles des béquilles, par exemple.

Il semble en outre que les dispositions de la Convention en matière de non-refoulement ne soient pas respectées dans les relations du Kenya avec la Somalie, ont relevé des experts, rappelant l'interdiction absolue d'expulsions de groupes.

Des experts se sont inquiétés du sort de M. Abdul Malik, ressortissant kényan mystérieusement détenu à Guantánamo depuis 2007. Sa famille a demandé à la Cour suprême kényane d'accorder sa protection à M. Malik au titre de l'habeas corpus, ce qui a été refusé par la Cour. Cette décision est surprenante dans la mesure où la citoyenneté kényane de M. Malik est établie.

Une experte a souligné la nécessité d'interdire les mutilations génitales féminines et la polygamie, et ce même dans un contexte musulman. D'autres interrogations ont porté sur la justice pour les mineurs au Kenya et sur l'organisation du parquet, sur l'application du droit de la famille aux personnes appartenant à des groupes ethniques différents, sur la ratification des instruments internationaux relatifs à la traite des êtres humains et sur l'interaction des tribunaux islamiques avec les instances laïques.

Réponse préliminaire du chef de délégation

MME MARTHA KARUA, Ministre de la justice et des affaires constitutionnelles du Kenya, indiquant qu'elle ne pourrait être présente à la réunion de demain matin consacrée aux réponses de la délégation, a répondu à certaines questions des experts en observant que si la Constitution kényane interdit effectivement la torture, il appartient au juge de déterminer les actes qui relèvent de ce chef d'accusation, notamment dans les cas de torture psychologique.

La Ministre kényane a par ailleurs indiqué qu'il existe un accord politique tacite avec le Gouvernement des États-Unis s'agissant de l'application des statuts de la Cour pénale internationale. À cet égard, le Kenya réévalue à l'heure actuelle sa législation afin d'éviter de se retrouver, à l'avenir, en contravention du droit international. Mme Karua a par ailleurs déclaré qu'un projet de loi était soumis au Parlement, afin d'intégrer dans la législation nationale les dispositions du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

S'agissant du suivi des troubles qui ont suivi les élections de 2007, les forces armées et de police ont été amenées à agir contre des bandes criminelles armées, la responsabilité primaire du maintien de l'ordre revenant à la police, a assuré la Ministre, les forces armées n'ayant fourni qu'un appui aux forces de police.

En ce qui concerne les allégations figurant dans le rapport de la Commission nationale kenyane des droits de l'homme, elle a relevé que la Commission a fait une déclaration générale selon laquelle que 500 ont été exécutées, sans apporter de précisions sur ces allégations. Des enquêtes internes sont en cours qui ont permis de confirmer des informations, notamment grâce à des membres des familles qui se sont présentés.

Mme Karua a aussi indiqué que la Commission nationale kenyane des droits de l'homme a le droit, reconnu par la loi, d'effectuer des visites dans tous les lieux de détention. Elle a toutefois reconnu que la Commission a rencontré des difficultés pour accéder à certains de ces lieux de détention, et elle a d'ailleurs soulevé la question directement avec la Ministre. À son avis, il s'agit d'établir des relations de travail entre ces deux instances, mais Mme Karua a réitéré que cet accès n'est pas une question de choix, mais bien de droit.

Répondant à des questions sur les détenus qui sont encore en attente de l'exécution de la peine de mort, Mme Karua a indiqué que, bien qu'il n'y ait pas eu d'annonce officielle d'un moratoire, aucune exécution n'a eu lieu au Kenya depuis 1987.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT08034F