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COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION À L'ÉGARD DES FEMMES:
AUDITION D'ONG

Compte rendu de séance

Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes a tenu, cet après-midi, une réunion publique informelle avec les représentants d'organisations non gouvernementales qui ont fourni des informations concernant des pays dont les rapports seront examinés jusqu'à la fin de la présente session, à savoir Bahreïn, El Salvador, le Myanmar et le Portugal. Aucune organisation n'était présente s'agissant du rapport de Madagascar, qui sera examiné vendredi prochain.

Divers intervenants ont dénoncé le fait que même lorsque des lois existent qui ont pour but de lutter contre la discrimination à l'égard des femmes, celles-ci ont de la peine à être appliquées dans les faits. Ils ont aussi relevé des difficultés à lutter efficacement contre la violence domestique ou sexuelle à l'encontre des femmes s'agissant de Bahreïn, d'El Salvador et du Myanmar. Les représentantes d'organisations non gouvernementales ont mis l'accent sur la violence sexuelle institutionnelle déployée par le Gouvernement de Myanmar afin de faire régner la terreur au sein de la population. Les organisations non gouvernementales de Bahreïn ont pour leur part mis l'accent sur la précarité des travailleurs domestiques, en majorité des femmes. S'agissant du Portugal, c'est la discrimination en matière d'emploi qui a suscité le plus de commentaires. En outre, il a été relevé que la Convention est peu connue par la population, mais aussi parmi les parlementaires et au sein de l'appareil judiciaire.

Suite aux présentations des organisations non gouvernementales, un dialogue s'est déroulé avec les experts du Comité concernant la situation dans les pays concernés.

Une représentante du Bureau du Procureur des droits de l'homme d'El Salvador a déclaré que la violence contre les femmes prend des proportions préoccupantes dans son pays et cela d'autant plus que les auteurs agissent en toute impunité, entre autres à cause de moyens d'enquête insuffisants. Le Gouvernement devra s'investir d'avantage et reconnaître que cette forme de violence ne constitue pas une question d'ordre privé mais un problème d'ordre public.


Le Comité se réunira en salle XVI, le jeudi 30 octobre à partir de 10 heures, pour examiner le rapport de Bahreïn (CEDAW/C/BHR/2).



Aperçu des déclarations d'organisations non gouvernementales

Sur Bahreïn

Une représentante de l'Union des femmes de Bahreïn, au nom de 21 organisations, a dénoncé l'absence de code de la famille dans le pays, qui créé une lacune législative préjudiciable aux femmes, ainsi que la faible participation des femmes dans la vie politique, la loi sur la nationalité qui interdit à la femme de transmettre sa nationalité, ainsi que la violence contre les femmes. Une étude a montré que 43% des femmes bahreïniennes seraient soumises à la violence domestique, a indiqué la représentante.

Une représentante de l'Association des jeunes femmes bahreïniennes a déclaré que la participation politique des femmes en politique est négligeable. La loi électorale doit être modifiée pour adopter un système de représentation proportionnelle et placer les femmes éligibles au sommet des listes des partis. Le chiffre actuel de travailleurs domestiques à Bahreïn s'élève à environ 62 000, dont la majorité sont des femmes. Leur exclusion du droit du travail de Bahreïn a conduit à la privation de leurs droits, aux violences, à la rétention de leurs passeports, à des conditions de servitude involontaire et à un climat de non-droit et de violence. La législation du Bahreïn ne leur procure pas une protection satisfaisante.

Sur El Salvador

Une représentante du Comité sur la parité de la confédération des syndicats a souligné que les mesures adoptées par l'État pour éliminer la discrimination ne sont pas assorties d'un mécanisme national pour collecter des informations, notamment sur le cas de femmes décédées de causes violentes. Elle a aussi dénoncé la méconnaissance du phénomène du trafic des personnes, et l'indifférence aux nombreux cas d'harcèlement sexuel sur les lieux de travail ou de formation, sans que cela soit reconnu par la législation. La représentante a aussi dénoncé les atteintes au droit des femmes à l'éducation à cause des insuffisances du système éducatif qui se traduit par un taux élevé d'abandon.

Sur le Myanmar

Une représentante des Femmes karen de Birmanie, au nom de 44 organisations de femmes, a dénoncé la militarisation du régime. Ce régime, qui est composé uniquement d'hommes, renforce le patriarcat par sa structure même. Cela se fait sentir dans toutes les couches de la société, comme de l'administration. La santé et l'éducation constituent la partie pauvre du budget du régime, alors que la défense absorbe 40% du budget. Toute participation féminine se limite à celle, toute cosmétique, de quelques femmes de généraux. Au cours de la «révolution safran», des moines et nonnes ont été arrêtés et des manifestantes ont été soumises à des violences et humiliations à caractère sexiste avec la bénédiction du régime. La représentante a par ailleurs souligné que l'ouragan Nargis a frappé 500 000 personnes, et encore une fois, les femmes sont désavantagées au moment de la distribution du peu d'aide qui est parvenu aux victimes.

Une représentante du Réseau d'action des femmes shan a déclaré que la violence sexuelle est utilisée comme technique pour soumettre la population, en particulier les minorités ethniques. Un rapport récent a permis d'illustrer qu'il s'agit d'une véritable pratique systématique du régime et que les viols ne sont pas fait d'agresseurs isolés. En outre, confrontées à une situation de pauvreté extrême, de nombreuses femmes et jeunes filles ont migré et s'avèrent très vulnérable au trafic et aux abus en tout genre.

Une représentante du Projet Arakan a attiré l'attention du Comité sur les conditions de vie des minorités musulmanes. Les personnes de l'ethnie Meringa sont considérées comme étant apatrides; on leur refuse l'accès à l'éducation supérieure, ils sont assignés à résidence dans des localités précises et sont empêchés de se marier sans autorisation spéciale, qui ne sont concédées qu'en contrepartie de pots de vin. Les contacts sexuels hors mariage sont sanctionnés par des peines allant jusqu'à 10 ans de prison. Les femmes célibataires qui tombent enceintes se font alors avorter dans des conditions précaires ou abandonnent leurs enfants. Cette persécution concerne les musulmans dans le nord du pays et vise à contrôler les naissances d'une ethnie et est par définition discriminatoire.


Sur le Portugal

Une représentante de la Plateforme portugaise pour le droit des femmes a attiré l'attention sur l'évolution positive que représente la dépénalisation récente de l'avortement et le système de quotas pour les élections. Néanmoins, des points noirs sont à noter; elle a ainsi décrit la faiblesse organisationnelle et financière des organisations non gouvernementales qui ont pour objectif d'appuyer les droits de femmes. En outre, la discrimination contre les femmes risque être diluée dans la lutte contre d'autres formes de discrimination. Dans le domaine de la santé reproductive, la planification familiale reste difficilement accessible pour une grande partie de la population, et de nombreux médecins refusent de pratiquer des avortements, alors que la loi les y autorise. La représentante a par ailleurs souligné la faible participation des femmes à la vie politique. Les femmes ont encore des difficultés à obtenir les mêmes types de postes que les hommes, à niveau de formation équivalent. Ce sont toujours les femmes qui supportent le fardeau de l'éducation des enfants et des inégalités dans la formation persistent.

Renseignements complémentaires

Interrogées sur la participation des organisations non gouvernementales à la préparation du rapport, les organisations non gouvernementales du Bahreïn ont indiqué que ces organisations été invitées à se prononcer, mais n'ont pas participé à la rédaction du rapport proprement dit. Les organisations portugaises ont indiqué ne pas avoir été consultées.

Les organisations non gouvernementales d'El Salvador n'on pas non plus été invitées à participer à l'élaboration du rapport. Quant à la diffusion des informations sur les activités du Comité, elle n'est pas considérée comme prioritaire par le Gouvernement, qui se concentre surtout sur la lutte contre la violence. Une enquête a été menée sur le niveau de connaissance des parlementaires et de la population, qui a permis de constater que la Convention est très peu connue. Les organisations non gouvernementales luttent pour faire mieux connaître ces travaux et la possibilité d'adresser des plaintes au Comité.

Au sujet du Myanmar, les organisations n'ont pas été associées à l'élaboration du rapport. Il existe toutefois un rapport parallèle portant sur la mise en œuvre de la Convention qui est en voie d'élaboration. Ce rapport a fait l'objet d'ateliers avec la société civile et les groupes de femmes, y compris de groupes œuvrant le long de la frontière, ce qui a permis de recueillir des informations de région reculées du pays.

Répondant à des questions au sujet de Bahreïn, les organisations non gouvernementales ont expliqué que la raison pour laquelle aucun code de la famille n'a été introduit est l'opposition des religieux. Le nombre de divorces est en augmentation, entraînant de profondes souffrances, mais aucun dialogue n'a été mené avec les religieux afin de rapprocher la loi des besoins de la société civile. Toutes les femmes mariées ou non doivent faire face à la violence du mari ou de sa famille élargie. Il faut donner une meilleure protection juridique aux femmes, en cas de viol notamment.

Les organisations non gouvernementales bahreïniennes ont ajouté que les travailleurs domestiques sont invisibles; leurs passeports sont confisqués, ils subissent des violences psychologiques et physiques, des confinements; le renouvellement de leur emploi dépend du bon vouloir du l'employeur.

À Bahreïn, l'égalité théorique existe, mais l'inégalité est subie dans les faits quotidiennement en dépit des lois. L'État a lancé des bourses d'études pour se donner une bonne image, mais cela masque la réalité. Quant à la représentativité des femmes le système de vote du Bahreïn devrait être réformée afin d'apporter une véritable égalité.

La structure sociale à Bahreïn fait que les crimes d'honneur ne sont pas un grand problème. Une jeune fille qui aurait enfreint les bonnes mœurs sera prise en charge par la famille, mais les crimes de sang dans ce contexte sont pratiquement inconnus, ont indiqué les ONG.

La traite des femmes étrangères, forcées à se prostituer, existe à Bahreïn et se pratique dans des hôtels, des lieux auxquels les organisations non gouvernementales ont difficilement accès. Il est difficile de distinguer entre celles qui se sont prostituées volontairement et celles qui ont été forcées. L'accès à ces femmes est refusé aux associations de femmes, qui n'ont donc pas de contact avec elles. Les autorités prétendent qu'elles sont bien traitées, ce que l'on peut mettre en doute, a déclaré la représentante d'une organisation non gouvernementale.

Au sujet d'El Salvador, interrogées sur le harcèlement sexuel, les ONG ont souligné qu'il n'y a pas de condamnations en raison de la difficulté de fournir des preuves. Les femmes hésitent aussi à porter plainte par crainte de perdre leur travail.

S'agissant de Myanmar, les organisations non gouvernementales ont précisé qu'une loi sur la traite a été adoptée en 2005 mais qu'aucun effort n'est véritablement fait pour lutter contre le phénomène. La police n'est pas formée et ne fait pas la différence entre traite et contrebande. Dans les faits, ce sont les femmes victimes qui sont en danger de souffrir de représailles si elles reviennent chez elles. La violence sexuelle est utilisée comme une arme pour soumettre les populations en faisant régner la terreur.

S'agissant des suites de l'ouragan Nargis, les organisations non gouvernementales ont souligné la difficulté d'obtenir des informations sur le terrain car il existe de nombreux points de contrôle afin d'empêcher tout contact. S'agissant des arrestations depuis la «révolution safran», les militants de droits de l'homme sont empêchés d'avoir des contacts avec leurs familles et il y a encore des cas d'arrestations et de disparitions.

Sur le Portugal, interrogées sur l'«objection de conscience» consentie aux médecins refusant de pratiquer les avortements, les organisations non gouvernementales ont expliqué que les hôpitaux publics ont le devoir de trouver des médecins qui fournissent ce service. Elles ont ajouté que la loi est trop récente pour juger de la fréquence des cas de refus. Quant à la violence à l'égard de femmes, des plaintes peuvent être déposées aux commissariats de police et il existe un numéro de téléphone d'urgence. Des refuges pour femmes battues existent mais sont en nombre insuffisant, d'autant plus que certains logent aussi des sans–abris. Aucune formation spécifique n'est prévue pour les juges qui ne savent souvent pas comment aborder le problème.

La discrimination en matière d'emploi continue: la maternité est un véritable fardeau pour les femmes actives dans la mesure que les employeurs persistent à demander aux femmes quels sont ses projets familiaux lors des entretiens d'embauche. Le congé parental existe pour les hommes mais peu d'hommes les prennent.

Déclaration du Bureau du Procureur des droits de l'homme d'El Salvador

MME RAQUEL CABALLERO, du Bureau du Procureur des droits de l'homme d'El Salvador, a déclaré que le problème de la violence contre les femmes dans le pays demeure, aggravé par l'impunité. L'État devrait mettre en place une législation et des unités spécialisées auprès de la police et de l'appareil judiciaire pour lutter contre l'impunité dans la violence commise à l'encontre des femmes. Aucune statistique fiable n'existe, par exemple sur les cas des «féminicides». L'Assemblée nationale manifeste toujours un manque de volonté évident pour ratifier le Protocole facultatif, qui serait pourtant important pour faire avancer l'égalité entre les hommes et des femmes. Il est nécessaire de légiférer afin d'assurer une meilleure représentativité des femmes. C'est le devoir de l'État de représenter tous ces citoyens; or force est de constater que certains le sont d'avantage que d'autres aujourd'hui. Le fait que les femmes assurent un double fardeau entre le travail professionnel et familial semble être considéré comme un état normal par le Gouvernement. Il est nécessaire d'évaluer la contribution véritable des femmes à la vie économique en tenant compte du travail non rémunéré effectué par elles. Il semble efficace de créer un véritable ministère des droits des femmes.

À la question d'une membre du Comité, Mme Caballero a répondu qu'il n'existe pas de mécanisme spécifique de mise en œuvre, ce qui fragilise la mise en œuvre de la Convention et du Protocole facultatif. La Cour constitutionnelle ne voyait pas d'objection à la ratification du protocole, mais les milieux conservateurs catholiques ont beaucoup d'influence et s'y sont opposés. Aucune volonté politique véritable n'existe pour mener ce travail à bien, ce qui est également le cas pour Convention sur les droits des enfants à cause des aspects touchant aux droits reproductifs



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CEDAW08024F