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LE COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT EXAMINE LES RAPPORTS DE LA TANZANIE
SUR L'APPLICATION DES DEUX PROTOCOLES FACULTATIFS

Compte rendu de séance

Le Comité des droits de l'enfant a examiné aujourd'hui les rapports initiaux présentés par la Tanzanie en vertu du Protocole facultatif sur les enfants dans les conflits armés et du Protocole facultatif sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

La délégation de la Tanzanie, dirigée par Mme Margaret Simwanza Sitta, Ministre des communautés, du développement, de l'égalité entre les sexes et de l'enfance, a indiqué que le bien-être des enfants est une préoccupation constante pour les autorités. Le Gouvernement a notamment adopté une nouvelle loi sur le travail et une loi sur la protection des enfants contre les pires formes de travail y compris l'exploitation sexuelle. Malgré ses progrès, a admis la Ministre, la Tanzanie reste confrontée à de nombreux défis, notamment la pauvreté, qui touche trois quarts de la population. La taille du pays et la faiblesse de se infrastructures font qu'il est difficile d'atteindre chaque enfant; les manque de ressources humaines et financières affectent la collecte des données, la gestion des programmes de sensibilisation et la fourniture d'abris en nombre suffisant. Cependant, la volonté politique existe en Tanzanie de respecter les droits des enfants, a assuré la Ministre, appelant la communauté internationale et le Comité à aider le pays dans ses efforts.

La délégation tanzanienne était composée de plusieurs représentants du Ministère des affaires étrangères, du Ministre des communautés, du développement, de l'égalité entre les sexes et de l'enfance, du Ministère de la défense, du Ministère du travail, de la jeunesse et de la condition des femmes et des enfants, du Ministère de la santé et des affaires sociales, ainsi que des autorités régionales de Zanzibar. La délégation a répondu aux questions des membres du Comité portant notamment sur les modalités de l'adoption internationale, la lutte contre la traite, la protection des enfants victimes de violations de leurs droits et la coordination entre l'action des autorités régionales.

M. Jean Zermatten, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Tanzanie sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, a observé que ce pays est confronté à des difficultés de taille et à une forte proportion d'enfants dans sa population. La Tanzanie a ratifié de nombreux instruments internationaux de protection des droits de l'enfant, mais des questions demeurent dans le domaine de la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif. La question de la coordination se pose également, compte tenu du grand nombre de ministères impliqués dans la concrétisation des engagements pris et de la dualité entre les autorités centrales et locales. M. Zermatten a recommandé que des statistiques centralisées soient établies pour permettre de dénombrer les enfants soldats fuyant des conflits dans les pays voisins et entrant en Tanzanie pour y chercher asile.

Mme Agnes Aidoo, rapporteuse chargée du rapport de la Tanzanie sur la question de la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, s'est dite encouragée par les mesures et engagements pris par la Tanzanie pour se conformer à ses obligations au regard du Protocole facultatif. Cependant, il faut considérer que le manque de preuves, imputable aux carences dans le domaine statistique, ne signifie pas qu'il n'existe pas de difficultés. Les enfants ne peuvent pas attendre que toutes les ressources nécessaires soient trouvées: la volonté politique, manifeste en Tanzanie, doit d'abord aboutir à des réalisations concrètes dans le domaine législatif et réglementaire, a souligné Mme Aidoo.

Le Comité adoptera, en séance privée, des observations et recommandations sur les rapports de la Tanzanie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le vendredi 3 octobre juin.


La Tanzanie était le dernier à présenter des rapports au cours de la présente session du Comité, qui terminera ses travaux le vendredi 3 octobre en rendant publiques ses observations finales sur tous les rapports examinés depuis le 15 septembre dernier.


Présentation des rapports de la Tanzanie sur les deux Protocoles facultatifs

MME MARGARET SITTA, Ministre des communautés, du développement, de l'égalité entre les sexes et de l'enfance de la Tanzanie, a indiqué que le rapport présenté par son pays a été rédigé en consultation avec de nombreuses parties intéressées, étatiques et non étatiques, un processus dirigé par son propre ministère. Le bien-être des enfants est une préoccupation constante pour les autorités de la République-Unie de Tanzanie, compte tenu notamment du fait que les moins de 18 ans constituent la moitié de la population. Le Gouvernement a mis en place un cadre juridique pour la protection des enfants contre toutes les formes d'exploitation. Il a ainsi adopté une nouvelle loi sur le travail, une loi sur la protection des enfants contre les pires formes de travail, y compris l'exploitation sexuelle. La loi sur la traite des êtres humains de 2008 interdit l'exploitation de toutes les personnes, y compris les enfants. Le Gouvernement a également mis en place une Stratégie nationale de croissance et de réduction de la pauvreté, visant à lutter contre l'exploitation des enfants, et la Stratégie nationale d'élimination du travail des enfants. Un plan d'action de prévention de la violence contre les femmes et les enfants (2001-2015) a également été mis en œuvre. Les pouvoirs publics mettent en œuvre des mesures juridiques dans le domaine de la justice pour mineurs. Ils agissent en outre dans le domaine éducatif, l'accent étant mis notamment sur la scolarisation des fillettes ou sur leur réinsertion scolaire en cas d'échec.

Le Gouvernement a formé une Commission indépendante des droits de l'homme et de la bonne gouvernance chargée du contrôle du respect des droits de l'homme, en particulier ceux des enfants. La police nationale a créé une unité composée de femmes dont la mission est d'enquêter sur les violences commises contre les femmes et les enfants. Concernant le Protocole facultatif sur l'implication d'enfants dans les conflits armés, les autorités ont porté l'âge d'enrôlement à 18 ans, une condition vérifiée au moment du recrutement. La Tanzanie est confrontée au problème des mineurs non accompagnés demandeurs d'asile, en provenance d'autres pays en conflit de la région des Grands Lacs. Dans ce contexte, la Tanzanie collabore étroitement avec le Haut-Commissariat aux réfugiés en vue de la réinsertion des enfants soldats dans la société. Par ailleurs, le Gouvernement a pris des mesures pour lutter contre la traite des êtres humains. En collaboration avec l'Organisation internationale des migrations, il a mis sur pied un programme de sensibilisation à l'intention des fonctionnaires de l'État et, dans le cadre des mesures de protection de l'enfance, s'est engagé à éliminer les pires formes de travail de l'enfant d'ici à 2010.

Malgré ces progrès, a admis la Ministre, la Tanzanie reste confrontée à de nombreux défis, notamment la pauvreté, qui touche trois quarts de la population. La taille du pays et la faiblesse de ses infrastructures font qu'il est difficile d'atteindre chaque enfant; les manque de ressources humaines et financières ont une incidence sur la collecte des données, la gestion des programmes de sensibilisation et la fourniture d'abris en nombre suffisant. Cependant, la volonté politique existe en Tanzanie de respecter les droits des enfants, a assuré la Ministre, appelant la communauté internationale et le Comité à aider son pays dans ses efforts.

Le rapport initial de la Tanzanie sur Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés (CRC/C/OPAC/TZA/1) indique que la Tanzanie est un pays en paix dans une région troublée. Aucun groupe armé ne conduit d'opérations sur son territoire ou à partir de celui-ci. Depuis son indépendance, la République-Unie de Tanzanie n'a pris part à un conflit armé qu'une seule fois, en 1979. Bien qu'elle n'ait pas une grande expérience des conflits armés, elle a néanmoins fait preuve de son attachement au droit international humanitaire relatif aux conflits et a signé ou ratifié plusieurs conventions fondamentales, notamment le Protocole facultatif en application duquel le présent rapport a été rédigé. Le Gouvernement tanzanien, en collaboration avec le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, administre conjointement un lieu destiné à séparer les personnes qui mènent des activités subversives des réfugiés, afin de préserver le caractère civil et humanitaire des zones réservées à ces derniers. En novembre 2004, la Tanzanie a adhéré sans réserve au Protocole facultatif concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés. La Tanzanie étant un pays de common law, les traités internationaux doivent être expressément incorporés en droit interne pour entrer en vigueur (système dualiste). Cela se fait par la promulgation d'un texte législatif «indépendant» ou plus souvent par une «modification conséquente» de la législation existante. Le Gouvernement doit encore incorporer certains textes du droit international humanitaire (notamment la Convention relative aux droits de l'enfant et ses protocoles facultatifs) dans son droit interne et il étudie les modalités appropriées pour ce faire. Il s'emploie également à mettre en place un comité international humanitaire qui sera chargé de veiller au respect des obligations prévues par le droit international humanitaire, y compris les Protocoles facultatifs à la Convention.

Bien que la législation autorise, dans des circonstances exceptionnelles, l'enrôlement de personnes âgées de moins de 18 ans, dans la pratique cela ne s'est jamais produit et aucun membre des Forces de défense populaires de Tanzanie (Tanzania People Defence Forces, TPDF) n'a moins de 18 ans. Les Forces de défense sont composées exclusivement d'engagés et il n'y a pas de conscription. Aucun établissement scolaire n'est placé sous leur administration. Au vu des effets dévastateurs des mines antipersonnel sur les enfants, la Tanzanie a ratifié la Convention d'Ottawa en 2002. Les organismes chargés de la mise en œuvre du Protocole facultatif sont le Ministère de la défense et du service national, le Ministère chargé du développement local, de l'égalité des sexes et de l'enfance et le Ministère de la justice et des affaires constitutionnelles. Le Protocole facultatif a été diffusé et une formation appropriée a été dispensée aux groupes professionnels concernés. Le présent rapport a été élaboré en consultation avec les principales parties prenantes, notamment des organismes et institutions de l'État, des organisations non gouvernementales, des organisations internationales et des enfants.

Le rapport initial de la Tanzanie sur le Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/TZA/1) indique que la plupart des dispositions énoncées dans le Protocole facultatif ont déjà été incorporées dans la législation de la Tanzanie continentale et de Zanzibar. En vertu des lois de la Tanzanie, la traite de toutes les personnes, y compris les femmes et les enfants, est interdite, tout comme la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants. Cependant, les dispositions en vigueur ne contiennent pas de définitions précises et ne couvrent pas tous les éléments et formes du trafic, de la prostitution et de la pornographie énumérés soit dans ce protocole, soit dans d'autres protocoles internationaux. De plus, il n'existe pas de voies de recours juridique: bien que la traite des personnes constitue une infraction pénale depuis 1998, aucune affaire de traite n'a été portée devant les tribunaux à ce jour. La Tanzanie continentale a cependant élaboré un nouveau projet de loi très complet contre la traite des personnes qui doit être soumis à l'Assemblée nationale d'ici à la fin de 2006. Les mécanismes de coordination en place pour la défense des droits de l'enfant ne sont pas adaptés et que les responsabilités en matière de protection de l'enfant ont été dispersées entre différents ministères et il a été proposé que soit créé un organe national qui coordonne toutes les initiatives menées à tous les niveaux pour défendre les droits de l'enfant. L'une de ses principales tâches sera de mettre en place un mécanisme en vue de l'évaluation périodique de la mise en œuvre de la Convention et de ses protocoles facultatifs.

Certaines des infractions énumérées dans le Protocole facultatif sont déjà couvertes par le droit interne et les responsables de l'application des lois et les juristes les connaissent donc bien. Le Gouvernement s'est efforcé de mieux sensibiliser les intéressés et il a organisé des rencontres périodiques entre parties prenantes sur les initiatives de lutte contre la traite. Un projet de lutte contre la traite appuyé par les États-Unis vise à renforcer les capacités institutionnelles en prévision de la création d'une équipe spéciale chargée de la lutte contre la traite et de la formation des organisations non gouvernementales compétentes, des responsables de l'application des lois, des procureurs, des juges et des services d'aide aux victimes.

Le rapport indique par ailleurs que, dans les affaires portant sur des délits sexuels, les audiences doivent obligatoirement être privées. La loi interdit également de rendre publics les preuves ou des renseignements personnels sur les témoins. En vertu de la loi et du décret relatifs à la preuve, toutes les personnes, y compris les enfants, sont considérées comme des témoins compétents. La Tanzanie s'est engagée à éliminer les pires formes de travail des enfants d'ici à 2010. Le Programme assorti de délais pour la suppression des pires formes de travail des enfants est coordonné par l'Organisation internationale du travail dans le cadre du Programme international pour l'élimination du travail des enfants et il est axé sur l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et sur les services domestiques. Les enfants soustraits à une exploitation sexuelle à des fins commerciales ont besoin d'être réadaptés et ils bénéficient de services d'orientation ainsi qu'une éducation de base ou d'une formation aux compétences pratiques pour pouvoir exercer des activités génératrices de revenus. Pour garantir la mise en œuvre efficace du Programme pour la suppression des pires formes de travail des enfants, la Tanzanie a mis en place une Commission nationale de coordination intersectorielle qui est chargée d'approuver et de coordonner les activités de projet des partenaires. Le Gouvernement a en outre formé une commission de surveillance du travail des enfants au niveau des districts chargée de superviser la mise en œuvre du programme dans les districts et les communautés.

Examen du rapport sur l'implication d'enfants dans les conflits armés

Questions et observations des membres du Comité

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Tanzanie sur les enfants dans les conflits armés, a observé que ce pays est confronté à des problèmes de taille et à une proportion très importante d'enfants dans la population. La Tanzanie a ratifié de nombreux instruments internationaux de protection des droits de l'enfant, s'est félicité M. Zermatten. Des questions demeurent dans le domaine de la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif. La Tanzanie doit adopter des lois assurant l'application de ces dispositions. La question de la coordination se pose également, compte tenu du grand nombre de ministères impliqués dans la concrétisation des engagements pris et de la dualité entre les autorités centrales et locales.

Le rapporteur a relevé des difficultés dans l'application de l'obligation de fixer l'âge minimal du recrutement à 18 ans, du fait que des exceptions peuvent être consenties à ce principe, et que des «circonstances exceptionnelles» - mal définies - puissent le suspendre. Par ailleurs, le très faible taux d'inscription des naissances ouvre la brèche à des recrutements de jeunes de moins de 18 ans, étant donné la difficulté de déterminer l'âge des enfants. En outre, la Tanzanie n'a pas criminalisé le recrutement d'enfants, une exigence posée par le Protocole facultatif.

M. Zermatten a recommandé que des statistiques centralisées soient établies pour permettre de dénombrer les enfants soldats fuyant des conflits dans les pays voisins et entrant en Tanzanie pour y chercher asile. Quelles mesures sont-elles prises en faveur du désarmement et du rapatriement de ces enfants, a demandé le rapporteur?


Plusieurs membres du Comité ont souligné la nécessité de disposer de statistiques fiables et relevé à cet égard le problème de l'enregistrement des naissances au niveau national (18%). Une experte a demandé si les autorités prévoyaient le déploiement d'unités d'enregistrement mobiles, par exemple.

La mise en œuvre des deux Protocoles facultatifs dépend d'une coordination difficile entre les ministères concernés et les acteurs non étatiques, comme des experts l'ont relevé à la lecture du rapport. Des précisions ont été demandées sur la création et les attributions, le mandat et les ressources de la «Commission des droits de l'enfant» qu'évoque le rapport de la Tanzanie. Un expert a relevé que le territoire continental de la Tanzanie et l'île de Zanzibar gèrent, chacun, certains aspects précis de la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif: quelles mesures communes sont-elles prises pour informer et former les forces armées nationales, a-t-il été demandé?

La Commission tanzanienne des droits de l'homme a-t-elle compétence sur le pouvoir militaire et peut-être diligenter des enquêtes de sa propre initiative, a voulu savoir un expert. Un expert a voulu savoir quelles mesures sont prises en matière de lutte contre la diffusion des armes de petit calibre et que fait la Tanzanie pour réinsérer dans la société les enfants victimes de recrutement forcé.

Des questions ont aussi porté sur la publicité faite autour de la Convention et de ses Protocoles facultatifs et sur l'information donnée, à ce sujet, aux enfants eux-mêmes.


Réponses de la délégation

La délégation a répondu aux questions du Comité en faisant savoir notamment que la loi prévoit que l'âge de l'enrôlement est fixé à 18 ans et qu'un comité a été désigné par l'État-major pour assurer l'application de ce principe au niveau du recrutement. Elle a précisé qu'il ne s'est jamais produit de «circonstances exceptionnelles» justifiant le recrutement d'enfant de moins de 18 ans.

Par ailleurs, la Tanzanie ne connaît pas de groupes armés sur son territoire. Le cas échéant, ces groupes seraient en infraction avec la Constitution et seraient sanctionnés au plan pénal. Un expert du Comité ayant observé qu'un citoyen tanzanien recrutant à l'extérieur du territoire national ne serait pas punissable au regard de la Constitution, la délégation a précisé que son pays a signé le Statut de la Cour pénale internationale, ce qui résout le problème.

Les campagnes de recrutement volontaire sont annoncés par la presse au niveau des régions, qui présentent chacune un certain nombre de candidats. Les autorités militaires contrôlent les diplômes, les certificats de santé et l'âge des candidats avant de leur faire passer l'examen d'entrée.

La loi tanzanienne interdit l'exportation d'armes vers des pays où des enfants participent à des conflits armés, a indiqué la délégation. La loi s'applique aussi au transit d'armes à destination de ces pays. Les forces armées tanzaniennes escortent les convois d'armes vers les pays destinataires, autorisés à recevoir ces armes.

Les conventions internationales signées par la Tanzanie sont appliquées par le biais d'une adaptation de la loi nationale. Plusieurs ministères sont concernés par ces dispositions juridiques. Un Comité humanitaire a été mis sur pied pour veiller à la transposition des textes internationaux au plan national. Le Comité humanitaire a déjà commencé d'amender les lois existantes sur les enfants pour les aligner sur les conventions internationales. Répondant à des questions de suivi du Comité, la délégation a indiqué que le Gouvernement a engagé une réforme juridique générale après consultation avec ses partenaires, l'approche retenue étant celle de l'amendement progressif des textes. La préparation d'une loi autonome sur l'enfance n'est pas abandonnée pour autant, a-t-il été précisé.

La Commission tanzanienne des droits de l'homme est mandatée pour enquêter sur toute violation des droits des enfants, a précisé la délégation. Elle peut se saisir d'allégations de recrutement d'enfants dans les forces armées. La coordination entre le Comité de la jeunesse et la Commission nationale des droits de l'enfant étant difficile, il est question de créer une Commission générale de suivi de toutes les questions relatives à l'enfance. Cette commission aurait un statut supérieur à celui des ministères. Actuellement, la coordination est assurée au niveau local, le suivi étant assuré jusqu'au niveau des ménages.

La rédaction du rapport a impliqué tous les ministères ainsi que les partenaires internationaux de la Tanzanie, le Fonds des nations Unies pour l'enfance et l'Organisation internationale du travail, et la société civile, organisations non gouvernementales comprises, a fait valoir la délégation. La Tanzanie organise des «Conseils régionaux de l'enfance» chargés d'informer les enfants de leurs droits. L'enseignement des droits de l'homme et des droits des enfants est assuré au niveau de l'école secondaire.

Pour améliorer l'enregistrement des naissances, l'Agence nationale de l'enregistrement mène des campagnes de sensibilisation quant à l'importance de l'inscription à l'état-civil. Actuellement, la durée de la procédure a été réduite à deux semaines, contre plus de trois mois auparavant. L'Agence dispose d'antennes au niveau des districts mais n'est pas encore en mesure de déployer des unités mobiles.

La Tanzanie accorde, avec l'appui du Haut-Commissariat aux réfugiés, un soutien psychologique et des mesures de réinsertion aux enfants soldats réfugiés sur son sol. Le pays éprouve des difficultés à fournir les données ventilées dont elle dispose au sujet des enfants et leur statut, notamment au regard de leur participation à des conflits armés, a précisé la délégation. Les enfants qui arrivent en tant que réfugiés sont traités comme tels; à titre d'enfants, ils reçoivent des services d'éducation et de santé, a fait valoir la délégation.

Répondant à des questions du Comité sur grande violence à caractère sexuel dans les camps de réfugiés, la délégation a assuré que les autorités assurent la protection physique des personnes réfugiées accueillies dans des camps. Cependant, la violence est un phénomène social qui frappe aussi les réfugiés, comme le reste de la société.

Observations préliminaires

M. JEAN ZERMATTEN, rapporteur du Comité, s'est félicité de la volonté affirmée du Gouvernement de la Tanzanie de mettre sa législation en conformité avec le droit international, ainsi que de la promulgation d'une loi sur l'enfance. Il s'est aussi félicité de la volonté de la Tanzanie de faire en sorte que toutes les personnes de moins de 18 ans soient exclues du recrutement, et des bons résultats initiaux de l'agence d'enregistrement des naissances. Des progrès restent à faire cependant, notamment la criminalisation du recrutement de mineurs et le recensement des enfants soldats réfugiés en Tanzanie.


Examen du rapport sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants

Questions et observations des membres du Comité

MME AGNES AIDOO, rapporteuse du Comité pour le rapport de la Tanzanie sur le Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, a rappelé que la Tanzanie est un grand pays, aussi grand que la France et l'Allemagne réunis, bénéficiant d'une forte participation communautaire et d'une volonté politique de protection des droits de l'enfant. La Tanzanie, qui connaît la paix depuis longtemps, a offert ses services pour la promotion de la paix, par exemple en accueillant le Tribunal pénal international pour le Rwanda, a rappelé Mme Aidoo. La Tanzanie connaît une croissance économique soutenue. La question qui se pose est celle de la traduction de cette croissance en une amélioration de l'éducation, de la santé et de la protection des enfants. À cet égard, on peut relever, entre autres aspects positifs de l'action des autorités de la Tanzanie, son activité législative dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, la révision des lois sur le travail.

Au chapitre des préoccupations, Mme Aidoo a déploré que des données statistiques sur les violations des droits des enfants ne soient pas recueillies. Le volet statistique des rapports est déterminant pour l'évaluation des difficultés et pour la prise de décisions adaptées, a souligné la rapporteuse. Elle a par ailleurs relevé des problèmes dans la définition des crimes commis contre les enfants, des précisions devant être apportées dans la rédaction du Code pénal. Mme Aidoo a aussi regretté qu'aucune information n'ait été donnée sur le calendrier d'application du Plan d'action national pour la mise en œuvre de l'ensemble des dispositions du Protocole facultatif. Des progrès ont été réalisés dans le domaine de l'information au sujet de la Convention et des Protocoles facultatifs, a dit Mme Aidoo, même si la diffusion du Protocole facultatif devrait être renforcée avec l'aide des organisations non gouvernementales. Ainsi, la traduction de cet instrument en kiswahili devrait être adaptée à l'intention des enfants. La rapporteuse a encore demandé des précisions sur les moyens budgétaires et humains dégagés pour la mise en œuvre du Protocole facultatif.

Mme Aidoo a observé que le rapport ne donne aucune information sur les mesures de sensibilisation s'agissant des crimes que constituent la vente d'enfants, la prostitution d'enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, qui sont pourtant l'objet même du Protocole facultatif. Ceci est d'autant plus préoccupant que les chiffres montrent l'existence d'un grave problème de vente d'enfants, notamment de filles de certaines régions côtières, dans les grandes villes, en tant qu'employés domestiques. En outre, on signale une augmentation du nombre des violences commises contre les femmes et les filles, notamment le viol, ainsi que des assassinats rituels d'enfants albinos. Quelles mesures le Gouvernement adopte-t-il pour contrecarrer ces tendances et quelles stratégies met-il en œuvre pour susciter un environnement favorable à l'application de mesures pénales contre les auteurs de crimes et de mesures de réinsertion au bénéfice des enfants victimes?

La rapporteuse a aussi relevé que le rapport mentionne la difficulté de coordonner l'action en faveur des enfants et la fragmentation des responsabilités à cet égard. Le Gouvernement a proposé la création dans ce contexte d'un organisme chargé de la coordination entre les parties prenantes concernées, y compris les médias. Mme Aidoo a souhaité savoir quels seront le mandat et les attributions exacts de cet organisme. Les assistantes sociales sont-elles informées des dispositions du Protocole facultatif et de la Convention, a demandé Mme Aidoo, voulant enfin des précisions sur l'ampleur du phénomène de la traite des enfants.


Un autre membre du Comité a demandé s'il existait un système pénal commun à Zanzibar et à la partie continentale de la Tanzanie, ou deux systèmes distincts. Les définitions de la vente et de la traite d'enfants que donne le Protocole facultatif sont très claires mais ne semblent pas prévues par la Tanzanie. Le même problème est évident en matière de pornographie impliquant des enfants. Un autre expert a relevé que, faute de système adéquat, les enfants victimes ne peuvent pas être protégés des crimes à leur encontre. Existe-t-il par ailleurs un mécanisme de réinsertion des enfants victimes de la vente d'enfants, a demandé l'expert.

Un expert a demandé dans quelle mesure la Commission aux droits de l'homme est saisie des plaintes d'enfants victimes de crimes, notamment de traite d'êtres humains et de prostitution - notamment à Dar-es-Salam - impliquant des enfants, couverts par le Protocole facultatif. Le Comité a reçu des informations faisant état de poursuites lancées contre des enfants victimes de ces actes.

Quel est le statut de l'enfant témoin dans une procédure pénale, a en outre demandé un expert. Les textes prévoient-ils à cet égard une protection particulière pour éviter une nouvelle victimisation de l'enfant, par exemple grâce au recours à des témoignages par vidéo? Existe-t-il un droit à réparation prévu par la loi, a aussi voulu savoir l'expert?

Une experte a demandé quelles mesures prend le Gouvernement pour s'assurer la participation des médias à ses campagnes de sensibilisation au sujet des droits des enfants. D'autres questions ont porté sur le degré de participation des enfants aux mesures de protection les concernant.

Une experte a voulu savoir si la Tanzanie avait ratifié la Convention de La Haye sur les adoptions internationales.

Il semble que les auteurs de violations des droits des enfants bénéficient d'une impunité de fait, a observé une experte. Dans quelle mesure la police est-elle informée des obligations de la Tanzanie en matière de protection des enfants?

Un expert a observé que la loi tanzanienne ne prévoit pas, en l'état, la possibilité de poursuivre un auteur résidant à l'étranger de violations des droits d'un enfant tanzanien. Dans ce contexte, comment est-il possible de coordonner les lois portant sur la lutte contre la vente des enfants, ont demandé des experts du Comité. Une experte a observé que si les autorités nationales ratifient le Protocole facultatif et la Convention, la mise en œuvre doit être le fait des deux autorités (continent et Zanzibar) et le rapport devrait refléter les démarches faites en ce sens. Or, le rapport est muet à ce sujet. Par exemple, quelles sont les dispositions existantes pour faire en sorte que les auteurs d'une infraction à Zanzibar puissent être poursuivis sur le territoire continental, le cas échéant, a demandé l'experte?

Réponses de la délégation

Répondant aux questions des membres du Comité, la délégation a d'abord indiqué que son gouvernement est pleinement conscient de l'esprit et de la lettre du Protocole facultatif et de ses responsabilités à cet égard. Les retards dans la ratification des instruments internationaux pertinents sont dus d'une part à un manque de moyens, d'autre part à la nécessité de mener un travail préparatoire complexe. La Tanzanie peut sans aucun doute être félicitée de son action, a estimé la délégation, compte tenu de ses efforts d'intégration du droit international dans sa législation nationale.

La collecte de statistiques en Tanzanie est encore lacunaire, a admis la délégation, indiquant que des bases de données sont en cours d'élaboration selon les directives du Protocole facultatif. La Tanzanie s'est par ailleurs efforcée de respecter le format du rapport, a dit la délégation, regrettant de n'y être pas complètement parvenue.

La Tanzanie a adopté, ou est en train d'adopter, des amendements législatifs propres à assurer pleine protection des droits des enfants, a assuré la délégation, indiquant notamment que les autorités adopteraient des définitions des délits conformes à celles du Protocole facultatif.

En matière de formation, la Tanzanie a commencé de diffuser, dans onze régions sur 26, le contenu du Protocole facultatif et de la Convention. Seul le manque de moyens ralentit cette démarche. Les fonctionnaires de la police, de la justice et de l'action sociale sont les premiers concernés par la formation. Les soldats envoyés en mission de maintien de la paix sont très bien informés des dispositions du Protocole facultatif; les conscrits par contre ne bénéficient pas encore de cette formation.

Les budgets nationaux seront désormais établis en tenant compte des ressources nécessaires à la mise en œuvre des droits des enfants, sous la direction d'un Groupe de travail chargé de cette tâche, a fait valoir la délégation.

La délégation tanzanienne a indiqué ne disposer d'aucune information officielle concernant des cas de traite d'enfants, et s'est dit prête à collaborer avec les institutions ayant connaissance de tels faits. Les pouvoirs publics combattent le travail domestique des enfants en menant des campagnes de sensibilisation auprès des familles. Les familles consentant ou favorisant le mariage précoce de leurs enfants sont punissables au plan pénal, a-t-il aussi été précisé. Une action de sensibilisation accompagne ces mesures de répression.

Le Gouvernement aussi mené des recherches sur les raisons des assassinats d'enfants albinos. Un groupe de travail a été chargé de l'action dans ce domaine.

Au sein de la République-Unie de Tanzanie, le Protocole facultatif est soumis à des modalités d'application différentes entre le continent et Zanzibar. Cependant, les autorités concernées se concertent pour harmoniser leur action dans ce domaine. La Commission des droits de l'homme et de la bonne gouvernance dispose de représentations à Zanzibar et sur le continent.

Les enfants victimes de violations de leurs droits au titre du Protocole facultatif sont secourus et bénéficient de mesures de protection et de réintégration, a assuré la délégation. À Zanzibar, les enfants issus de familles monoparentales bénéficient d'une protection renforcée. Un expert du Comité ayant relevé que les enfants victimes de prostitution sont accusés plus souvent que les vrais responsables - les souteneurs - la délégation a assuré que les lois sur les infractions sexuelles prévoient la poursuite des auteurs des infractions. L'enfant victime bénéficie de mesures de protection dans le cadre des procédures pénales, prévoyant notamment la confidentialité du témoignage. Le Fonds des nations Unies pour l'enfance s'est associé aux autorités tanzaniennes pour mettre sur pied une ligne téléphonique d'urgence accessible aux enfants, a ajouté la délégation.

Un policier coupable de violation de droits de l'enfant ne bénéficie pas de l'impunité, a assuré la délégation, comme en témoigne l'inculpation récente d'un haut fonctionnaire de police. De plus, une unité spécialisée dans le traitement des plaintes des femmes et des enfants a été mise sur pied.

Les modalités de l'adoption ont été définies par la Cour supérieure de la Tanzanie, qui s'assure aussi de leur respect. Le critère qui s'applique toujours est celui de l'intérêt supérieur de l'enfant. Les Ministères de la santé et des affaires sociales sont chargés des enquêtes. Toutes les mesures sont prises pour empêcher qu'un enfant soit vendu à des fins d'adoption, a assuré la délégation. Par ailleurs, la Tanzanie respecte la Convention de La Haye, sans l'avoir encore ratifiée, en ce sens qu'elle exige que les candidats à l'adoption résident dans le pays, de manière à rendre possible l'enquête à leur sujet, a précisé la délégation. Les autorités veillent à ce que les enfants tanzaniens adoptés se retrouvent entre de bonnes mains.

En réponse à la question d'un expert, la délégation a indiqué qu'un étranger qui se livrerait à la traite d'enfants à partir de la Tanzanie serait bien poursuivi par le droit tanzanien en vertu de la loi concernant la traite de personnes. Les adoptions à but lucratif sont exclues en Tanzanie, a-t-il été précisé, compte tenu de la surveillance exercée par les autorités.

Le Gouvernement de l'Union traite des affaires nationales, a précisé la délégation en réponse à des interrogations sur l'organisation administrative de la Tanzanie. Le gouvernement de Zanzibar dispose de compétences autonomes dans le domaine judiciaire notamment, l'organisation des tribunaux étant également séparée. Cependant, les lois tanzaniennes s'appliquent indifféremment à toutes les personnes résidant sur le territoire national. Les justiciables peuvent faire appel, en dernier recours, à la Cour suprême de l'Afrique de l'Ouest, qui chapeaute trois États de la région. Répondant aux questions sur les différences dans la mise en œuvre des dispositions du Protocole facultatif par les autorités du continent et de Zanzibar, la délégation a expliqué que les activités des deux autorités sont coordonnées par un groupe interministériel, qui organise des rencontres et des échanges d'expériences réguliers. À l'issue de ces réunions, des rapports sont élaborés au niveau national, qui servent de base à l'action législative et réglementaire. Sur le terrain, la situation peut varier quelque peu entre les deux administrations. Cependant, la volonté d'agir pour le respect des droits de l'enfant est commune à toutes les autorités.

Le réseau de travailleurs sociaux est bien implanté jusqu'au niveau local, a indiqué la délégation en réponse à des questions du Comité. Les organisations non gouvernementales jouent également un rôle en matière sociale au contact des populations. Elles s'occupent en particulier des orphelins du VIH/sida, un grave problème en Tanzanie, au sujet duquel le Gouvernement a aussi lancé un programme avec des organisations religieuses.

Les autorités municipales de Dar-es-Salam se sont en effet engagées dans le «nettoyage» du fléau de la prostitution, a indiqué la délégation en réponse à une observation du Comité.

La Tanzanie connaît en outre le problème des enfants de la rue, qui sont recueillis et bénéficient de mesures de réinsertion, a-t-il été indiqué.

La délégation a indiqué que la traduction et l'adaptation de la Convention en swahili, afin de la rendre plus facile d'accès aux populations concernées, comme il a été suggéré par deux experts, sont des démarches en cours avec le concours de l'UNICEF. Le problème réside encore une fois dans le manque de ressources nécessaires à l'échelle du pays.

Observations préliminaires

MME AGNES AIDOO, rapporteuse, s'est félicitée de la franchise du débat et des informations reçues par le Comité. Les experts aiment examiner les problèmes rencontrés par les États sous plusieurs angles et soumettre des recommandations sur cette base. La délégation s'est dite prête à prendre acte de certaines de ses recommandations, ce qui est encourageant, tout comme les mesures et engagements pris par la Tanzanie pour se conformer à ses obligations au regard du Protocole facultatif. Cependant, il faut considérer que le manque de preuves, imputable aux carences dans le domaine statistique, ne signifie pas qu'il n'existe pas de difficultés. Le Comité espère donc que ses conclusions contribueront à améliorer le processus de coordination entre les autorités du continent et celles de Zanzibar. Les enfants ne peuvent pas attendre que toutes les ressources nécessaires soient trouvées: la volonté politique, manifeste en Tanzanie, doit, dans un premier temps, aboutir à des réalisations concrètes dans le domaine législatif et réglementaire, a fait valoir Mme Aidoo.

Conclusion par la délégation

MME MARGARET SIMWANZA SITTA, Ministre des communautés, du développement, de l'égalité entre les sexes et de l'enfance, a remercié les membres du Comité de leurs remarques constructives et rappelé l'engagement de son Gouvernement à faire appliquer ses recommandations et tenir compte de ses observations. La Tanzanie a mis en place à cet égard des bases de données qui lui permettront de mieux cerner les problèmes auxquels il est confronté. Le Gouvernement de la Tanzanie tiendra pleinement compte des recommandations du Comité dans l'élaboration de ses politiques en faveur des enfants, a assuré la Ministre.


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