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LE COMITÉ DES MIGRANTS TIENT UNE TABLE RONDE POUR CÉLÉBRER LE CINQUIÈME ANNIVERSAIRE DE L'ENTRÉE EN VIGUEUR DE LA CONVENTION

Compte rendu de séance

Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a tenu, ce matin, une table ronde consacrée à la célébration du cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Animée par M. Prasad Kariyawasam, membre du Comité et ancien Président, cette table ronde a notamment porté son attention sur les questions ayant trait à l'urgence d'une approche de la migration se fondant sur le respect des droits de l'homme dans le contexte de la mondialisation. Elle s'est aussi penchée sur l'importance de la Convention, sur sa pertinence face aux défis actuels des phénomènes migratoires, sur son utilité comme outil de politique migratoire des États parties, sur les perspectives s'agissant de la ratification de la Convention et sur l'action à mener à cet égard.

Des présentations ont été faites par des représentants du Bureau international du travail, de l'Université de Lausanne, de l'Organisation internationale des migrations, ainsi que des Philippines, de l'Équateur, de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture et de l'organisation non gouvernementale Décembre 18 – Centre international de plaidoyer et de ressources sur les droits humains des travailleurs migrants.

Un intervenant a relevé que la Convention est l'instrument international relatif aux droits de l'homme le moins ratifié. Deux types d'obstacles peuvent être évoqués: certains, fondamentaux, sont de nature économique, dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue entre économies développées et moins développées; d'autres, plus politiques, ont trait à la souveraineté des États et à la lutte contre l'immigration irrégulière.

La meilleure façon d'encourager les pays d'accueil à ratifier la Convention est de leur faire comprendre que les travailleurs migrants contribuent au développement de leurs sociétés, a-t-il été souligné au cours de la discussion.

Le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a pour sa part souligné que des études attestent qu'il n'y a pas d'arguments qui puissent s'opposer à la ratification de la Convention et que cette ratification dépend d'une volonté politique. La Convention reste l'instrument le plus complet qui garantisse les droits des travailleurs migrants dans tout le processus des migrations, que ce soit dans le pays d'accueil, de transit ou d'origine. La Convention accorde également des droits, qui sont des droits fondamentaux, aux travailleurs irréguliers, a rappelé le Président du Comité. Au regard de la croissance des migrations au niveau mondial et de la dynamique que connaît le débat international sur les migrations, la Convention est un instrument d'avenir, a fait valoir M. El Jamri.

M. Kariyawasam a quant à lui rappelé que le Forum mondial sur les migrations et le développement qui doit se tenir prochainement aux Philippines fournira l'occasion d'ancrer une approche de ces questions qui soit fondée sur les droits des travailleurs migrants.


Cet après-midi, à 15 heures, le Comité se penchera précisément sur les questions en rapport avec le prochain Forum mondial sur les migrations et le développement, qui doit se tenir à Manille au mois d'octobre prochain.


Aperçu des débats

M. ABDELHAMID EL JAMRI, Président du Comité, a souligné que des études menées attestent qu'il n'y a pas d'arguments allant à l'encontre d'une ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, de sorte que la ratification de cet instrument procède d'une volonté politique. La Convention reste l'instrument le plus complet qui garantisse les droits des travailleurs migrants dans tout le processus des migrations, que ce soit dans le pays d'accueil, de transit ou d'origine. La Convention accorde également des droits, qui sont des droits fondamentaux, aux travailleurs irréguliers, a rappelé le Président du Comité.

Tout en se défendant de faire une quelconque apologie d'une ratification partielle, M. El Jamri a rappelé qu'il existe un système de réserve et que les États peuvent s'engager dans une ratification progressive avant d'en arriver à une ratification totale.

La contribution des travailleurs migrants est largement reconnue: ils sont producteurs de richesses, régulateurs du marché de l'emploi dans leur pays d'origine et beaucoup de pays d'accueil les utilisent comme régulateurs de leur croissance démographique, a par ailleurs souligné M. El Jamri.

Au regard de la croissance des migrations au niveau mondial et de la dynamique que connaît le débat international sur les migrations, la Convention est un instrument d'avenir, a conclu le Président.

M. PATRICK TARAN (Bureau international du travail), intervenant au sujet de l'urgence d'une approche de la migration se fondant sur le respect des droits dans le contexte de la globalisation, a indiqué qu'aujourd'hui, 200 millions de personnes vivent en dehors de leur pays de naissance ou du pays dont ils sont originaires. Au total, 95 millions de ces personnes sont actives du point de vue économique, a-t-il précisé. À l'ère de la mondialisation, des tendances sont combinées pour faire de la mobilité un élément essentiel de la prospérité mondiale, a souligné M. Taran. Dans les pays vieillissants, a-t-il ajouté, les migrations permettent de compenser le déclin du nombre de personnes en âge de travailler. Les migrations sont un des rares éléments clefs permettant d'assurer un futur stable; elles constituent la seule variable pouvant être ajustée de manière significative.

L'un des défis qui se posent a trait à la tension qui existe entre l'impératif d'égalité de traitement pour tous dans nos sociétés et la pression compétitive énorme qui aboutit à exploiter des populations vulnérables, a souligné M. Taran.

Aux États-Unis, 37% de la main-d'œuvre est considérée comme étant une main-d'œuvre bon marché; en Allemagne, ce taux serait de 43% et il serait de 34% pour la Suède, selon le Financial Times, a indiqué M. Taran. Les travaux effectués par les migrants sont «sales, dangereux et dégradants» (les 3D, en anglais: dirty, dangerous and degrading), a-t-il ajouté.

Aussi, se pose la question du marché de travail à deux vitesses, a poursuivi M. Taran. Vers quelle société allons-nous? Quelle société voulons-nous et quelle société construisons-nous, s'est-il interrogé? Dans ce contexte, il convient d'insister sur l'aspect du bien-être du travailleur. Les droits de l'homme, y compris les droits économiques, sociaux et culturels, sont inaliénables et universels, a rappelé le représentant du BIT.

MME MARIE-CLAIRE CALOZ-TSCHOPP (Université de Lausanne), qui a consacré son intervention à l'importance de la Convention, a d'emblée mis deux questions en relief, qui consistent à s'interroger sur quel emploi et quelle productivité sont souhaités. Pour que la Convention prenne sens, il faut que le cadre de l'ONU se renforce et, bien sûr, que la Convention soit signée et appliquée. L'étape actuelle de la mondialisation installe l'instabilité, la précarité et le chaos que les financiers aiment beaucoup plus que les travailleurs, a poursuivi Mme Caloz-Tschopp. Dans ce contexte, le contenu et le sens du travail changent, a-t-elle souligné. Les travailleurs humains deviennent des services voire des choses, a par ailleurs fait observer Mme Caloz-Tschopp. Les travailleurs deviennent de simples prestataires de services, a-t-elle insisté.

En conclusion, Mme Caloz-Tschopp a tenu à mettre l'accent sur la contradiction fondamentale entre la finitude de l'expansion capitaliste et la finitude de la planète Terre. Elle a en outre déploré le déni de toute anthropologie politique alors qu'il conviendrait de redéfinir la place de l'être humain sur Terre, en passant de l'«homo economicus» à l'homme global.

M. RYSZARD CHOLEWINSKI (Organisation internationale des migrations – OIM), examinant la pertinence de la Convention pour les défis actuels des migrations, a relevé qu'avec l'amélioration de la ratification de la Convention et un début de mise en œuvre, les choses ont quelque peu changé en ce qui concerne les droits des travailleurs migrants. Cette Convention est tout à fait pertinente, a-t-il déclaré.

M. Cholewinski a attiré l'attention sur la précarité des conditions auxquelles sont soumis les travailleurs migrants, qui occupent des emplois de plus en plus précaires et de courte durée. La Convention n'établit aucune distinction en fonction de la qualification des travailleurs migrants, a-t-il rappelé. Les travailleurs peu qualifiés sont ceux qui ont le plus besoin de protection car ce sont eux qui sont le plus exposés au risque d'être exploités, a souligné M. Cholewinski. Les plus vulnérables d'entre tous sont les travailleurs migrants clandestins. Dans ce contexte, il est important d'envisager la régularisation des clandestins, a-t-il affirmé. Les droits fondamentaux ne sont pas négociables, a rappelé M. Cholewinski.

M. Cholewinski a par ailleurs plaidé en faveur d'une sensibilité accrue aux droits de l'homme dans la manière dont sont traitées les questions de migration et s'est réjoui qu'une telle sensibilité émane des travaux du Forum mondial sur les migrations et le développement.

Au cours de la discussion qui a suivi ces présentations, un intervenant a fait observer que, dans un contexte d'urbanisation croissante à travers le monde, les travaux sales, dangereux et dégradants sont également acceptés par des migrants nationaux internes. Aussi, conviendrait-il de voir quel instrument pourrait être appliqué pour protéger les droits de ces personnes. Pour ces migrants internes, peut-être ne convient-il pas de trouver de nouvelles normes, mais plutôt des modalités de mise en œuvre des normes existantes, a-t-il été estimé.

Les travailleurs migrants sont tous des êtres humains qui ont des droits fondamentaux et une liberté inaliénables, a-t-il été rappelé. Le cadre des droits de l'homme peut contribuer à l'harmonisation des démarches face aux migrations, a fait observer un intervenant.

Le Comité reste ouvert à toute interpellation de la part des États parties s'agissant de toute question ayant trait à l'interprétation d'une quelconque disposition de la Convention, a indiqué le Président du Comité.

Les représentants du Liechtenstein, du Mexique et de Sri Lanka ont pris la parole dans le cadre de ce débat.

Abordant une seconde étape de la discussion, en se penchant plus particulièrement sur l'utilité de la Convention comme outil de politique migratoire dans la perspective des États parties, M. DENIS Y.LEPATAN (Philippines) a d'emblée demandé à tous les pays qui ne l'ont pas encore fait de ratifier la Convention. Cette Convention est un outil fondamental pour la promotion et la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il s'agit d'un outil puissant pour les politiques migratoires mises en place aux Philippines - important pays fournisseur de main-d'œuvre à travers le monde.

Les migrations sont un phénomène temporaire et l'on s'attend à ce que les travailleurs migrants rentrent en fin de compte dans leur pays, a rappelé M. Lepatan. Aux Philippines, a-t-il indiqué, un décret de 1995 a rendu obligatoire pour les autorités philippines de fournir aux travailleurs migrants des conseils ainsi que des informations sur leurs droits, afin d'éviter, par exemple, qu'ils ne soient soumis à des engagements illégaux, des trafics ou de la contrebande. Les Philippines ont adopté une démarche de partenariat avec les différents ministères des affaires étrangères et du travail des pays qui accueillent des travailleurs migrants philippins, a par ailleurs indiqué M. Lepatan. Il existe un Centre national de réintégration pour les Philippins de l'étranger qui rentrent au pays, a-t-il ajouté. Quels que soient les avantages économiques qui peuvent être retirés des revenus des travailleurs migrants, la politique migratoire des Philippines est ancrée dans le souci de protéger les droits de l'homme des travailleurs migrants, a souligné M. Lepatan.

M. CARLOS SANTOS (Équateur) a pour sa part rappelé que l'Équateur est à la fois un pays d'origine et d'accueil de travailleurs migrants. Il a fait état de la création, en Équateur, d'un secrétariat national des travailleurs migrants chargé de gérer toutes les questions en rapport avec les migrations. Un plan de retour des émigrants intitulé «Bienvenue chez vous» a également été mis en place, a-t-il ajouté. M. Santos a indiqué qu'environ 10% de la population active équatorienne a choisi de travailleur à l'étranger; il s'agit généralement de personnes bien formées que les autorités encouragent à revenir dans le pays. L'Équateur ne ménage aucun effort pour prévenir tout trafic de travailleurs migrants, a-t-il fait savoir. Malgré sa situation économique complexe, l'Équateur a également été le récepteur d'importants flux migratoires, a ajouté M. Santos.

Évoquant les perspectives pour la ratification de la Convention, M. ANTOINE PÉCOUD (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture – UNESCO) a relevé que la Convention est, de tous les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, celui qui est le moins ratifié par les États. Deux types d'obstacles peuvent être évoqués: certains, fondamentaux, sont de nature économique, dans un contexte de mondialisation et de concurrence accrue entre économies développées et moins développées; d'autres, plus politiques, ont trait à la souveraineté des États et à la lutte contre l'immigration irrégulière.

M. Pécoud a par ailleurs relevé que la scolarisation des enfants de migrants est un problème dans nombre de pays. Comme pour bien d'autres questions, la Convention dit un certain nombre de choses à cet égard, a-t-il souligné.

La ratification de la Convention implique avant tout une prise de conscience par le pays concerné; or, certains pays ne se considèrent pas comme des pays d'immigration, en dépit de données objectives pourtant incompatibles avec une telle perception.

M. RENÉ PLAETEVOET (Décembre 18 – Centre international de plaidoyer et de ressources sur les droits humains des travailleurs migrants), s'est penché sur l'action pour la ratification de la Convention. Il a rappelé que le premier objectif de son organisation est d'œuvrer à la promotion de la ratification universelle de la Convention. M. Plaetevoet a souligné que les actions en faveur de la ratification de la Convention sont généralement associées à la célébration de la Journée internationale pour les migrants, le 18 décembre. Il a notamment fait part des actions menées dans cette optique au Québec (Canada), aux États-Unis, au Bangladesh, en France. Dans ce dernier pays, a-t-il précisé, a été mise en place une plate-forme intitulée «Migrant, pas esclave» regroupant plusieurs organisations de la société civile. Aucun membre de l'Union européenne ne ratifiera unilatéralement la Convention, a souligné M. Plaetevoet; en témoignent les propos tenus en octobre dernier par le Ministre français des affaires étrangères qui affirmait que la France ne pourrait agir seule parce que les politiques d'asile et de migration sont dans une large mesure établies par l'Union européenne. M. Plaetevoet a relevé l'émergence d'une politique européenne des migrations axée sur le soutien aux migrations légales, sur la lutte contre l'emploi de migrants irréguliers et sur des partenariats de mobilité favorisant la migration dite circulaire. Le représentant a plaidé en faveur du lancement d'une campagne européenne, après les élections européennes de l'an prochain, afin de parvenir à une ou plusieurs ratifications ou signatures d'États européens d'ici le 18 décembre 2010 (dixième anniversaire de la Journée internationale des migrants).


Au cours de la discussion qui a suivi ces présentations, un intervenant a relevé que chacun est d'accord pour dire qu'il y a besoin de mener une campagne active afin de promouvoir la ratification de la Convention. Aussi, a-t-il été suggéré que le secrétariat inscrive une telle campagne dans le cadre des autres campagnes de ratification d'instruments internationaux.

Les migrants devraient être considérés comme un facteur permettant de réunir les pays et non le contraire, a souligné un représentant. Aussi, faut-il s'efforcer de mener des actions afin de faire comprendre aux États que les travailleurs migrants permettent de cimenter les liens entre pays.

Un intervenant a déploré la tendance croissante à criminaliser l'immigration, faisant observer qu'une telle tendance va à l'encontre des droits de l'homme, et notamment de la liberté de circulation. Il vaudrait mieux rechercher les moyens de respecter et promouvoir les droits des travailleurs, qu'ils soient migrants ou non, a souligné l'intervenant.

La meilleure façon d'encourager les pays destinataires (pays d'accueil) à ratifier la Convention est de leur faire comprendre que les travailleurs migrants contribuent au développement de leurs sociétés, a souligné l'orateur.

Le racisme prégnant au niveau mondial est un élément qui influence de manière négative les possibilités de ratification de la Convention, a-t-il également été souligné.

Sont intervenus les représentants des pays suivants: Bolivie, Sri Lanka, Turquie, Mexique. Un représentant de la Commission internationale catholique sur les migrations est également intervenu.

En conclusion, l'animateur de la table ronde, M. Kariyawasam, a souligné que les travailleurs migrants peuvent créer des liens entre les pays et les peuples et créer la prospérité pour tous et pour tous les pays. La Convention pourrait être l'outil permettant d'atteindre cet objectif tout en protégeant les travailleurs, a-t-il souligné.

Le Président du Comité, M. El Jamri, a pour sa part pris acte de l'accroissement considérable des migrations, y compris les migrations temporaires et clandestines. La mondialisation tend à fluidifier le travail, ce qui rend les travailleurs migrants particulièrement vulnérables, a-t-il fait observer. La question de la ratification de la Convention est surtout politique, a de nouveau souligné le Président du Comité.


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