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COMITÉ DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS: AUDITION D'ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES ET INTERNATIONALES

Compte rendu de séance

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a procédé cet après-midi à l'audition de représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, ainsi que d'organisations non gouvernementales qui ont fourni des renseignements sur la question de la mise en œuvre des droits économiques, sociaux et culturels dans les pays qui présentent un rapport au cours de la présente session.

Des représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture ont déclaré que la stratégie de l'UNESCO en matière de droits de l'homme tient compte d'une série de droits qui intéressent également le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, au nombre desquels le droit la liberté d'expression et de recherche et de partager l'information. C'est pourquoi l'Organisation s'intéresse de près aux travaux du Comité. L'UNESCO vient d'adopter un plan d'action pour célébrer le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, axé notamment sur l'éducation aux droits de l'homme.

Des représentants d'organisations non gouvernementales se sont exprimés sur divers aspects de la situation des droits économiques, sociaux et culturels en Belgique, au Costa Rica et au Paraguay. La situation dans ce dernier pays a donné lieu à des échanges avec les membres du Comité. Les organisations non gouvernementales ont dans ce contexte demandé aux autorités paraguayennes de prendre des mesures pour renforcer la jouissance de leurs droits économiques, sociaux et culturels par les populations autochtones et par la petite paysannerie.


Le Comité reprendra ses travaux demain matin à 10 heures, pour entamer l'examen du rapport périodique du Costa Rica (E/C.12/CRI/4).



Dialogue avec des représentants de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture

M. VLADIMIR VOLODINE (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) a déclaré que la stratégie de l'UNESCO dans le domaine des droits de l'homme tient compte d'une série de droits qui intéressent également le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, au nombre desquels le droit la liberté d'expression et de recherche et de partager l'information. C'est pourquoi l'Organisation s'intéresse de près aux travaux du Comité. L'UNESCO vient d'adopter un plan d'action pour célébrer le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, axé notamment sur l'éducation aux droits de l'homme. L'UNESCO souhaite examiner plus avant la question du droit de bénéficier du progrès scientifique et de ses applications (article 15, alinéa b du Pacte). En 2008 et 2009, des réunions seront organisées sur ce thème pour préparer des documents qui seront ensuite soumis au Comité.

M. KISHORE SINGH (Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture) a informé les membres du Comité du résultat de plusieurs réunions organisées par l'UNESCO ces derniers mois: réunion d'experts sur le droit à l'éducation, avec une analyse de l'application de ce droit et la formulation de recommandations; une réunion d'experts sur le droit à l'éducation gratuite; adoption de mesures et directives harmonisées de l'UNESCO sur le modèle des organes Conventionnels des Nations Unies. D'autre part, l'UNESCO a poursuivi ses efforts pour aider les États à réaliser le droit à l'éducation, en Afghanistan et aux Îles Fidji notamment.

M. EIBE RIEDL, membre du Comité, s'est félicité de l'appui de l'UNESCO aux travaux du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, notamment dans le domaine du droit à bénéficier des progrès scientifiques. Il a observé que le droit à l'éducation primaire est un domaine particulièrement important, grâce auquel il sera possible d'approfondir les relations entre les deux instances.

Audition d'organisations non gouvernementales

Costa Rica

MME CAROLINE DOMMEN (3DThree) s'est exprimée sur les effets des accords commerciaux sur la jouissance des droits de l'homme, estimant que le Comité peut jouer un rôle important à cet égard. En ce qui concerne le droit de propriété intellectuelle, il faut noter que le Costa Rica a lancé un référendum sur l'adhésion de ce pays à l'Accord de libre-échange de l'Amérique du Nord (ALENA). L'adhésion a été acceptée de justesse par le peuple. Il faut comprendre que les modalités d'application de ce traité (en cours d'examen par le Parlement) auront des conséquences sur les conditions des populations rurales et qu'il exigera des changements de régime de propriété intellectuelle, avec des conséquences potentiellement négatifs en matière de santé. Le Comité est encouragé à demander à la délégation du Costa Rica s'il avait évalué les effets de ses décisions sur l'accès aux médicaments et à la sécurité sociale en particulier. La représentante a également demandé que l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle soit rendue attentive aux conséquences de ses décisions pour le développement des pays, et qu'elle adopte une approche centrée sur les droits et le bien-être des hommes, plutôt que sur le profit. Un membre du Comité ayant demandé quels sont les problèmes dans le domaine de la santé qui devraient être abordés avec la délégation de l'État partie, la représentante a évoqué un risque de privatisation et de fragmentation de l'assurance maladie, au détriment des populations moins favorisées.

M. EDLY HALL REID, (Associación Proyecto Caribe) a observé que le Costa Rica a ratifié un grand nombre d'instruments internationaux, dont le Parlement est en train de discuter des lois d'application. Le délai pour ce faire est fixé au printemps prochain. Socialement, le pays est divisé en particulier sur l'adhésion à l'ALENA: on déplore que le référendum n'ait pas été organisé de manière impartiale au profit de certaines vues, le peuple étant de son côté favorable à la préservation des acquis et progrès sociaux. En outre, la communauté d'ascendance africaine se sent marginalisée dans le domaine de la prise de décision, a relevé le représentant.

Belgique

M. JOHAN COTTENIE (Social Alert International) a exprimé le souhait que le Comité aborde, au cours de l'examen du rapport belge, la question du respect des obligations internationales de la Belgique. Ce pays a adopté une loi lui faisant obligation de consacrer 0,7% de son PNB au développement direct et des progrès semblent être intervenus à cet égard. Mais en réalité, M. Cottenie a affirmé que les statistiques sur l'aide au développement sont altérées par l'inclusion des montants alloués à l'allègement la dette. Le représentant a en outre demandé à la Belgique d'adopter une approche fondée sur les droits. La Belgique doit également revoir sa politique d'aide au Burundi et sa politique d'aide à l'exportation vers les pays du Sud. Le représentant a en outre demandé au Comité d'inciter la Belgique à instaurer un dialogue permanent avec les organisations de la société civile.

Paraguay

MME JULIE BERGAMIN (FIAN - pour le droit à se nourrir, au nom de deux organisations de la société civile paraguayenne), a rendu compte d'une mission d'enquête sur les conditions de vie des populations autochtones privées de terre, qui se révèlent très précaires. Il faut incriminer les décisions du Gouvernement d'expulser des familles paysannes qui occupaient pacifiquement des terres, expulsions accompagnées de destruction et de l'incendie de logements, terres, récoltes et autres biens des victimes. On doit en outre déplorer le fait que l'État n'utilise pas le maximum des ressources disponibles et qu'il ait violé le droit à la vie, à la santé et à un environnement sain de certaines familles. La représentante a notamment demandé au Gouvernement d'entreprendre les réformes nécessaires pour en finir avec les expulsions forcées de familles sans terre, qui les laissent dans la misère. Le Gouvernement doit en outre appliquer la loi civile pour résoudre les conflits émanant de l'occupation pacifique de la terre qui ne remplit pas sa fonction sociale.

M. JUAN BAEZ (Institut de concertation pour le développement rural durable) a présenté un rapport sur l'«Utilisation irresponsable des pesticides au Paraguay, une violation des droits économiques, sociaux et culturels des paysans et des peuples autochtones». Il a dénoncé l'utilisation massive de produits pesticides toxiques, notamment pour la culture du soja: douze millions de litres de pesticides sont ainsi déversés chaque année. Le mode opératoire, marqué par l'imprudence, entraîne une contamination par les fumigations dans les zones de monoculture. La santé et l'existence même des communautés rurales et autochtones voisines sont de ce fait compromises: on compte 250 décès entre 1999 et 2003, selon les chiffres du Ministère de la santé, ainsi que 2285 cas d'empoisonnements (période 2003-2007). Les pesticides contaminent en outre l'environnement et constituent une menace pour la biodiversité. On constate que les grandes exploitations ne se plient pas aux règlements concernant l'utilisation de ces produits. M. Baez, estimant que le Gouvernement du Paraguay est responsable de ne pas garantir des conditions de vie dignes aux communautés rurales, a demandé que soient respectés le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, ainsi que la Constitution et la loi paraguayennes. Des politiques doivent être adoptées sur ces questions, un moratoire imposé sur l'utilisation des agrocarburants et des indemnités consenties aux victimes des fumigations.

Des représentants d'organisations non gouvernementales paraguayennes ont dit que les conditions de vie de la population rurale est très difficile depuis la fin du XIXe siècle, dans le sillage de conflits avec les grands propriétaires terriens. En 2000, la pauvreté concernait près de 33% de la population rurale. La pauvreté rurale compromet directement la réalisation, pour la population paraguayenne, des droits économiques, sociaux et culturels dans leur ensemble. L'expansion capitaliste dans les campagnes impose une logique productiviste, au détriment de la production vivrière traditionnelle. On constate en outre une concentration malsaine de la propriété terrienne. La survie alimentaire de la petite paysannerie est en outre menacée par la monoculture.

M. MARCIAL GÓMEZ GIMÉNEZ (Federación Nacional Campesina) a précisé que, du point de vue du droit au travail, de très nombreux travailleurs ruraux (80%) paraguayens touchent moins de 200 dollars par mois. Un tiers de la population active est confronté au chômage ou au sous-emploi, et les femmes sont particulièrement concernées. Des choix ont été faits par ailleurs en matière de production agricole qui compromettent le droit à l'alimentation d'une partie de la populatio. Les zones rurales sont d'autre part très pénalisées en matière d'accès à l'eau potable, a déploré le représentant.


MME MARIELLE BEATRIZ PALAU FERNÁNDEZ (BASE-IS Paraguay) a dénoncé les mouvements de concentration des terres agricoles, avec leur cortège d'expulsions de paysans et d'autochtones, et la perte de leurs moyens de subsistance. L'État n'a prévu aucune politique palliative à leur intention. Rien n'est non plus prévu pour aider les femmes victimes de violations de leurs droits. Le Paraguay devrait faciliter l'accès à la terre, réviser ses politiques agricoles dans le sens d'une agriculture axée sur les besoins des populations locales, agir pour la réalisation du droit d'accéder à l'eau potable, respecter le droit à l'alimentation et lancer des programmes d'emploi ciblés.

Un membre du Comité ayant demandé pourquoi les Guaranis sont souvent distingués des autres populations autochtones, les représentants d'organisations non gouvernementales ont notamment répondu que si la culture guaranie domine au Paraguay, mais qu'il existe, à côté, plus de vingt ethnies exclues de la définition d'autochtones car elles ne se sentent pas nécessairement comme y appartenant, un critère subjectif mais pourtant indispensable pour le recensement.

Un membre du Comité ayant demandé plus de renseignements sur la situation des femmes rurales au Paraguay, il a notamment été souligné que la discrimination des femmes dans les zones rurales est liée aux difficultés qu'elles rencontrent dans l'accès à l'éducation par exemple. S'agissant de l'accès à l'éducation primaire par les enfants des familles pauvres, les organisations non gouvernementales ont expliqué que l'éducation au Paraguay est universelle mais que le taux d'abandon est très élevé.

Les paysans sans terre représentent un tiers de la population paysanne au sens strict, c'est à dire vivant du travail de la terre, a-t-il par ailleurs été expliqué. Les organisations paysannes et sociales qui s'expriment aujourd'hui ont souvent tenté de dialoguer avec les autorités civiles, leur enjoignant de prendre leurs responsabilités. Malgré ces efforts, le Gouvernement ne fait toujours rien pour protéger les paysans dont le mode de vie est compromis par les choix agricoles du pays.

Plusieurs organisations tentent par ailleurs d'enquêter sur les déversements de produits pesticides toxiques, ont poursuivi les organisations non gouvernementales, mais les plaintes déposées pour intoxication auprès du Procureur général sont sans suite. Les organisations ont souligné les liens étroits existant entre pouvoirs politique et économique au Paraguay, et dénoncé l'inaction de la justice face aux situation de conflits d'intérêt. Des transnationales allemandes et des États-Unis produisent les produits chimiques introduits en contrebande au Paraguay, a en outre assuré le représentant d'une organisation non gouvernementale.

On compte 300 000 paysans sans terre, en forte augmentation depuis dix ans, ont poursuivi les représentants d'organisations non gouvernementales. De nombreux paysans sont expulsés lors des mouvements de concentration des terres. La réforme agraire est une condition préalable à l'amélioration du sort des paysans, de même qu'un renoncement à la monoculture de soja, ont ils estimé.

Les salaires ruraux suffisent tout juste à couvrir les besoins de subsistance, comme il a été confirmé dans un rapport de l'Organisation internationale du travail, ont indiuqé les représentants d'organisations non gouvernementales . Les communautés autochtones n'ont pas accès à la terre, ce qui porte par contrecoup atteinte au droit au logement et à l'alimentation, et ceci ne vaut pas uniquement pour les autochtones.

Répondant à une question d'un membre du Comité, le représentant d'une ONG a indiqué que l'émigration de citoyens paraguayens est orientée vers l'Espagne, l'Argentine et l'Uruguay. Une partie du flux migratoire interne, des campagnes vers les villes, se déverse à l'étranger. Il faut observer que les transferts d'émigrants constituent le deuxième poste des recettes nationales.


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