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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'ESTONIE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du quatrième rapport périodique de l'Estonie sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, Mme Aino Lepik von Wirén, Sous-Secrétaire aux affaires juridiques et consulaires au Ministère estonien des affaires étrangères, a notamment fait valoir que l'Estonie a ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention, portant sur des visites préventives sur les lieux de détention. Elle a en outre fait part des mesures prises par l'Estonie pour réduire la durée des procédures pénales et le nombre de prisonniers, mettant l'accent sur le recours à des mesures de surveillance électronique de prisonniers qui sont libérés en conditionnelle et assignés à domicile. On estime que la traite des êtres humains a diminué en Estonie par rapport à ce qu'elle était à la fin des années 1990 et au début des années 2000, a par ailleurs affirmé Mme Lepik von Wirén.

La délégation estonienne était également composée du Représentant permanent de l'Estonie auprès des Nations Unies à Genève, M. Tõnis Nirk, ainsi que de représentants du Ministère des affaires étrangères; du Ministère de la justice; du Ministère des affaires sociales; et de la Mission permanente de l'Estonie auprès des Nations Unies à Genève.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Estonie, Mme Nora Sveaass, a notamment estimé que la définition de la torture retenue dans le Code pénal estonien ne couvre que partiellement la définition énoncée dans la Convention, ne mentionnant pas la souffrance mentale, en particulier. M. Alexander Kovalev, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport estonien, s'est pour sa part intéressé aux mesures prises par l'Estonie pour réduire l'apatridie dans le pays, en particulier s'agissant de la procédure de naturalisation des enfants des non-ressortissants. Relevant par ailleurs que le nombre de délits sexuels, notamment en rapport avec la prostitution de mineurs, est en augmentation, il a souhaité savoir ce que font les autorités pour prévenir et combattre ce type de délits.

Le Comité entendra mercredi, à 15 heures, les réponses de la délégation estonienne aux questions qui lui ont été posées par les experts.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la délégation norvégienne aux questions que lui ont posées les experts hier matin.


Présentation du rapport de l'Estonie

Présentant le rapport de son pays, MME AINO LEPIK VON WIRÉN, Sous-Secrétaire aux affaires juridiques et consulaires au Ministère des affaires étrangères de l'Estonie, a fait part de la volonté de son Gouvernement de poursuivre le dialogue constructif que l'Estonie a engagé avec le Comité en 2002. Le présent rapport périodique ayant été présenté en 2004, de nombreux faits nouveaux sont intervenus depuis cette date, a-t-elle souligné. L'Estonie fait partie des États qui ont déjà ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, a-t-elle en outre fait valoir, exprimant l'espoir que le fonctionnement du système de visites prévu par ce Protocole sera efficace. Mme Lepik von Wirén a par ailleurs mis l'accent sur la fructueuse coopération que l'Estonie a nouée avec l'Association de prévention de la torture, qui a beaucoup aidé le pays à mieux comprendre ce Protocole.

Mme Lepik von Wirén a attiré l'attention sur les mesures prises par l'Estonie pour réduire la durée des procédures pénales et le nombre de prisonniers. Elle a notamment fait état de la mise en place de mesures alternatives à l'emprisonnement telles que la surveillance électronique de prisonniers qui sont libérés en conditionnelle et assignés à domicile. Elle a en outre insisté sur les procédures simplifiées qui ont été instituées afin d'assurer un meilleur délai des procédures pénales. Elle a ainsi fait valoir la réduction du nombre de prisonniers qui a pu être opérée grâce à une moindre durée des placements en détention préventive. Le nombre de détenus est ainsi passé 4800 en 2001 à 3600 en 2007, a précisé Mme Lepik von Wirén. Elle a en outre annoncé l'ouverture de nouvelles prisons dans un avenir proche, ce qui permettra de fermer certaines vieilles prisons.

Dans le domaine de la lutte contre la traite des êtres humains, a poursuivi la chef de la délégation, l'Estonie a beaucoup progressé depuis 2002. On estime que la traite des êtres humains a diminué en Estonie par rapport à ce qu'elle était à la fin des années 1990 et au début des années 2000, a-t-elle fait valoir. Plusieurs campagnes de sensibilisation ont été lancées, notamment au niveau régional, a-t-elle rappelé. Un numéro gratuit a été mis en place en 2004 pour la prévention de la traite et l'aide aux victimes, et un plan de lutte contre la traite des personnes a été mise en place. En 2004, l'Estonie a ratifié le Protocole contre la traite des personnes associé à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée.

En 2002, a été créé en Estonie le premier centre d'accueil pour les femmes victimes de violences conjugales. En outre, un certain nombre de victimes trouvent refuge dans d'autres centres d'accueil, même si de tels centres font encore défaut dans certaines régions du pays. En 2005, des directives ont été élaborées à l'attention des personnels sociaux, afin de venir en aide aux femmes victimes de violences familiales.

Mme Lepik von Wirén a par ailleurs fait part de la mise en place d'un Conseil consultatif multisectoriel chargé de la coordination centrale de la mise en œuvre de la stratégie de prévention et de lutte contre le VIH/sida.

Le quatrième rapport périodique de l'Estonie (CAT/C/80/Add.1) indique notamment que la loi portant modification de la loi sur les réfugiés est entrée en vigueur le 1er mai 2003. Le premier chapitre de la loi a été modifié et un nouveau chapitre premier, intitulé «Procédures d'asile», a été inséré qui régit le séjour des demandeurs d'asile dans le centre d'accueil et définit des expressions telles que «pays sûr» et «interdiction de refoulement», notamment. Conformément à l'article 8 de la loi sur les réfugiés, il est possible de mettre fin à une procédure d'asile en rejetant la demande d'asile si le demandeur est arrivé en Estonie en provenance d'un pays pouvant être considéré comme un pays sûr ou s'il y a des raisons de penser que le pays dont le demandeur a la nationalité ou dans lequel il est résident permanent est un pays d'origine sûr. En vertu de la Constitution, les traités internationaux auxquels l'Estonie est partie et qui ont été ratifiés par le Riigikogu ont la primauté sur les réglementations nationales. La pratique montre que les instruments internationaux conclus par l'Estonie font partie intégrante du droit interne, ce qui signifie que les citoyens peuvent exiger l'application des dispositions de ces instruments. Le chapitre du nouveau Code pénal concernant les atteintes aux personnes définit les éléments constitutifs des actes de violence. La loi stipule les peines maximales pour les atteintes à la santé d'une personne, les coups et blessures ou toute autre forme de violence causant une souffrance physique; le fait d'infliger des sévices corporels prolongés ou des sévices entraînant de grandes souffrances; le fait de menacer de tuer quelqu'un, de porter atteinte à sa santé ou de détruire ou d'endommager gravement ses biens, s'il existe des raisons de craindre que cette menace sera mise à exécution; le fait de commettre un acte de violence contre un représentant de l'État ou des forces de l'ordre dans l'exercice de ses fonctions; contre un fonctionnaire d'un établissement de type carcéral qui, abusant de sa fonction officielle, porte atteinte à la dignité d'un prisonnier, d'un détenu ou d'un prévenu, prend des mesures discriminatoires à l'égard d'une telle personne ou restreint illicitement ses droits. La nouvelle section spéciale du Code pénal prévoit plusieurs nouvelles infractions, comme l'esclavage et l'enlèvement et le fait d'emmener une personne dans un pays où la liberté de la personne est restreinte. Les autorités estoniennes sont d'avis que le Code pénal dans son ensemble assure la répression de la torture. La République d'Estonie ne juge pas nécessaire de modifier la définition de la torture figurant à l'article 122 du Code pénal et d'établir une définition distincte de la torture qui serait identique à celle de l'article premier de la Convention.

D'après les femmes elles-mêmes (nombre de femmes déclarant avoir été victimes de violence au cours de l'année précédente), les chiffres sont les suivants: en un an, 41 000 femmes ont été blessées suite à des violences et 7000 d'entre elles ont reçu des coups et blessures graves mettant leur vie en danger. Il n'existe pas de législation distincte concernant la traite des êtres humains en Estonie, indique par ailleurs le rapport. Entre le 1er mars 2003 et le 15 octobre 2004, la durée moyenne de détention dans le centre d'expulsion était de 3,4 mois, précise en outre le rapport. Ce sont les personnes de nationalité russe qui y étaient restées le plus longtemps, la décision de les réadmettre ou non en Russie étant prise par l'Ambassade de la Fédération de Russie. L'adoption d'une telle décision peut malheureusement tarder. Au cours de la période 1997-2004, l'Estonie a reçu 94 demandes d'asile et accordé l'asile à quatre personnes.

Examen du rapport

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Estonie, MME NORA SVEAASS, s'est réjouie que l'Estonie ait ratifié en 2006 le Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Elle a toutefois invité le pays à faire aussi les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention.

Relevant que, selon le rapport, le Gouvernement estonien est d'avis que le Code pénal estonien couvre la définition de la torture tout en reconnaissant que les dispositions de ce Code relatives à la torture ne correspondent pas pleinement à l'article premier de la Convention, Mme Sveaass a estimé que la définition de la torture retenue dans le Code pénal estonien ne couvre que partiellement la définition énoncée dans la Convention; à titre d'exemple, elle ne mentionne pas la souffrance mentale.

À l'heure actuelle, la Convention est-elle d'application directe devant les tribunaux estoniens, a par ailleurs demandé Mme Sveaass? Elle a en outre souligné que des actes de discrimination peuvent constituer un acte de torture selon la Convention.

Comment est garantie l'indépendance du Médiateur et comment cette institution coopère-t-elle avec la société civile, a demandé la rapporteuse?

En ce qui concerne le recours à l'assignation à domicile, dont la durée moyenne serait de trois mois selon les informations fournies par l'Estonie, Mme Sveaass s'est enquise de la durée de ce type de mesure, soulignant que derrière les moyennes, se cachent des cas fort divers. En 2003, selon certaines informations, la durée de ce type de» détention à domicile» avait tendance à s'allonger, a-t-elle ajouté.

Mme Sveaass a souhaité en savoir davantage sur les brutalités policières qui, selon plus rapports d'organisations non gouvernementales, auraient accompagné les événements qui se sont produits à Tallin au printemps dernier.

Mme Sveaass a par ailleurs demandé des compléments d'information sur la situation en matière d'asile et sur les demandes d'extradition.

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur pour l'examen du rapport estonien, s'est félicité d'un certain nombre d'évolutions positives intervenues en Estonie, au nombre desquelles figurent la Loi d'aide et d'assistance aux victimes et la pratique de la Cour suprême qui, dans ses décisions, invoque souvent directement les dispositions de la Convention contre la torture.

M. Kovalev s'est toutefois enquis des mesures prises par l'Estonie pour réduire l'apatridie dans le pays. Où en est la procédure de naturalisation des enfants de ces personnes qui résident en Estonie mais ne sont pas ressortissants, a demandé le corapporteur? Insistant sur les traumatismes psychiques que subissent nombre de femmes en raison des violences dont elles sont victimes, M. Kovalev a par ailleurs souhaité savoir quelle était la proportion de femmes apatrides parmi elles.

Le corapporteur a en outre souhaité en savoir davantage sur la formation et la préparation des personnels médicaux, surtout pour ce qui a trait à la violence sexuelle.

S'agissant des conditions de détention, M. Kovalev a souhaité savoir le nombre de mètres carrés par détenu dans les prisons estoniennes: l'Estonie respecte-t-elle les normes européennes en la matière?

M. Kovalev a relevé que le nombre de délits sexuels, notamment en rapport avec la prostitution de mineurs, est en augmentation. Que font les autorités pour prévenir et combattre ce type de délits, a-t-il demandé?


Plusieurs experts ont également insisté sur la nécessité de protéger les droits fondamentaux des apatrides. Le problème des apatrides est un problème grave qui doit être réglé en conséquence et il serait bon de savoir comment les autorités estoniennes entendent régler cette situation, a insisté le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis.

Certains membres du Comité ont demandé des exemples précis de peines infligées pour des actes de torture.

Un expert s'est enquis de l'existence en Estonie d'éventuels cas de transferts extraordinaires (extraordinary renditions) de prisonniers par avion. Il s'est en outre enquis des éventuelles dispositions existantes dans la législation estonienne quant à l'interdiction de l'extorsion d'aveux sous la torture et à l'irrecevabilité d'aveux obtenus par de tels moyens. Il a par ailleurs souhaité connaître les mesures prises par l'Estonie pour appliquer les jugements de la Cour européenne des droits de l'homme qui concernent des éléments de la Convention contre la torture. Il a d'autre part souhaité savoir si l'exploitation sexuelle est considérée comme un crime distinct, indépendant du crime d'enlèvement ou d'esclavage.

Un autre membre du Comité s'est notamment enquis des procédures existantes s'agissant de l'internement involontaire de personnes en hôpital psychiatrique. Le thème de la sécurité de l'État est récurrent dans la législation estonienne, a par ailleurs relevé l'expert. Aussi, s'est-il notamment enquis de la réglementation applicable au recueil des preuves à des fins de maintien de la sécurité nationale.

Un autre expert a relevé que les rapports des organes conventionnels dans le domaine des droits de l'homme, notamment le Comité des droits de l'homme et le Comité des droits de l'enfant, reflètent, s'agissant de l'Estonie, des préoccupations relatives aux brutalités policières.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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