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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DE L'OUZBÉKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses apportées par la délégation de l'Ouzbékistan aux questions que lui avaient adressées vendredi matin les experts s'agissant des mesures prises par le pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par le Ministre adjoint de la justice de l'Ouzbékistan, M. Esemurat Kanyazov, la délégation a apporté aux experts des compléments d'information en ce qui concerne, entre autres, l'interdiction des aveux obtenus sous la torture; la question des organisations religieuses extrémistes; les activités du Médiateur; les allégations de violences à l'encontre de témoins des événements qui se sont produits à Andijan et autres questions en rapport avec ces événements; la réforme du système judiciaire; la levée de l'accréditation de certaines organisations non gouvernementales; les décrets portant abolition de la peine de mort et introduction de l'habeas corpus – qui entreront en vigueur au 1er janvier prochain; l'existence d'un système de visas internes limitant le droit des citoyens de se déplacer librement; les circonstances qui ont empêché la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, d'effectuer cette année une visite en Ouzbékistan; ou encore les activités du Comité international de la Croix-rouge dans le pays.

La délégation a notamment souligné que des témoignages obtenus sous la torture ne sauraient être pris en compte par un tribunal; il existe en la matière un arrêt de la Cour suprême qui énonce l'irrecevabilité d'aveux ou preuves obtenus sous la torture. La torture est interdite par divers textes législatifs et les exemples de poursuites judiciaires contre des agents de l'État témoignent de la ferme intention des autorités ouzbèkes de lutter contre de tels actes. Aussi, les allégations d'impunité de la torture ne sont pas acceptables dans le contexte de l'Ouzbékistan, a encore déclaré la délégation.

S'agissant des allégations de violences à l'encontre de témoins des événements qui se sont produits à Andijan, la délégation a expliqué qu'en aucun cas il n'aurait été nécessaire de matraquer ou de violenter des témoins pour obtenir de quelconques preuves de ce qui s'était produit à Andijan, puisque les terroristes ont filmé sur vidéocassettes ces événements et ces cassettes ont été montrées lors du procès. Aussi, les allégations selon lesquelles des témoins auraient été passés à tabac sont tout simplement inacceptables et inadmissibles, a déclaré la délégation. La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ouzbek ayant insisté pour savoir si les autorités ouzbèkes seraient disposées à accepter une enquête internationale indépendante s'agissant des événements d'Andijan, la délégation a rappelé que des représentants de l'Union européenne se sont déjà rendus dans le pays à cette fin. Qui d'autre voulez-vous que nous invitions pour enquêter sur les événements d'Andijan; ces représentants de l'Union européenne n'ont-ils pas suffisamment d'autorité à vos yeux, a demandé la délégation? La délégation a par ailleurs déploré la confusion créée par certaines sources d'information qui ne sont pas objectives et dont les allégations concernant la situation en Ouzbékistan ne correspondent pas à la réalité.


Le Comité présentera des observations finales concernant l'Ouzbékistan à la fin de la session, le vendredi 23 novembre 2007.

Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de l'Estonie (CAT/C/80/Add.1).



Réponses de la délégation ouzbèke

La délégation de l'Ouzbékistan a expliqué que lorsqu'un inculpé affirme que des aveux ou des témoignages lui ont été extorqués sous la torture, le tribunal est tenu de procéder immédiatement à une vérification de ses allégations; si elles s'avèrent exactes, des poursuites sont alors engagées contre les personnes en cause. Des aveux ou preuves obtenus sous la torture ne sauraient être pris en compte par un tribunal, a ajouté la délégation, faisant valoir un arrêt de la Cour suprême qui énonce l'irrecevabilité d'aveux ou preuves obtenus sous la torture.

S'agissant de la question des organisations religieuses extrémistes, la délégation a souligné que l'extrémisme religieux n'est pas autorisé en Ouzbékistan, pas plus que les actes visant à exacerber les hostilités entre différentes confessions. Plus de deux mille organisations musulmanes et chrétiennes sont enregistrées dans le pays, a fait valoir la délégation.

Il y a actuellement 136 détenus pour 100 000 habitants en Ouzbékistan, ce qui est un taux particulièrement peu élevé, surtout si on le compare aux taux correspondants dans les autres anciennes républiques soviétiques, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les colonies pénitentiaires sont remplies à moins de 60%, ce qui permet d'assurer de bonnes conditions générales de détention.

Le système pénitentiaire ouzbek est un système ouvert et la prison de Zhaslyk a fait l'objet de nombreuses visites internationales, notamment de la part du corps diplomatique, a par ailleurs déclaré la délégation. La colonie de Zhaslyk est presque un complexe touristique, a tenu à ajouter la délégation.

Interrogée sur les activités du Médiateur, la délégation a assuré que les autorités ouzbèkes accordent une très grande importance aux activités de cette institution, créée en 1995. L'obligation fondamentale du Médiateur est d'étudier les plaintes qui lui sont présentées par les citoyens. Il lui revient en outre de mener des enquêtes personnelles pour violation des droits de l'homme, y compris en cas de torture, à l'issue desquelles il présente des conclusions. Le Médiateur est en outre mandaté pour contribuer au renforcement de la législation en matière de promotion des droits de l'homme. Des représentations régionales du Médiateur fonctionnent dans toutes les régions de l'Ouzbékistan, a ajouté la délégation.

Interrogée sur les raisons pour lesquelles si peu de poursuites sont engagées dans des cas de torture, la délégation a expliqué que pour refuser d'engager des poursuites judiciaires au pénal, il faut qu'il y ait absence de fait, de crime ou d'éléments constitutifs du crime.

S'agissant des allégations de violences à l'encontre de témoins des événements qui se sont produits à Andijan, la délégation a rappelé qu'en mai 2005, un acte terroriste sans précédent s'est produit à Andijan, où un groupe terroriste s'est emparé d'une prison dont il a libéré nombre de prisonniers. Il n'était pas nécessaire de matraquer ou de violenter des témoins pour obtenir de quelconques preuves de ce qui s'était produit à Andijan, puisque les terroristes ont filmé sur vidéocassettes les événements d'Andijan et ces cassettes ont été montrées lors du procès; point n'était donc besoin de prouver quoi que ce soit, a insisté la délégation. Les témoins ont d'eux-mêmes manifesté la volonté de témoigner et les allégations selon lesquelles des témoins auraient été passés à tabac sont tout simplement inacceptables et inadmissibles.

Certains experts ayant fait état d'informations selon lesquelles de nombreuses personnes ont été arrêtées dans la foulée des événements d'Andijan et placées en détention dans des lieux sans que leurs proches en soient tenus informés, la délégation a rappelé qu'après les événements qui se sont produits en mai 2005 à Andijan, il y a eu procès au pénal et les personnes qui avaient été impliquées dans ces événements ont été arrêtées, ce qui est parfaitement normal. En attendant leur procès, ces personnes ont été détenues dans des maisons d'arrêt, dans des centres de détention provisoire, et les familles concernées étaient tenues informées des lieux de détention de leurs proches.

Dans le cadre de la vaste réforme judiciaire entreprise par l'Ouzbékistan, a poursuivi la délégation, les juges sont désormais spécialisés, soit en justice pénale, soit en justice civile, ce qui a permis de renforcer la qualité du traitement des affaires. Des cours d'appel ont en outre été instituées. S'agissant des relations entre le Ministère de l'intérieur, le Ministère de la justice et le Parquet (Procurature), la délégation a assuré que les activités qui sont confiées à ces trois entités sont bien spécifiques, de sorte qu'il n'est pas possible qu'il y ait chevauchement. Les activités des procureurs se fondent sur la loi relative à la Procurature, a précisé la délégation. Le Procureur peut revenir sur une décision prise lors d'une enquête, ce qui est normal puisque c'est lui qui contrôle les enquêtes et en assure l'objectivité, a poursuivi la délégation. Les fonctions du Procureur découlent directement de la Constitution, a-t-elle rappelé. Le Procureur ne peut contrer que des décisions dont il est évident qu'elles sont entachées de vices de fond et de forme, a souligné la délégation.

Les poursuites pour actes de torture se font nécessairement au pénal, en vertu de l'article 235 du Code pénal, de sorte qu'il n'est pas possible que des actes de torture fassent l'objet de simples sanctions disciplinaires, a assuré la délégation.

Un membre du Comité s'étant inquiété des nombreuses fermetures d'organisations non gouvernementales en Ouzbékistan, la délégation a rappelé que les ONG sont tenues de respecter la législation ouzbèke. Or certaines, dans leurs activités, violent les lois nationales ouzbèkes; aussi, les dirigeants de ces ONG ont-ils été avertis de cette situation et des accréditations ont-elles été retirées à certaines ONG, a expliqué la délégation. L'accréditation et la levée de l'accréditation des ONG se font conformément aux lois nationales de l'Ouzbékistan, a-t-elle ajouté. Il convient de relever que la grande majorité des ONG présentes en Ouzbékistan respectent les lois nationales, a déclaré la délégation.

Les décrets portant abolition de la peine de mort et introduction de l'habeas corpus entreront en vigueur le 1er janvier prochain, a indiqué la délégation.

En Ouzbékistan, a souligné la délégation, la torture est interdite par divers textes législatifs et les exemples de poursuites judiciaires contre des agents de l'État témoignent de la ferme intention des autorités ouzbèkes de lutter contre de tels actes. Aussi, les allégations d'impunité de la torture ne sont pas acceptables dans le contexte de l'Ouzbékistan, a déclaré la délégation.

La délégation a reconnu qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de loi spécifique sur les réfugiés et c'est pourquoi un projet de loi sur la question est actuellement à l'étude.

La délégation a admis l'existence en Ouzbékistan d'un système de visas internes limitant le droit des citoyens de se déplacer librement; mais c'est une question à laquelle il aura été mis un terme d'ici deux ou trois ans, a assuré la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé les circonstances qui ont empêché la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, d'effectuer cette année une visite en Ouzbékistan en soulignant que les dates proposées par Mme Arbour pour une visite dans ce pays ont fait qu'il n'était pas possible pour les autorités ouzbèkes d'accéder à sa demande. La délégation a souligné que Mme Arbour a elle-même indiqué dans une interview à l'AFP que c'est un problème de date qui l'a empêchée d'effectuer une visite en Ouzbékistan; la Haut-Commissaire précisait dans cette entrevue qu'il était très difficile d'organiser une visite groupée dans cinq pays.

Après avoir affirmé que la représentation du Comité international de la Croix-rouge en Ouzbékistan avait enfreint l'accord de coopération confidentielle qui avait été signé avec ce pays – ce qui n'a pas empêché les autorités ouzbèkes de se dire disposées à mettre en œuvre dans les plus brefs délais tous les éléments du plan proposé par le CICR – la délégation a déclaré que l'allégation selon laquelle la représentation régionale du CICR en Ouzbékistan aurait été fermée ne reflète en rien la réalité et revêt un caractère de provocation.

Les autorités ouzbèkes n'ont jamais tenté d'intimider des journalistes de la BBC, a par ailleurs assuré la délégation; aucune plainte n'a d'ailleurs été présentée par la BBC à ce sujet.

Complément d'examen

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport ouzbek, a jugé troublante la réponse de la délégation ouzbèke selon laquelle en posant des questions sur les activités du CICR, elle se livrerait à de la provocation. Les visites du CICR dans les lieux de détention ouzbeks ont été suspendues fin 2004 parce que le Comité international déplorait un manque de respect de toutes les modalités de l'accord signé entre lui et les autorités ouzbèkes en 2001. Ainsi, il n'y a pas eu de visites du CICR dans les lieux de détention ouzbeks en 2005, a rappelé Mme Gaer.

Suite aux événements d'Andijan, l'Ouzbékistan n'a pas coopéré aux demandes d'enquête internationale qui lui ont été adressées, notamment par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, a par ailleurs rappelé Mme Gaer. On a tiré sur les manifestants dans le parc et les procès ont été orientés pour accréditer la version du Gouvernement s'agissant de ces événements, a-t-elle déclaré. Les autorités ouzbèkes sont-elles disposées à accepter une enquête internationale indépendante s'agissant des événements d'Andijan et, le cas échéant, dans quel délai, a demandé Mme Gaer?

Un autre membre du Comité s'est enquis de la situation en ce qui concerne les 200 000 à 300 000 enfants qui seraient envoyés dans les champs pour la récolte du coton.

Une nouvelle date ne pourrait-elle pas être fixée pour une prochaine visite de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme en Ouzbékistan, s'est interrogé un expert? Il s'est en outre enquis de l'existence d'éventuels cas de restitutions extraordinaires auxquelles aurait procédé l'Ouzbékistan. L'expert a également demandé des statistiques concernant le nombre de refoulements auxquels ont procédé les autorités. Un autre membre du Comité s'est enquis du statut des immigrants clandestins en Ouzbékistan.

L'habeas corpus est-il suspendu en cas d'état d'urgence, a demandé le Président du Comité, M. Andreas Mavrommatis? Il n'est pas une seule allégation présentée par les membres du Comité qui n'ait été réfutée par la délégation, a relevé l'expert. Il a par ailleurs exhorté l'Ouzbékistan à renouer sa coopération avec le Haut Commissariat pour les réfugiés, rappelant notamment qu'il reste en Ouzbékistan un millier de réfugiés afghans dont le sort n'est pas réglé.


Personne n'est envoyé de force pour se livrer à la récolte du coton et, dans tous les cas, cette activité est rémunérée, a assuré la délégation.

La délégation a précisé que la peine capitale n'a plus été exécutée dans le pays depuis le mois de mars 2005. Quant à l'habeas corpus, il restera en vigueur même en cas de situation d'urgence, a assuré la délégation.

La délégation a déploré la confusion créée par certaines sources d'information qui ne sont pas objectives et dont les allégations concernant la situation en Ouzbékistan ne correspondent pas à la réalité.

Il n'est pas exclu que dans un avenir proche, le système pénitentiaire ouzbek puisse passer du Ministère de l'intérieur à celui de la justice, a par ailleurs déclaré la délégation. Elle a demandé qu'il soit laissé suffisamment de temps au pays pour procéder à l'ensemble des ajustements et réformes qui pourraient s'avérer nécessaires.

S'agissant des interventions de membres du Comité suggérant une enquête indépendante sur les événements d'Andijan, la délégation a demandé «qui d'autre voulez-vous que nous invitions pour enquêter», demandant au Comité si les représentants de l'Union européenne qui se sont déjà rendus dans le pays à cette fin n'ont pas suffisamment d'autorité à ses yeux.

Mme Gaer a tenu à souligner que ces représentants de l'Union européenne – en particulier M. Pierre Morel - n'étaient pas dans le pays pour procéder à une enquête sur les événements d'Andijan.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT07029F