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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION ESTONIENNE

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses fournies par la délégation de l'Estonie aux questions que lui avaient adressées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par Mme Aino Lepik von Wirén, Sous-Secrétaire aux affaires juridiques et consulaires au Ministère estonien des affaires étrangères, la délégation a notamment souligné que la torture est interdite en Estonie sous toutes ses formes sans exception; l'État estonien a donc veillé à pénaliser toutes les formes de torture. À travers plusieurs de ses dispositions, le Code pénal estonien couvre la définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention, a-t-elle assuré. La définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention n'est pas directement applicable en droit interne, a précisé la délégation, ce qui n'empêche pas d'utiliser cette définition comme source de droit secondaire. L'Estonie n'a jamais cherché à obtenir des garanties diplomatiques, a en outre assuré la délégation. Il n'y a pas eu de transport international de détenu qui aurait transité par l'Estonie et aucun fonctionnaire estonien n'est impliqué dans la privation de liberté de tels détenus ni dans leur transport.

La délégation a par ailleurs fourni des informations complémentaires s'agissant, entre autres, de la définition de la torture; de l'applicabilité territoriale du droit pénal estonien; de l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture; des expulsions d'étrangers et de la législation applicable en matière de réfugiés et d'extradition; de la détention préventive; des conditions de détention; des émeutes qui se sont produites à Tallin en avril dernier; des internements en hôpital psychiatrique; de la traite de personnes; ou encore des apatrides.

La durée maximale de la détention préventive est de six mois, a rappelé la délégation; au-delà de ce délai, la détention préventive peut être prolongée par un juge qui doit néanmoins réexaminer chaque mois la décision de maintien en détention. La détention préventive ne peut être prolongée indéfiniment.

Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport estonien avant de les rendre publiques à l'issue de la session, le vendredi 23 novembre prochain.


Demain, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du deuxième rapport périodique du Bénin (CAT/C/BEN/2).

Réponses de la délégation de l'Estonie

Dirigée par Mme Aino Lepik von Wirén, Sous-Secrétaire aux affaires juridiques et consulaires au Ministère des affaires étrangères de l'Estonie, la délégation estonienne a notamment souligné qu'au début des années 1990, l'Estonie a procédé à une adaptation de sa législation pénale conformément aux traditions judiciaires européennes et en tenant compte des normes internationales en vigueur.

En Estonie, la torture est interdite sous toutes ses formes sans exception et l'État estonien a donc veillé à pénaliser toutes les formes de torture, a poursuivi la délégation. À travers plusieurs de ses dispositions, le Code pénal estonien couvre la définition de la torture telle qu'énoncée dans la Convention contre la torture. La manière dont l'article 122 du Code pénal appréhende la notion de torture est beaucoup plus large que celle retenue à l'article premier de la Convention, a affirmé la délégation. Cet article ne s'applique pas seulement aux agents de l'État, mais aussi à tout individu commettant un acte relevant de cet article, a-t-elle fait valoir. Selon l'article 121 du Code pénal, a ajouté la délégation, l'abus d'autorité est sanctionné par une amende ou par une peine pouvant aller de une à cinq années d'emprisonnement. La torture telle que définie par la Convention est donc couverte par les dispositions existantes du Code pénal, a insisté la délégation. L'Estonie ne prévoit pas d'accroître les peines infligées en cas de violation de l'article 122 du Code pénal, a-t-elle par ailleurs fait savoir.

La définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention n'est pas directement applicable en droit interne, a précisé la délégation, ce qui n'empêche pas d'utiliser cette définition comme source de droit secondaire.

L'article 6 du Code pénal précise que l'applicabilité territoriale du droit pénal couvre l'article 5 de la Convention contre la torture, a en outre indiqué la délégation.

La loi estonienne précise expressément qu'aucune preuve ne peut être recueillie en exerçant une quelconque violence à l'encontre d'une personne, a par ailleurs souligné la délégation.

Il est possible de présenter un recours dans les dix jours suivant la notification du refus d'entamer ou d'achever une procédure pénale, a également fait savoir la délégation.

En ce qui concerne les mandats d'arrêt, a poursuivi la délégation, le temps maximum pendant lequel une personne peut être détenue en vertu de tels mandats est de six mois; au-delà de ce délai, le juge doit examiner la décision de détention chaque mois.

La durée moyenne de séjour dans les maisons d'arrêt s'élevait à 6,3 jours en 2005 et à 6,5 jours en 2006, a précisé la délégation. Aucun crime de violence n'a été commis en 2006 dans les maisons d'arrêt, a-t-elle fait valoir.

S'agissant des expulsions d'étrangers, la délégation a indiqué que toute autorité intimant à un étranger de quitter le territoire estonien a pour obligation de veiller à ce que cette personne n'encoure aucun risque de torture dans le pays vers lequel elle est renvoyée. L'expulsion n'est permise que vers un pays dit sûr et c'est au Conseil de l'immigration qu'il incombe de dresser la liste des pays sûrs.

D'après la législation estonienne, a poursuivi la délégation, un réfugié est un étranger qui a de bonnes raisons de craindre d'être poursuivi dans son pays d'origine en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son opinion politique ou de son appartenance à un groupe social déterminé.

Selon les statistiques disponibles, a précisé la délégation, sur la période 1997-2007, il y a notamment eu en Estonie 20 demandes d'asile en provenance de ressortissants d'Iraq, 19 de Fédération de Russie; 16 de Turquie; 8 du Pakistan et d'Afghanistan, 6 de Géorgie; 5 du Nigéria; et 4 de Syrie et d'Ouzbékistan – pour ne parler que des principaux pays d'origine des requérants. Depuis 2000, l'asile a été octroyé à 4 personnes et la protection subsidiaire a été accordée à dix personnes.

Le Ministre de la justice estonien n'a pas reçu de demande d'extradition qui pourrait justifier un refus en raison de violation des droits de l'homme dans l'État demandeur, a par ailleurs indiqué la délégation.

L'Estonie n'a jamais cherché à obtenir des garanties diplomatiques, a en outre assuré la délégation.

Il n'y a pas eu de transport international de détenu qui aurait transité par l'Estonie et aucun fonctionnaire estonien n'est impliqué dans la privation de liberté de tels détenus ni dans le transport de tels détenus, a également assuré la délégation.

Depuis le 18 février 2007, le Chancelier de la justice – qui fait office de Médiateur en Estonie – est chargé des affaires relevant du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. Un groupe de travail a été établi au sein du bureau du Chancelier afin de mettre au point des lignes directrices pour les inspections des lieux de détention menées conformément à ce Protocole, a précisé la délégation. À compter de l'an prochain, toutes les prisons, ainsi que tous les hôpitaux psychiatriques et tous les lieux de détention seront inspectés, a-t-elle souligné. Le Chancelier se montre donc très efficace, a-t-elle insisté.

En ce qui concerne les conditions de détention, elles ne constituent plus un motif de préoccupation du point de vue du respect des normes internationales, a par ailleurs affirmé la délégation. L'an dernier, l'Estonie a connu une baisse de 20% du nombre de détenus, essentiellement due au développement des mesures de liberté conditionnelle et de surveillance électronique.

La loi estonienne prévoit que chaque détenu doit disposer de 2,5 mètres carrés, a poursuivi la délégation; certes, les instructions européennes parlent de 4 mètres carrés par prisonnier, mais il ne s'agit pas d'une norme juridique, a-t-elle souligné.

À compter de cette année, la langue estonienne n'est plus la seule langue à être enseignée dans les prisons du pays, a ajouté la délégation.

À leur entrée en prison, les prisonniers sont soumis à un dépistage du VIH/sida; par la suite, ils peuvent demander à subir d'autres dépistages de cette maladie s'ils le désirent.

Au sujet des émeutes qui se sont produites à Tallin en avril dernier, la délégation a indiqué que les dégâts totaux causés par ces troubles se sont élevés à 60 millions de couronnes estoniennes, l'État ayant procédé à des indemnisations pour un montant total de 19 millions de couronnes. Mille deux cents personnes ayant participé à ces émeutes ont été détenues pour une courte période, de six heures au maximum, a précisé la délégation. La très grande majorité de ces personnes ont ensuite été libérées, après que leur identité eut été vérifiée, a-t-elle ajouté. La force utilisée par la police était strictement nécessaire et proportionnelle aux objectifs visés de protection de l'ordre public, a assuré la délégation. Au total, a-t-elle ajouté, 50 plaintes de violence policière ont été présentées au parquet et le Chancelier a également eu à connaître d'un certain nombre de plaintes.

En ce qui concerne l'internement en hôpital psychiatrique, la délégation a indiqué que le nombre d'hospitalisations en milieu psychiatrique s'élève à 14 000 par an pour une durée moyenne de 16 jours en 2006. Alors que le nombre de troubles mentaux diagnostiqués est en augmentation ces dix dernières années, le nombre d'internements en hôpital psychiatrique stagne. La durée moyenne d'internement en hôpital psychiatrique est passée de 26 à 16 jours ces cinq dernières années. Les conditions de vie dans les établissements psychiatriques ne sont certes pas aussi bonnes que les autorités le souhaiteraient, mais les normes minima sont satisfaites dans tous les cas et des progrès considérables ont été accomplis ces dix dernières années, a affirmé la délégation.

Le Code pénal estonien ne contient pas de disposition spécifique concernant la traite de personnes, a fait savoir la délégation.

En ce qui concerne «la question de la citoyenneté», la délégation a déclaré que l'Estonie cherche une solution pour un grand groupe de personnes qui sont restées sans citoyenneté et sont restées sur le territoire de l'Estonie après l'indépendance du pays en 1991. En novembre 2007, on compte 113 000 résidents sans citoyenneté en Estonie, soit seulement 8% de la population estonienne et non 30% comme certains ont pu le dire, a déclaré la délégation. Les autorités estoniennes ont facilité les choses pour ce qui est de l'acquisition de la citoyenneté estonienne pour les enfants vivant sur le territoire national, a-t-elle ajouté.


Complément d'examen

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Estonie, MME NORA SVEAASS, a relevé que diverses dispositions du droit estonien s'efforcent de couvrir la définition de la torture, mais d'une manière qui ne présente pas la torture comme étant un crime très grave. Or, étant donné la gravité de ce délit, il serait judicieux qu'une définition de la torture en tant que délit spécifique figure dans la législation de tout État. En outre, les souffrances mentales devraient être incluses dans la définition de la torture couverte par la législation nationale, a ajouté Mme Sveaass.

La rapporteuse a par ailleurs rappelé l'importance que revêtent les questions des conditions de vie dans les hôpitaux psychiatriques et des délais d'hospitalisation non volontaire dans ces établissements.

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport estonien, s'est réjoui d'apprendre que le nombre des apatrides en Estonie diminue suite à l'importance accordée par le pays à cette question. Il a toutefois souhaité savoir si un apatride se trouvant temporairement à l'étranger et s'y retrouvant impliqué dans un accident de la route, par exemple, était couvert par la juridiction estonienne et si les autorités consulaires estoniennes le protégeaient dans ce contexte.

Un autre membre du Comité a souhaité savoir s'il est arrivé que des tribunaux estoniens aient recours à la Convention contre la torture à des fins d'interprétation dans des affaires pénales voire dans des affaires d'indemnisation.

Selon la loi consulaire, a fait savoir la délégation de l'Estonie, l'assistance consulaire est fournie à des non-Estoniens résidant en Estonie et possédant un permis de séjour.

La décision d'expulser une personne du territoire estonien peut faire l'objet d'un appel devant une instance indépendante et impartiale, a par ailleurs fait valoir la délégation.

La durée maximale de la détention préventive est de six mois, a d'autre part rappelé la délégation; au-delà de ce délai, la détention préventive peut être prolongée par un juge qui doit néanmoins réexaminer chaque mois la décision de maintien en détention. Néanmoins, la détention préventive ne peut être prolongée indéfiniment puisque intervient alors la notion de «période raisonnable» telle que défendue par la Cour européenne des droits de l'homme, a souligné la délégation.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT07033F