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COMITÉ CONTRE LA TORTURE: RÉPONSES DE LA DÉLÉGATION DU BÉNIN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entendu, cet après-midi, les réponses fournies par la délégation du Bénin aux questions que lui avaient adressées hier matin les experts s'agissant des mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Dirigée par M. Gustave Anani Cassa, Garde des sceaux, Ministre béninois de la justice, de la législation et des droits de l'homme, la délégation a annoncé qu'elle s'engageait à intégrer la définition de la torture dans la législation interne du pays. Elle a par ailleurs fait savoir que des dispositions sont en cours pour amender et actualiser le projet de code pénal et de procédure pénale, visant entre autres à ce que la légitime défense et l'ordre légal ne justifient plus les actes attentatoires à la liberté individuelle. Elle a assuré que le pays s'efforcerait, dans le cadre de cette révision, de tenir compte des recommandations que présentera le Comité à l'issue du rapport béninois.

Interrogée sur les mesures envisagées par le Bénin pour respecter les dispositions de la Convention qui imposent aux autorités de déclencher les poursuites sans attendre la plainte de la victime, la délégation a indiqué que le Bénin s'engage à corriger cette insuffisance dès que possible et s'est engagée à rendre la législation interne en vigueur conforme à ces dispositions de la Convention.

La délégation a par ailleurs fourni des informations complémentaires s'agissant, entre autres, de la définition de la torture; de l'extradition; de l'inadmissibilité d'aveux obtenus sous la torture; de la présomption d'innocence; du phénomène de la vindicte populaire; de violations des droits de l'enfant; des mutilations génitales féminines; ou encore de la question de l'abolition de la peine de mort. S'agissant de cette dernière question, la délégation a notamment souligné qu'au troisième Congrès mondial sur l'abolition de la peine de mort, tenu en janvier 2007 à Paris, le Ministre de la justice du Bénin s'est engagé à rendre la législation interne béninoise conforme aux dispositions des instruments internationaux auxquels le pays est partie.


Le Comité adoptera en séance privée ses observations finales sur le rapport béninois avant de les rendre publiques le vendredi 23 novembre prochain, jour de clôture de la présente session, en même temps que ses observations finales concernant les autres rapports examinés au cours de cette session



Réponses de la délégation du Bénin

Dirigée par M. Gustave Anani Cassa, Garde des sceaux, Ministre de la justice, de la législation et des droits de l'homme, la délégation béninoise a notamment déclaré qu'elle prenait bonne note des préoccupations exprimées par le Comité s'agissant de la question de la définition de la torture. Aussi, la délégation a-t-elle indiqué qu'elle s'engageait à intégrer la définition de la torture et des incriminations subséquentes dans la législation interne béninoise. Par ailleurs, a rappelé la délégation, il convient de signaler que des dispositions sont en cours pour amender et actualiser le projet de Code pénal et de procédure pénale.

Lorsqu'une décision de la Cour constitutionnelle déclare non conforme à la Constitution des actes ou constate des cas de torture et de traitements cruels, inhumains ou dégradants, la victime saisit les juridictions compétentes et obtient réparation, a indiqué la délégation. Le Ministère public (Parquet) peut mettre également en mouvement l'action publique dès qu'il a connaissance de la décision de la Cour constitutionnelle, a-t-elle ajouté. Lorsque l'auteur de l'acte incriminé est un officier de police judiciaire, et indépendamment des sanctions pénales, des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu'au retrait de l'habilitation d'exercer en tant qu'officier de police judiciaire sont prononcées.

Aux termes des dispositions du projet de Code pénal actuellement à l'examen, la légitime défense et l'ordre légal ne justifient plus les actes attentatoires à la liberté individuelle, a par ailleurs fait valoir la délégation. Les actes attentatoires à la liberté sont punis de la dégradation civique, qui consiste à déclarer l'auteur déchu de ses droits civiques et politiques, a-t-elle poursuivi. La dégradation civique doit être une peine accessoire à une condamnation principale, a précisé la délégation. Elle a reconnu que le fait de n'avoir pas prévu une peine principale constitue une lacune de la législation interne et s'est engagée à y remédier.

Interrogée sur les mesures envisagées par le Bénin pour respecter les dispositions de l'article 12 de la Convention qui imposent aux autorités de déclencher les poursuites sans attendre la plainte de la victime, la délégation a indiqué que le Bénin s'engage à corriger cette insuffisance dès que possible; elle s'est engagée à rendre la législation interne en vigueur conforme à ces dispositions.

La délégation a par ailleurs rappelé que le Bénin est partie à la Convention d'extradition de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO), qui prévoit en son article 3 que «l'extradition ne sera pas accordée si l'individu dont l'extradition est demandée a été ou serait soumis dans l'État requérant à des tortures et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Il en sera de même lorsque l'individu n'a pas bénéficié ou est susceptible de ne pas bénéficier, au cours des procédures pénales, des garanties minimales prévues à l'article 7 de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples».

L'extradition est ordonnée par la chambre d'accusation de la Cour d'appel et n'est pas susceptible de recours, a d'autre part fait savoir la délégation. Lorsque la chambre d'accusation rend sa décision, le Gouvernement décide par décret de l'extradition, a-t-elle ajouté, avant de reconnaître que les règles de compétence prescrites aux articles 553, 554 et 555 du Code de procédure pénale sont en contradiction avec les articles 5 et 7 de la Convention. En effet, le Bénin devrait établir sa compétence pour connaître également des infractions commises à bord d'aéronefs ou de navires immatriculés au Bénin, ou des infractions commises au préjudice d'une victime de nationalité béninoise. En outre, la plainte de la victime ne devrait pas être une condition de mise en mouvement de l'action publique par le Procureur de la République. Enfin, la possibilité de saisine directe doit être ouverte au Procureur dès qu'il a connaissance d'une infraction et le Ministère public ne devrait pas avoir le monopole de la mise en mouvement de l'action publique. Les amendements au projet de Code de procédure pénale pourraient permettre de combler ces insuffisances, a déclaré la délégation.

En ce qui concerne la question de l'extorsion d'aveux, la délégation a souligné que s'il est établi qu'un aveu a été obtenu sous la torture, le juge écarte des débats le procès-verbal concerné et peut faire diligenter une enquête en vue de rétablir la réalité pour une poursuite éventuelle de l'auteur présumé des actes de torture avérés.

S'agissant de la question de savoir si le Code pénal dans sa version actuelle contient une disposition relative à la présomption d'innocence, la délégation a déclaré que, dans la pratique, les personnes mises en cause bénéficient des garanties liées au droit de la défense. Toutefois, a-t-elle ajouté, la présomption d'innocence consacrée par l'article 17 de la Constitution n'est pas spécifiquement prévue dans les projets de Code en cours. Cette lacune pourrait être comblée, a fait savoir la délégation.

Interrogée sur la possibilité de passer outre une décision judiciaire pour remettre des nationaux à un autre pays, la délégation a rappelé qu'en 2004, des détenus béninois avaient été remis par les autorités béninoises aux autorités nigérianes pour témoigner, semble-t-il, dans une procédure enclenchée au Nigéria contre un présumé auteur de vols de véhicules nommé Tidjani Hamani, au mépris des règles de procédure en la matière. Pour protester contre cette ingérence de l'exécutif dans le judiciaire, les magistrats ont observé un mouvement de grève, a indiqué la délégation. Cette pression des magistrats a permis le retour des intéressés au Bénin.

La délégation a admis qu'en dépit des mesures prises par l'État pour la combattre, notamment dans le domaine de la sensibilisation, la vindicte populaire demeure un phénomène récurrent. Une réflexion approfondie pourrait donc être menée au niveau de tous les acteurs impliqués en vue d'autres mesures complémentaires susceptibles de l'éradiquer, a indiqué la délégation.

En ce qui concerne les violations des droits de l'enfant, la délégation a indiqué qu'elle prenait bonne note de la suggestion du Comité tendant à la création d'un observatoire des droits de l'enfant et que la réflexion serait approfondie en ce sens.

La question de l'abolition de la peine de mort constitue un sujet de préoccupation pour le Gouvernement béninois, a par ailleurs déclaré la délégation. Elle a précisé que le débat sur la question a fait l'objet d'une session du Conseil national consultatif des droits de l'homme, qui a recommandé la mise en place d'un comité pluridisciplinaire chargé d'approfondir la réflexion et de proposer un texte sur l'abolition de la peine de mort. Au troisième Congrès mondial sur l'abolition de la peine de mort, tenu en janvier 2007 à Paris, le Ministre de la justice du Bénin s'est engagé à rendre la législation interne béninoise conforme aux dispositions des instruments internationaux auxquels le pays est partie, a souligné la délégation.

Interrogée sur les facilités d'accès aux prisons par les organisations non gouvernementales, la délégation a affirmé qu'il est établi que les ONG s'intéressant aux droits de l'homme ont accès aux lieux de détention. À ce titre, il leur est accordé des autorisations permanentes de visite, a précisé la délégation.

Les juridictions béninoises connaissent des cas de viols et répriment sévèrement les auteurs de ces infractions, a par ailleurs assuré la délégation.

Interrogée sur les mesures d'assistance envisagées par l'État en faveur des victimes de mutilations génitales féminines, la délégation a souligné qu'actuellement, après la phase de sensibilisation, l'État privilégie la répression en vue d'éradiquer le phénomène. L'appui psychologique et la chirurgie réparatrice n'interviendront que plus tard, a ajouté la délégation.

Le Bénin ne compte pas d'enfants soldats, a par ailleurs assuré la délégation. L'âge légal pour effectuer le service militaire est de 18 ans, a-t-elle rappelé.

La délégation a d'autre part fait savoir que le Bénin est en train de négocier, en ce moment, un accord de coopération avec la Suisse et avec la France concernant la réadmission des personnes en situation irrégulière, afin de définir le cadre légal de leur rapatriement éventuel et pour éviter les abus. Le Bénin procède à la négociation de tels accords afin, non seulement de maîtriser les migrations illégales, mais aussi de protéger ses ressortissants, notamment en s'assurant que leur rapatriement en cas de migration illégale se fasse dans un cadre digne, a précisé la délégation.

Complément d'examen

M. GUIBRIL CAMARA, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, a fait part de sa préoccupation face à la possibilité offerte au Procureur de la République de dessaisir un juge d'un dossier gênant pour le pouvoir politique. Il peut ici y avoir empiétement du pouvoir politique sur l'indépendance du juge d'instruction, s'est inquiété M. Camara.

En ce qui concerne l'extradition, M. Camara a relevé que le Bénin confirme avoir des accords d'extradition avec plusieurs États de la région. Mais qu'en est-il lorsqu'une demande d'extradition provient d'un pays avec lequel il n'y a pas d'accord de siège ? Existe-t-il au Bénin une loi sur l'extradition, a demandé M. Camara; il semble qu'il existe une vieille loi en la matière datant de 1927, a-t-il ajouté.

S'agissant de la question des aveux obtenus sous la torture, M. Camara a souhaité savoir sur quel fondement légal le juge peut écarter de tels aveux; en effet, le juge n'a d'autre pouvoir que découlant de la loi, a rappelé le rapporteur.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse pour l'examen du rapport béninois, a recommandé au Bénin, maintenant que le chantier est ouvert, de préciser les contours de la définition de la torture et de la rendre aussi large que possible en tenant compte des violences à l'égard des femmes, viols et autres mauvais traitements par catégories de personnes. Les châtiments corporels devront aussi être pris en considération, a ajouté Mme Belmir.

Revenant sur les rapports entre le juge d'instruction et le Procureur de la République, Mme Belmir a souligné que l'on ne saurait assujettir les décisions du juge à celles du Procureur sans violer l'indépendance du pouvoir judiciaire.

Mme Belmir a par ailleurs déploré les mauvais traitements infligés par des agents de l'État à des enfants, qu'il s'agisse d'enfants de la rue, d'enfants victimes de la traite ou d'enfants détenus.


Un autre membre du Comité s'est réjoui que le Bénin semble tout à fait disposé à intégrer dans sa législation nationale la définition de la torture énoncée à l'article premier de la Convention.


La délégation du Bénin a précisé que l'adoption des projets de code pénal et de code de procédure pénale est inscrite à la session de l'Assemblée nationale qui vient de s'ouvrir; aussi, a-t-elle assuré qu'elle s'efforcerait d'actualiser ces projets en fonction des recommandations que présentera le Comité vendredi prochain.

La délégation a par ailleurs assuré que le Bénin s'efforcera de cerner la définition de la torture en fonction des observations des uns et des autres et afin de se conformer aux dispositions pertinentes de la Convention contre la torture.

La délégation a assuré que les relations entre les organisations non gouvernementales de droits de l'homme et les institutions publiques œuvrant dans ce domaine s'améliorent sans cesse; une synergie s'opère même progressivement entre ces deux catégories d'acteurs, a-t-elle ajouté.

Revenant sur la question de l'extradition, la délégation a reconnu que le Bénin ne dispose pour l'heure, dans ce domaine, que de l'ancienne loi coloniale mentionnée par M. Camara. Aussi, le Bénin prend-il bonne note de l'insuffisance relevée s'agissant de cette question et s'engage à y remédier, a-t-elle indiqué.

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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