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LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE L'OUZBÉKISTAN

Compte rendu de séance

Le Comité contre la torture a entamé, ce matin, l'examen du troisième rapport périodique de l'Ouzbékistan sur les mesures prises par ce pays pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Présentant le rapport de son pays, M. Esemurat Kanyazov, Vice-Ministre de la justice de l'Ouzbékistan, a notamment mis l'accent sur la réduction notable du nombre de placements en détention. Personne ne peut être soumis à une peine d'emprisonnement sans décision judiciaire, a par ailleurs assuré le Vice-Ministre. Il a en outre fait savoir que plusieurs des recommandations adressées à son pays par le Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, à l'issue de sa visite en Ouzbékistan en novembre 2002, ont été mises en œuvre.

La délégation ouzbèke était également composée du Vice-Ministre de l'intérieur, M. Alisher Sharafutdinov, ainsi que de représentants du Bureau du Procureur général, du Centre national pour les droits de l'homme et de la Mission permanente de l'Ouzbékistan auprès des Nations Unies à Genève.

La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, Mme Felice Gaer, a salué l'abolition de la peine de mort et l'entrée en vigueur de l'habeas corpus, mesures positives dont il convient de se réjouir pour autant qu'elles entrent en vigueur comme prévu en janvier 2008. Mme Gaer a fait état d'informations selon lesquelles des prisonniers travaillant comme assistants des gardiens de prison ont eu des comportements abusifs à l'égard d'autres détenus, avec le consentement ou tout au moins la passivité des gardiens. Elle s'est également inquiétée du nombre important d'allégations de pratiques de torture et de non-respect d'un certain nombre de garanties, notamment s'agissant du droit à un procès équitable. Le corapporteur, M. Alexander Kovalev, a jugé insuffisante la fréquence des inspections systématiques de tous les centres de détention, qui n'est effectuée que tous les cinq ans.

Le Comité entendra lundi, à 15 heures, des questions complémentaires que les experts souhaitent encore poser à la délégation ouzbèke ainsi que ses réponses à l'ensemble des questions qui lui auront été adressées.


Cet après-midi, à partir de 15 heures, le Comité doit terminer l'examen du rapport de la Lettonie, entamé hier après-midi. Lundi matin, à 10 heures, le Comité entamera l'examen du cinquième rapport périodique de la Norvège (CAT/C/81/Add.4).


Présentation du rapport de l'Ouzbékistan

Présentant le rapport de son pays, M. ESEMURAT KANYAZOV, Vice-Ministre de la justice de l'Ouzbékistan, a souligné que depuis l'examen du précédent rapport ouzbek, un certain nombre de mesures ont été prises afin d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays. Il a notamment mis l'accent sur la réduction notable du nombre de placements en détention et sur la moindre pénalisation des crimes considérés comme les moins graves. Dans plusieurs cas, a-t-il ajouté, des peines alternatives à l'emprisonnement ont été proposées.

M. Kanyazov a fait valoir que l'emprisonnement à perpétuité a remplacé la peine capitale pour les crimes les plus graves comme ceux en rapport avec le terrorisme. Personne ne peut être soumis à une peine d'emprisonnement sans décision judiciaire, a par ailleurs assuré le Vice-Ministre de la justice. Il a en outre fait savoir que plusieurs des recommandations avancées par le Rapporteur spécial sur la torture, M. Théo van Boven, à l'issue de sa visite en Ouzbékistan en novembre 2002, ont été mises en œuvre. En 2003, a par ailleurs rappelé M. Kanyazov, la Cour suprême de l'Ouzbékistan a formulé une définition de la torture.

Un autre membre de la délégation a souligné que le principe de l'inadmissibilité des preuves obtenues sous la torture a été renforcé par l'article 95 du Code de procédure pénale. La Cour suprême ouzbèke a elle-même stipulé que les tribunaux ne doivent pas prendre comme base des preuves obtenues sous la torture ou par le biais de toute autre méthode illégale. Ainsi, les preuves obtenues sous la torture sont-elles désormais considérées comme illégales, a insisté la délégation. Restent à prendre des mesures supplémentaires pour garantir l'objectivité des juges dans l'évaluation des procédures d'obtention des preuves.

Chaque détenu doit faire l'objet d'un examen médical obligatoire, a poursuivi la délégation ouzbèke. Tous les cinq ans, tous les établissements de privation de liberté du pays font l'objet d'une inspection, a-t-elle ajouté. Les conditions de détention dans la prison de Zhaslyk correspondent désormais aux normes internationales, a en outre assuré la délégation.

Un autre membre de la délégation a rappelé que l'objectif des réformes menées dans le pays depuis son indépendance a été d'instaurer un État démocratique. Depuis la visite du Rapporteur spécial sur la torture, M. Theo van Boven, en Ouzbékistan, le mouvement de réforme s'est trouvé dynamisé, a-t-il indiqué.

Indiquant que des informations semblent indiquer que les détenus continueraient de subir des violences qui seraient destinées à leur faire peur et à leur extorquer des aveux de culpabilité, la délégation ouzbèke a admis qu'il reste encore beaucoup à faire pour parvenir à une transparence suffisante, s'agissant notamment de la nécessité d'obtenir à des décisions judiciaires justes.

La liste des lois adoptées par le Parlement entre 2002 et 2007 témoigne d'une volonté d'action des deux chambres du Parlement afin de renforcer le régime juridique ouzbèke, a d'autre part souligné la délégation.

Le troisième rapport périodique de l'Ouzbékistan (CAT/C/UZB/3), rappelle que la libéralisation du système judiciaire a commencé en août 2001, lorsque le Président Karimov a soumis au Parlement (Oliy Majlis) pour examen un projet de loi portant modification du Code pénal, du Code de procédure pénale et du Code de la responsabilité administrative, dans l'optique de l'allègement des sanctions pénales. Les changements démocratiques survenus depuis lors ont eu pour corollaires de profondes modifications du système judiciaire: indépendance des tribunaux, désormais régis par de nouveaux types de procédures et de règles conformes aux mentalités et aux exigences actuelles. Beaucoup a été accompli, poursuit le rapport. Les modifications apportées à la loi de procédure pénale visent à réduire le temps passé en détention, c'est-à-dire le nombre et la durée des périodes durant lesquelles des citoyens sont en contact avec les services de répression. Une étape marquante a été franchie lorsque la loi a établi la durée maximale de l'enquête préliminaire; cette mesure importante garantit le droit d'être protégé contre tout retard abusif dans la procédure et les lourdeurs administratives. En août 2003, le Parlement a modifié Code pénal en vue de faire de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, à tous les stades de la procédure pénale, une infraction pénale punie par la loi. Le libellé de l'article 335 correspond le plus étroitement possible à l'article premier de la Convention contre la torture; il établit la responsabilité pénale de tout agent de la force publique ou toute autre personne qui exerce un type quelconque de pression sur la personne d'un suspect, un accusé, un témoin, une victime ou toute autre partie à une procédure pénale, un condamné ou un proche de l'une des personnes susmentionnées en vue d'obtenir des renseignements de quelque nature que ce soit ou des aveux, ou de lui infliger une peine irrégulière ou de contraindre quiconque à agir de quelque manière que ce soit. De tels actes sont punis d'emprisonnement quand ils sont commis par un agent chargé de l'enquête préliminaire ou de l'instruction préparatoire, un représentant du ministère public, un agent de la force publique ainsi qu'un membre du personnel pénitentiaire.

En 2004, les procureurs ont procédé à 1499 visites dans des établissements relevant du Département central de l'administration pénitentiaire et ont pris des mesures concernant 3 753 cas: ils ont formulé des recommandations dans 1009 cas, émis des critiques dans 138 cas et blâmé 678 responsables en appelant leur attention sur le fait qu'aucune violation de la loi ne sera tolérée. Ils ont ordonné une action disciplinaire contre 642 employés d'établissements pénitentiaires et une procédure administrative contre 95 autres; 33 employés ont également été reconnus responsables de dommages matériels. Les enquêtes menées par les procureurs n'ont fait apparaître aucun cas où des employés d'établissements pénitentiaires auraient usé de torture sur la personne de détenus ou de condamnés. Un mécanisme extrêmement important pour examiner les plaintes des particuliers est le bureau du Commissaire aux droits de l'homme (Médiateur parlementaire) qui, depuis 2005, est régi par la nouvelle rédaction de la loi sur le Commissaire aux droits de l'homme. Les dispositions de la loi révisée garantissent des enquêtes indépendantes dans les cas de torture ou d'autres actes répréhensibles commis par des personnes investies d'une autorité. L'article 10 habilite le Médiateur à examiner des plaintes dénonçant un acte ou une omission de la part d'un organe ou d'un agent de l'État qui porte atteinte aux droits, libertés et intérêts légitimes des citoyens et confère au Médiateur le droit de mener sa propre enquête.


Examen du rapport

MME FELICE GAER, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de l'Ouzbékistan, a rappelé que le précédent examen d'un rapport périodique de l'Ouzbékistan remontait à 2002, lorsque le Comité a examiné le deuxième rapport périodique du pays. Elle a souligné qu'à la présente session, le Comité s'intéressera de près au suivi des recommandations qu'il avait alors adoptées et aux événements qui se sont produits depuis lors.

S'agissant du rôle de l'ombudsman, ou médiateur parlementaire, qui semble avoir des fonctions éducatives et informatives, Mme Gaer a souhaité savoir si les recommandations de ce Commissaire aux droits de l'homme sont contraignantes.

Mme Gaer a souligné que l'abolition de la peine de mort et l'entrée en vigueur de l'habeas corpus - mesures positives dont il convient de se réjouir, pour autant qu'elles entrent en vigueur comme prévu en janvier 2008 – devraient être intégrées dans le document de base de l'Ouzbékistan.

En ce qui concerne la définition de la torture, Mme Gaer a relevé que selon les informations fournies par l'Ouzbékistan, seuls les représentants du Gouvernement peuvent être inculpés au titre des crimes énoncés à l'article 235 du Code pénal, tout autre individu devant être inculpé en vertu d'autres articles de la loi. À cet égard, Mme Gaer a fait état d'informations selon lesquelles dans les prisons, les prisonniers qui travaillent comme assistants des gardiens de prison ont eu des comportements abusifs à l'égard d'autres détenus, avec le consentement ou tout au moins la passivité des gardiens.

Pourquoi une si faible proportion des plaintes déposées débouche-t-elle sur des procédures en justice, a souhaité savoir Mme Gaer? Elle s'est en outre enquise de la nature des sanctions disciplinaires prises à l'encontre de certains agents de l'État.

Mme Gaer s'est inquiétée du nombre important d'allégations de pratiques de torture et de non-respect d'un certain nombre de garanties énoncées dans la Convention, s'agissant notamment de l'équité de la procédure, qui ont été reçues s'agissant de l'Ouzbékistan.

Selon les informations fournies par certaines organisations non gouvernementales, les personnes suspectées de se livrer à des activités extrémistes islamistes seraient traitées plus durement que les autres dans les centres de détention, s'est par ailleurs inquiétée Mme Gaer.

La rapporteuse a indiqué n'avoir eu connaissance d'aucune information attestant que les autorités lutteraient contre l'impunité s'agissant des actes de torture. L'information passe-t-elle dans le pays s'agissant du caractère illégal et inacceptable de la torture, a-t-elle demandé?

Évoquant le sort de cinq ouzbeks refoulés en août 2006 du Kirghizistan, Mme Gaer a souligné que selon les informations dont elle dispose, quatre d'entre eux avaient pourtant obtenu le statut de réfugié.

Mme Gaer a souhaité savoir si les autorités ouzbèkes considèrent que l'administration forcée de médicaments constitue une forme de torture.

Mme Gaer a par ailleurs relevé que des défenseurs des droits de l'homme ont été libérés au début de cet été avec suspension mais non pas abandon des poursuites à leur encontre. Elle a ensuite évoqué la situation des défenseurs des droits de l'homme arrêtés depuis les événements de mai 2005.

L'Ouzbékistan accepterait-il une visite du nouveau Rapporteur spécial sur la torture voire du Comité, d'une façon ou d'une autre, dans la prison de Zhaslyk, a demandé Mme Gaer?

M. ALEXANDER KOVALEV, corapporteur pour l'examen du rapport ouzbek, a pris acte des progrès accomplis en Ouzbékistan dans la formation des agents publics aux questions de droits de l'homme. Qu'en est-il néanmoins de la formation pour ce qui est du traitement humain des prisonniers, a-t-il voulu savoir? Qu'en est-il de l'amélioration des soins médicaux et de l'alimentation dans les établissements carcéraux?

À l'instar de Mme Gaer, M. Kovalev a jugé trop long le délai de cinq ans entre les inspections systématiques de tous les centres de détention. En outre, comme ces visites sont annoncées à l'avance, cela permet aux autorités pénitentiaires d'effacer toute trace éventuelle de mauvais traitements, a-t-il fait observer. Aussi, M. Kovalev a-t-il souhaité savoir s'il existe un organe qui serait mandaté pour procéder à des visites in situ impromptues des lieux de détention. Qui enquête sur les actes de torture, a par ailleurs demandé M. Kovalev?


Un autre membre du Comité a relevé qu'il n'y a pas en Ouzbékistan de législation spécifique concernant les réfugiés et que la question du non-refoulement n'a pas été réglée, de sorte que c'est le procureur général qui décide à quel moment extrader une personne vers un pays tiers, en demandant, le cas échéant, des garanties.

Quel est le statut des étrangers en situation irrégulière en Ouzbékistan, a par ailleurs demandé cet expert? Sont-ils protégés ou renvoyés immédiatement? Il s'est également inquiété des limitations que semble connaître le droit à la libre circulation de la population.

Un membre du Comité a fait état d'informations selon lesquelles la Norvège aurait récemment renvoyé 21 Ouzbeks vers Tachkent. Qu'est-il advenu de ces personnes, a-t-il demandé?

Un expert s'est inquiété d'informations faisant état de pratiques de stérilisation forcée des femmes en Ouzbékistan. Que font les autorités pour tenter de prévenir la traite de personnes, a-t-il par ailleurs demandé?

Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

CAT07026F